CATECHESE BIBLIQUE SYMBOLIQUE Novembre 2001 LE MAL ET LE BAPTÊME Sommaire I. INTRODUCTION 7 A. Pourquoi il est si difficile d’aimer Dieu 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. « LE MAL » est à la fois une expérience et une question. « LE MAL » : mort ou péché ? Qu’est-ce qui relie la mort et le péché ? Le péché d’Adam et Éve Le péché originel La réduction du Christ à Jésus Le Mal est dans nos têtes Reprise B. Quelques questions entendues ? 1. 2. 3. 4. 7 7 7 7 8 9 10 10 11 12 Sur la relation entre Dieu et le Mal Sur la tentation Sur le diable ? Sur la liberté C. Répondre aux questions 12 12 12 12 12 1. « Comment un Dieu d’amour peut-il permettre la souffrance, la maladie et la guerre ? » 13 2. « Dieu a-t-il créé le Mal ? 13 3. « Quel est ce Dieu qui endurcit le coeur du Pharaon ? » 13 4. « Non, le diable n’existe pas ! » « Si, bien sûr, il existe ! » 15 5. « Le Fils de Dieu a-t-il pu être tenté par le diable ? » 15 6. Que penser du ne nous soumets pas à la tentation du Notre Père ? 16 7. Le diable est-il bien nécessaire à la foi ? 16 8. La liberté n’est-elle pas le cadeau empoisonné qu’un Dieu pervers agite pour nous punir ? 17 a) b) c) d) e) f) g) h) Un dualisme vécu en extériorité La Loi est extérieure, elle multiplie les fautes. Les deux voies de la Bible Faute ou péché ? L’erreur du moralisme Une tête sans corps est un homme sans Dieu. Pas de corps, pas d’amour ! L’individualisme D. PRESENTATION DU DOSSIER DES PERES 17 17 18 18 18 18 19 19 19 L’intériorité Ce Mal étrange qui nous habite Le Salut Baptême Le Baptême de Jésus La Pêche miraculeuse 20 20 20 20 21 21 II. DOSSIER : LE PRIMAT DE L’INTÉRIORITÉ 22 1. 2. 3. 4. 5. 6. A. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 8 juin 2017 22 748918657 1 sur 106 1. Le ciel intérieur. 22 B. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 22 1. Le Maître intérieur qui illumine. 22 C. PSEUDO-MACAIRE (V°S) 23 1. L’âme imagine III. 23 DOSSIER : CE MAL ÉTRANGE QUI NOUS HABITE A. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 24 24 1. Ces images qui nous attirent, 24 B. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 24 1. Le mal est intérieur. 24 C. ORIGENE (III°s) 1. 2. 3. 4. 5. 25 La faim et la soif ne sont pas des péchés La pulsion sexuelle n’est pas un péché Garder la mesure L’intempérance, semence de mal Le diable exploite l’intempérance D. SAINT BASILE DE CÉSARÉE (IV°s) 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Le diable, un ange qui « roule » pour lui. Le diable n’est pas le Dieu du mal. La nature du diable est la jalousie Conscience salutaire Le serpent, ce sont nos mauvaises habitudes Le mirage de l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal Cette nourriture conduit au vide E. SAINT AELRED DE RIEVAULX (XII° s) 1. 2. 3. 4. 5. La première impureté : naturelle Impureté due à la faiblesse Une vie pour remonter là-haut Vers un cœur pur : l'ascèse des quarante jours Quarante jours F. ***SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE (IV°s) 1. 2. 3. 4. 5. « Pourquoi Dieu laisse-t-il vivre les méchants ? » Le mal ne vient pas de Dieu Pourquoi les uns et pas les autres ? L’endurcissement du Pharaon Le bonheur des méchants ? G. SAINT CÉSAIRE D’ARLES (VI°s) H. **SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 26 26 27 27 27 27 28 28 28 29 29 29 29 30 30 30 30 31 31 32 32 33 33 1. Ce mal moral : une force qui nous dépasse, 2. Nos deux manques actuels 3. La conséquence logique du péché d’Adam IV.DOSSIER : LE SALUT 33 34 34 36 A. ORIGENE (III°s). 8 juin 2017 26 32 1. Le diable vient de Dieu 2. Le diable, une épreuve pour être libre 3. Croire ! 1. 2. 3. 4. 25 25 25 25 26 36 De l’utilité de la malice humaine Le témoignage de l’Écriture Témoignage du Nouveau Testament Sans diable, pas de liberté humaine 748918657 36 36 36 37 2 sur 106 B. SAINT AUGUSTIN (V°s) : Contre Pélage ! 1. On peut résister au Mal. 2. L’erreur fatale est de penser l’homme sans Dieu C. SAINT AUGUSTIN (V° s) D. SAINT AELRED DE RIEVAULX (XII° s) 1. Dieu, force de Salut 2. Le paradoxe du Mystère pascal : la mort offerte apporte la vie E. PSEUDO-MACAIRE (II°s) 39 39 39 40 40 1. Le péché rend aveugle 2. Je dis Dieu, et il existe pour moi. 40 41 F. SAINT AUGUSTIN (V°S) 41 1. Regarder Dieu et non soi-même 41 G. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 42 1. Le Christ, nourriture intérieure, 42 V. BAPTEME 43 A. ROMANOS LE MÉLODE (V°s). 43 Le Seigneur veut notre conversion Seul le Juste peut sauver Le peuple endurci ne comprend pas L’arche fut un tombeau B. SAINT JUSTIN (II°s) 43 43 43 44 44 1. Noé, figure du Christ 44 C. ORIGENE (III°s) 45 1. Du juste Noé au juste Jésus 2. L’arche et ses différents logements 3. Noé « le repos » D. SAINT AUGUSTIN (V°s) 1. 2. 3. 4. 37 38 39 1. Nécessité de s’adresser à Dieu pour vaincre le péché. 1. 2. 3. 4. 37 45 45 46 46 Noé-Jésus ; l’arche-l’Église Une croix allongée sur le sol La porte ouverte Les trois étages 46 47 47 47 E. SAINT CYRILLE DE JÉRUSALEM (IV°s) 1. Déluge, figure du Baptême 48 48 F. SAINT HILAIRE DE POITIERS (IV°S) 1. Le Christ, notre « repos » 2. La colombe de l'arche 48 48 49 G. SAINT AMBROISE DE MILAN (IV°s) 49 Un « témoignage » de l’Écriture La colombe remplace le corbeau Le sacrement du Salut Le corbeau qui se nourrit des épaves 49 49 50 50 H. SAINT JEAN CHRYSOSTOME (IV°s) 50 1. 2. 3. 4. 1. 2. 3. 4. « Je ne maudirai plus », dit Dieu. Pourquoi se multiplier dans les épines de la vie ? Que chacun puisse choisir Dieu La patience de Dieu en vue du don de l’amour I. SAINT MAXIME DE TURIN (V°s) 51 1. Le Déluge, figure du Carême 8 juin 2017 50 50 51 51 51 748918657 3 sur 106 2. Le Déluge, figure du Baptême 3. L’arche, c’est l’Église 51 52 J. SAINT EPHREM (V°s) 52 1. L’arc en ciel brille sur les eaux 52 K. TERTULLIEN (II°s). 1. 2. 3. 4. 54 L’imposition des mains L’Esprit plane sur les eaux La colombe De l’eau au feu 54 54 54 54 VI.DOSSIER : LE BAPTÊME DE JÉSUS A. Chromace d’AQUILÉE (V°S) 1. 2. 3. 4. 55 Le mystère de la Trinité Le Baptême purifie Le « ciel » s’ouvre Josué figure le « Passeur » de la Terre Promise B. MAXIME DE TURIN (V°s) 56 57 C. MAXIME DE TURIN (V°s) 57 1. Jean Baptiste est une voix en nous D. SAINT AMBROISE DE MILAN (IV°s) 1. La Parole vient vers Jean 2. Le vêtement de Jean Baptiste 3. Sauterelles et miel sauvage L’Esprit Saint a-t-il pris un corps ? Était-ce une « vraie » colombe ? Colombe et feu Une évocation de la prière L’efficacité de l’Esprit Les yeux de la colombe La colombe de Noé DOSSIER : LA PÊCHE MIRACULEUSE A. Maxime de Turin (V°s) 57 59 59 59 60 60 61 61 61 62 62 1. La pêche des apôtres 2. L’eau profonde 3. Le filet de la foi 62 62 62 B. ORIGÉNE (III°s) 63 1. Tout homme est un poisson sans liberté 2. La création au fond des eaux C. TERTULLIEN (II°s) VIII. 57 57 58 58 E. *** SAINT THOMAS D’AQUIN (XIII°s) VII. 55 55 55 56 56 1. La Trinité est présente 2. Le Seigneur est une colombe 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 55 63 63 64 1. Nous, les petits poissons 64 PARTIE PÉDAGOGIQUE 65 A. La catéchèse des 4- 8 ans 65 B. CATECHESE A MINIMA POUR LE CYCLE III 66 C. Les séquences de ce dossier 66 8 juin 2017 748918657 4 sur 106 IX.LA SÉQUENCE DES 4 -7 ANS TRAVERSER L’EAU A. ÉLÉMENTS THÉOLOGIQUES et patristiques 67 67 1. SAINT GREGOIRE DE NYSSE (IV°S) Au sortir de l'eau baptismale, laissons derrière nous tous le bataillon des vices 67 a) b) c) d) La traversée de l’eau Noyer nos mauvais diables Tous plongés dans la même eau, pour noyer le mauvais levain Le Baptême n’est pas une simple formule, mais un choix de vie 2. SAINT AUGUSTIN (V°S) Comment apaiser les tempêtes du cœur ? a) b) c) d) e) f) Réveiller le Christ en nous La barque de Pierre est l’Église Tu sèmes le vent, tu récoltes la tempête Fais mémoire de Lui Le vent de la tentation Être pacifié 67 67 68 68 68 68 69 69 69 69 69 B. ÉLÉMENTS PÉDAGOGIQUES 70 1. La traversée de la Mer 70 a) b) c) d) e) Information Un récit possible de la traversée de la Mer. Création et apprentissage de l’histoire Temps de parole et rapprochements multiples Célébration et chant : 2. La tempête apaisée a) b) c) d) 70 70 71 71 71 72 Information : p. 48-49 Création pour mémoriser Temps de parole et rapprochements Célébration et chant 72 72 72 72 X. FICHE DES CE 2 TRAVERSER L’EAU 73 A. PÉDAGOGIE 1. 2. 3. 4. 5. 73 Première séance Seconde séance Troisième séance Quatrième séance Prière 76 74 74 75 75 XI.FICHE DES COURS MOYENS LE JEU DU BAPTÊME Nouvelle séquence n°13 77 A. INTRODUCTION 77 1. Objectifs 2. Une difficulté 77 77 B. déroulement 77 1. Première séance : information (en grand groupe) 2. Deuxième séance : mémoire et création (en équipe) 3. Troisième et quatrième séances : jeu d’équipe a) b) c) d) e) Construction du jeu. Disposition initiale du jeu Déroulement du jeu Propositions pour l 'animation de la parole pendant le jeu Rédaction des questions « rouges » 4. Cinquième séance : débat à trois ou quatre équipes 5. Célébration a) Préparation b) Déroulement 77 78 78 78 78 79 79 80 81 81 81 81 C. ANNEXE 1 La Pêche miraculeuse (d'après Lc 5) 81 D. ANNEXE 2 82 8 juin 2017 748918657 5 sur 106 XII. FICHE DOUBLE POUR LES SIXIEMES 84 A. première partie : LE SCANDALE DU MAL 84 1. OBJECTIFS DE LA SÉQUENCE 84 a) Les enfants au départ. 84 2. DÉROULEMENT DU TRAVAIL a) b) c) d) e) Première séance Deuxième séance. Troisième séance. Quatrième séance. Cinquième séance. 86 86 87 87 88 B. SECONDE PARTIE : LA CATÉCHÈSE DU SALUT 1. 2. 3. 4. 5. XIII. 86 Première séance. Deuxième séance. Troisième séance. Quatrième séance. ANNEXE : une lecture possible d’Adam et Eve POUR LES ADOS : TENTÉ AUSSI ! A. MEDITATION CATÉCHÉTIQUE 88 88 89 89 89 90 91 91 1. Dates liturgiques 2. Méditation 91 91 B. PREMIEREMENT SE POSER DES QUESTIONS SUR LE TEXTE 91 C. ENSUITE FAIRE DES RAPPROCHEMENTS BIBLIQUES 92 D. VERS LA CONFESSION DE FOI 94 1. Catéchèse du Baptême 2. Catéchèse des trois tentations 3. Remarque sur l’eau du Baptême 94 95 96 E. PEDAGOGIE 97 1. Une histoire à connaître : première séance 97 97 2. Une histoire bizarre : deuxième séance 3. Le jeu du désert : troisième séance 98 98 a) b) c) d) e) Objectifs du jeu Préparation du jeu : Règle du jeu Quelques conseils pour l’animation de la parole : Quelques conseils pour l’animation du jeu 4. La célébration 5. LES CARTES a) b) c) d) e) f) g) 8 juin 2017 97 a) L’icône du baptême de Jésus. b) Les tentations au désert. 98 99 99 100 100 101 101 Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la première tentation Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la deuxième tentation Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la troisième tentation Liste des cartes « vie du monde » qui se rapportent à l’une ou l’autre des tentations Liste des cartes « vie quotidienne » qui se rapportent à l’une ou l’autre des tentations Histoire d’une mystique célèbre L’icône du Baptême de Jésus, ou de l’Épiphanie 748918657 101 102 102 103 103 104 105 6 sur 106 I. A. INTRODUCTION Pourquoi il est si difficile d’aimer Dieu Dieu est bon, il est le bien, il est l’amour, mais le Mal est partout. Alors ? 1. « LE MAL » est à la fois une expérience et une question. Le Mal est une expérience parce qu’il atteint nos corps et nous le subissons tous plus ou moins. Nous sommes en effet tous « plongés » dans ce monde marqué par la mort et par le péché : ce monde est notre monde à tous, pour le meilleur et pour le pire. « Le Mal » est aussi une question si nous croyons en l’amour de Dieu, car si la vie humaine était seulement « naturelle » ou animale, la question ne se poserait pas. Quand la loi de la jungle est référée à la jungle, tout est normal, mais quand nous confessons un Dieu d’amour, alors l’illogisme fondamental apparaît : comment Dieu - la bonté même - peut-il avoir créé le mal ? A cause de cette absurdité, l’enfant de onze ans peut bouder la foi en objectant la guerre et le tremblement de terre. Combien de personnes atteintes par « le mal » abandonnent l’Église : « ce Dieu qui m’a fait si mal ne peut pas exister. » 2. « LE MAL » : mort ou péché ? Le Mal le plus évident est la mort. Entendre par « la mort », non seulement la fin de nos vies, mais la limite du corps, sa fatigue, la souffrance et la maladie, le vieillissement, l’enfant handicapé... ce qu’on appelle « la finitude » et qui relève de la biologie et de la physique. Nous sommes mortels : voilà le mal le plus apparent, le plus intolérable, le mal normal qui bouscule notre affectivité. A cette limite, il faut ajouter les contraintes du cosmos, les catastrophes naturelles : inondations, intempéries, tremblements de terre... Tout cela, c’est la mort. L’autre Mal est le péché qui se manifeste dans les relations humaines par l’égoïsme et la pollution, la jalousie et la haine, le mensonge et le vol, l’injustice et la violence, le meurtre et la guerre. Ce second Mal est lié à l’homme, il relève de nos décisions collectives et parfois de notre liberté individuelle. 3. Qu’est-ce qui relie la mort et le péché ? Ce qui touche à la mort et à la finitude n’est pas le péché, les deux ordres sont heureusement disjoints. 1 Jésus est mort en d’atroces souffrances, et il n’était pas pécheur. Faire dépendre directement la souffrance du péché serait une horreur inacceptable. Dieu serait utilisé comme lien entre la mort et le péché, et il serait alors le « Dieu vengeur », un Dieu cynique qui punirait pour affirmer sa puissance. En revanche, la peur de la mort - l’atteinte à l’intégrité du corps - fait surgir le péché. On s’en protége sur le dos des autres. Le péché naît toujours d’un mauvais rapport à nos limites intimes, et se développe à travers une mauvaise gestion de la mort commune. D’emblée le serpent souffle sur la mort : Pas du tout, répond-il à la femme, vous ne mourrez pas ! Dieu sait que... (Gn 3,4). En clair, 8 juin 2017 748918657 7 sur 106 Dieu est bon, et vous n’avez aucune peur à avoir, il se charge de vous. Voici l’être humain, au nom de l’amour de Dieu, dépossédé de sa mort, de son corps et de sa vérité d’existence. Tout est renvoyé à Dieu, même ce qui nous constitue homme dans notre rapport aux autres, le corps. La négation du corps mortel introduit une fracture dans la relation de l’homme à Dieu, où s’engouffre le péché. L’Alliance est alors en danger, et l’Incarnation de Dieu n’a plus aucun sens. 4. Le péché d’Adam et Éve Quand le récit biblique de la « Chute » (Gn 3) est relu avec des lunettes qui ne sont pas bibliques, approche ignorée de la tradition orale judéo-chrétienne, la Bible est alors saisie de travers. Le jansénisme français comprend mal saint Augustin2. L’enfant que j’étais, héritier du jansénisme, croyait que « nos premiers parents » avaient fait une grosse bêtise en mangeant le fruit de l’Arbre interdit3. Dieu les avait alors punis et, avec eux, leurs milliards d’enfants à des milliers d’années de distance. En entendant cela, j’éprouvais une très grande injustice. Voilà comment une exégèse moralisante, nullement biblique, falsifia la Bible et la Révélation du Dieu d’amour. Non, Adam ne fut pas un individu qui se promenait tout nu sous un pommier, Adam est l’humanité mâle et femelle (Gn 1,27), le genre humain tout entier d’hier, d’aujourd’hui et de demain : nous sommes autant Adam que les hommes préhistoriques. Non, Éve n’est pas la femme gourmande qui a provoqué la catastrophe universelle, mais bien ce que Dieu tire de l’humanité, et façonne chaque jour (Gn 2,22). Cette « femme » est reconnue par le monde entier comme l’os de nos os et la chair de notre chair (Gn 2,23); n’est-elle pas la charpente spirituelle de notre monde4, l’âme du corps ? On l’appelle aussi l’Église. Si nos premiers parents sont bien réels, c’est qu’ils sont toujours actuels mais « intérieurs », ils constituent notre être profond. L’intériorité est une réalité peut-être plus réelle que la matérialité. Du coup, le récit biblique se comprend autrement, non plus en extériorité mais selon l’intelligence de la foi. Le serpent aussi se comprend ainsi. Le drame de la Genèse existe bien : Adam et sa « femme » sont effectivement sortis du jardin ! Prenons conscience du rapport difficile que nous entretenons à nous-mêmes. Regardons nous, méditons sur le jansénisme qui nous fut naturellement transmis par nos parents ! Le jansénisme, en faisant dépendre la mort de la faute, a falsifié l’amour de Dieu. Pire encore, il a rejeté la faute sur de lointains ancêtres, sur des gens qui ne nous font ni chaud ni froid. Dieu et ces affreux coupables ne nous concernent pas, ils nous sont totalement extérieurs. Voilà comment une exégèse faussement biblique, faite en totale extériorité, a fracturé l’Alliance, et muselé la Parole. L’encyclique de Jean-Paul II « Fides et ratio » l’expose clairement : « Le problème du mal moral - la forme la plus tragique du mal - est abordé dans la Bible : elle nous dit que le mal ne résulte pas de quelque déficience due à la matière, mais qu'il est une blessure qui provient de ce qu'exprime de manière désordonnée la liberté humaine. » 2 Saint Augustin, homme qui vivait au tournant des IV° et V° siècle, n’avait pas nos connaissances historiques. Il devait à la fois défendre la « vérité » du récit biblique contre les incroyants qui l’assimilaient à une fable dépourvue d’enracinement charnel, et contre les sectaires qui limitaient le texte biblique à sa seule signification littérale. 3 Il était bien entendu que l’Arbre qui était au milieu du jardin était l’arbre interdit, celui de la « Connaissance du bien et du mal », ce qui est faux. Le texte dit que l’Arbre planté au centre du jardin est l’Arbre de vie. D’ailleurs, Dieu qui veut la vie, ne peut nous interdire d’en manger (Gn 2,9). En revanche, la femme (comprendre l’intériorité d’Adam) confond les deux arbres et prend « l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal » (le libre arbitre) pour l’Arbre de Vie (Dieu qui est au centre de notre jardin intérieur). En se prenant pour centre, la femme (notre intériorité féminine) se coupe de Dieu, et sort du jardin. Elle aurait dû greffer sa vie sur Dieu, et non absolutiser sa propre liberté. 4 Sur le sens profond de l’image de l’os, cf. Ps 6, 3; 139,15. Et aussi la parole évangélique : Pas un os ne lui sera brisé (Jn 19,36), qui ne se comprend pleinement qu’au second degré : l’éthique de Jésus fut parfaite. 1 8 juin 2017 748918657 8 sur 106 5. Le péché originel Si Augustin inventa l’expression « péché originel », la réalité lui vient de la tradition et particulièrement de saint Paul. Aux Corinthiens, l’apôtre écrivait : La mort est venue par l’humain5, c’est par l’humain aussi que vient la Résurrection des morts. De même en effet que tous meurent en l’Adam, tous aussi revivront dans le Christ (1 Cor 15, 21-22). Aux Romains, il disait : Par une seule humanité, le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et ainsi la mort est passée en tous les êtres humains, du fait que tous ont péché... en Adam, figure6 de (l’humanité) qui doit venir (Rm 5,12-14). Aux habitants de Corinthe, Paul, en bon juif qu’il est, ne dit pas « la mort est venue par un homme » au sens d’un individu singulier, mais la mort est venue par « anthropos » qui est l’homme générique, l’homme au sens de la nature humaine qui nous est commune. Il s’agit donc de « l’humain » au sens large, traduction d’ailleurs confirmée par l’expression hébraïque « l’Adam »7 que l’auteur ajoute. Aux habitants de Rome, l’Apôtre oppose encore les deux mêmes « humanités », les deux manières de vivre le corps, l’humanité adamique et l’humanité christique. Si la première humanité était « seule », c’est qu’il n’en existait pas d’autre à l’origine : en elle, explicite Paul, tous sont morts et tous ont péché. « Seule » ne signifie donc pas qu’Adam était le grand ancêtre dont nous serions les descendants, mais que cette manière humaine de vivre, commune à nous tous, était la seule connue avant l’Incarnation. Le qualificatif « seule » appelle la seconde humanité qui allait venir compléter la première, l’humanité en Christ. Adam est la figure de (l’humanité) qui doit venir (5,14)... parmi nous et bien sûr en nous. Aujourd’hui, les baptisés vivent de ces deux humanités : celle d’Adam et Éve nos parents « premiers » qui pourraient être Dieu et la terre-mère, ou bien le Père et l’âme humaine. Ces deux symboliques existent dans la Bible. et celle du Christ et de l’Église (nos nouveaux parents). Une tension existe entre l’ancienne humanité et la nouvelle reçue en Christ. Si le Juif Paul ne réduisait pas Adam à un individu unique, Augustin le Romain le faisait, et d’autres l’ont fait après lui. Le Juif voit d’emblée la solidarité entre les hommes, tandis que l’Occidental commence par percevoir spontanément l’individu isolé, coupé des autres. Du coup, la Bible est mal comprise, le sens est inversé, et l’amour en pâtit8. Il n’y a pas d’article dans le grec puisqu’il s’agit du genre humain en général, de notre condition humaine. Le mot grec « anthropos » traduit l’hébreu « Adam ». Ce qui ne veut pas dire pour autant que Paul méconnaît la dimension concrète et corporelle de notre humanité. 6 Le mot « figure » traduit le grec « tupos » : le « type », l’image. Adam n’est pas considéré ici comme un être humain singulier mais comme une figure de l’humanité. 7 L’hébreu met habituellement l’article sur le nom « Adam » pour le distinguer des noms propres. 8 La Bible affirme le monogénisme : d’après elle, nous descendons tous de la même souche, tous d’un unique Adam. Est-ce une prise de position paléontologique ou éthique ? Les Juifs soulignent aujourd’hui encore l’importance de cette souche commune : il n’y a qu’une seule race humaine. Personne et nulle part n’est supérieur aux autres. Les savants chrétiens cherchent à prouver la souche unique par les découvertes de la paléonthologie qui situent actuellement le berceau de l’humanité en Afrique australe. Les deux positions vont dans le même sens, mais le souci scientifique signifie-t-il une volonté éthique ou simplement une preuve de la vérité textuelle de la Bible ? Et, d’ailleurs, si l’on découvrait une autre origine à l’humanité, faudrait-il accepter la supériorité de certains humains sur d’autres ? 5 8 juin 2017 748918657 9 sur 106 6. La réduction du Christ à Jésus Quiconque confond Adam avec le grand ancêtre mythique, confond spontanément Jésus Christ avec l’homme du passé. Ce n’est pas une étroitesse mentale, mais une manière spontanée de penser : on perçoit l’élément avant la totalité parce que le recul manque. Cette structure mentale primaire réduit l’Évangile à la vie de Jésus, individu d’autrefois. Certes, Jésus fait partie d’Adam, il était un véritable homme de chair et de sang comme tout un chacun, mais il était solidaire de la condition humaine. Comme tout le monde, il était la « brebis perdue », l’humanité perdue. La tradition biblique n’a jamais considéré Jésus d’abord comme un individu isolé; l’individualisme n’est pas biblique. En mettant Jésus à part, on le sépare des autres hommes, on le sort d’Adam, on fait voler en éclat la dimension sacramentelle de l’existence chrétienne. L’aveuglement mental sur la solidarité première entre tous les humains de la même humanité ôte à l’Incarnation et à l’Eucharistie qui la prolonge, leur dimension commune de Salut. C’est en effet le « corps » que nous constituons ensemble, qui est appelé à devenir le « corps du Christ ». Jésus est un membre éminent de ce corps puisqu’il en est la tête. Le Christ du sacrement est infiniment plus que l’homme d’autrefois, puisque nous en faisons partie. Quand Paul parle de « l’homme nouveau »9, il désigne d’abord la réalité eucharistique, et non un passé fermé sur lui-même. En communiant au Corps du Christ, le baptisé devient ce corps gracié, divinisé, appelé à « la Résurrection de la chair ». 7. Le Mal est dans nos têtes Une structure mentale spontanée semble ainsi nous couper du Christ et de sa grâce. Cette structure mentale est comme l’inscription du Mal en nous parce qu’elle sclérose notre intelligence de l’amour. C’est l’esprit qui est touché, si malade qu’il ne peut accueillir l’Esprit d’amour. Le Mal est une question, mais une question mal posée est souvent une question sans réponse. Et celle du Mal est effectivement « mal » posée parce qu’elle est formulée à travers une structure mentale inadéquate. L’individu isolé qui se perçoit séparé des autres, ne peut répondre à la question du Mal. Il peut s’opposer au Mal de toute sa volonté, mais, stoïque, il s’enferme en lui 10, et la souffrance risque de l’enfermer un peu plus. La réponse ne peut se trouver que dans la solidarité de toute l’humanité. C’est là que l’amour se manifeste. La centration sur l’individu exacerbe la centration sur soi, et renforce l’égoïsme et la peur de la mort. Jésus nous dit d’aimer le prochain comme soi-même (Mc 12,33). Mais le pouvons-nous ? Qu’est-ce que le « péché originel » ?11 N’est-ce pas cela : une mauvaise intelligence d’emblée active au coeur de l’homme, et non pas une erreur commise au commencement du monde. Le péché originel serait une structure mentale commune, inscrite dans tout être humain et que l’Esprit de la Bible récuse. L’esprit mauvais serait la manière naturelle de voir, regard qui sépare les humains les uns des autres, et nous coupe de Celui qui désire tous nous unir dans son amour. Ou bien l’amour est d’emblée présent dans la structure mentale, ou bien il n’y est pas. Il ne semble pas être dans l’enfant. Celui-ci, tout affectif qu’il soit, ignore le don de soi; sa pensée concrète le prouve : il est à l’extérieur de lui-même, il regarde les choses, les désire, fait des caprices De « l’homme nouveau » (Ep 2,15; 4,24) : il faudrait plutôt dire « l’humanité nouvelle ». Le stoïcisme grec a montré une magnifique attitude morale, mais qui a conduit au durcissement du coeur et au pessimisme. Le volontarisme de cette morale grecque a permis un civisme admirable, mais il ignorait l’essentiel qui sauve : l’amour universel : Athènes était le premier marché d’esclaves de toute la Méditerrannée. 9 10 11 Voir aussi Catéchèse et prière, ibid, p. 19. 8 juin 2017 748918657 10 sur 106 comme saint Augustin le remarquait déjà. L’enfant, en toute extériorité, s’attache aux choses, les repère, les distingue, et questionne sur chacune : « Maman qu’est-ce que c’est ? Papa, qu’est-ce que c’est ? ». Depuis saint Augustin (début V° siècle), on appelle « Péché originel » cet esprit concret et affectif qui structure déjà la tête de l’enfant. Bien sûr, il ne faut voir là ni culpabilité, ni faute, ni même responsabilité personnelle, puisqu’il s’agit d’une structure mentale associée à l’état de nature. Ce sera la tâche de l’éducation chrétienne, et notamment de la catéchèse, de conduire l’enfant à l’intérieur de lui-même12 où Dieu parle. Toute la pédagogie juive de la parole a cette fonction d’intériorisation. 8. Reprise Ainsi Dieu est bon, il est le bien, il est l’amour; pourtant, le Mal est partout. Pourquoi ? Nous pouvons maintenant répondre à cette question : le Mal est partout parce qu’il est inscrit dans la structure mentale spontanée de l’humanité adamique. C’est l’extérieur qui commande au détriment de l’intérieur (le « coeur » biblique). La catéchèse a pour mission de conduire l’esprit humain, étape par étape,13 de l’extérieur vers cet intérieur, des choses du monde à la Parole de Dieu. Ce passage à l’intériorité de la foi correspond à une modification profonde de la structure mentale originelle qui est appelée à s’orienter vers les coeurs et non à rester fixée sur l’apparence. L’accès à l’amour de Dieu est à ce prix. A cause d’une telle finalité qui touche à la structure mentale, la catéchèse ne peut se limiter à transmettre des savoirs religieux, ce qui ne ferait qu’ajouter de l’extériorité à l’extériorité. Si la catéchèse était seulement informative, la Bible et la liturgie, importées de l’extérieur, seraient saisies dans la structure mentale du premier Adam. Elles seraient entendues sans résonance intérieure, captées comme des « choses », comme des savoirs du monde, apprises comme des connaissances historiques, religieuses, ou morales... à la manière « naturelle » de l’esprit enfantin. Les Juifs euxmêmes le savent : en Moïse, aidés par leur tradition orale (Talmud), ils cultivent le Livre dans la parole et le débat permanent. Ainsi, la catéchèse ne recherche pas d’abord la transmission de savoirs, mais vise l’inverse, elle conduit l’enfant vers la résonance, et ce trajet d’intériorisation demande du temps14. La catéchèse ne veut pas fabriquer des savants, mais plutôt des « écoutants » qui « disent Dieu ». Des enfants qui seraient seulement savants ne pourraient pas écouter la Parole. Nous en rencontrons parfois : ils savent ou croient savoir, et restent dehors. Ces enfants, piégés par leur structure mentale positive que nul ne fait bouger, risquent de rester longtemps hors de l’Alliance, sourds à la Parole. Seule, une modification profonde des structures mentales originelles permet de lire la Bible autrement, de parler différemment les Écritures, le monde, les autres et Dieu. Un autre esprit - la capacité symbolique - permet de creuser la surface des choses, de faire quitter à Jésus le passé des morts. Même si nous avons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus ainsi à présent (2 Cor 5,16). Aujourd’hui, le Vivant nous propose d’être son Corps en étant intérieurement l’Église15. Éduquer signifie « faire sortir de ». Faire sortir de quoi ? Paradoxalement : de l’extériorité et des caprices qui y sont associés ! 13 C’est en ce sens que nous disons que l’amour de Dieu est « intellectuel ». Peut-être faudrait-il dire plutôt « spirituel », mais le qualificatif « intellectuel » fait causer, il est donc plus pédagogique quand on recherche la parole. 14 Catéchèse veut dire « résonance ». 15 Dans la Confession de foi chrétienne, l’Église est toujours associée à la troisième personne de la sainte Trinité, à l’Esprit Saint. « Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Église catholique » ou, « Je crois en l’Esprit Saint... je crois en l’Église. » Le Symbole de Nicée-Constantinople, plus encore que le Symbole des Apôtres (catéchèse romaine) insiste sur l’intériorité de l’Église : « je crois en l’Église. » Je dois entrer en moi pour entendre le Christ et vivre l’Église. 12 8 juin 2017 748918657 11 sur 106 Intérieurement suppose un esprit neuf qui s’appelle « l’intelligence de la foi » et nous encourage à offrir nos corps en Hostie vivante, sainte, agréable à Dieu (Rm 12,1). La catéchèse, en modifiant les structures mentales, permet aux enfants, aux adolescents et aux adultes, l’écoute de la Parole et l’apprentissage du Salut et de l’Église. Mais modifier la structure mentale, n’est-ce pas ce que font les sectes quand elles aliènent la liberté ? La catéchèse fait l’inverse, elle s’oppose au conditionnement extérieur, elle communique la liberté en sollicitant la critique des savoirs et en faisant goûter la résonance de la Parole divine qui rend libre. La vérité de l’amour allége le poids du dehors. Mon joug est léger dit Jésus (Mt 11,30). La liberté n’est plus aliénée, elle est libérée par l’amour reçu d’en haut. Avant de passer au dossier des Pères, il nous faut encore préciser les questions que posent habituellement les animateurs de catéchèse et tenter d’y répondre B. Quelques questions entendues ? 1. Sur la relation entre Dieu et le Mal « Comment un Dieu d’amour peut-il permettre la souffrance, la maladie et la guerre ? » « Dieu a-t-il créé le Mal ? N’a-t-il pas dit : « Je façonne la lumière et crée les ténèbres, je fais le bien et crée le mal. C’est moi, le Seigneur, qui fais tout cela ! » (Is 45,7). « Quel est ce Dieu qui endurcit le coeur du Pharaon ? » 2. Sur la tentation « Peut-on penser que Jésus ait pu être tenté. N’est-il pas le Fils de Dieu ? » « Jésus fut un homme comme nous, n’a-t-il pas les mêmes désirs que nous ? » « Que penser de la traduction française du Notre Père : ne nous soumets pas à la tentation ? » 3. Sur le diable ? « Matthieu 4,1 dit que Jésus fut conduit au désert par l’Esprit Saint pour être tenté par le diable. Drôle d’Esprit Saint qui joue l’entremetteur entre Jésus et Satan ? » « Le diable existe-t-il, n’est-ce pas une invention des sectes ? » « Si Dieu existe, le diable n’existe-t-il pas nécessairement ? » 4. Sur la liberté « La liberté n’est-elle pas le cadeau empoisonné qu’un Dieu pervers agite pour nous punir ? » C. Répondre aux questions Avant de répondre à une question, il convient de se demander à quel niveau de parole la question est posée. C’est ce que nous allons essayer de faire. 8 juin 2017 748918657 12 sur 106 1. « Comment un Dieu d’amour peut-il permettre la souffrance, la maladie et la guerre ? » La question exprime au moins un illogisme puisque l’image de l’amour heurte l’idée de la souffrance. Si la question déplore du dehors une contradiction logique, elle s’énonce sur le seul plan de la logique formelle (dans le « vert »). Ce « vert » formel justifie peut-être ou tente de justifier un athéisme en recherche d’arguments. A ce niveau de réflexion et de parole, Dieu est réduit à l’idée que l’on s’en fait... du dehors. Nous sommes alors enfermés dans la discussion d’idées. La question peut venir aussi d’une souffrance personnelle qui a remis en cause une foi d’enfant. La question s’enracine dans le coeur, prend de la profondeur. Elle est alors de l’ordre de l’expérience, et énonce un « rouge » existentiel. Si c’est cela, aucune information extérieure, ni aucune logique formelle, ne peut répondre à ce niveau d’interrogation. Seul Dieu peut agir... et la prière. 2. « Dieu a-t-il créé le Mal ? N’a-t-il pas dit : Je façonne la lumière et crée16 les ténèbres, je fais le bien et crée le mal. C’est moi, le Seigneur, qui fais tout cela ! (Is 45,7). Cette question diffère de la précédente parce qu’elle est posée par quelqu’un qui lit la Bible. Le lecteur demande une explication sur un texte jugé à juste titre inacceptable. C’est vrai : Dieu ne peut pas être ce diable. Pourtant, la Bible le dit. La parole critique a donc sa raison d’être, la question est « rouge » mais l’émoi que produit le texte vient de la foi et non de la vie. Toute la différence est là. La Bible est en question et non plus la foi. Dieu n’est pas touché, mais le texte. Il faut donc comprendre la raison du texte, et non pas prendre au pied de la « lettre » ce que dit le prophète. L’analyse du contexte est éclairant puisque Dieu lui-même s’explique : « puisque vous m’ignorez, semble-t-il dire, puisque je ne suis rien à vos yeux, probablement une idée sans consistance, je vais agir et vous montrer que tout est néant sauf moi » (Is 45,6). Autrement dit « comme vous ne prenez pas la Révélation au sérieux, je m’en dégage ». Que ne ferait pas le Créateur pour sauver sa créature : même proférer des menaces. En fait, Dieu rappelle le premier principe de la Bible, que la vie vient de Lui et de Lui seul. Tout le reste est néant. Se couper de Dieu, c’est mourir, c’est cultiver en soi les ténèbres et le Mal. Que Dieu se retire, et voilà l’homme plongé dans la nuit noire. Ainsi chante le psalmiste : Tu caches ta face, ils s’épouvantent (Ps 104,29); mais il chante aussi : Tu ouvres la main et rassasie tout vivant à plaisir (Ps 145,16). Ces deux chants peuvent éclairer du dedans et dans la foi le « rouge » produit par le texte.17 Ce « rouge », éclairé et discuté, peut être alors reconstruit de l’intérieur. 3. « Quel est ce Dieu qui endurcit le coeur du Pharaon ? » Cette nouvelle question ressemble à la précédente. C’est encore le texte biblique qui n’est pas conforme à la foi : Dieu dit à Moïse : Rends-toi chez Pharaon, car c’est Moi qui les ai fait s’entêter lui et ses courtisans (Ex 10,1). La Bible ne fonctionne pas comme un texte publicitaire destiné à justifier l’idée, tout compte fait normale, d’un Dieu d’amour. La Bible peut même malmener Dieu, comme si elle refusait une publicité trop facile (du « bleu » apologétique), elle préfère aborder la question de Dieu à partir d’une énormité qu’elle lâche sans rougir. La finalité pédagogique du texte biblique n’est 16 Le verbe hébreu « créer », deux fois répété, est employé à contre-sens par rapport au texte de Genèse 1. Dans ce récit essentiel, les ténèbres ne sont d’ailleurs pas créées mais voilent seulement l’abîme. On retrouve la même provocation en Amos 4, 13 : c’est le Seigneur qui change l’aurore en ténèbres 17 Procédure : « rouge-vert-jaune ». 8 juin 2017 748918657 13 sur 106 donc pas de justifier les idées que tout le monde a sur Dieu, mais de faire réfléchir chacun sur une information que la foi refuse18. Le récit biblique commence par produire du « rouge » sur Dieu : ce Dieu est-il pervers ? Mais la Bible ne s’arrête pas à cette affirmation irrecevable. Le pavé lâché dans la marre, elle poursuit : afin d’accomplir au milieu d’eux des prodiges. Pour que tu puisses raconter... afin que vous sachiez que JE SUIS le Seigneur (Ex 10, 2). Si Dieu endurcit le coeur du Pharaon c’est pour que des miracles divins soient racontés. Le paradigme de la pédagogie biblique est un récit où Dieu se comporte étrangement, et ce récit doit être raconté, sans doute pour être discuté. Nous sommes dans une pédagogie de la parole. Un fait divers se raconte facilement, et peut aussi se prouver. Un fait divin doit se raconter mais il ne peut pas être prouvé. Le fait divers est au dehors, le fait divin est au dedans. Une expérience de Dieu commence par être dite dans le récit biblique. Celui-ci, éclairé par l’Esprit, devient alors Parole de Dieu. Sans récit, pas de Parole de Dieu. Sans Esprit non-plus.19 Comment amorcer une parole d’intériorité ? Le questionnement critique (rouge) a précisément la fonction de faire creuser le texte. Du coup, la parole échangée sur le récit biblique est une parole référée à l’expérience spirituelle et non aux choses du dehors. Le texte étrange fait parler du Dieu vivant et ne s’évapore pas dans l’idée générale, il s’ancre dans la foi de chacun. Par la parole des uns et des autres, la Bible est introduite dans le registre de la parole : on l’appelle alors « Parole de Dieu » et non plus texte. Comme la conversation sollicitée par le récit biblique n’est pas fixée à l’extérieur, en parlant de Dieu, elle quitte le registre anecdotique du fait divers. Voilà chacun renvoyé à sa propre intériorité, à sa vérité de vie, à son expérience de Dieu, à sa foi. La parole humaine s’enracine dans l’être, dans l’Être qui est au fond de l’être : pour que tu puisses raconter... afin que vous sachiez que JE SUIS le Seigneur. L’Église le sait qui réfère la sortie d’Égypte à la catéchèse baptismale (1 Cor 10,1-4) et à la liturgie pascale. Le samedi saint, nous nous souvenons du « Pharaon d’Égypte » qui fut noyé le jour de notre baptême, avec ses chars et ses chevaux, avec toute son armée de diables. Voilà le prodige divin qu’accomplit la puissance de Dieu : notre propre libération, notre sortie d’Égypte. L’expression traditionnelle « d’Égypte intérieure » a été récemment rappelée par Annick de Souzenelle. Le SatanPharaon, qui fait de nous des esclaves, est une puissance redoutable, mais Dieu est encore plus fort. « Je crois au Dieu tout-puissant, Créateur... » Comme pour la question précédente, le « rouge » pédagogique de la Bible suppose un débat sur le récit. Mais cette « homélie »20 ne peut déboucher qu’éclairée par d’autres textes bibliques (« vert ») qui alimentent le débat et permettent la reconstruction (« jaune »). Ces « perches vertes » peuvent être la suite du texte étrange de l’Exode, des passages de la Bible tirés de la catéchèse baptismale ou de notre propre méditation. Tandis que le « rouge » existentiel, qui vient des souffrances de la vie, réduit en poussières les belles idées sur Dieu, le « rouge » (la question critique) qui vient de la Bible permet, s’il est convenablement animé, de sortir des généralités (le dieu des philosophes) et de parler du Vivant de la Bible et de ses prodiges. Seuls ces prodiges spirituels peuvent contrebalancer « la mort ». 18 Cette information contredit la foi, mais correspond peut-être à une réalité. Nous ne pouvons aller au Père que par l’action conjuguée du Fils (qui se voit au dehors) et de l’Esprit (qui éclaire la chair du dedans). 20 Homélie traduit le terme grec « homilia » qui signifie conversation et qui renvoie à la « deracha » araméenne. 19 8 juin 2017 748918657 14 sur 106 4. « Non, le diable n’existe pas ! » « Si, bien sûr, il existe ! » Dans l’animation des groupes, quand ces questions arrivent, elles se présentent souvent comme des affirmations tranchées. Telle personne quitte la salle en pleurs parce qu’elle entend du groupe que le diable existe. Telle autre défend « bec et ongles » l’existence du diable. La dimension affective est souvent forte quand le Malin habite la parole. Des raisons opposées peuvent justifier le refus du diable : La peur des sectes sataniques qui font de Satan un « dieu du mal » inverse de celui « du bien ». Derrière cette peur (« rouge » existentiel), se profile la crainte des pratiques magiques qui vont de l’appel aux esprits dont nos adolescents raffolent, jusqu’à la sorcellerie. Le dualisme logique (« vert ») est assorti d’expériences, et la forte affectivité que véhicule la question du diable s’explique bien. Notons que le dualisme n’est pas directement en cause mais plutôt ses conséquences existentielles. Le diable est parfois refusé au profit d’une catéchèse de l’amour : « on ne parle jamais assez de l’amour de Dieu aux enfants ». Dans cette phrase, c’est la foi qui s’exprime mais nullement le combat spirituel... comme si l’amour divin était seulement un sentiment (voire un mot) qu’il fallait aimer. Le désir du croyant est de communiquer directement sa foi affective à l’enfant sans passer par la descente en soi ni l’affrontement avec la Parole : désir de la mère qui veut nourrir21. Dans cette perspective (un « bleu » affectif), tout dualisme a disparu : ni dualisme, ni résistance non plus, ni même conversion. La publicité d’une idéologie a pris la place de Dieu : l’ange de lumière n’est-il pas diabolique ? 5. « Le Fils de Dieu a-t-il pu être tenté par le diable ? » Pour bien des gens, « tentation » et « mal » sont synonymes. Ainsi la tentation serait-elle un désir mauvais, et ce désir est déjà le Mal. Cette position est d’ailleurs justifiée par la phrase de Jésus : quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son coeur l’adultère avec elle (Mt 5,28) ? Jésus fut un coeur pur et le coeur pur (Mt 5,8) n’a pas de désir mauvais, Nous entendons cela. La distinction des « niveaux de parole » est ici utile. Ou bien l’on se situe comme l’enfant dans une logique purement abstraite (parole, niveau « vert »), ou bien l’on parle de l’expérience du désir (parole, niveau critique « rouge »). La tentation touche en effet au désir, elle renvoie bien à l’expérience adulte du désir sexuel que l’on refuse au coeur pur que fut Jésus. Mais si le « Sacré Coeur » était ainsi « pur » a-t-il pu être tenté, ou bien était-il totalement asexué et insensible ? La question se pose alors dans le « rouge existentiel » c’est-à-dire dans l’humanité charnelle, et pas dans la pure logique mécanique : Jésus était totalement homme, il avait bien un corps. L’amour de Dieu est, à juste titre, qualifié « d’intellectuel ». Dieu est spirituel : à la différence de l’amour animal, son amour anime l’esprit, lui fait concevoir mentalement un bon projet. Ainsi Jésus était-il touché au plus profond de lui-même par le malheur des autres. Sans aucun paternalisme, il « prenait pitié ». Dés qu’il a vu le lépreux, saint François d’Assise a aussitôt conçu le projet de l’embrasser. L’amour divin vient de l’esprit qui oriente l’affectivité vers l’oeuvre bonne. Quand, sur le Mont des Béatitudes, le Seigneur s’écrie : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son coeur l’adultère avec elle, il évoque là aussi un projet de l’intelligence. L’esprit humain est mauvais parce qu’il conçoit intellectuellement des choses mauvaises. 21 C’est le thème biblique du « lait » destiné aux enfants (1 Cor 3,2; Hé 5,12). 8 juin 2017 748918657 15 sur 106 Mais, comme dit Origène, « le diable n’est pas la cause de la faim ni de la soif, il ne l’est pas non plus du désir sexuel »22. Le péché provient de ce que l’esprit humain imagine pour combler les manques de son corps, pour éteindre ses besoins charnels. L’esprit de Jésus était tout imprégné de l’Esprit d’amour, et malgré son corps sexué, il n’a conçu aucun projet d’adultère. Peut-on dire alors que le fils de Marie a été tenté ? Si la tentation est l’épreuve du manque, le cri du besoin23 : oui, il a été tenté. Mais si la tentation est l’élaboration d’un scénario mauvais qui lèse autrui, alors non, il n’a pas été tenté. Jésus avait bien un corps, mais son esprit était illuminé par l’amour de Dieu, il a toujours dit « non » à la tentation : son esprit n’imaginait pas le péché, il n’a pas succombé à la tentation. 6. Que penser du ne nous soumets pas à la tentation du Notre Père ? Si soumettre à la tentation signifie « ne pas être tenté », la traduction est évidemment mauvaise. Mais si la phrase veut dire « sombrer dans la tentation », la traduction devient acceptable. Certes, elle prête à confusion pour ceux qui confondent Mal et tentation, le Tentateur et sa réussite. Le récit des tentations de Jésus au désert (Mt 4) nous invite à approfondir la fonction du diable. 7. Le diable est-il bien nécessaire à la foi ? « Avec tout ce que l’on raconte sur le diable, faut-il encore en parler aux enfants ? » Oui mais si nous n’en parlons pas aux enfants, eux nous en parleront. L’image du diable fait partie de la culture, elle est passée dans le langage courant, et nous n’en sommes pas maîtres. Les publicités s’en emparent. Si l’enfant lit « Tintin au Tibet » (p.22), il imagine aussitôt le dialogue entre le diable et l’ange divin. Si l’enfant va à la messe, le premier dimanche de carême, il entend le récit des tentations de Jésus au désert. L’image du diable, si dérangeante, voire si dangereuse soit-elle, vient de la Bible, et nous ne pouvons pas la passer sous silence. Le diable est spontanément associé à Dieu. On entend des réflexions du genre : « si Dieu existe, le diable aussi ». La logique dualiste enfantine (« vert ») fait du diable un autre dieu, bien que la foi chrétienne infirme cette perception manichéenne : « Je crois en un seul Dieu » et non pas en ou plutôt à plusieurs. 24 Que dit Matthieu au début de son récit : Jésus fut conduit au désert par l’Esprit Saint pour être tenté par le diable (Mt 4,1). C’est étrange : l’Esprit Saint semble jouer le rôle d’un entremetteur entre Jésus et Satan, il semble pousser Jésus dans les bras du diable. On retrouve le thème pédagogique du « Dieu pervers » (« rouge » du texte). Non seulement Jésus est tenté par le diable, mais Dieu lui-même organise cette tentation. La tentation est l’épreuve du combat spirituel. Le « premier Adam » qui nous habite, et qui habitait Jésus au même titre que nous, a tendance à dire « oui » au Serpent. Jésus de Nazareth lui a dit « non », et ce « Second Adam » qui nous habite aussi nous pousse à dire « non ». Les deux Adam se chamaillent 22 Dossier, texte II,C. A moins que Jésus n’ait pas eu un corps semblable au nôtre. Ainsi, il n’aurait pas eu faim, ni ressenti d’émotions, il aurait fait semblant de pleurer devant la mort de son ami Lazare... Ce que pensaient les gnostiques de l’antiquité; ils le savaient : Jésus est un « vrai Dieu » et un « faux homme ». Certes, dans le récit des Tentations au désert, on lit Jésus jeûna quarante jours et quarante nuits, et après il eut faim : quel estomac d’acier ! Les gnostiques jubilent : ce n’était pas un vrai homme. La preuve ! 24 La perception manichéenne se fait en extériorité : du coup, je crois « à ». La foi « en » évoque une intériorité mutuelle : « en » Dieu qui est en moi », « en » Dieu qui m’unifie. 23 8 juin 2017 748918657 16 sur 106 en nous. Jésus Christ résiste au diable en nous comme il a su le faire durant sa vie terrestre. Pourquoi Dieu n’at-il pas carrément supprimé l’horrible démon ? Pourquoi laisser agir cette affreuse créature ? Sans elle, tout aurait été si simple : le diable disparu, nous aurions pu aimer Dieu sans limite et sans difficulté. Oui, mais la limaille de fer aime l’aimant et ne peut plus s’en distinguer. Oui, mais la guêpe adore la confiture, et ne peut plus s’en décoller. La difficulté vient de l’origine de l’amour. La Charité que notre esprit conçoit vient de Dieu. Nous sommes donc liés au Créateur, et notre liberté est compromise; non seulement notre liberté, notre personnalité propre aussi. L’ange diabolique divise, il crée une séparation entre Dieu et nous. Cette coupure est bénéfique car elle nous évite d’être collé à Dieu25. Grâce au diable, nous pouvons bénéficier de la puissance d’Amour sans pour autant disparaître. Dieu n’est pour nous ni l’aimant dévoreur de limaille, ni la confiture où l’on étouffe. Notre personnalité est respectée parce que notre liberté n’est pas supprimée. Par la résistance qu’il oppose en nous à l’amour, le diable garantit notre liberté. 8. La liberté n’est-elle pas le cadeau empoisonné qu’un Dieu pervers agite pour nous punir ? Enfant, on m’avait dit que Dieu nous a fait le cadeau de la liberté afin que nous puissions choisir le bien et refuser le mal. Cette affirmation m’a toujours gêné sans que je sache au juste pourquoi. Les « niveaux de parole » vont nous aider à y voir plus clair. a) Un dualisme vécu en extériorité Pour la morale, deux pôles antinomiques organisent la vie : le bien et le mal. C’est de la logique, c’est du « vert ». Ces deux pôles son immédiatement repérables (« bleu ») : le bien est manifesté par la Loi et le mal par la transgression de cette Loi. L’univers mental de l’approche morale est le « bleu-vert » concret et logique, c’est l’approche de l’enfant qui réduit le « péché » à la « faute ». b) La Loi est extérieure, elle multiplie les fautes. Mais en fait, le bien et le mal ne sont pas deux réalités extérieures à moi, posées en face de moi. Le texte de Loi ne fait que manifester en extériorité ce que je vais vivre à son ombre, mais qui vient de moi, soit le bien si je le respecte, soit le mal si je le transgresse. Mes fautes viennent de moi, même si j’imagine que la Loi en est la cause. En fait le texte de Loi permet d’introduire une relecture en bien et en mal de mes actions. Comme dit Paul, la Loi est intervenue, pour que se multipliât la faute (Rm 5,20) ou encore quand la règle est arrivée, le péché a pris vie (Rm 7,8). C’est la règle écrite qui permet de dire « ceci est bien » ou « ceci est mal ». Sans le règlement, il y aurait aveuglement ; sans un texte fixé, aucune faute ni aucun péché ne seraient perçus, nos actions ne seraient ni bonnes ni mauvaises, elles seraient neutres. Nous serions des animaux. C’est l’interdiction qui rend le Mal visible, et l’on pourrait penser qu’interdire l’interdiction serait une planche de salut. En fait, la Loi révèle, mais ne sauve pas, elle se contente de mettre au jour un dysfonctionnement (Cf. Rm 7,8). Tout En langue hébraïque, la Création est une coupure. Le verbe hébreu « créer » se dit « bara » et l’Alliance « berit » : c’est la même racine mise à la forme intensive. Dieu crée l’homme en se séparant d’abord de lui pour que l’homme existe en tant que tel. Puis il revient à la créature de se tourner vers son Créateur, et de lui réclamer la vie de l’intérieur, l’amour divin. La liberté n’est donc pas aliénée par Dieu parce que l’acte de Création est double : Dieu coupe puis l’homme demande à être relié. La « bérit » hébraïque est bien intensive. 25 8 juin 2017 748918657 17 sur 106 Juif qu’il est, Paul s’adresse à des Romains à l’esprit juridique pour qui, même la Loi de Moïse, est extérieure. On pourrait dire la même chose des « Béatitudes ». c) Les deux voies de la Bible Quand la Bible (Dt 30,15 ss et Ps 1,1) et l’Évangile (Mt 7,13-14) parlent de « deux voies », ils évitent l’extériorité logique du monde mental « bleu-vert ». Les « deux voies » sont deux directions inverses, l’une qui mène à la mort et l’autre à la vie. La direction est un choix intime d’ordre existentiel (« rouge »), un choix de coeur26. Il n’y a aucun dualisme logique dans la présentation biblique car le chemin de la foi n’est pas une chose fixe, mais la longue route de la vie dont l’orientation varie au cours du voyage. Le choix de l’orientation vient bien de l’intérieur. Ce n’est plus du « bleu-vert », mais du « rouge-jaune » existentiel. d) Faute ou péché ? Pour la Bible, le mal n’est pas une réalité « en soi », c’est une absence de Dieu en nous, un manque d’amour jamais comblé. Je peux être un parfait honnête homme et ne pas aimer les autres comme Dieu aime, je suis alors pécheur. Je ne commets aucune faute, je suis quand même pécheur car l’amour de Dieu ne m’imprègne pas totalement. Faute et péché ne se recouvrent pas, ils ne sont pas synonymes. La faute est une transgression de la règle extérieure, le péché est ce manque d’amour qui me rend toujours débiteur de Dieu. Dans la foi, je reconnais en moi ce manque d’amour, je me reconnais pécheur même si je ne commets aucune faute : je peux toujours me donner plus aux autres. e) L’erreur du moralisme Pour le moralisme athée qui a envahi la foi chrétienne quand la Bible fut réduite27 à une Histoire Sainte du passé, l’esprit s’est détaché du corps pour s’attacher à la science. Le corps devint lui aussi objet de science, et non plus lieu du sens. Quand la raison occulte la mort, les catégories logiques reprennent le dessus. La raison morale s’identifie au règlement, et l’amour s’appauvrit en « contrat social ». Si je suis le règlement, je suis parfait. L’autre ne m’intéresse pas, même si je respecte son territoire. Humanité sans corps, je deviens un homme sans voisin, individualiste, égoïste, légaliste. Je suis fort, j’ai la loi avec moi, la règle pour bien, et la règle pour Dieu. Le « rouge-jaune » biblique disparaît, le « bleuvert » rationaliste et païen réapparaît. f) Une tête sans corps est un homme sans Dieu. Dans le rationalisme moral, la règle se confond avec la raison, et ma raison devient ma règle absolue. Le rationalisme n’a pas besoin de Dieu. La Loi lui sert de dieu, mais ce dieu n’est pas le Seigneur de l’Alliance, il n’est pas l’Esprit qui veut descendre en moi communiquer l’amour à mon esprit (Cf. Rm 8,16). Le Dieu vivant est mis à mort ! Pourquoi aurais-je besoin de Dieu si la règle me comble ? Et pourquoi la règle me suffit-elle ? Parce que ni le corps fragile ni la mort commune ne me posent question, mon esprit est occupé ailleurs. Ma tête savante a réponse à tout. Tête sans corps, je n’ai nul Le Talmud de Babylone (berakot 61a) à partir d’un jeu de mots sur Gn 2,7, qui dit que Dieu « forma » (yetser) Adam, qu’il existe deux penchants (yetser) dans l’être humain le yetser tov (penchant au bien) et le yetser har’a (penchant au mal). Ces deux penchants sont bien intérieurs à l’être humain et ils sont tous les deux importants. Sans le penchant au mal (l’affectif ou la libido ?), nous ne pourrions plus nous relier aux autres, mais le yetser tov doit commander. Encore une fois, pas de dualisme dans le Judaïsme. 26 8 juin 2017 748918657 18 sur 106 besoin de Dieu, parce que mon corps ne parle plus. Au mieux, m’imaginant chrétien, je dis aux passifs qui m’entourent cette formule passe-partout : « aide-toi et le ciel t’aidera ». Je crois à ce ciel anonyme qui ne me fait ni chaud ni froid. Je peux, à la limite, imaginer une vie éternelle pour mon âme, mais je ris de la « résurrection de la chair ». Je n’en ai que faire : j’ai une grosse tête, mais je n’ai pas de corps ! g) Pas de corps, pas d’amour ! L’absence de corps conduit à l’absence d’amour. Quand je me fatigue pour les autres, quand je donne de mon temps, quand je partage, quand j’offre ma vie charnelle, je deviens une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu (Rm 12,1), j’aime alors de l’amour même de Dieu. Sans le corps, comment pourrais-je aimer ? Les autres autour de moi sont des esprits, voire des fantômes. Je peux parler d’amour mais je ne peux en vivre. Un amour sans corps est un amour sans poids, un amour en idée, un amour faux. Sans le corps, Dieu ne pourrait pas nous donner sa vie pour que nous en vivions les uns les autres. h) L’individualisme Dans le rationalisme, où le corps mortel est seulement vécu comme une contrainte, plus l’homme se coupe des autres, plus il est libre. La liberté est l’autonomie, voire l’indépendance absolue. En mécanique, quand aucune force ne s’applique sur le point matériel inerte, il est « libre ». Le rationaliste aussi. Dans ces conditions, « l’Enfer, c’est les autres »... et Dieu c’est le diable. En effet, dans cette philosophie, moins Dieu est là, plus l’homme est libre. La Bible révèle l’inverse : plus je m’unis aux autres, plus je suis capable d’aimer, et plus je suis libre. Et pourquoi serais-je libre ? Parce que la liberté, c’est l’amour que Dieu donne. D’où le cri de saint Augustin adressé au moine Pélage : « La liberté, c’est Dieu ». Le volontariste Pélage plaçait la liberté du côté de l’homme et la grâce du côté de Dieu. Le Créateur et la créature n’avaient plus aucun point commun, ils se gênaient plutôt l’un l’autre. C’était tout l’inverse de l’Alliance biblique ! Quand la liberté se réduit au choix cérébral d’une règle, si cette libre contrainte est le don que Dieu me fait pour que je choisisse le bien et refuse le mal, alors ce cadeau qui me juge, ne peut provenir que d’un Dieu pervers. D. PRESENTATION DU DOSSIER DES PERES Six chapitres scandent ce dossier : 1. L’intériorité 2. Ce Mal étrange qui nous habite 3. Le Salut 4. Baptême 5. Le Baptême de Jésus 6. La Pêche miraculeuse 27 En fait, le monde mental a changé à la Renaissance. Le retour aux Grecs, qui fait son apparition au XIII° siècle, conduisit peu à peu à l’abandon des catégories mentales bibliques et au redéploiement de l’humanisme hellène et du rationalisme moral. 8 juin 2017 748918657 19 sur 106 1. L’intériorité Le Mal commence lorsqu’on situe Dieu dans l’espace extérieur, quand on l’imagine hors de l’homme. La Bible fustige l’idolâtrie, cette adoration de dieux extérieurs, de dieux étrangers. Saint Augustin situe le ciel en nous (I,A), c’est en ce ciel que la lumière de l’Esprit vient nous illuminer28, cierge pascal, lumière baptismale (I,B). C’est aussi en ce ciel intérieur que les images bibliques référées à l’Image du Dieu invisible, sont éclairées, nous rendant capables d’imaginer les scénarios inspirés par l’amour (I,C). 2. Ce Mal étrange qui nous habite Les images du monde nous attirent (II,A) Quelle est cette étrange attirance qui nous attache à l’extérieur29, et pourtant qui nous vient du dedans (II,B) ? Comme si l’on éprouvait un manque ou bien une peur (II,C). Ayons conscience de ce péché si inscrit en nous qu’il est devenu « habitude », méfionsnous du diable qui fait miroiter des images dans le vide (II,D). Le péché (originel) nous est transmis dans le berceau du monde, nos actes l’actualisent, et notre faiblesse le constate (II,E). Les idées de Dieu ne sont pas les nôtres, et nous sommes souvent choqués par le spectacle d’un monde injuste que la Bible souligne (II,F). La tentation, qui nous vient dans l’épreuve, nous incite à choisir. Mais n’ayons rien à craindre : là où le péché abonde, la grâce surabonde (Rm 5,20). Alors, croyons ! (II,G). Nous voilà entraînés malgré nous dans un combat qui nous dépasse dans l’état de péché où nous sommes tous tombés, mais le Seigneur est avec nous (II,H). 3. Le Salut Heureux diable qui nous permet de choisir Dieu et le Salut : toute l’Écriture en témoigne (III,A). Même tombés et faibles, nous pouvons quand même résister au Mal en demandant son aide à Dieu : la prière nous introduit dans le Salut (III,B et C). Non seulement la prière, mais aussi le don de soi. Paradoxe du Mystère pascal : le Christ en nous offre sa mort et nous bénéficions de sa vie (III,D). Mais qu’il est difficile de voir ce chemin de Salut que je proclame pourtant (III,E), et que je devine quand je recherche le visage de Dieu (III,F), quand je mange la Parole faite chair (III,G). 4. Baptême Comme au jour de Noé, le monde est plongé dans les eaux de la mort, et « le Juste » nous propose son arche, elle ressemble à un tombeau, mais de ce tombeau, nous ressuscitons (IV,A). Noé est une figure du Christ (IV,B). Chacun a sa place dans l’arche de Noé qui nous conduit au repos de l’amour (IV,C). L’arche est l’Église dont la porte a été ouverte sur le monde (IV,D). Du récit du Déluge, nous comprenons notre Baptême (IV,E), et la colombe de Noé vole vers nous pour habiter en nous (IV,F).La colombe nous fait « retourner », mais le corbeau reste dehors dans la mort (IV,G). Un jour, fini le Déluge de mort, finies les épines, seul restera l’amour (IV,H). Quarante jours de Déluge, quarante jours de carême qui nous conduisent à Pâques (IV,I). Alors l’arc en ciel brille sur les eaux de la mort (IV,J). Le Père impose ses mains sur les baptisés, la colombe plane sur les eaux qui deviennent « feu » dans les coeurs tout brûlants d’amour (IV,K). Dans l’antiquité, le Baptême se nommait « l’illumination », et les baptisés des « illuminés ». Qualificatif pas facile à porter. 28 29 Catéchèse et prière, Equipe Cana – Liège, Editions Publi-Art 2000 8 juin 2017 748918657 20 sur 106 5. Le Baptême de Jésus L’histoire de Josué l’annonçait : Jésus, le nouveau Josué, passe le Jourdain, le ciel s’ouvre et la Trinité se révèle (V,A). La colombe vole (V,B). Jean Baptiste est une voix en nous (V,C). Méditons sur ce Baptiste, sur ses vêtements et sur sa nourriture (V,D). Méditons sur l’Esprit Saint et l’antique colombe (V,E). 6. La Pêche miraculeuse Les apôtres ont jeté dans les eaux profondes du monde le grand filet de la foi (VI,A). Tout être humain est un poisson prisonnier de ces eaux de mort (VI,B), mais les baptisés, petits poissons de Dieu, sont appelés à naître de ces eaux de mort, bonnes malgré tout car, en elles, nous apprenons à aimer (VI,C). 8 juin 2017 748918657 21 sur 106 II. DOSSIER : LE PRIMAT DE L’INTÉRIORITÉ A. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 30 1. Le ciel intérieur. Commençons à comprendre toute la vérité de la parole écrite par l'autorité divine de n'appeler personne notre maître sur la terre, parce que le seul Maître de tous est au ciel (Mt 23,10) Mais ce que veut dire « au ciel » ? Il nous l'enseignera lui-même, lui qui nous fait donner par les hommes l'avertissement des signes à l’extérieur, afin que nous retournant à l’intérieur vers lui31, nous recevions ses leçons. Son amour et sa connaissance constituent la vie heureuse, cette vie que tous affirment chercher, mais combien peu se réjouissent de l'avoir vraiment trouvée. B. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 32 1. Le Maître intérieur qui illumine. Mais au sujet de toutes les réalités dont nous avons l'intelligence, ce n'est pas une parole qui résonne au dehors, c'est la Vérité33 qui préside intérieurement à l'esprit lui-même que nous consultons, avertis peut-être par les mots pour consulter la Vérité34. Or Celui que nous consultons est celui qui enseigne, le Christ dont il est dit qu'il habite dans l'homme intérieur, c'est-à-dire la Sagesse de Dieu immuable et éternelle; c'est elle que consulte toute âme raisonnable; mais elle ne s'ouvre à chacune que selon sa capacité, en raison de sa volonté bonne ou mauvaise35. Et si parfois l'une se trompe, ce n'est pas la faute de la Vérité consultée, comme ce n'est pas la faute de la lumière extérieure si nos yeux corporels se trompent souvent, lumière dont nous disons bien que nous la consultons au sujet des choses visibles, pour qu'elle nous les montre dans la mesure où nous sommes capables de les voir. 30 Le Maître, E.A.N°6, p.153 Nous entrons dans l’anthropologie biblique : le « ciel » est en nous. Jésus monte au « ciel » en montant en nous « à la droite de Dieu », selon une formule du Symbole que l’évêque d’Hippone faisait apprendre à ses catécumènes. Le « ciel » biblique n’est pas à confondre avec les nuages ni avec la stratosphère. Ainsi, ne cherchons pas Dieu ni le mal au dehors de nous, mais cherchons Jésus-Christ en nous. 32 Le Maître, E.A.N°6, p.137 33 Les réalités intérieures (les « dogmes) s’inscrivent dans la Vérité. « Qu’ est-ce que la « Vérité » ? » demandait Pilate à Jésus. Le Seigneur ne répondit pas : il se trouvait en face du procurateur romain. Comment ce haut fonctionnaire aurait-il pu imaginer de l’extérieur que ce Juif était lui-même la Vérité incarnée ? Comment un homme du peuple comme Jésus aurait-il pu être assimilé à la Sagesse divine ? C’était vrai pour Pilate. n’est-ce pas vrai pour tout le monde ? 34 Le s mots sont dehors, la Vérité habite en nous. Le mot ne dit rien par lui-même, il parle par ce qui anime la parole. Autrement dit, il faut briser l’écorce du texte (rouge) pour accéder à la lumière (jaune existentiel). 35 Le péché empêche de comprendre, il rend aveugle et inintelligent selon le point de vue de la logique divine de l’amour. L’intelligence intérieure s’acquiert peu à peu. Alors le mal recule... 31 8 juin 2017 748918657 22 sur 106 C. PSEUDO-MACAIRE (V°S)36 1. L’âme imagine Si l'esprit des pécheurs qui gisent dans leurs ténèbres, si leurs pensées peuvent si aisément quitter le corps, s'en aller loin de lui et gagner en rien de temps de lointaines contrées, si le corps est souvent rivé à la terre, tandis que le cœur s'envole en d'autres régions, vers celui ou celle qu'il aime et croit vivre làbas, si, dis-je, l'âme du pécheur est mobile et légère au point d'abolir les distances, que dire de l'âme37 ? La puissance de l'Esprit-Saint a déchiré son voile de ténèbres, ses yeux morts ont été illuminés par la clarté du « ciel »; elle a été délivrée de toutes les passions qui l'ont déshonorée, purifiée par la grâce; entière dans les cieux, elle sert dans l'Esprit le Seigneur, et entière dans la chair, elle le sert encore. Par la pensée, elle s'élargit au point d'être partout, au point de servir le Christ où et quand il lui plaît. 36 Les chemins vers Dieu, Lettres chrétiennes N°11, p.160 D’une âme qui conserve les mêmes capacités imaginatives mais les oriente selon l’éclairage donné par l’Esprit-Saint. Les images bibliques sont essentielles en catéchèse. 37 8 juin 2017 748918657 23 sur 106 III. DOSSIER : CE MAL ÉTRANGE QUI NOUS HABITE A. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 38 1. Ces images qui nous attirent, La volonté n'est sollicitée à un acte quelconque que par une représentation; et, si chacun a le pouvoir de choisir ce qu'il prend ou rejette, il n'a nullement le pouvoir de déterminer la représentation qui le frapperait. I1 faut donc le reconnaître, l'âme est frappée par des représentations, soit supérieures soit inférieures, de sorte que le sujet raisonnable prend des unes et des autres ce qu'il veut; et la conséquence du mérite de ce choix, c'est ou le malheur ou le bonheur.39 Ainsi, dans le Paradis, il y avait comme représentations, du côté supérieur, le commandement de Dieu, du côté inférieur, la suggestion du serpent (Gn 3, 1-5); car ni ce que le Seigneur lui prescrirait ni ce que le serpent lui suggérerait n'était au pouvoir de l'homme. Mais à quel point il était libre de résister aux représentations inférieures de la séduction, à quel point il était affranchi de tous les liens de la difficulté, cet homme établi dans la pleine santé de la sagesse ? On peut le comprendre du seul fait que les sots eux-mêmes triomphent de ces attraits quand ils se disposent à passer à la sagesse, alors même qu’il leur est pénible de se priver de la douceur empoisonnée de leurs funestes habitudes. B. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).40 1. Le mal est intérieur. Est-ce la passion qui est le mal dans l'adultère ? Mais toi, tandis que tu cherches le mal à l'extérieur, dans le fait lui-même qui peut déjà être constaté, tu te trouves dans une impasse. Un exemple pour te faire comprendre que c'est la passion qui est le mal dans l’adultère : un homme qui n'a pas trouvé le moyen de coucher avec la femme d'autrui, mais dont on sait pertinemment, d'une façon ou d'une autre, 38 Le Libre Arbitre, E.A.N°6, p.523-524. La Bible voit le coeur de l’homme tapissé d’images. L’imaginaire est comme la paroi des coeurs. Les images ne sont pas passives, elles sont affectives et touchent donc aux choix personnels de l’être humain. Cette association intime de l’image et de l’affect introduit la vie intérieure et le combat spirituel. Certaines images sont néfastes et tournent l’homme vers l’extérieur; d’autres sont fastes et orientent l’homme vers Dieu. Aux premières, correspond l’idolâtrie; aux secondes, la prière biblique. D’où l’importance des images et des récits bibliques en catéchèse. L’affectivité s’en nourrit, et la parole les interprète. 40 Augustin, avant même sa conversion, discute avec les manichéens. Qui sont-ils ? Des gens positifs qui sont totalement en extériorité. Pour eux, Dieu et le Mal sont des entités extérieures qui sont comme deux « dieux » se faisant continuellement la guerre. Dieu et le Mal sont comme deux principes antinomiques qui sont répandus dans la nature, et qui poussent l’être humain dans un sens ou dans l’autre. Dans cette conception dualiste et mécanique du bien et du mal, l’homme n’a pas de liberté : il est tiré dans un sens ou dans un autre selon les événements. L’homme ne décide rien, il est conditionné par ces « dieux » dont il est l’incessante marionnette. Depuis notre petite enfance, nous sommes naturellement « manichéens », persuadés d’être tiraillés entre deux forces contradictoires. C’est logique, et l’adolescent conserve très souvent encore cette logique extérieure, où le Diable est le « dieu du mal » opposé à un « dieu du bien ». Ainsi, comme les manichéens, nous situons Dieu et le diable dans un « espace » situé au dessus de nous, le domaine « surnaturel ». On voit combien le manichéïsme est une structure mentale naturelle de l’être humain, que la Révélation biblique combat en affirmant le monothéïsme. Cette structure mentale commande la pensée, elle rend peu efficaces les discours qui ne la remettent pas en question. En revanche, les chocs de la vie mortelle (ce que nous appelons « le rouge existentiel ») font avancer vers Dieu. La « mort » est souvent le chemin de la solidatité des coeurs et de l’amour divin. 39 8 juin 2017 748918657 24 sur 106 qu'il désire coucher et qu'il le ferait si la possibilité lui en était donnée, cet homme n'est pas moins coupable que s'il était pris en flagrant délit41. C. ORIGENE (III°s)42 1. La faim et la soif ne sont pas des péchés Faut-il penser que c'est le diable qui est en nous la cause de la faim et de la soif ? Personne, à mon avis, n'oserait affirmer cela. S'il n'est pas pour nous la cause de la faim et de la soif, qu'en est-il quand chacun, avançant en âge, parvient au temps de la virilité et est livré aux stimulations qu'excite l'ardeur de la nature ? 2. La pulsion sexuelle n’est pas un péché Il est logique sans aucun doute de dire que, de même que le diable n'est pas la cause de la faim et de la soif, il ne l'est pas non plus des impulsions qu'apporte naturellement l'âge adulte, c'est-à-dire du désir de rechercher l'union sexuelle. Il est certain assurément que ce n'est pas toujours le diable qui soulève une telle cause : autrement on pourrait penser que si le diable n'existait pas, les corps n'éprouveraient pas le désir d'une telle union. 3. Garder la mesure Si, comme cela a été montré plus haut, l'appétit de nourriture qu'ont les hommes ne vient pas du diable mais d'une tendance naturelle, poussons notre réflexion plus loin : pourrait-il se faire, si le diable n'existait pas, que l'expérience humaine s'imposerait en ce qui concerne la nourriture assez de discipline pour ne jamais dépasser du tout la mesure, c'est-à-dire pour ne pas en prendre autrement que la situation ne le demande, ni davantage que la raison ne le permet, et pour qu'il n'arrive jamais aux hommes de pécher en ce qui concerne la quantité et la mesure de nourriture qui est à garder ? 4. L’intempérance, semence de mal Quant à moi je ne pense pas que, même s'il n'y avait pas d'incitation du diable pour provoquer l'homme, elles puissent être si bien gardées qu'en prenant de la nourriture personne ne dépasse la mesure et la discipline, avant de l'avoir appris d'une longue habitude et d'une grande expérience. Qu'en est-il donc ? En matière de nourriture et de boisson, il nous serait possible de pécher même sans y être incités par le diable, simplement parce que nous serions insuffisamment tempérants et attentifs; dans le désir de 1'union sexuelle et le gouvernement des tendances de la nature faut-il penser que nous ne subirions rien de semblable ? Je crois que l'on peut appliquer le même raisonnement à tous les autres mouvements naturels, qu'il s'agisse de la cupidité, de la colère ou de la tristesse, et absolument de tout ce qui, par le vice de l'intempérance, dépasse la proportion et la mesure qu'impose la nature. Le désir mal orienté est déjà péché. Ce n’est pas l’acte lui-même qui est péché mais bien le désir vicié. Le péché vient d’un affect mal orienté par l’esprit et la volonté. 42 Traité des Principes III, p. 159 ss 41 8 juin 2017 748918657 25 sur 106 5. Le diable exploite l’intempérance La raison en est claire : en ce qui concerne le bien, le propos humain à lui tout seul est insuffisant pour l'accomplir — c'est l'aide divine qui mène toute chose a sa perfection—; de même, en ce qui concerne son opposé, nous recevons le début et pour ainsi dire la semence du péché de ce que nous utilisons naturellement. Si nous nous y complaisons plus qu'il ne faut et si nous ne résistons pas aux premiers mouvements d'intempérance, alors la puissance ennemie, prenant occasion de ce premier manquement, nous excite et nous presse, s'efforçant de toute manière de multiplier à profusion les péchés : c'est nous, les hommes, qui fournissons les occasions et les débuts des péchés, mais ce sont les puissances ennemies qui les propagent en long et en large et, si cela peut se faire, sans aucune limite. D. SAINT BASILE DE CÉSARÉE (IV°s)43 1. Le diable, un ange qui « roule » pour lui. Vient à présent, selon la progression de la réflexion, la question du diable44. D'où vient le diable, si les maux ne viennent pas de Dieu ? Que dire ? Que pour notre recherche sur lui, la même raison que nous avons donnée à la présence du vice dans les hommes nous suffit. Pourquoi l'homme est-il mauvais ? A cause de son propre choix. Pourquoi le diable est-il mauvais ? Pour la même raison : il possède lui aussi une vie dotée du libre arbitre, et détient le pouvoir soit de rester au service de Dieu soit de s'éloigner du bien. Gabriel est un ange, et il est resté sans discontinuer auprès de Dieu. Satan est un ange, et il est tombé complètement de son propre rang. Son propre choix a conservé le premier dans les hauteurs, et le libre arbitre de sa volonté a fait tomber le second. Le premier [Gabriel] pouvait aussi se dévoyer, et le second [Satan] ne pas tomber. Mais l'insatiabilité de son amour pour Dieu a sauvé le premier, tandis que son éloignement de Dieu a désigné l'autre à l'opprobre. Tel est le mal : le fait d'être éloigné de Dieu45. 2. Le diable n’est pas le Dieu du mal. Une petite rotation de l'œil fait que nous sommes soit au soleil, soit dans l'ombre de notre corps; ainsi, celui qui a levé les yeux se trouve en pleine lumière, celui qui se penche vers l'ombre se trouve nécessairement plongé dans les ténèbres. De même, le diable est mauvais, parce qu'il tire le mal de sa volonté46, et non parce qu'il serait par nature l'antithèse du bien47. 43 Dieu et le mal. Les Pères dans la foi, N°69, p.56-57 Le mot « diable » vient du grec, il signifie « celui qui divise ». Cette division est double : séparation d’avec Dieu et fracture sociale. Le mot grec « Satan » désigne plutôt l’Adversaire du combat spirituel. 45 Cette définition biblique est essentielle, elle dépasse infiniment l’existence morale. Le mal est le fait d’installer sa vie dans « l’horizontal », de parler le monde sans le référer à une « verticalité, à une « transcendance », de n’accepter que le monde visible à l’exclusion de la Réalité invisible, de chercher la logique de la vie dans la science et non dans la méditation de la Parole intérieure, de ne savoir parler l’existence humaine que dans le « bleu-vert ». Telle est la langue du serpent qui épouse la terre, et qui en a plein la gorge (Gn 3). La morale n’empêche pas le péché, si c’est une morale sans Dieu. L’humanisme athée est une impasse. 46 Le mal c’est se couper de Dieu, source de toute lumière ? le mal n’existe pas en soi. Dieu n’a pas pu créer un mal qui n’existe pas comme tel. 47 Ceci, contre la logique manichéenne. 44 8 juin 2017 748918657 26 sur 106 3. La nature du diable est la jalousie D'où vient donc sa guerre contre nous ? Comme il est le réceptacle de toute iniquité, il a reçu aussi la maladie de la jalousie48, et il nous a envié l'honneur qui nous est fait. Il n'a pas supporté la vie que nous menions au paradis, exempte de tout chagrin. Il a totalement abusé l'homme par ses ruses et ses machinations, il a utilisé pour le tromper le désir de l'homme d'être semblable à Dieu, il lui a montré « l'arbre » et a promis que celui qui le mangerait deviendrait semblable à Dieu. En effet, dit-il, si vous en mangez, vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal (Gn 3, 5). Il n'a donc pas été constitué comme notre ennemi, mais il en est venu à nous considérer comme des ennemis par jalousie envers nous. Se voyant lui-même rejeté d'entre les anges, il n'a pas supporté de voir l'homme fait de terre élevé progressivement à la dignité des anges. 4. Conscience salutaire Puisqu'il est devenu notre ennemi, Dieu a sauvegardé en nous une opposition contre lui, c'est pourquoi il a dit au serpent qui l'a assisté, reportant sur le diable ses menaces : Je poserai une inimitié entre toi et sa semence (Gn 3, 15). En effet, le commerce avec le Malin est réellement nuisible, car la loi de l'amitié49 existe par une certaine ressemblance en ceux qui sont unis. C'est pourquoi il est écrit à juste titre : Les relations mauvaises détruisent les mœurs honnêtes (1 Co 15, 33). 5. Le serpent, ce sont nos mauvaises habitudes Dans les lieux propices aux maladies, l'air respiré peu à peu dépose chez ceux qui les habitent une maladie latente50; de la même façon, l'habitude de ce qui est vil introduit de grands maux dans les âmes, même si ce qui est funeste échappe à la perception immédiate. Pour cette raison, l'aversion pour le serpent est irréconciliable51. Mais si l'instrument 52est digne d'une telle haine, combien devons-nous haïr celui qui manie cet instrument53 ? 6. Le mirage de l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal Mais pourquoi, dit l'impie, y avait-il au paradis « l'arbre » par lequel le diable devait réussir son attaque contre nous ? Car si l'amorce de la ruse n'avait pas existé, comment nous aurait-il conduits à la mort par notre désobéissance 54 ? C'est qu'il fallait qu'il y eût un commandement pour éprouver notre obéissance. Pour cette raison, il y avait une plante porteuse de beaux fruits afin que, en nous abstenant Le principe du « mal » est le fait de se comparer aux autres (du « vert »), au lieu de se référer à Dieu d’où naissent toutes les vocations. Mais le « vert » est une parole nécessaire pour appréhender les choses. Vu de l’extérieur, l’être humain peut être pris pour une chose mais, reconnu de l’intérieur, il devient « Image de Dieu ». Une parole « bleu-vert » demeure dans les apparences, une parole « rouge-vert-jaune » se redresse vers Dieu. La parole critique (« rouge ») introduit dans la verticalité de l’existence humaine (sens de l’existence). Le diable, en revanche est une « langue » qui prend tout au pied de la « lettre »... L’intégrisme religieux et les sectes font de même... Du coup, les mots de la foi sont « sacralisés » et deviennent des idoles qui justifient la violence religieuse. 49 L’ami n’est pas jaloux, sa langue n’est pas celle réductrice du serpent. 50 La maladie de jalousie est naturelle : le jeune enfant se compare très vite aux autres. Cette maladie est si « normale » qu’on ne la voit pas. 51 L’intolérance face au Mal doit être totale; on ne négocie pas avec ce qui tue Dieu en nous. 52 L’instrument, autrement dit la créature qu’est le serpent, « moteur » qui communique à la langue et à la parole cette mystérieuse jalousie. 53 En nous. 54 Seule l’épreuve et la tentation qui y est liée nous placent dans une situation de vérité : la vie ou la mort, Dieu ou rien (Ps 1). 48 8 juin 2017 748918657 27 sur 106 du plaisir, nous montrions la beauté de la tempérance et méritions justement les couronnes réservées à la persévérance55. 7. Cette nourriture conduit au vide Mais l'ingestion du fruit n'eut pas seulement pour conséquence la transgression du commandement, mais la connaissance de la nudité : Ils mangèrent, dit l'Ecriture, leurs yeux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus (Gn 3,7).56 E. SAINT AELRED DE RIEVAULX (XII° s)57 1. La première impureté : naturelle Il y a plusieurs sortes d'impuretés. L'une provient de la nature, une autre de la volonté, une autre encore de la faiblesse. L'impureté de nature58 est celle qui nous vient en naissant et qui fait dire à saint Job : Nul n'est pur de souillure, pas même l'enfant qui n'a qu'un seul jour de vie sur la terre (Jb 14,4). C'est pourquoi David dit : J'ai été conçu dans l'iniquité, ma mère m'a conçu dans le péché (Ps 51,7). Saint Job avait en vue cette impureté quand il a dit : Qui peut faire que soit pur ce qui a été conçu à partir d'un germe59 impur (Jb 14,4). A cause de cette impureté, tous les êtres humains, à leur naissance, sont fils de la géhenne, fils de colère (Ep 2,3). C'est en raison de cette impureté que, sous l'ancienne Loi, il y avait la circoncision qui purifiait l'homme de l'impureté60, parce qu'elle symbolisait la foi en notre Seigneur Jésus-Christ61. A elle seule, cette impureté était suffisante pour vouer l'être humain à la damnation. Mais qui n'a encore ajouté une autre impureté, celle qui provient de la volonté personnelle ?62 A propos de cette impureté, l'Écriture dit : Il n'y a pas sur terre de juste qui fasse le bien et ne pèche pas (Qo 7,20). Si déjà le juste en rajoute à l'impureté de nature, combien plus les adultères, les fornicateurs, les homicides et les voleurs ! Et cependant, tous sont purifiés de ces impuretés par le Baptême puis par la pénitence, et cela le huitième jour63, dans la foi en la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ. L’Arbre de la Vie, l’autre arbre, n’est pas placé sur le même plan que celui du « savoir », il est invisible, ne s’impose pas et doit se chercher. Cette invisibilité est l’inverse d’un mirage que l’on voit mais qui n’existe pas. L’Arbre de la Vie est invisible mais existe. Dieu est au centre de notre « jardin » intérieur, on ne le voit pas, on ne sait rien de lui, mais il parle à celui qui l’écoute. 56 La conséquence fut bien un « savoir », et quel savoir ! celui du vide, la prise de conscience désagréable de n’être rien. Dieu est tout ! Hors de Lui, c’est le néant ! « Ils connurent qu’ils étaient... nuls ». 57 Sermons pour l’année, Pain de Citeaux N°11, p.100-102. 58 Ce qu’on appelle « le Péché Originel ». 59 Le diable est la mauvaise graine, l’ivraie dans le champ des relations humaines où nous naissons (Mt 13). Les parents transmettent à leurs enfants le péché originel, sans le vouloir, par leurs comportements spontanés, parce qu’ils ne sont pas des saints. 60 La Loi mettait des limites à l’impureté naturelle de l’homme. Pour les Juifs, la circoncision qui fut donnée à Abraham (Gn 17), anticipe et résume à elle-seule, les Dix Paroles de Dieu. 61 Seul le Christ est sauveur, seul il est capable de circoncire les coeurs. La circoncision tient sa valeur de Celui qui a été circoncis « le huitième jour », et dont le coeur était totalement pur (Lc 2). Pour nous, le rite juif a bien une valeur mais qui se fonde dans le Mystère pascal de Jésus Christ. En Jésus Christ, la femme, symbole de l’intériorité, peut, elle-aussi, être circoncise. 62 La seconde étape est le péché personnel qui confirme la précédente. 63 Le « huitième jour », celui de la circonscision de Jésus, évoque la Résurrection (Cf. le récit de Thomas, en Jn 20). Le chiffre « huit », qui est au delà du chiffre 7 de la semaine terrestre, évoque la vie divine. Le « huitième jour » est la transcendance de chaque jour. Certains baptistères du Moyen-Age étaient octogonaux. 55 8 juin 2017 748918657 28 sur 106 2. Impureté due à la faiblesse Il y a encore une impureté, celle qui provient de la faiblesse. L'Apôtre dit à son sujet : je vois dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit et m'enchaîne à la loi du péché qui est dans mes membres (Rm 7,23). Qui donc, frères, peut se glorifier de ne pas avoir cette impureté en luimême (Pr 20,9) ? De là, viennent les mauvais désirs et les mauvais plaisirs, les mouvements désordonnés de nos membres, les pensées vaines et les divagations du cœur humain. 3. Une vie pour remonter là-haut Voyez frères, déjà vous êtes purifiés des impuretés graves, des vices détestables. Tels des fils circoncis « le huitième jour »64, vos œuvres sont purifiées. Pouvez-vous pour autant entrer aussitôt dans le Temple, je veux dire celui d'en haut, celui qui est dans la Jérusalem céleste (Ga 4,26) ? Qui peut, tant qu'il demeure en cette chair, entrer dans ce Temple ? Je passerai, dit David, dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la demeure de Dieu (Ps 42,5). On pourrait penser qu'il a dit cela pour le futur, pour après la mort, mais écoute ce qui suit : Pourquoi es-tu triste, ô mon âme, pourquoi me troubles-tu (Ps 42,6). Pourquoi son âme était-elle triste sinon parce qu'elle était redescendue du Temple vers ellemême, où elle avait retrouvé la misère et la souffrance ? Écoutez quelqu'un d'autre, qui demeurait sans cesse dans ce Temple : notre vie se trouve dans les cieux (Ph 3,20). Ainsi donc, frères, ce n'est pas aussitôt après avoir été purifiés de nos péchés, grâce au Baptême ou à la Confession, que nous pouvons monter dans ce Temple. Pourquoi cela ? Certainement à cause de certaines impuretés qui nous suivent. 4. Vers un cœur pur : l'ascèse des quarante jours En effet, qui peut se glorifier d'avoir un cœur pur ?65 De fait, lorsque nous voulons élever notre cœur vers le haut et que nous nous efforçons de pouvoir monter vers ce Temple, toutes sortes de pensées arrivent en notre cœur, qui proviennent des fautes que nous avons commises et des vanités que nous avons suivies; elles ne sont pas encore effacées de notre mémoire et elles entraînent notre cœur vers le bas, de sorte que nous ne parvenons pas à monter vers ce Temple. Il nous est donc nécessaire de patienter pendant « quarante jours » et de chercher un sacrifice qui puisse nous purifier et nous permettre d'entrer dans le Temple dont nous parlons (Lv 12, 4-6). 5. Quarante jours Ce chiffre de « quarante » symbolise les choses pénibles et les tentations que nous devons patiemment supporter tant que nous sommes en cette vie. En raison de ce symbolisme, les fils d'Israël restèrent pendant quarante ans dans le désert (Dt 8,2), où ils eurent à supporter bien des tentations et bien des choses pénibles; c'est ainsi qu'ils arrivèrent dans la Terre de la Promesse. En raison de ce symbolisme également, Élie jeûna durant quarante jours et parvint ainsi à la montagne de Dieu (1 R 19,8). Il ne fait pas de doute en effet que celui qui désire entrer dans le Temple céleste — que symbolise la terre de la promesse — celui qui désire monter à la « montagne » du Seigneur et se tenir dans son lieu saint (Ps 24,4), doit jeûner, peiner, endurer les tentations et les tribulations de cette vie afin de pouvoir par là être purifié de toute souillure de la chair et de l'esprit (2 Cor 7,2) et être parmi ceux dont il est écrit : Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu (Mt 5,8). 64 Évocation du Baptême qui est une participation à la mort et à la Résurrection de Jésus, une participation à sa vie divine, au coeur de la mort. 65 D’après les Béatitudes, « coeur pur » signifie « voir Dieu ». 8 juin 2017 748918657 29 sur 106 F. ***SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE (IV°s)66 1. « Pourquoi Dieu laisse-t-il vivre les méchants ? » A ceux qui nous interrogent ainsi nous ne répondrons pas moins que même en cela l'économie providentielle de Dieu est manifestée. En effet, d'une part, [la Providence] peut rendre à la plénitude des sauvés celui67 qui s'est aventuré jusqu'à ce point de malice pendant de longues révolutions de temps, grâce à la purification éternelle68 : c'est une évidence pour celui qui considère la puissance divine. En effet, qui pourrait être peu attentif à la nature divine, au point de considérer toutes les autres merveilles de Dieu, qu'il a accomplies par la surabondance de sa puissance, par un simple mouvement de sa volonté, et de penser que sur ce point seulement il serait impuissant ? Car si l'on voulait examiner de façon humaine, on trouverait qu'il est plus difficile de faire venir du néant à l'être le ciel et la terre et toute la merveille qui est en eux, que de ramener une âme égarée par le mal vers la vie selon la nature, de sorte que la volonté amie des hommes en cela aussi ne soit pas stérile69. 2. Le mal ne vient pas de Dieu Mais, d'autre part, la persistance de la vie dans le mal pour celui-là [l'homme qui vieillit dans le mal] ne tire pas son origine de Dieu70. En effet, il a reçu du Créateur de la vie la faculté de vivre, mais le fait de vivre mal c'est sa propre liberté qui en est l'initiatrice, cette liberté qui n'avait pas reçu son élan pour cela, de sorte que l'homme n'était pas fait pour le mal. Car rien n'est mauvais de par sa propre consistance71, rien n'a été créé pour choisir de vivre dans le mal. Si donc Dieu n'est pas responsable du mal qui se trouve en quelqu'un, on ne peut pas non plus raisonnablement lui imputer la cause de la vie mauvaise des méchants. 3. Pourquoi les uns et pas les autres ? Pourquoi, vas-tu certainement objecter, Dieu, en sa providence, arrache-t-il l'un à la vie avant qu'il ne réalise son choix dans le mal, alors qu'il laisse l'autre devenir tel qu'il eût mieux valu pour lui ne pas être né du tout ? (...) Que rien n'arrive sans l'aide de Dieu, nous le savons de bien des manières; inversement, que ce que Dieu organise n'est ni fortuit ni irrationnel, tout un chacun l'admet, sachant que Dieu est Verbe, sagesse, toute forme de vertu, vérité, que rien de ce que fait le Verbe n'est dénué de raison72, rien de ce que fait le sage n'est sans sagesse, et que celui qui est la vertu et la vérité ne saurait accepter ce qui n'est ni vertu ni vérité. Ainsi, que certains disparaissent prématurément pour les raisons indiquées ou pour une cause différente de celle que nous avons présentée, il faut bien reconnaître que tout cela advient en vue d'un 66 Dieu et le mal. Les Pères dans la foi, N°69, p. 91-95 Adam 68 La lassitude de faire le mal conduit le plus souvent au bien. Ainsi s’opère une certaine purification pendant laquelle Dieu reste patient. 69 La puissance créatrice de Dieu dépasse infiniment nos « manques à être » individuels. 70 Dieu n’a pas créé le mal. 71 Le mal en soi n’existe pas, il ne peut donc être créé par Dieu. 72 En grec, parole et raison se disent avec le même mot « logos » 67 8 juin 2017 748918657 30 sur 106 but qui est le meilleur73. Je connais une autre raison aussi, enseignée par la sagesse de l'Apôtre : certains de ceux qui l'emportent dans le mal ont le droit de vivre selon leur propre choix. Il traite plus longuement de cette idée dans son épître aux Romains (cf. Rm 9, 14. 19), et il répond par avance aux objections argumentées qu'on lui présente : le mauvais, dit-on, ne peut plus être justement accusé si le fait qu'il soit mauvais vient de Dieu; il ne serait nullement devenu tel contre la volonté de celui qui commande aux êtres. 74 L'Apôtre s'oppose alors à cet argument, en résolvant cette difficulté par un examen plus approfondi. Dieu, dit-il, distribue à chacun selon son mérite et il arrive qu'il laisse une place au mal avec, pour but, le bien.75 4. L’endurcissement du Pharaon S'il a laissé naître et devenir ce que fut le tyran d'Égypte, c'était pour que, sous ses coups, fût instruit Israël, ce peuple nombreux, innombrable même. Tout révèle pareillement la puissance divine, et elle est capable de faire du bien à ceux qui le méritent. Comme il fallait donc absolument que ce peuple fût chassé d'Égypte afin qu'il ne connût pas davantage les malheurs égyptiens attachés à l'errance de cette vie, voici pourquoi cet homme luttant contre Dieu, ce Pharaon connu pour toute sorte de vice, est apparu et s'est développé en même temps que la vie des hommes de bien76. (Pourquoi ?) afin que, le double pouvoir de Dieu77 se répartissant de part et d'autre, Israël fût justement instruit des deux caractères. Il apprenait ainsi le bien en lui-même78, alors qu'il voyait le côté plus sombre chez ceux que le mal fouettait. (...) 5. Le bonheur des méchants ? Mais, va-t-on objecter, quelques-uns profitent de leur perversité durant cette vie, et, en même temps, ceux qui mènent une existence vertueuse ici-bas ne tirent aucun bénéfice de la sueur de leur vertu. A quoi bon alors, dit-on, cette sueur (des vertueux) quand les autres vivent impunément dans le mal ?79 Je vais répondre à cette objection, vois-tu, par un argument qui transcende les raisonnements humains. 73 Grégoire de Nysse est un grand croyant, totalement plongé en Dieu. Toute son existence semble orientée vers le « but meilleur ». Nous dirions aujourd’hui que Dieu n’est pas dans les causes, mais dans ce qui advient à l’occasion des événements, dans le sens qui leur est donné. Ces événements sont humains et ne peuvent être vécus que de l’intérieur; nul ne peut donner une signifivcation immédiate à ce que l’autre vit douloureusement. Face à la douleur, le silence est requis. Une intrusion dans l’intériorité de l’autre serait un viol de l’âme. Le cardinal Veuillot ledit bien : « Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même j’en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n’en rien dire. Nous ignorons ce qu’elle est ». La relecture de la peine avancera avec le temps. Il faut en effet du temps pour comprendre, du temps pour recevoir du dedans la lumière qui vient d’ailleurs. La méchanceté ne peut pas venir de Dieu. Vient-elle pour autant de l’individu ? Nous savons aujourd’hui les choses plus complexes : le mal vient des relations humaines, nous nous en partageons la responsabilité : solidaires en Adam, solidaires dans la mort... 74 Dans une perspective purement individualiste, il n’existe pas de solution, mais dans celle du Royaume où joue la solidarité humaine, la souffrance du juste peut aider l’injuste. La vérité nous atteint plus sûrement par l’autre que par nousmême. La solidarité humaine est à la racine de la Bible car elle suppose l’amour : nous sommes tous issus du même Adam parce qu’enfants du même Père. 76 Le bon grain et l’ivraie poussent dans le même champ. Dieu a endurci le coeur du Pharaon pour permettre la sortie d’Égypte, dont le récit est un « message » pour toute l’humanité. Grégoire n’insiste pas assez sur le récit, sur la « relecture » de l’histoire qui véhicule la vérité. A moins, que pour lui, nous soyons Israël. 77 Il percevait le Pharaon à travers ce que l’injustice du roi d’Égypte lui faisait endurer, et il « se comprenait » par contraste. Sa relation au Créateur s’appuyait sur l’expériencede la relation. Ainsi Dieu agissait-il simultanément sur le Pharaon et sur Israël : double action simultanée, liée l’une à l’autre, qui permettait la réflexion. La lumière ne se saisit bien que dans les ténèbres d’une tension. La vérité ne se saisit pas en chambre. 78 « Le bien en lui-même » ? Serait-ce l’expérience de Dieu ? 79 Au moins « apparemment » : toujours ces deux mêmes niveaux de perception. Le « monde visible » ne peut être coupé du « monde invisible » qui l’éclaire de l’intérieur, et dans la foi. 75 8 juin 2017 748918657 31 sur 106 Le sublime David déclare, quelque part dans sa prophétie80, que les gens vertueux éprouvent une partie de leur joie précisément lorsqu'ils comparent avec leurs propres biens la chute des condamnés. « Le juste se réjouira, dit-il, quand il verra la punition de l'impie, il se lavera les mains dans le sang du pécheur » (cf. Ps 58,11). Non pas que le juste se réjouisse des souffrances des châtiés, mais parce qu'il connaît parfaitement alors ce que la vertu réserve à ceux qui le méritent. A travers ces paroles, David indique que, pour les gens vertueux, la comparaison établie avec le sort opposé constitue un surcroît de joie, plus intense81. Dire en effet : « Il se lave les mains dans le sang du pécheur » invite à penser que c'est sa propre purification durant sa vie qui est manifestée par la perte des pécheurs. Le terme « laver » présente bien le sens de la pureté. Or on ne se lave pas dans du sang, on se souille. Aussi est-il clair, par là, que c'est la comparaison établie avec une condition plus funeste qui révèle la félicité de la vertu. G. SAINT CÉSAIRE D’ARLES (VI°s)82 1. Le diable vient de Dieu83 Avant tout, sachez, frères, que le diable ne peut nuire ni à vous, ni à qui vous appartient, ni à vos bêtes ni au reste de votre bien, même dans de petites choses, sauf dans la mesure où il en a reçu de Dieu la puissance. C'est ainsi qu'il n'a pas osé détruire les richesses du saint Job sans la permission de Dieu. Et nous lisons de même dans l'Évangile (Lc 8,32) que, lorsque des démons ont été chassés des hommes, ils ont demandé s'il leur était du moins permis d'aller dans des porcs. Réfléchissez, je vous en prie, frères, si les démons n'ont pas osé entrer dans les porcs sans en avoir reçu la permission du Seigneur, qui sera assez incrédule pour croire qu'ils puissent nuire en quelque chose à de bons chrétiens sans que Dieu l'ait permis selon son plan ? 2. Le diable, une épreuve pour être libre Mais Dieu permet cela pour deux raisons : soit pour nous éprouver, si nous sommes bons, soit pour nous châtier si nous sommes pécheurs. Mais celui qui accepte patiemment la volonté du Seigneur et qui, comme je l'ai déjà dit, lorsqu'il a perdu quelque chose, dit : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris; comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait; que le nom du Seigneur soit béni » (Jb 1,21), celui-là recevra pour cette patience agréable à Dieu, soit la couronne, s'il est juste, soit le pardon, s'il est pécheur. Et faites attention à ceci, frères : alors que le diable avait détruit toute la richesse du bienheureux Job, Job n'a pas dit : « Le Seigneur a donné, le diable a repris », mais : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a La Bible en général, et les psaumes de David en particulier, sont une « prophétie du Christ », puisqu’ils font « briller » le Christ en nous. 81 Plusieurs idées semblent s’additionner ici : d’une part, c’est la manifestation de la Vérité qui produit la joie, et non la souffrance de l’autre. D’autre part, le juste est « lavé » des accusations qui étaient portées contre lui par l’impie : la vérité devient manifeste ! Enfin, la souffrance produite par les effets de l’injustice, ont pu purifier le juste de son péché. Le pécheur participe donc au Salut du juste, et des justes. C’est en ce sens que « l’eau » du Baptême nous « lave » : l’eau symbolise notre existence mortelle, et les difficultés de cette existence, bénie par Dieu (l’eau du Baptême est bénie), nous mènent peu à peu à l’essentiel : la vraie vie qui vient de Dieu. 82 Sermons au peuple, Tome 2, p. 457-459 83 Grégoire de Nysse affirmait que le mal ne venait pas de Dieu, et il avait raison. Césaire affirme que le diable vient de Dieu, et il a aussi raison, puisque le diable, par l’épreuve, nous permet d’exercer notre liberté. Sans l’action du Tentateur, nous serions « collés » à Dieu, et nous n’existerions pas en tant que personne autonome. 80 8 juin 2017 748918657 32 sur 106 repris ».84 Car le saint homme n'a pas voulu donner cette gloire au diable qui aurait pu lui prendre une chose que le Seigneur ne lui aurait pas permis d'emporter. En effet, alors que le diable n'aurait pu nuire ni aux enfants, ni aux serviteurs, ni aux chameaux, ni aux ânes, ni aux brebis du bienheureux Job avant que le Seigneur ne l'ait permis, pourquoi croyons-nous qu'il fasse à des chrétiens plus que ce que la divine puissance a permis par un juste jugement secret ? 3. Croire ! C’est pourquoi, croyant avec une absolue certitude que nous ne pouvons rien perdre, si ce n’est dans la mesure où Dieu permet que cela nous soit enlevé, tenons-nous en de tout cœur à sa miséricorde, et laissant fidèlement les observances sacrilèges, ayons toujours confiance en son aide. H. **SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).85 1. Ce mal moral : une force qui nous dépasse,86 - Certains actes commis « par ignorance » sont désapprouvés et jugés dignes de correction, comme nous le lisons dans les autorités divines87 : l’Apôtre dit en effet : « j'ai obtenu miséricorde, parce que j'ai agi en ignorant » (1 Tm 1,13); le prophète dit aussi : « des fautes de ma jeunesse et de mon ignorance ne te souviens pas » (Ps 25,7).88 - Il y a aussi des actes commis « par nécessité »89 qu'il faut désapprouver, quand l'homme veut agir bien et ne le peut; car d'où viennent ces paroles : en effet je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je hais, je le fais (Rm 7,19); et celles-ci : vouloir est à ma portée, mais accomplir le bien, je n'en trouve pas le moyen » (Rm 7,18); et celles-ci : la chair a des convoitises contraires à celles de l'esprit et l'esprit en a de contraires à celles de la chair; car ils sont contraires 1'un à 1'autre, de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez (Gal 5,17).90 Tout cela est le fait des hommes qui proviennent de la première condamnation à mort91; car si ce n'est L’existence biblique ne se situe pas dans l’instant présent, mais dans la mémoire intérieure d’une histoire personnelle où se joue la relation d’Alliance. Sans mémoire, pas de foi 85 Le Libre Arbitre, E.A.N°6, p. 477-478 86 Augustin répond à Pélage, chrétien rigoriste, puritain et volontariste. Pélage affirme que l’homme est libre, et donc responsable à part entière de toutes ses fautes. Dieu lui a donné une volonté, qu’il s’en serve ! S’il pèche, il sera puni ! Par ailleurs, Pélage s’en prend à Augustin à qui il reproche son illogisme : le péché est le péché, et le coupable coupable, et il ne faut pas atténuer la rigueur sous peine de laxisme. Pélage voit d’un côté le péché - c’est le mal ! - et de l’autre la liberté et la responsabilité pleine et entière de l’être humain. Il lie ensemble ces deux entités, au point qu’atténuer le liberté serait atténuer le péché, et donc offenser Dieu. Augustin répond à Pélage que la liberté n’est pas seulement le fait de la décision humaine. La liberté dépend aussi de la grâce. Sans la grâce active de Dieu (sanctifiante), la liberté pleine et entière ne pourrait pas exister. Mais Pélage oppose la liberté et la grâce, l’homme et Dieu. 87 Ce qu’Augustin avait déjà développé dans son « De natura et gratia », 67,81 (BA 21, p.402) 88 Ces actions sont de nature mauvaise, mais la personne qui n’en pas consciente, n’est pas coupable. Par exemple, certaines fautes commises par des enfants ou des jeunes. L’acte est en lui-même répréhensible, mais l’inconscience de celui qui l’a commis, est une circonstance plus qu’atténuante. 89 L’acte est également répréhensible (il faut aussi le désapprouver), mais les circonstances font que la personne n’est pas totalement responsable. 90 Pélage confond la nature mauvaise de l’acte avec la culpabilité de celui qui le commet. L’évêque excuse l’homme pour deux raisons, soit parce qu’il est inconscient, soit parce qu’il est trop faible pour résister. La « nature humaine » a en effet été amputée de sa relation à Dieu, qui lui confère « lumière » et « force », deux dons du Saint-Esprit. On dit aussi que « l’Image de Dieu » présente en tout homme, a été ternie par le Péché Originel. 91 La nature humaine, telle que nous en avons l’expérience, a été viciée par la chute. Ce qu’elle est actuellement n’est pas ce que Dieu voulait et continue de vouloir. 84 8 juin 2017 748918657 33 sur 106 là une peine qui frappe l'homme, si c'était sa « nature », il n'y aurait là aucun péché92. 2. Nos deux manques actuels En effet, si l'homme ne s'écarte pas de la condition dans laquelle il a été créé « naturellement »93, de sorte qu'il ne peut accéder à l'état meilleur, il fait ce qu'il doit quand il fait cela94. Au contraire, si l'homme avait été bon, il aurait été autre.95 Mais maintenant, puisqu'il est ainsi, il n'est pas bon et il n'a pas en son pouvoir d'être bon96, soit qu'il ne voie pas en quel état il devrait être97, soit qu'il voie mais ne soit pas capable de se mettre dans l'état où il voit qu'il devrait être98. 3. La conséquence logique du péché d’Adam Que ce soit là une peine, qui peut en douter ? Or toute peine, si elle est juste, est peine du péché et s'appelle châtiment. Si, en revanche, cela était une peine injuste, - puisque personne n'hésite à y voir une peine - elle aurait été imposée à l'homme par quelque injuste dominateur. Mais, puisque ce serait folie de douter de la Toute-puissance et de la Justice de Dieu, cette peine est donc juste, et elle est (bien) infligée pour quelque péché. 99 En effet, aucun injuste dominateur n'a pu soustraire l'homme à Dieu100, comme à son insu, ni le lui arracher malgré lui, comme à un adversaire moins fort, par la terreur ou de haute lutte, pour tourmenter l'homme d'une peine injuste. Il reste donc que cette peine juste vient de la condamnation de 92 Mais cet état dans lequel nous sommes actuellement, qui « débranche » en nous la « nature divine » au profit de la seule « nature charnelle » n’est pas celui que le Créateur avait voulu à l’origine. Si c’était le cas, nous serions en effet « sans péché », tout comme les animaux sont sans péché. Ce n’est pas le cas, car nous avons été créés « à l’Image et à la Ressemblance de Dieu ». Il suffit de « réactiver » Dieu en nous. Dans le « De libero arbitrio » III,28,51 (BA 6, p 421-422), Augustin souligne la priorité du rapport à Dieu - l’Etre même qui fait être - sur le rapport à la faute : « Si tu veux fuir le malheur, aime en toi ce « Vouloir être » même, car si tu veux être de plus en plus, tu t’approcheras de Celui qui est suprêmement ». Une volonté ignorante de l’amour de Dieu est inopérante. Dieu est déjà au coeur de la volonté. Le Vivant est bien présent à l’homme, et sa grâce, son pardon (ce don parfait) est seul efficace ! Pélage confondait notre état actuel avec celui d’avant la Chute. Notre volonté et notre liberté sont trop « malades », trop « coupées de Dieu » pour que nous puissions être considérés comme « coupables » du péché. Nous devons accepter d’être « enfants du Père » pour recevoir du Créateur, cette lumière et cette force d’amour qui nous font « adultes » dans la foi. 93 ... « dans laquelle il est né », dans cet état de « nature déchue » que nous recevons tous à la naissance. 94 ...et ne fait que cela de l’extérieur. Le respect de la règle morale, si ce n’est que cela, ne fait pas avancer vers Dieu, mais maintient la condition de pécheur, maintient la mort. 95 Dans l’hypothèse d’école où il n’y aurait pas eu de « chute ». 96 Il n’en est pas capable tout seul. 97 Il est « aveugle » sur ce qu’il est et sur ce qu’il devrait être. Il lui manque la « lumière » intérieure de l’Esprit. 98 Il n’a pas la force. Il lui manque la puissance de l’Esprit. 99 Même s’il n’y a pas « culpabilité », il y a bien péché. 100 Comme le pensent les manichéens de tous les temps. 8 juin 2017 748918657 34 sur 106 l’homme101. 101 A la fin de sa vie, le vieil évêque révise tous ses livres antérieurs et écrits les « Retractationes » (les Révisions). Voici ce qu’il ajoute à ce qu’il avait déjà dit : « ô. Voilà comment, bien longtemps avant l'apparition de l'hérésie pélagienne, nous nous sommes exprimés comme si nous discutions déjà contre elle. Nous avons dit en effet que tous les biens viennent de Dieu, les grands, les moyens et les moindres; parmi les biens moyens, se trouve le libre arbitre de la volonté, parce que nous pouvons nous en servir mal; pourtant il est tel que sans lui nous ne pouvons faire le bien. Son bon usage est déjà la vertu, qui figure parmi les grands biens dont il n'est pas possible de mal user. Et parce que tous les biens, ainsi qu'il a été dit, les grands, les moyens et les moindres, viennent de Dieu, il suit que de Dieu également vient le bon usage de la volonté libre, c'est-à-dire la vertu qu'on compte parmi les grands biens. Ensuite, nous avons dit de quelle condition misérable, très justement infligée aux pécheurs, délivre la grâce de Dieu : de lui-même en effet, c'est-à-dire librement, I'homme a pu tomber, mais il ne peut pas se relever. A la misère de cette juste condamnation appartiennent l'ignorance et l'impuissance dont souffrent tous les hommes dès le début de leur existence : sans la grâce de Dieu, personne n'est délivré de ces maux. Cette misère, les Pélagiens ne veulent pas qu'elle provienne d'une juste condamnation, car ils nient le péché originel. Pourtant l'ignorance et l'impuissance, même si elles appartenaient à la nature primitive de l'homme, il ne faudrait pas en accuser Dieu, mais le louer. » (BA 12, p 325) 8 juin 2017 748918657 35 sur 106 IV. DOSSIER : LE SALUT A. ORIGENE (III°s). 102 1. De l’utilité de la malice humaine Nous disons que, par les bienfaits de la Sagesse de Dieu, tout est disposé dans le monde, en sorte que rien ne soit inutile devant Lui, mal ou bien. Mais expliquons-nous plus clairement. Dieu n'a pas créé la malice, ce sont d'autres qui l'ont inventée; il aurait pu l'empêcher, il ne le fait pas avec les méchants, Il se sert de la malice pour des fins nécessaires. Par l’action des méchants, il illustre et aguerrit ceux qui tendent à la gloire des vertus. Si la malice était supprimée, les vertus ne rencontreraient plus d'opposition. Sans opposition, la vertu ne brillerait pas, il lui manquerait la gloire et l'épreuve. Or une vertu, qui n'est ni aguerrie ni éprouvée, n’est plus une vertu. 2. Le témoignage de l’Écriture Mais tout cela, avancé sans le témoignage des divines paroles, semblera plutôt raffinements et inventions humaines que vérités incontestables. Cherchons donc si les divins Livres renferment quelque pensée analogue. Prenons Joseph (Gn 37, 20-28). Qu'on supprime la malice de ses frères, leur jalousie, tout le plan parricide qu'ils dressèrent contre leur frère jusqu'à le vendre enfin. Cela supprimé, qu'on voie ce qui tombe des bienfaits de Dieu. On en retranchera en même temps toutes les actions accomplies par Joseph en Égypte pour le Salut universel. Le songe de Pharaon n'aurait pas été interprété (Gn 41, 25 ss), si par la jalousie de ses frères Joseph n'avait pas été vendu et n'était pas venu en Égypte, personne n'aurait compris ce que Dieu avait révélé au roi, on n'aurait pas amassé de blé en Égypte, ni remédié à la famine par une sage prévoyance. L'Égypte serait morte, mais les pays limitrophes seraient aussi morts de faim, et, avec eux, Israël; sa descendance ne serait pas entrée en Égypte en quête de pain et les fils d'Israël n'en seraient pas sortis au milieu des miracles du Seigneur. Plus de plaies d'Égypte, plus de prodiges de Dieu accomplis par Moïse et Aaron. On n'eût point passé la Mer Rouge à pied sec. La vie mortelle ne connaîtrait pas l'aliment de la manne. Les torrents d'eau n'auraient pas jailli de la pierre qui suivait le peuple (Ex 17,6). La Loi n'aurait pas été donnée par Dieu aux hommes. Tout le contenu de l'Exode, du Lévitique, des Nombres même et du Deutéronome ne serait pas venu à la connaissance des hommes. Personne ne serait entré dans l'héritage paternel et dans la Terre Promise. Pour prendre ce passage que nous avons en mains103, qu'on supprime la malice de ce mauvais roi Balac, et son désir de maudire Israël, qu'on supprime l'astuce qui le faisait inviter Balaam à anéantir le peuple, on supprimera en même temps les bienfaits de Dieu en faveur d'Israël et les bienfaits de sa Providence; plus de ces prophéties qui par la bouche de Balaam s'adressent à la fois aux fils d'Israël et aux Nations. 3. Témoignage du Nouveau Testament On veut aussi des témoignages du Nouveau Testament à l'appui de ceci ? Si l'on supprime la malice de Judas, si l'on enlève sa trahison, on supprimera en même temps la Croix du Christ et Sa Passion, et s’il n'y a plus de Croix, « Les Principautés et les Puissances ne sont plus dépouillées et vaincues par le 102 103 Homélies sur les Nombres, Sources Chrétiennes N°29, p. 282-285 L’histoire du mage Balaam. 8 juin 2017 748918657 36 sur 106 bois de la Croix. » (Col 2,15) Si 1a mort du Christ n'avait pas eu lieu, Sa Résurrection n'aurait pas eu lieu non plus; il ne se serait pas levé « un Premier-né d’entre les morts » (Col 1,18). Et sans ce « Premier-né d'entre les morts », nous n'aurions pas l'espérance de la Résurrection. 4. Sans diable, pas de liberté humaine De la même manière, supposons que le Diable même ait été privé par quelque contrainte de la possibilité de pécher, ou qu'après le péché la volonté de mal faire lui ait été ôtée; par le fait même nous aurions perdu l'occasion de lutter contre ces assauts, il n'y aurait plus à attendre « la couronne de la victoire pour celui qui a lutté selon les règles » (2 Tim 2,5). Si nous n'avions pas d'adversaires, il n'y aurait pas de combat ni de récompense décernée aux vainqueurs, et le Royaume du ciel ne leur serait pas offert; « ce léger fardeau de notre tribulation présente ne produirait pas avec usure son poids de gloire dans l'avenir » (2 Cor 4,17); et personne d'entre nous n'espérerait, pour sa patience dans les tribulations supportées, la gloire immense de la vie future.104 B. SAINT AUGUSTIN (V°s) : Contre Pélage ! 105 1. On peut résister au Mal. « De même, dit Pélage106, l'évêque Augustin dans son livre sur le libre arbitre, écrit : quelle que soit la cause qui agit sur la volonté, s'il était impossible de lui résister, nous lui céderions sans péché; mais si cela est possible, ne lui cédons pas et nous ne pécherons pas. Abuse-t-elle, par hasard, l'imprudent ? Qu'il prenne donc garde pour n'être pas induit en erreur. Sa force mensongère est-elle donc si grande qu'il soit absolument impossible de s'en garder ? Alors, il n'est plus de péché107. Qui pèche, en effet, en un point sur lequel il ne peut aucunement se garder ? Mais nous péchons : c'est donc qu'il est possible de se garder ? » Je le reconnais, ce sont mes paroles : mais que notre auteur veuille également prendre acte de toutes celles qui ont été dites auparavant, car il y est question de la grâce de Dieu108, remède qui, à travers le 104 Le combat spirituel est une nécessité pour accéder à la Résurrection. « De la nature et de la grâce », p. 401 à 407. Au début de sa vie d’évêque, Augustin a lutté contre les manichéens, ces gens qui se meuvent dans une univers mental totalement physique et matérialiste, structuré en deux pôles opposés : le bien et le mal. Dans la seconde partie de sa vie, Augustin luttera contre différents pélagiens, des gens pour qui la volonté et la grâce sont totalement séparées. Le pélagien est d’abord un volontariste qui « doit » accéder à Dieu par sa propre volonté : c’est un stoïcien, un homme de devoir. Alors que le manichéen évolue dans un monde minéral, le pélagien a une approche plutôt psychologique de l’homme : c’est un « psychique », comme on le disait dans l’antiquité (1 Cor 15,46). Le « psychique » s’oppose au « spirituel » car il réduit l’âme humaine au psychisme visible, à l’expérience psychologique telle que tout un chacun peut la faire. L’intériorité que revendique ce « psychique » n’est pas celle de la foi, c’est une intériorité sans Dieu. D’une certaine façon, les deux courants, le manichéïsme et le pélagianisme, sont inverses l’un de l’autre : pour le manichéen, la liberté n’existe pas; pour le pélagien, au contraire, l’homme est totalement libre, et sa conscience est souveraine : d’où son refus, par exemple, du baptême des petits enfants. Augustin va se battre sur ces deux fronts. Ces deux courants se rencontrent fréquemment aujourd’hui, d’où l’intérêt de la réflexion d’Augustin. 106 Pélage comprend Augustin de travers, il défend une position moraliste, celle d’une volonté maîtresse d’elle-même. Les enfants et les adolescents pensent souvent cela. 107 Ce qui est inconcevable. 108 Le débat entre Augustin et Pélage touche à la relation entre la grâce et la liberté. Pélage les sépare radicalement : pour lui, la liberté se trouve du côté de l’homme, et la grâce du côté de Dieu. Pélage construit une séparation radicale entre l’homme et Dieu, entre la liberté et la grâce. Cette coupure s’oppose à l’Alliance, elle n’est pas biblique : pour l’Écriture, en effet, l’homme créé à l’Image de Dieu, a toujours déjà en lui quelque grâce. Il n’y a donc pas la « nature » au « rez de chaussée », et la « surnature » au « premier étage », comme certains modernes l’imaginent aussi parfois en survalorisant la conscience et la volonté. Pélage semble très moderne. 105 8 juin 2017 748918657 37 sur 106 Médiateur, vient à notre aide, et non pas de l'impossibilité de la justice109. I1 est donc possible de résister à cette cause... quelle qu'elle soit : c’est parfaitement possible !110 Car, à ce sujet, nous demandons du secours en disant : « Ne nous soumets pas à la tentation 111 ». Or, nous ne demanderions pas secours si nous pensions qu'il est absolument impossible de résister. Le péché peut être évité, mais avec l'aide de celui qui ne peut tromper, car si nous disons en vérité cette prière : « Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes nous les remettons à nos débiteurs »112, elle tend précisément à nous garder du péché. En effet, même quand il s'agit du corps, on se garde du mal par deux moyens : soit en faisant qu'il n'arrive pas, soit en faisant que, s'il est arrivé, il soit vite guéri. Pour qu'il ne survienne pas, nous pourvoirons en disant : « Ne nous soumets pas à la tentation »; pour qu'il soit vite guéri, nous pourvoirons en demandant : « Remets-nous nos dettes ». Que la tentation nous menace ou bien qu'elle nous atteigne, il est donc possible de nous en garder113. (...) 2. L’erreur fatale est de penser l’homme sans Dieu114 En effet, peut-être se plaindraient-ils à bon droit, si aucun homme ne restait vainqueur de l'erreur et de la passion; mais partout est présent celui qui, de mille manières, par l'entremise de la Création vouée au service de son maître, rappelle l'homme qui se détourne, instruit celui qui croit, console qui espère, encourage qui aime, soutient qui fait effort, exauce qui supplie115. Aussi n'es-tu pas tenu pour coupable de ce que tu ignores malgré toi, mais de ce que tu négliges de chercher ce que tu ignores116; non pas de ce que tu ne réussis pas à bander tes membres blessés117, mais de ce que tu méprises Celui qui veut les guérir... Pélage, concret et réaliste, ne saisit pas la pensée fine d’Augustin : défendant à tout prix la conscience et la volonté de l’homme, le moine volontariste croit que l’évêque d’Hippone minimise l’action de l’homme, mais Augustin ne pose pas d’abord le problème moral en terme d’action. Augustin rappelle seulement la Bible, les limites de la volonté de l’homme déchu, ce qui est la postion de l’Apôtre. Pour l’évêque d’Hippone, l’échec de l’homme vient d’une volonté et d’une liberté qui se coupent de Dieu... volontairement ou involontairement d’ailleurs. En revanche, par la prière et la reconnaissance du péché, la grâce grandirait au coeur de la volonté... L’anthropologie des deux hommes n’est pas la même, d’où l’incompréhension de Pélage qui est moraliste et non philosophe. 110 Dans la perspective d’Augustin : avec la grâce de Dieu qui sera d’autant plus active qu’il y aura prière. 111 Mt 6,13 112 Mt 6,12 113 Et, toujours, en se référant à la grâce de Dieu. Pour Augustin, la « pure nature » (« nature » sans Dieu, imaginée au XVI°-XVII° siècle par l’humanisme), est inconcevable. Le rationalisme a repris ce pélagianisme pur et dur qui a donné l’humanisme athée. Il existe aussi un « semi-pélagianisme » qui subordonne la grâce à la volonté : « aide-toi, et le ciel t’aidera ». 114 C’est la tentation des « psychiques » de tous les temps. 115 Mais comment « voir » tout cela si l’on est aveugle, et si l’on n’a pas appris à le voir. Ni le matérialiste positif ni le « psychique » psychologisant ou moralisant ne sont capables d’entrer dans cette vision hautement spirituelle, toute marquée par « l’intelligence de la foi ». 116 Encore une fois, ignorance d’un « monde invisible » lié au « monde visible ». 117 Il ne s’agit pas, comme le pense le stoïcien ou le moraliste, qui campe sur sa volonté, d’arriver à vaincre le mal en décidant de faire le bien, mais de se tourner vers Dieu qui donne la lumière et la force. Le débat éducatif entre chrétiens et pélagiens est là, il n’est pas nouveau, il était déjà celui des Grecs et des Juifs d’avant Jésus Christ. Il a été confirmé par Jésus. 109 8 juin 2017 748918657 38 sur 106 C. SAINT AUGUSTIN (V° s) 118 1. Nécessité de s’adresser à Dieu pour vaincre le péché. Revenons donc à la pensée de l'Apôtre : « la charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs l’Esprit Saint qui nous a été donné » —Par qui ? sinon par celui « qui est monté au ciel, a enchaîné la captivité et a départi ses dons aux hommes ? » Mais du fait qu'il existe, en raison des vices de notre nature et non en raison de sa constitution, une certaine « nécessité » de pécher119, il faut que l'homme prête l'oreille, et pour anéantir cette « nécessité », il lui faut apprendre à dire à Dieu : « A mes nécessités, arrache-moi ». Car, dans une prière de ce genre, est impliqué un combat contre le tentateur120, lequel lutte contre nous en vertu de cette nécessité même, combat au cours duquel, avec l'aide de la grâce transmise par Jésus-Christ Notre Seigneur, non seulement la nécessité mauvaise se trouvera écartée, mais l'entière liberté nous sera accordée121. D. SAINT AELRED DE RIEVAULX (XII° s)122 1. Dieu, force de Salut L'œuvre de miséricorde est proprement l’œuvre de Dieu, mais comment faire cette œuvre sinon en sauvant les miséreux ? C'est la raison pour laquelle l'œuvre de notre Salut est l'œuvre de sa miséricorde. C'est proprement son œuvre à Lui. Qu'y a-t-il de plus approprié au Sauveur, c'est-à-dire à Jésus, que de sauver ? Mais que dit le prophète ? « Pour accomplir son œuvre, il a fait une œuvre étrangère » (Is 28, 21). Comme vous le savez, frères, notre Seigneur Jésus Christ est Sagesse (1 Cor 1,30). Il est Force, il est Vie (Jn 14,6). Qu'est-ce qui est contraire et, pour ainsi dire, étranger à la sagesse ? Certainement la folie. Et qu'est-ce qui est contraire à la force ? La faiblesse évidemment. De même, rien n'est plus contraire à la mort que la vie.123 118 De natura et gratia, N°21, p.399. On retrouve l’anthropologie biblique de Saint Augustin. 120 La parabole du Juge injuste (Lc 18), qui semble être Dieu, traite de cela. Une veuve (l’âme) a un adversaire (Satan : l’adversaire) qui l’opprime. La veuve se tourne vers le Juge... Nous comprenons maintenant pourquoi la parabole se termine par la phrase sybilline : Le fils de l’homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? Seule la prière adressée à un Juge qui n’est pas inique peut vaincre l’Adversaire et mener à la foi. C’est ce que dit Augustin contre les réductions volontaristes. 121 La liberté vient avec la prière, elle n’est pas « naturelle » pour une nature déchue comme la nôtre. Ce point est capital pour saisir les limites du volontarisme que combat Augustin dans ses écrits contre Pélage, dont ce texte fait partie. 122 Sermons pour l’année, Pain de Citeaux N°11, p.187-188. 123 Pourquoi l’oeuvre de Jésus est-elle « étrangère » ? parce qu’elle est le paradoxe de sa divinité. Le « tout puissant » devient le « tout faible ». Le « Vivant » connaît la mort. Le « pur » accepte de cotoyer l’impureté des pécheurs que nous sommes. Dieu s’unit à l’humanité pécheresse,, à la « brebis perdue » que nous sommes. Il s’est uni à elle dans son Incarnation, il continue de le faire dans l’Eucharistie. Ce paradoxe de l’amour semble illogique à ceux qui séparent spontanément l’homme et Dieu. Mais refuser ce paradoxe, c’est refuser la Croix et sa « folie » au nom d’une logique « extérieure » (étrangère !) qui est celle de l’homme trop humain, mais qui n’est pas celle de Dieu. Le thème de l’extériorité de Dieu par rapport à la Création traverse la mystique juive et fonde le « ex nihilo » qui caractérise la Création biblique. Dans la conception juive, qui n’est pas à confondre avec l’approche prométhéenne des Grecs, Dieu n’est pas dans la Création comme l’est toute créature, on ne le déduit pas du cosmos, ni de la psychè humaine, il est seulement proche de celui qui l’invoque. Pour les Grecs, Prométhée met en ordre un chaos initial... Mais le « tohu-wabohu » de la Bible n’est pas cela.... Ce débat existait déjà entre Juifs et Grecs avant Jésus-Christ, comme le Talmud l’évoque. 119 8 juin 2017 748918657 39 sur 106 2. Le paradoxe du Mystère pascal : la mort offerte apporte la vie124 Réfléchissez maintenant à la manière dont notre Seigneur a pris sur lui une œuvre qui lui était étrangère afin de pouvoir accomplir son œuvre propre, c'est-à-dire son œuvre de miséricorde. Lui qui était la Sagesse, il a voulu être comme fou; lui qui était la Force, il a voulu être faible. C'est pourquoi l'Apôtre a dit : « Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Cor 1,25). « Pour accomplir son œuvre, il a fait une œuvre qui lui est étrangère » (Is 28,1) : le Pain a faim, la Source a soif, la Force est fatiguée, la Vie meurt. Comment donc accomplit-il son œuvre à lui par le moyen de cette œuvre étrangère ? Sa faim nous nourrit, sa soif nous enivre, sa fatigue nous revigore, sa mort nous vivifie. Nous sommes rassasiés spirituellement, enivrés, revigorés, vivifiés spirituellement : tout cela est l'œuvre de sa miséricorde. Il a accompli tout cela par le moyen d'une œuvre étrangère. La Sagesse fait cela par le moyen de la folie, comme le dit l'Apôtre : « Puisque le monde n'a pas reconnu Dieu par le moyen de la sagesse, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie du message » (1 Cor 1,21). Ainsi donc, comme nous l'avons dit, la Sagesse a accompli son œuvre par le moyen de la folie, la Force l'a accomplie par le moyen de la faiblesse. Le Pain l'a accomplie en ayant faim, la Source en ayant soif, la Puissance en étant fatiguée. La Vie l'a accomplie par le moyen de la mort. « Pour accomplir son œuvre, il a fait une œuvre étrangère; pour accomplir son œuvre, il a fait une œuvre qui est éloignée de lui » (Is 28,21). Pour qu'il accomplisse l'œuvre de sa miséricorde, voici que l'œuvre de sa sagesse s'est éloignée de lui, ainsi que l'œuvre de sa justice.125 E. PSEUDO-MACAIRE (II°s)126 1. Le péché rend aveugle « Mais, diras-tu, montre-moi ton Dieu. » Montre-moi, te répondrai-je, l'homme que tu es, et je te montrerai mon Dieu. Prouve-moi que les yeux de ton âme voient et que les oreilles de ton cœur entendent. Les yeux du corps nous permettent d'apercevoir ce qui se passe en notre vie et sur la terre; nous sommes sensibles aux oppositions, comme la lumière et les ténèbres, le blanc et le noir, l'harmonie, la mesure, son excès et son défaut; de même pour tout ce qui touche l'oreille : les sons aigus, graves, agréables. On peut également dire des oreilles du cœur et des yeux de l'esprit qu'ils ont la faculté de voir Dieu. Car on voit Dieu lorsqu'on sait le voir et qu'on tient ouverts les yeux de l'esprit. Tous les hommes ont des yeux, mais quelques-uns, atteints de cataracte, n'aperçoivent plus la lumière du jour. Et si les aveugles ne voient pas, est-ce à dire que le soleil ne brille plus ? C'est à eux-mêmes qu'ils doivent s'en prendre, et à leurs yeux. Mais en toi aussi, mon ami, les yeux de l'esprit sont aveuglés par les fautes et les désordres.127 L'homme doit posséder une âme aussi pure qu'un miroir étincelant. Le miroir vient-il à se ternir ? On ne peut plus contempler son visage. L'homme se livre-t-il au mal ? Il devient incapable de contempler La logique de l’amour est la suivante : offrir la fatigue du corps pour recevoir en échange la vie définitive. Ce corps n’est-il pas de toute façon condamné à la corruption ? Tel est le Mytère de la Croix qui fonde la vie sacramentelle chrétienne. 125 Une tension existe entre la justice de Dieu et son amour. Pour les Juifs, les deux noms de Dieu, Adonaï et Elohim, évoquent son amour (Adonaï) et sa justice (Elohim) : ces deux attributs de Dieu sont représentés par les deux anges de l’arche d’Alliance, qui se font face. Comment aimer tout le monde en étant juste, comment être juste en pardonnant à tous ? Mystère d’un Dieu qui, en Jésus Christ, semble avoir privilégié l’amour à la justice ? 126 Les chemins vers Dieu, Lettres chrétiennes N°11, p. 33-34 127 Même idée qu’Augustin sur l’aveuglement normal de l’homme pécheur. L’enfer est pavé de bonnes intentions. 124 8 juin 2017 748918657 40 sur 106 Dieu. Montre-toi donc toi-même : n'es-tu pas adultère ? N'es-tu pas sensuel ? N'es-tu pas un fripon, un escroc, un voleur ? N'es-tu pas homosexuel ? N'es-tu pas brutal, grossier, coléreux ? N'es-tu pas envieux, vantard, hautain, querelleur ? N'es-tu pas insolent avec tes parents ? N'es-tu pas de ceux qui vendent leurs enfants ? A de telles gens, Dieu ne se manifeste pas, avant qu'ils ne se soient purifiés de toute souillure. Ainsi tous ces vices sèment l'obscurité devant toi, comme une taie qui se forme sur l'œil et l'empêche de regarder la lumière du jour. Oui, mon ami, tes impiétés te jettent dans les ténèbres et tu n'es plus capable de voir Dieu. 2. Je dis Dieu, et il existe pour moi. Alors tu me diras : « toi qui vois, décris-moi Dieu128. » Ecoute, cher : rien ne peut donner une idée ou une notion de Dieu. Les yeux de chair ne savent pas le voir. Sa gloire, nul ne la mesure. Sa grandeur, nul ne l'étreint. Sa hauteur, nul ne la conçoit. Rien ne se compare à sa force, rien n'égale sa sagesse. Sa bonté est sans pareille, sa munificence sans exemple. Le dis-je « lumière » ? Je parle de son œuvre. Le dis-je « parole » ? Je parle de son commencement. Le dis-je « esprit » ? Je parle de son intelligence. Le dis-je « souffle » ? Je parle de son haleine. Le dis-je « sagesse » ? Je parle de sa descendance. Le dis-je « force » ? Je parle de son empire. Le dis-je « puissance » ? Je parle de son activité. Le dis-je « providence » ? Je parle de sa bonté. Le dis-je « souveraineté » ? Je parle de sa gloire. Le dis-je « Seigneur » ? Je nomme le juge. Le dis-je « juge » ? C'est le dire juste. Le dis-je « père » ? C'est dire qu'il est tout. Le dis-je « feu » ? Je nomme sa colère. Quoi, diras-tu, Dieu se met en colère ? Eh oui ! I1 se courrouce contre les méchants mais il est bon, doux et miséricordieux pour ceux qui l'aiment et le craignent. I1 est le maître des croyants, le père des justes, le juge et le punisseur des impies. F. SAINT AUGUSTIN (V°S)129 1. Regarder Dieu et non soi-même Ton péché est devant toi, pour ne pas se dresser devant Dieu130. Et toi, ne te tiens pas en ta présence pour te tenir en présence de Dieu. Comment désirer que Dieu n'éloigne pas de nous son visage, et désirer en même temps qu'il écarte ses yeux de nos péchés ? Car nous demandons l'un et l'autre dans les psaumes. N'écarte pas ton visage de moi (Ps 26,9). La voix du psaume est notre voix. Et celui qui dit : n'écarte pas ton visage de moi dit ailleurs : écarte ton visage de mes péchés (Ps 51,11). Si tu veux qu'il détourne son visage de tes péchés, cesse de te regarder, mais ne cesse pas de voir tes péchés. Si tu n'en détournes pas ton visage, tu finiras par t'irriter contre ces fautes.131 Ne pas détourner son visage de ses fautes, pour toi c'est les reconnaître, pour lui les pardonner. « Décris-moi Dieu » comme une chose, comme une réalitée vue de l’extérieur et non comme une expérience intime La parole logique serait alors descriptive (« bleue », et d’une logique toute extérieure (« verte »)...et Dieu serait assimilé à quelqu’un du « cosmos » ou de la « psychè ». On le chercherait là où il n’est pas. 129 Les chemins vers Dieu; lettres chrétiennes N°11, p.279 128 130 A force de voir son péché en ignorant Dieu, on dresse ce péché contre Dieu. La fixation sur le péché conduit à l’univers morbide de la faute et de la culpabilité. Reconnaître son péché d’accord, mais le reconnaître à la lumière de la face aimante de Dieu. 131 8 juin 2017 748918657 41 sur 106 G. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 1. Le Christ, nourriture intérieure,132 C’est pourquoi la Parole de Dieu, par qui tout à été fait (Jn 1,3), et qui accomplit tout le bonheur des anges, a étendu sa clémence jusqu'à notre misère, et la Parole s'est faite chair et elle a habité parmi nous (Jn 1,14). Ainsi, en effet, l'homme pourrait manger le pain des anges (Ps 78,25), sans être encore l'égal des anges, si le pain des anges lui-même daignait s'égaler aux hommes. 132 Le Libre Arbitre, E.A.N°6, p.442-443 8 juin 2017 748918657 42 sur 106 V. BAPTEME A. ROMANOS LE MÉLODE (V°s).133 1. Le Seigneur veut notre conversion134 Quand je contemple la menace suspendue sur les coupables au temps de Noé, je tremble, moi qui suis coupable aussi de péchés abominables, lourds de condamnation. Les hommes d’alors, le Créateur les menaça d’avance d’extermination, car il attendait le temps de leur conversion. Pour nous aussi, il y aura l’heure de la fin135, inconnue de nous et même cachée aux anges. En ce dernier jour, le Christ, le Seigneur d’avant les siècles, viendra, chevauchant les nuées, pour juger la terre136, comme l’a vu Daniel. Avant que cette heure dernière ne tombe sur nous, supplions le Christ en lui criant : « Sauve tous les hommes de la colère par l’amour que tu nous portes, Rédempteur de l’univers. » 2. Seul le Juste peut sauver Pour connaître l’histoire de Noé, écoutons les paroles de l’Écriture. Voici ce que dit au juste l’Ami137 des hommes, en voyant la méchanceté qui régnait alors : « La fin de tout homme est venue devant moi, car la terre est remplie d’injustices sans nombre. (...) Toi, parmi cette génération, tu es vraiment le seul juste agréable à mes yeux ; tu as fleuri comme une rose au milieu des épines (...) Allons, prends des poutres de bois imputrescible et fabrique-toi une arche selon ma volonté, aux dimensions que je vais te montrer : elle sera comme une matrice portant les semences des espèces futures. Tu la feras comme une maison, en figure de l’Église. Tu l’ajusteras selon mes indications (...) ; en elle je te garderai, toi qui me cries avec foi : « Sauve tous les hommes de la colère, par l’amour que tu nous portes, Rédempteur de l’univers. » (...) 3. Le peuple endurci ne comprend pas Avec intelligence, l’élu accomplit son ouvrage ; mais le peuple sans intelligence, en regardant à l’intérieur, connut138 ce qu’il faisait là139. On écouta ses explications, mais tout cela parut une chimère. Le Juste pourtant criait avec foi aux hommes sans foi : « Mettez fin maintenant à la colère de Dieu, car elle va venir rapidement. Pas de pardon pour l’incrédulité des vivants, à moins que vous ne vous convertissiez sans tarder ! Un terrible cataclysme va s’abattre soudain : ces montagnes que vous voyez, les eaux les recouvriront, elles détruiront la terre que vous perdez vous-mêmes par vos méfaits. (...) La 133 Isabelle de la Source, Genèse, p.37-38, Hymne sur Noé, strophes 1...10 Années paires, semaine 1, vendredi (Gn. 6, 5-22; 7,17-24) 134 Entrons dans « la tradition » par un texte qui actualise d’emblée le récit du Déluge : nous sommes semblables aux hommes de l’Ancien-Testament : la Bible révèle notre vie de pécheurs. Le Nouveau Testament ne prend sens que si nous assumons l’Ancien en nous. 135 La fin donne sens à l’histoire. Parce qu’un jour le temps s’arrête, nous nous interrogeons sur nos raisons d’être. Le Déluge n’est pas une légende du passé, le récit évoque la mort de toute l’humanité, notre mort à tous. D’où la gravité de cette histoire. 136 Car il y a une justice, même si elle est souvent bafouée. Sans justice pas de Juste, et pas de Salut, pas de sens à la vie mortelle. 137 Jésus est l’ami de tout homme, même de Judas à qui il dit « mon ami » (Mt 28,50). 138 Au lieu de « reconnut » comme traduit Isabelle de la Source, il me semble qu’il vaut mieux traduire par « connut » au sens biblique de « sut », car le peuple inintelligent voit bien mais reste extérieur au sens. 139 Il le sut, mais n’e n comprenait pas la raison. 8 juin 2017 748918657 43 sur 106 souillure de vos âmes, purifiez-la dans les larmes, conciliez-vous par la foi la puissance de notre Dieu. Avant que ne se jette sur vous, pour votre perte, la subite fureur de la colère de Dieu, criez-lui : « Sauve tous les hommes de la colère, par l’amour que tu nous portes, Rédempteur de l’univers ». (...)140 4. L’arche fut un tombeau Mais ces fils de rébellion ne se convertirent pas. A leur perversité, ils ajoutèrent encore ce péché ; ils persistèrent dans leur endurcissement, les misérables. (...) Dés lors, Noé méprisa ces fous et leur conduite insensée. Songeant à l’avenir, il implora Dieu avec des larmes : « Tu m’as fait sortir autrefois du sein de ma mère, ô mon Dieu, sauve-moi encore dans cette arche secourable, car je vais m’enfermer dans cette sorte de tombeau, mais quand tu m’appelleras, j’en sortirai par ta puissance comme d’une tombe141 ! En elle, je vais préfigurer dés maintenant la résurrection universelle, quand tu sauveras tes justes du feu142, comme tu me sauveras dans les flots du mal en m’arrachant du milieu des impies, moi qui te crie avec foi, à toi le Juge compatissant : ‘Sauve tous les hommes de la colère, par l’amour que tu nous portes, Rédempteur de l’univers’. » B. SAINT JUSTIN (II°s)143 1. Noé, figure du Christ Vous savez donc, amis, poursuivais-je, que dans Isaïe (54,9), il est dit par Dieu à Jérusalem : Lors du Déluge de Noé, j’ai sauvé. Or ce que disait Dieu, c’est qu’au Déluge s’opéra le mystère du Salut des hommes. Le juste Noé avec les autres hommes au Déluge, c’est-à-dire sa femme, ses trois fils et les femmes de ses fils formaient le nombre huit et offraient le symbole du « huitième jour »144 auquel notre Christ apparut, ressuscité des morts, et qui se trouve comme implicitement toujours le premier (2 P. 2,5). Or, le Christ, premier-né de toute la Création (Col 1,15), est devenu en un nouveau sens, le chef d’une autre race, de celle qui a été régénérée par lui, par l’eau, la foi et le bois qui contenait le mystère de la Croix, de même que Noé fut sauvé dans le bois de l’arche porté sur les eaux avec les siens. Lors donc que le prophète dit : Au temps de Noé, je t’ai sauvé, comme j’ai déjà dit, il parle pareillement au peuple L’intensité du cri dépend de la conscience du péché. Mais qu’il est difficile de se reconnaître pécheur. Heureusement peut-être. 141 L’arche est vue par le poète comme un tombeau au milieu de la mort universelle. Un tombeau duquel sortira toute la Création nouvelle... Est-ce une allusion à celui de Jésus, une sorte de préfiguration ? Le baptistère chrétien est considéré comme le « tombeau » du Christ, où le catéchumène se plonge avec Jésus pour ressortir avec Lui dans la gloire du Père, tout rempli du feu de l’amour divin (Rm 6, 1-4). 142 Le Déluge d’eau annonce un autre Déluge : le Déluge de feu que met en scène le récit de Sodome et Gomorrhe. La vie sacramentelle associé les deux images de l’eau et du feu : de l’eau d’abord, du feu ensuite. Curieusement, le feu va « éteindre » l’eau... Il faudra comprendre ce passage de l’eau au feu qui aura lieu à la Pentecôte... Voir plus bas. 143 Justin a subi le martyre en 165 à Rome. Nous avons donc un témoignage très ancien de la pratique baptismale de l’Église ancienne, et de ses rapports avec le récit du Déluge. 144 La figure du huitième « jour », ou du huitième « temps » : le huitième jour est le jour de tous les jours, dit quelque part saint Augustin. C’est l’éternité au coeur du temps. De même le « huitième millénaire (un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour). Les Juifs attendent la Résurrection des morts qui succédera aux « jours du messie », le huitième millénaire qui succédera au septième. Le temps du Christ correspond au septième millénaire juif auquel succédera la Résurrection définitive. 140 8 juin 2017 748918657 44 sur 106 fidèle à Dieu, au peuple qui possède ces symboles145. Moïse, avec un bâton à la main fit traverser la mer à votre peuple146. Vous, vous pensez qu’il a parlé seulement à votre race ou à la terre. Car comme toute la terre, suivant l’Ecriture, fut inondée, que l’eau monta au dessus de toutes les montagnes à quinze coudées, ce n’est pas à la terre manifestement que Dieu a parlé, mais au peuple qui lui obéissait, auquel il avait préparé un lieu de repos à Jérusalem, comme il a été démontré à l’avance par tous les symboles du temps du Déluge ; et j’entends ceci que ceux qui se sont préparés par l’eau, la foi, le bois147, et se sont repentis de leurs péchés, échapperont au jugement de Dieu qui doit venir148. C. ORIGENE (III°s)149 1. Du juste Noé au juste Jésus Prions maintenant Celui qui seul peut ôter le voile de la lettre du Vieux Testament, et tentons de chercher quel genre d'éducation spirituelle contient cette magnifique construction de l'arche. Autant que la petitesse de mon esprit me le permet, je pense que le Déluge, qui mit alors, pour ainsi dire, un terme au monde, figure la véritable fin du monde. Le Seigneur lui-même l'a proclamé quand il a dit : « Aux jours de Noé les hommes achetaient, vendaient, bâtissaient, se mariaient, mariaient leurs filles, et le Déluge vint qui les perdit tous : ainsi en sera-t-il à l'avènement du fils de l'homme » (Lc 17, 26-27). Dans ce texte, il apparaît bien que le Seigneur décrit d'une seule et même façon le Déluge qui est passé et la fin du monde qu'il annonce. Jadis, il fut dit à l'antique Noé de faire une arche et d'y introduire avec lui non seulement ses fils et ses proches mais des animaux de toute espèce; à la consommation des siècles, il a été dit par le Père au Seigneur Jésus-Christ, notre Noé, qui est véritablement le seul Juste et le seul Parfait, de se faire une arche de bois équarris et de lui donner des mesures pleines de mystères célestes. C'est ce qui est indiqué dans le Psaume qui dit : « Demande et je te donnerai les nations pour héritage et pour domaine les extrémités de la terre. » (Ps 2,8) 2. L’arche et ses différents logements Il construit donc une arche et il y fait des cellules, c'est-à-dire des logements pour recevoir les différentes espèces d'animaux. Ce sont ces logements que vise le prophète quand il dit : Va, mon peuple, entre dans tes logements, cache-toi pour quelques instants jusqu'à ce que ma colère ait passé (Is 26,20). La comparaison s'impose donc entre ce peuple qui est sauvé dans l'Église, et tous ces êtres, hommes et animaux, qui ont été sauvés dans l'arche. Mais ni la récompense ni les progrès dans la foi ne sont les mêmes pour tous; c'est pourquoi cette arche L’Église, comme peuple rénové par Dieu. Justin est censé dialoguer avec le rabbin Tryphon : il s’agit du peuple juif. 147 L’eau, la foi, le bois font ensemble qu’il y a « sacrement du Salut ». L’eau, c’est notre vie mortelle commune, cette vie qui est le domaine du Dragon; la foi, c’est le don que Dieu donne à l’intérieur des coeurs; le bois, c’est la Croix. Par la Croix, Jésus est descendu aux enfers, c’est-à-dire dans les profondeurs de la mort où le Dragon tient Adam prisonnier. Pour Justin, l’arche qui flotte sur les eaux de mort, préfigure la Croix qui a vaincu la mort. Un peu plus tard, elle préfigurera l’ Église. 148 L’épreuve du feu qui est celle de l’amour divin ne pourra être supporté que celui qui s’y est préparé. 149 « Les Écritures, océan de mystères », Foi vivante N°399, p.55-56 145 146 8 juin 2017 748918657 45 sur 106 ne renferme pas pour tous le même appartement, mais le bas en est à « double voûte », le haut à « triple voûte » et il y a diverses cellules. Cela montre que dans l'Église, bien que tous soient contenus à l'intérieur d'une même foi et baignés dans un seul baptême, tous ne progressent pas autant ni de la même façon, mais chacun en son rang (1 Cor 15,23). Ceux qui ont pour règle de vie la connaissance raisonnable et qui sont capables de se conduire euxmêmes tout autant que d'enseigner les autres, sont en très petit nombre : ils reproduisent le petit nombre de ceux qui sont sauvés avec Noé et qui lui sont associés à cause de leur étroite parenté. Ainsi notre Seigneur, véritable Noé, le Christ Jésus, possède-t-il peu de très proches amis, peu de fils et de parents, qui partagent sa parole et reçoivent sa sagesse. Ceux-là toutefois ont atteint le degré le plus haut, ils sont placés au sommet de l'arche. Les autres, cette foule d'animaux et de bêtes sans raison, se tiennent en bas : ce sont ceux surtout chez qui la douceur de la foi n'a pas atténué la méchanceté ni la sauvagerie. Quelque peu au-dessus d'eux il y a encore ceux qui, sans être entièrement raisonnables, font néanmoins amplement preuve de simplicité et d'innocence. 3. Noé « le repos » C'est ainsi qu'en montant à travers les différents étages d'appartements, on arrive à Noé lui-même,— Noé veut dire « le repos » ou « le juste » — Noé qui est le Christ Jésus. Car ce n'est pas à l'antique Noé que conviennent ces paroles de Lamech son père : Celui-ci nous reposera de nos fatigues, du travail pénible de nos mains et de la terre que le Seigneur a maudite. Comment, en effet, l'antique Noé auraitil pu en toute vérité « reposer » Lamech et le peuple qui se trouvait alors sur la terre, comment la fatigue et le travail pénible auraient-ils pu cesser à l'époque de Noé, comment aurait pu être supprimée la malédiction divine de la terre, quand on nous montre que c'est plutôt la colère divine qui s’accrut et que Dieu dit, selon le texte de l'Écriture : Je me repens d'avoir fait l'homme sur la terre (Gn 6,7) et Je détruirai toute chair sur la terre, et surtout quand la destruction des vivants témoigne d'une souveraine disgrâce ? Mais considérez Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il est dit de lui : Voici l'agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde (Jn 1,29), et ailleurs : I1 s'est fait pour nous malédiction, pour nous racheter de la malédiction de la Loi (Ga 3,13), et ailleurs encore : Venez à moi, vous qui êtes fatigués et qui ployez sous le fardeau, et je vous referai et vous trouverez le repos de vos âmes (Ga 3,13).Vous voyez que c'est lui qui donne vraiment le repos aux hommes et qui délivre la terre de la malédiction portée contre elle par le Seigneur Dieu. C'est donc bien à ce Noé spirituel qui donne le repos aux hommes et qui ôte le péché du monde qu’il est dit : Tu te feras une arche de bois équarris. D. SAINT AUGUSTIN (V°s)150 1. Noé-Jésus ; l’arche-l’Église Noé fut un homme juste et, au témoignage véridique de l’Écriture, parmi ceux de sa génération, un homme parfait (non certes comme le seront les citoyens de la cité de Dieu en cette immortalité où ils 150 La Cité de Dieu, XV, 27. B.A. N°36, p.155 8 juin 2017 748918657 46 sur 106 seront les égaux des anges, mais comme ils peuvent l’être en terre d’exil). Dieu lui commande de faire une arche, afin d’échapper par elle au désastre du Déluge, lui et les siens, c’est-à-dire son épouse, ses fils, ses brus, ainsi que les animaux qui sont entrés dans l’arche sur l’ordre donné à Noé par Dieu. Tout cela est sans nul doute une figure de la cité de Dieu séjournant comme à l’étranger en ce siècle, c’est-àdire de l’Église sauvée par le bois où fut suspendu le Médiateur entre Dieu et les hommes, l’Homme Jésus Christ (1 Tm 2,5). 2. Une croix allongée sur le sol151 Les mesures mêmes de sa longueur, de sa hauteur, de sa largeur figurent le corps humain dans la réalité duquel on a annoncé qu’il viendrait chez les hommes et qu’il est venu. La longueur du corps humain en effet, de la tête aux pieds, vaut six fois sa largeur qui va d’un côté à l’autre, et dix fois son épaisseur mesurée du dos au ventre. L’homme étant couché sur le dos ou le ventre, sa longueur de la tête aux pieds égale six fois sa largeur de droite à gauche ou inversement et dix fois son épaisseur au dessus du sol. C’est pourquoi on donna à l’arche trois cents coudées de long, cinquante de large et trente de haut. 3. La porte ouverte Et la porte que l’arche reçut sur le côté152, c’est assurément la blessure qu’ouvrit la lance dans le côté du Crucifié (Jn 19,34) : par là, certainement, entrent ceux qui viennent à lui, car de là découlèrent les sacrements par lesquels les croyants sont initiés153. Si Dieu commande qu’elle soit faite de bois équarri154, c’est pour figurer la parfaite stabilité de la vie des saints, car en quelque sens qu’on tourne un bois équarri, il reste en équilibre. Et tout ce qui est encore décrit dans la construction de cette arche est un signe des réalités de l’Église. 4. Les trois étages (...) les choses qui sont dites se rapportent toutes à cette cité de Dieu, dont nous parlons, qui voyage en ce siècle mauvais comme dans un « déluge », si celui qui explique ne veut pas s’égarer loin du sens voulu par celui qui a écrit ces choses155. Par exemple, quelqu’un ne veut-il pas que le texte qui se trouve ici : tu feras un rez-de-chaussée, un second et un troisième étage (Gn 6,16), signifie (...) que parce que l’Église est rassemblée de toutes les nations, elle est dite avec deux étages à cause des deux catégories d’hommes, les circoncis et les incirconcis, que l’Apôtre appelle encore les Juifs et les Grecs ; et « avec trois étages » parce que tous les peuples furent reconstitués après le Déluge par les trois fils de Noé, libre à lui d’en parler autrement, sans s’écarter néanmoins de la règle de foi. Car, parce qu’il a voulu que l’arche ait non seulement les pièces d’habitation dans les parties inférieures, L’homme allongé fait penser au Crucifié (« voici l’Homme ! »). Ainsi les cathédrales du Moyen-Age, avec la nef et le transept, inscrivent sur le sol la trace du Crucifié. Certaines, comme Tours, décallent l’axe du choeur vers la droite car, à sa mort, la tête de Jésus penchait. C’est une exégèse connue de la mystique juive, qu’Augustin a sans doute trouvé chez Philon d’Alexandrie (In genesi Quaest. II,5). 152 La Bible (Gn 7,42) dit que c’est le Seigneur qui ferma la porte sur Noé. Curieux détail qu’il faut interpréter. De quelle porte s’agit-il ? Qui est « la porte » de « l’arche » (de l’Église) sinon Jésus qui nous fait entrer dans la Résurrection ? La vie sort de Jésus en Croix pour nous permettre de nous en nourrir afin de pénétrer dans le Temple céleste. 153 Lecture traditionnelle souvent reprise par les Pères. 154 Évocation de la Croix qui maintient l’équilibre intérieur du baptisé. Pour les Pères, le navire de Noé, comme la barque de Jésus, sont en bois. Ces embarcations évoquent le « bateau » qui nous porte et nous fait traverser les eaux de la vie mortelle. 155 Après avoir parlé du sens allégorique (la Prophétie du Christ), Augustin évoque rapidement le « sens moral » ou existentiel (la Bible pour nous aujourd’hui). 151 8 juin 2017 748918657 47 sur 106 mais aussi dans les parties supérieures (ce qui est appelé avec deux étages), et dans les plus élevées des supérieures (ce qui est appelé « avec trois étages »), de sorte que la troisième habitation s’élève d’un bloc du bas en remontant : on peut aussi comprendre ici les trois vertus recommandées par l’Apôtre : foi, espérance, charité ; ou, de manière plus appropriée encore, les trois degrés de fécondité dont parle l’Évangile : trente, soixante, cent pour un (Mc 4) (...) E. SAINT CYRILLE DE JÉRUSALEM (IV°s) 156 1. Déluge, figure du Baptême Certains disent que, de même que le Salut vint au temps de Noé par le bois et l’eau157, et que le commencement d’une nouvelle Création eut lieu, et que la colombe revint vers lui, le soir, avec un rameau d’olivier158, ainsi, disent-ils, l’Esprit-Saint est descendu sur le vrai Noé, l’auteur de la nouvelle Création, quand la colombe spirituelle est descendue sur lui au Baptême pour montrer qu’il est celui par qui le bois de la Croix confère le Salut aux croyants et qui avait, vers le soir159, par sa mort, fait au monde la grâce du Salut160. F. SAINT HILAIRE DE POITIERS (IV°S)161 1. Le Christ, notre « repos » Tous ces événements... préfigurent largement l'avenir... Nous comparerons à Noé notre Seigneur, le Verbe fait chair, lui qui a dit dans l'Evangile : Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et accablés, et moi je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug et devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour vos âmes. Oui, mon joug est facile et mon fardeau léger (Mt 11, 28-30). C'est donc lui qui fait reposer et qui procure le « repos »162 aux âmes; à cause du jugement tout proche, il abrite, dans l'arche de sa doctrine et de son Eglise, ses fils par le sang et par le Nom. Il leur donne l'Esprit-Saint, il meurt, on se moque de lui, il ressuscite, et il institue châtiment et sanctification pour les actes justes ou pervers des hommes. Dans l'ordre que Noé reçoit d'entrer dans l'arche puis d'en sortir, il faut voir la figure de la sanctification de l'Eglise (1 P. 3, 20-21). Car il est écrit : Tu entreras dans l'arche, toi et tes fils, ta 156 Sacramentum Futuri. Noé et le Déluge, p.81. Daniélou commente : « Ce passage est bien dans la ligne de Cyrille de Jérusalem qui s'attache à retrouver, dans les événernents de l'Ancien Testament, la figure des événements de la vie du Christ. Mais ce qui nous importe, c'est qu'il nous donne le chaînon intermédiaire entre le Déluge et le Baptême. Le Déluge est une figure du Baptême du Christ, lequel est, à son tour, une figure du Baptême du chrétien, si bien que la colombe du Déluge apparaît comme figurant la venue du Saint-Esprit au Baptême. 157 Pour qu’il y ait sacrement, il y a forcément combinaison de deux images. Ici le bois qui sauve, et l’eau, domaine où vit le Serpent des profondeurs,et où l’on meurt. 158 L’huile d’olive fait partie de la composition du Saint-Chrême. (Combien de baptisés s’appellent « Olivier ». L’Église, jardin des baptisés, est comme le « jardin des oliviers » ou comme le « Mont des oliviers ».) 159 Le « soir » du Golgotha : ainsi le psaume : Au soir des larmes, au matin des cris de joie. 160 Trois récits bibliques sont associés, « symbolisés », pourrait-on dire : (1) le Déluge où la colombe est envoyée par Noé, (2) le baptême de Jésus par Jean Baptiste où se manifeste encore la colombe, et (3) le Golgotha où l’Esprit, Colombe invisible, conduit Jésus à la Résurrection. Il faut y ajouter la liturgie baptismale où l’Esprit - la Colombe invisible - descend définitivement du « ciel » sur la « terre » (le catéchumène) pour le faire sortir de la mort (la cuve baptismale). 161 Thèmes et figures liturgiques, Les Pères dans la foi, N°28-29, p.36 162 Jeu de mots entre « Noé » (celui qui s’endort ou qui se repose) et « le repos ». 8 juin 2017 748918657 48 sur 106 femme et les femmes de tes fils (Gn 6,18). Et la seconde fois : Le Seigneur dit à Noé : Sors de l'arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils (8,16). A l'entrée dans l'arche, les sexes sont séparés, les hommes avec les hommes, les femmes avec les femmes : cela signifie clairement que ceux qui veulent entrer dans l'Eglise doivent pratiquer la continence163. Par la suite, chacun recevra la possibilité de se marier. 2. La colombe de l'arche Ce que préfigure le second envoi de la colombe est parfaitement clair. Elle revient avec un rameau d'olivier couvert de feuilles, et il n'est plus nécessaire de la prendre avec la main, elle revient en volant. Cela s'est réalisé quand les soixante-dix disciples envoyés en mission pour prêcher l'Evangile, après avoir reçu 1'Esprit-Saint, sont revenus avec la gloire de s'être soumis les esprits impurs (Lc 10, 1-20) : l'Esprit-Saint rapportait le fruit de la miséricorde divine, symbolisée par l’olivier, et l'abandon ultérieur du Seigneur par les disciples, l'empêchait déjà de trouver un lieu de repos. Le troisième envoi sans retour de la colombe préfigure l'habitation dans le croyant du Saint-Esprit qui, une fois envoyé, demeure éternellement dans l'âme des fidèles164. G. SAINT AMBROISE DE MILAN (IV°s)165 1. Un « témoignage » de l’Écriture Voici un autre témoignage : toute chair avait été corrompue à cause de ses iniquités. Mon Esprit, dit Dieu, ne restera pas dans les hommes, parce qu’ils sont chair (Gn 6,3)166. Dieu montre par là que l’impureté de la chair et la souillure d’une faute assez grave détournent la grâce spirituelle. Aussi Dieu, voulant restaurer ce qu’il avait donné, fit le Déluge et ordonna au juste Noé de monter dans l’arche. 2. La colombe remplace le corbeau Celui-ci, quand le Déluge se retirait, lâcha tout d’abord un corbeau qui ne revint pas. Puis il lâcha une colombe qui, lit-on, revint avec un rameau d’olivier (Gn 8, 6-11). Tu vois l’eau, tu vois le bois, tu Il s’agit sans doute de ce qui était demandé aux jeunes avant le Baptême contrairement au concubinage habituel de la société ambiante. Il ne s’agit donc pas d’une continence systématique, mais plutôt d’une maîtrise de la sexualité. La continence était demandée par exemple pendant le carême. 164 Si la colombe ne revient pas vers Celui qui l’envoie, c’est qu’elle a trouvé un lieu d’habitation : l’âme purifiée du baptisé. 165 Traité des Mystères. Sources chrétiennes N°25 bis, p.161 166 L’Esprit divin vivifie la chair. Sans l’action de Dieu, la nature humaine se pervertit. 163 8 juin 2017 748918657 49 sur 106 aperçois la colombe, et tu doutes du mystère ? 167 3. Le sacrement du Salut C’est l’eau où la chair est plongée pour effacer tout péché de la chair168. Tout forfait y est enseveli. C’est le bois auquel fut attaché le Seigneur Jésus quand il souffrit pour nous. C’est la colombe, sous l’aspect de laquelle descendit l’Esprit-Saint, comme tu l’as appris dans le Nouveau Testament, c’est lui qui t’inspire la paix de l’âme, la tranquillité de l’esprit. 4. Le corbeau qui se nourrit des épaves Le corbeau est l’image du péché qui s’en va et ne revient pas, pourvu qu’en toi persévèrent l’observance et l’exemple du juste. H. SAINT JEAN CHRYSOSTOME (IV°s) 169 1. « Je ne maudirai plus », dit Dieu. Admire l’immense bonté du Seigneur, ami des hommes, telle qu’elle ressort du texte de la Genèse : « Le Seigneur Dieu se dit en lui-même : « Je ne maudirai plus jamais la terre à cause des œuvres des hommes, car le cœur de l’homme est fortement porté au mal dés sa jeunesse. Plus jamais, tant que durera la terre, je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait. » (Gn 8,1) 2. Pourquoi se multiplier dans les épines de la vie ? O poids infini de la bienveillance divine ! Incommensurable grandeur de son amour pour l’homme ! Patience qui dépasse toute expression ! (...) Quand le premier homme eut commis sa faute, Dieu l’avait maudit en disant : La terre produira pour toi des ronces et des épines. Caïn à son tour fut pareillement maudit. Et maintenant, après avoir tout détruit par le Déluge, Dieu veut consoler le juste et lui rendre Le doute dont il est question ici, n’est pas de l’ordre du savoir mais de la foi. Une synthèse intérieure, qui est l’attestation de l’Esprit saint fait jaillir une lumière dans le coeur du croyant. Alors, l’eau, le bois (la Croix) et la colombe composent ensemble, et à l’intérieur du coeur, le sacrement du Salut. Une seule image (extérieure) serait insuffisante pour préfigurer le sacrement chrétien. Voilà ce qu’écrit Daniélou dans Sacramentum futuri, p.76 : « Il y a entre le Déluge et le Baptême, la ressemblance de l'eau, qui rentre dans la typologie illustrative. Elle ne suffirait pas par elle-même à fonder la typologie, et ce sera l'erreur de certains exégètes de vouloir reconnaître le baptême partout ou on rencontre l'eau dans l'Ancien Testament. Mais ces illustrations prennent un sens, là où elles sont des signes qui permettent de reconnaître les analogies théologiques. La typologie recherche dans l'Ancien Testament non seulement la figure des réalités du Nouveau, mais aussi la figure des « sacramenta » sur lesquels cette réalité s'exprime et qui sont eux mêmes les sacrements des réalités de l'Ancienne Loi : si Dieu, en effet, a choisi ces signes plutôt que d'autres, comme le remarque saint Hilaire (Traité des Mystères I, 33), c'est qu'ils constituent un système de « correspondances » à travers l'histoire entre les diverses alliances, qui soulignent qu'elles font partie d'un même plan. Le groupe « eau et bois », pour signifier le Baptême dans l'Ancien Testaınent, constitue l'un des plus antiques parmi ces « sacramenta ». On le retrouve dans l'arche du Déluge, dans le bois qui adoucit les eaux de Mara, dans la hache d'Élisée flottant sur les eaux... » 168 Qu’entendre par là ? Serait-ce magique ? Certes non : nous sommes plongés dans les eaux du Baptême parce que nous le sommes chaque jour dans les eaux mortelles de nos existences humaines. La finitude (fatigue, difficultés, souffrances...) purifie et nous conduit à l’essentiel qui est le Christ. C’est en ce sens que « la mort » purifie. Voilà pourquoi les eaux du Baptême sont bénies : parce que « la mort » est bénie : n’est-elle pas le lieu où doit se révéler l’amour dans la solidarité humaine ? 169 Isabelle de la Source. Lire la Bible avec les Pères. La Genèse, p.41-42. Années paires, semaine 1, samedi. Homélie 27 sur la Genèse, n° 34 167 8 juin 2017 748918657 50 sur 106 confiance, pour qu’il ne se dise pas en lui-même : « Quel résultat a donc produit la bénédiction originelle ? Pourquoi nous avoir ordonné de croître et de multiplier, si, devenus multitude, nous devons tous périr ? » (...) 3. Que chacun puisse choisir Dieu Admire donc l’amour du Seigneur pour l’homme. I1 ne veut pas le voir tourner et retourner dans son cœur de perpétuelles angoisses. Aussi déclare-t-il : Plus jamais je ne maudirai la terre à cause des œuvres des hommes. (...) Et pour que nous ne puissions pas attribuer cet engagement de Dieu à la conversion des hommes, il ajoute : car le cœur de l’homme est porté au mal dés sa jeunesse. Preuve étonnante de son amour ! C’est parce que le cœur de l’homme est porté au mal dés sa jeunesse que je ne maudirai plus la terre. J’ai fait, moi, sans me lasser, ce que je pouvais faire, mais puisque je vois leur méchanceté augmenter sans cesse, je m’engage à ne plus maudire la terre, (...) je ne consentirai plus, tant que durera la terre, à frapper tous les vivants comme je l’ai fait. (...) 4. La patience de Dieu en vue du don de l’amour C’est dire clairement qu’un tel cataclysme n’aura plus jamais lieu, qu’une telle destruction n’atteindra plus jamais la terre des hommes170. (...) Je m’engage, dit-il, pour toute la suite des siècles, à ne plus faire éclater ainsi ma colère, à ne plus bouleverser le cours des saisons et l’ordonnance des éléments. (...) L’ordre établi restera inébranlable ; la terre ne cessera pas de pourvoir aux besoins de l’homme, en échange de ses labeurs et de ses fatigues ; les saisons ne seront pas interverties ; le froid et la chaleur, l’été et le printemps garderont leur place dans le cycle de l’année. (...) Le jour et la nuit poursuivront leur ronde sans faillir, ils rempliront leur ministère sans interruption jusqu’à la consommation des siècles. I. SAINT MAXIME DE TURIN (V°s)171 1. Le Déluge, figure du Carême Le nombre de quarante, frères très chers, a une valeur symbolique, liée au mystère de notre Salut. En effet, lorsque dans les premiers temps, la méchanceté des hommes eut envahi la surface du sol, c’est pendant quarante jours que Dieu fit tomber les eaux du ciel et inonda la terre entière sous les pluies du Déluge. Dés cette époque, l’économie du Salut était donc annoncée en figure : pendant quarante jours, la pluie tomba pour purifier le monde ; et maintenant, c’est aussi pendant les quarante jours du Carême que la miséricorde est offerte aux hommes pour qu’ils se purifient. 2. Le Déluge, figure du Baptême Le Déluge, d’ailleurs, ne pourrait-il être appelé, lui aussi, une miséricorde de Dieu ? Grâce à lui, le mal Pas de punition collective, mais appel à la liberté de chacun. Dieu n’a plus de solution de rechange car le Salut ne peut venir que de l’intérieur des coeurs. Alors Dieu viendra lui-même, en personne, pour montrer le chemin qui nous fait sortir de la mort. Il sera l’Image en personne; Alors, quiconque imitera l’Image, recevra en lui l’Esprit qui donne l’amour de Dieu et la vie éternelle, l’Esprit qui nous intègre à la Trinité divine. 171 Isabelle de la Source, Genèse, p.39-40 : Sermon pour le Carême, n° 2-4, Années paires, semaine 1, vendredi (Gn. 6, 522; 7,17-24). 170 8 juin 2017 748918657 51 sur 106 fut anéanti et la justice sauvegardée ; le juste échappa et les péchés des méchants eurent un terme ; la face de la terre se trouva renouvelée par les eaux comme par un baptême, et le monde qui, souillé par les crimes des hommes pervertis, s’enfonçait dans le mal, donna un fruit de grâce, en portant l’arche du juste Noé. De repaire d’iniquités, la terre devint maison de sainteté. Oui, le Déluge est la figure du Baptême 172 Ce qui se produisit alors s’accomplit encore aujourd’hui : quand les vices furent détruits par les sources des eaux jaillissantes, la justice régna, souveraine ; quand les péchés disparurent, noyés au fond de l’abîme, la sainteté pût s’élever tout prés du ciel : voilà ce qui se réalise maintenant aussi dans l’Église du Christ. (...) Portée par l’eau du Baptême, elle s’élève prés du ciel ; les superstitions et les idoles sont englouties, et sur terre se répand la foi, jaillie de l’arche du Sauveur. (...) 3. L’arche, c’est l’Église Certes, nous-mêmes sommes pécheurs. Cependant, à la suite du juste Noé, nous vous annonçons que ce monde sera détruit. Seuls échapperont à la ruine ceux que l’arche portera enfermés en son sein. Cette arche, c’est l’Église. (...) Oui, nous vous l’annonçons, ce monde fera naufrage ; c’est pourquoi nous vous exhortons, vous, tous les hommes, à vous réfugier dans ce sanctuaire. Tel Noé qui accueillit ses enfants dans l’arche, nous voudrions, nous aussi, ouvrir à tous nos fils l’unique arche spirituelle. J. SAINT EPHREM (V°s)173 1. L’arc en ciel brille sur les eaux Refrain : Les flots de la terre battent sur nos murailles, Seigneur, ton arc-en-ciel est notre lumière Dieu de bonté, tu as donné la joie à Noé A ta miséricorde, il a été agréable Par ses sacrifices, le déluge s'est arrêté, Par ses offrandes, il a obtenu tes promesses Et sont montés vers toi les parfums et les prières de lui, Seigneur, tu as pris pitié. Tu as fait serment et voici qu'apparaît l'arc-en-ciel Si jamais le déluge devait anéantir la terre alors l'arc-en-ciel se déploierait et le déluge irait loin et la terre réconfortée que ton serment maintienne la paix que ton arc-en-ciel abatte la colère Nous savons par toi, Seigneur, par l'évidence qui le murmure, que le sang pauvre de Noé 172 173 Le Baptême accomplit la Prophétie biblique. Chants pour la Nativité. L’harmattan, 1996, chant N°1, p.19-21. 8 juin 2017 748918657 52 sur 106 répandu sur la terre a écarté toute colère de sa descendance. O combien la puissance, le sang de l'être unique arrêtera ainsi les flots du déluge ! Par ses sacrifices, Noé t'a offert sa faiblesse. Ils sont devenus force pour te préfigurer, et soudain s'est calmée ta colère. De mon autel, est montée vers toi mon offrande, et mon offrande t'a apaisé. Eloigne de ma vie l'inondation ! Que ces deux signes nous protégent : pour moi la Croix, pour Noé l'arc-en-ciel, que ta Croix domine les eaux comme ton arc-en-ciel arrêta le déluge. Tu as ordonné aux tempêtes de se lever contre moi. C'est alors que mon cri s'est élevé vers toi et j'ai dit : ô l'arche bienheureuse, tu n'étais cernée que par les eaux. Or, pour moi, voici que m'assaillent remparts, flèches et flots Et si pour toi l'arche fut pleine de trésors mon amphore à moi n'est qu'une urne de péchés Mais voici que dans ton amour l'arche a dominé les flots Or je n'ai mérité que ta colère Tes flèches m'ont aveuglé et ton fleuve m'a troublé Tandis que les flots ont conduit doucement l'arche à cause de ton amour Ainsi, comme pour l'arche, le notonnier, conduis-moi vers les rivages tranquilles. Dépose-moi comme elle au havre de la montagne, Afin, qu'avec ta paix, Tu puisses m'établir dans mes remparts. 8 juin 2017 748918657 53 sur 106 K. TERTULLIEN (II°s). 174 1. L’imposition des mains Ce rite se rattache à cet antique sacrement où Jacob bénit ses petits-fils Ephraïm et Manassé, fils de Joseph (Gn 48,14) ; il posa sur leurs têtes ses mains entrecroisées. Il mit ainsi en forme de croix dans l’idée qu’en formant sur eux l’image du Christ, elles annonceraient dés maintenant que la bénédiction nous viendrait par le Christ. 2. L’Esprit plane sur les eaux Alors cet Esprit très saint, sortant du Père, descend avec complaisance sur ces corps purifiés et bénis ; il se repose sur les eaux du baptême comme s’il reconnaissait là son ancien trône (Gn 1,2), lui qui sous la forme d’une colombe est descendu sur le Seigneur. Par là, l’Esprit Saint manifestait sa nature, car la colombe qui, jusque dans son corps, est privée de fiel est toute en simplicité et en innocence. 3. La colombe C’est pourquoi il nous est dit : soyez simples comme des colombes (Mt 10,16), et cela n’est pas sans rapport avec une figure antérieure : après que les eaux du Déluge eurent purifié l’antique souillure, après le baptême du monde, si j’ose dire, c’est la colombe lâchée de l’arche et revenant avec un rameau d’olivier, symbole de paix même pour les païens, qui vint en messagère annoncer à la terre l’apaisement de la colère du « ciel ». Ainsi, selon une disposition semblable, mais dont l’effet est tout spirituel, la colombe qui est l’Esprit Saint, vole vers « la terre », c’est-à-dire notre chair, cette chair sortant du bain, lavée de ses anciens péchés. Elle apporte la paix de Dieu, en messagère du ciel où se tient l’Eglise dont l’arche est la figure. 4. De l’eau au feu Mais, dira-t-on, le monde retourna à son péché : le parallèle entre le Baptême et le Déluge est donc assez mal venu ! Oui, c’est pourquoi le monde est destiné au feu175, comme tout homme qui après le Baptême retourne à ses péchés. Cela aussi, il faut donc le comprendre symboliquement, comme un avertissement qui nous concerne. 174 Du Baptême, VIII. Le Baptême, premier traité chrétien. Foi vivante, p.88-89. Le feu de l’amour de Dieu, qui brûle tout ce qui n’est pas amour. Ce feu de Dieu est symbolisé par la flamme du cierge pascal et du cierge baptismal. 175 8 juin 2017 748918657 54 sur 106 VI. DOSSIER : LE BAPTÊME DE JÉSUS A. Chromace d’AQUILÉE (V°S)176 1. Le mystère de la Trinité En ce jour (l’Épiphanie), comme nous venons de l'entendre lorsqu'on nous lisait la divine lecture, notre Seigneur et Sauveur a été baptisé par Jean dans le Jourdain; aussi n'est-ce pas une petite solennité, mais une grande, voire une très grande. Car lorsque notre Seigneur a daigné recevoir le baptême, l'EspritSaint est venu sur lui sous la forme d'une colombe, et on entendit la voix du Père qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur (Mt 3,17). 2. Le Baptême purifie Oh ! quel grand mystère dans ce Baptême céleste ! Des cieux, le Père se fait entendre, le Fils paraît sur la terre, l'Esprit-Saint se montre sous la forme d'une colombe; il n'y a pas, en effet, de vrai Baptême, ni de vraie rémission des péchés où n'est pas la vérité de la Trinité, et la rémission des péchés ne peut se donner où l'on ne croit pas à la Trinité parfaite. Mais le Baptême que donne l'Église est l'unique et le vrai; il n'est donné qu'une fois. Que quelqu'un s'y plonge une seule fois, le voici pur et renouvelé; pur parce qu'il s'est débarrassé de la souillure des péchés; renouvelé parce qu'il ressuscite à une vie nouvelle, après s'être débarrassé de la vieillerie du péché. Car ce bain du Baptême rend l'homme plus blanc que neige, non dans la peau de son corps, mais dans la splendeur de son esprit et la pureté de son âme. 3. Le « ciel » s’ouvre Donc, les cieux s'ouvrirent lors du Baptême du Seigneur, pour montrer que, par le bain de la nouvelle naissance, le royaume des cieux s'ouvrait aux croyants, selon cette sentence du Seigneur : Si l'on ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint, on n'entrera pas dans le royaume des cieux (Jn 3,5). Y entre donc celui qui renaît, et qui ne néglige pas de garder la grâce de son Baptême; mais, de même, celui qui n'est pas rené n'y entre pas. Notre Seigneur étant venu donner un nouveau baptême pour le Salut du genre humain et la rémission de tous les péchés, il a daigné d'abord recevoir lui-même le baptême, non pour se débarrasser de ses péchés, lui qui n'avait pas commis de péchés, mais pour sanctifier les eaux du baptême dans le but d'effacer les péchés de tous les croyants par le baptême des « renés ». (...) Le Baptême du Christ nous lave donc de nos fautes et nous renouvelle pour la vie du Salut. Écoute l'Apôtre le déclarer en ces termes : Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ (Gal 3,27). Et encore : « vous avez été ensevelis avec lui par le Baptême en sa mort, afin que, de même que le Christ est ressuscité des morts, vous aussi vous marchiez dans une vie nouvelle (Rm 6,4), Ainsi, par le Baptême, nous mourons au péché et nous partageons la vie du Christ; nous mourons à notre vie ancienne et nous ressuscitons en une vie nouvelle, nous dépouillons les égarements du vieil homme et nous prenons le vêtement de l'homme nouveau. Même dans son baptême, le Seigneur a donc accompli toute justice. S'il a voulu, en effet, être baptisé, c'est pour que nous-mêmes recevions le Baptême; s'il a 176 Sermons, Tome II, Sources chrétiennes N°164, p.183-185 8 juin 2017 748918657 55 sur 106 reçu le bain de la régénération, c'est pour que nous renaissions pour la vraie vie. Certes Jean baptisa notre Seigneur et Sauveur; pourtant ce fut plutôt lui qui fut baptisé par le Christ, car Jésus sanctifia les eaux, alors que Jean fut sanctifié par elles. Jésus donna la grâce, Jean la reçut; Jean se dépouilla de ses péchés, Jésus les remit. Jean, en effet, était un homme et Jésus était Dieu. Or il appartient à Dieu de remettre les péchés, comme il est écrit : Qui peut remettre les péchés, si ce n'est Dieu seul ? (Mc 2,7; Lc 5,21). C'est pourquoi Jean dit au Christ : C’est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi, et c'est toi qui viens à moi ! (Mt 3,14) Jean devait être baptisé, car il ne pouvait être sans péché. Le Christ, lui, n'avait pas besoin d'être baptisé, puisqu'il n'avait pas péché. Dans ce baptême qu'il reçoit, notre Seigneur et Sauveur a donc d'abord lavé les péchés de Jean, et ensuite ceux du monde entier; d'où ses paroles : Laisse faire présentement; ainsi convient-il que nous accomplissions toute justice (Mt 3,15). 4. Josué figure le « Passeur » de la Terre Promise La grâce du baptême de Jésus fut jadis mystique ment préfigurée, lorsque le peuple (élu) fut introduit, en passant par le Jourdain dans la Terre promise, De même, qu'alors, au peuple (élu) suivant le Seigneur, une voie fut ouverte qui l'introduisit dans la terre de la promesse, de même maintenant, grâce aux eaux du même fleuve du Jourdain, un chemin est ouvert pour la première fois, qui nous introduit en cette bienheureuse Terre de la promesse, c'est-à-dire en ce royaume céleste qui nous a été promis. Pour le peuple (élu), Jésus, fils de Navé177, fut le guide à travers le Jourdain (Cf. Jos 3); pour nous, c'est Jésus, le Christ Seigneur, qui, par son Baptême, est le guide du Salut éternel, lui, le Fils unique de Dieu, qui est béni aux siècles des siècles. Amen. B. MAXIME DE TURIN (V°s)178 1. La Trinité est présente Dieu le Père est donc présent au baptême du Seigneur, l'Esprit également. Voyez la bienveillance du Sauveur : au cours de la passion, il est voué seul aux outrages; au baptême, il n'a pas cherché sa gloire à lui seul et ne veut pas être seul à y avoir part. Comme je l'ai déjà dit : Père et Esprit y sont présents. Comme le Père est invisible, l'Esprit descend sous la forme d'une colombe, le Père par sa voix, pour affermir la foi des hommes et désigner clairement le Sauveur. A dire vrai, notre foi se fonde sur la vue et sur l'ouïe. C'est la raison pour laquelle l'Esprit apparaît aux yeux sous la forme d'une colombe, le Père se manifeste à nos oreilles comme une voix. Cela est dû à la faiblesse de notre foi. Sinon, Père et Esprit, en divinité invisible, auraient pu descendre sur le Verbe, le Fils en demeurant invisibles. Pour nous ouvrir à la foi, le ciel s'est ouvert, l'Esprit est descendu vers le Christ, le Père vers le Fils, la voix vers le Verbe. En effet, le Christ est le Verbe, au sujet duquel il est écrit : Au commencement était le Verbe (Jn 1,1). C'est à juste titre, dis-je, que le Père est appelé « Voix » et le Fils « Verbe », puisque le verbe ne fait que procéder de la voix. La Voix et le Verbe s'accordent donc pour veiller au salut des hommes, en s'associant dans ce mystère. 177 178 Il s’agit de Josué. Le nom hébreu est « Josué », et le même nom en grec est « Jésus ». L’année liturgique. Les Pères dans la foi, N°65, p.61-62. 8 juin 2017 748918657 56 sur 106 2. Le Seigneur est une colombe Voyons à présent pourquoi l'Esprit est descendu sur le Christ sous forme de colombe. Existe-t-il une ressemblance entre la colombe et le Seigneur, entre la « voix » et le « verbe » ? Il en existe une et non des moindres. Je dirais, en effet, que le Seigneur lui-même est une colombe, agile, douce et candide. C'est une colombe, puisqu'il a demandé à ses disciples : Soyez simples comme des colombes (Mt 10,16). Le prophète l'insinue également quand il lui prête ces mots, après sa passion, à son retour au ciel : Qui me donnera des ailes comme à la colombe, que je m'envole et me pose ? (Ps 55,7). Au moment d'inaugurer les sacrements de l'Eglise, une colombe descend du ciel. Je cerne le mystère, je reconnais la valeur symbolique. La colombe qui vient à l'Eglise, au baptême de Jésus, est la même qui autrefois s'est hâtée vers l'arche de Noé, lors du Déluge (Gn 8, 11). Elle annonçait alors à Noé la sécurité avec la branche d'olivier, à présent elle vient affirmer sa divinité et son éternité; elle portait alors le symbole de la paix, à présent, elle répand cette paix elle-même, le Christ. C. MAXIME DE TURIN (V°s) 179 1. Jean Baptiste est une voix en nous Nous avons dit, dimanche dernier, en demandant pardon pour notre silence, que même si les prêtres se taisent, pour le Salut de tous, I’enseignement de l’Évangile ne se tait pas, la parole de Dieu pallie le silence. L’Écriture divine, en effet, parle et crie toujours, comme il est écrit à propos de Jean : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert. (Jn 1,23). Jean n’a pas seulement parlé en son temps, en annonçant le Seigneur aux Pharisiens, en disant : Préparez le chemin au Seigneur, rendez droits ses sentiers (Mt 3,3). Aujourd’hui, il crie en nous, et le tonnerre de sa voix ébranle le désert de nos péchés ; même enseveli dans le sommeil du martyre, sa voix retentit encore. Il nous dit aujourd’hui : Préparez les chemins du Seigneur, rendez droits ses chemins. D. SAINT AMBROISE DE MILAN (IV°s)180 1. La Parole vient vers Jean Donc la parole « se fit »181 pour que la terre, auparavant déserte182, nous produisît son fruit; le Verbe se fit, la voix suivit : car le Verbe opère d'abord au dedans, puis la voix fait son office183. Aussi David ditil J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé (Ps. 116,1) : il a d'abord cru pour pouvoir parler184. Donc « le Verbe se fit », pour que Saint Jean Baptiste prêchât la pénitence. Et de ce fait beaucoup appliquent à Saint Jean la figure de la Loi, parce que la Loi a pu dénoncer le péché185, elle n'a pu le pardonner; car quiconque suivait la voie des Gentils est, par la Loi, ramené de son égarement, détourné du crime, exhorté à la pénitence pour obtenir grâce. Or la Loi et les prophètes ont duré jusqu'à Jean L’année liturgique. Les Pères dans la foi, N°65, p.33. Traité sur l’évangile de saint Luc. Tome I, Sources chrétiennes N°45, p.102-104 181 Allusion théologique : le Créateur se fait créature 182 La scène se passe dans un désert. Le peuple hébreu avait déjà été créé dans un désert. 183 Trois étapes successives : la grâce de Dieu précède l’écoute de la voix (ici, la possibilité d’écouter l’Ancien-Testament), qui précède elle-même la parole articulée : Jésus-Christ. 184 David, l’homme des psaumes, l’homme de prière, auquel nous devons ressembler. 179 180 8 juin 2017 748918657 57 sur 106 (Lc, 16,16), et Jean est le précurseur du Christ : de même la Loi annonce l'Église, comme la pénitence, la grâce186. Saint Luc a donc bien fait d'user de brièveté pour proclamer Jean prophète, en disant que sur lui descendit la parole de Dieu, sans rien ajouter d'autre; car on n'a pas besoin de faire ses preuves quand on est rempli de la parole de Dieu. Il n'a dit qu'un mot187, qui explique tout. 2. Le vêtement de Jean Baptiste Par contre, Saint Matthieu et Saint Marc ont voulu le montrer prophète en son vêtement, sa ceinture, sa nourriture, puisqu'il eut un vêtement de poils de chameau et une ceinture de cuir sur les reins et qu’il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. Le Précurseur du Christ ne supportait pas de laisser perdre les dépouilles des bêtes immondes188 et, par le signe de son vêtement même, il présageait la venue du Christ, qui, prenant sur lui la monstruosité, imprégnée des souillures de nos actions ignobles, des péchés de la gentilité immonde, il se dépouillerait sur le trophée de la Croix du vêtement de notre chair. Mais que veut dire ce pagne, cette ceinture de cuir, sinon que cette chair, qui jusque-là avait coutume d'alourdir l'âme, a commencé après la venue du Christ à être non plus une gêne mais un baudrier ? Car, selon David, nous avons suspendu nos lyres aux saules (Ps.137,2)189, et selon l'Apôtre nous n'avons pas confiance dans la chair et nous avons confiance dans le corps190 (Phil.3,3); nous ne l'avons pas dans les plaisirs, nous l'avons dans les souffrances, animés que nous sommes par un sentiment de ferveur spirituelle et ceints pour exécuter tous les commandements du ciel, l'âme dévouée et en éveil, le corps équipé et dégagé. 3. Sauterelles et miel sauvage La nourriture même du prophète indique sa mission, annonce le mystère. Est-il chose aussi vaine et inutile pour l'homme que la récolte des sauterelles, et chose si féconde quant au mystère du prophète ? Plus les sauterelles sont dépourvues d'utilité, impropres à tout usage, se dérobant au toucher, sautant çà et là, rauques dans leur cri, plus elles conviennent et sont aptes à figurer le peuple des nations, qui, sans labeur utile, sans œuvre fructueuse, sans pondération, émettant le son inarticulé de ses murmures, ignorait la parole de vie. Ce peuple est donc la nourriture des prophètes; car plus nombreux est le peuple qui se rassemble, plus s'accroît et abonde la récolte de la bouche des prophètes. La suavité de l'Église est également préfigurée dans le miel sauvage qui ne se trouve pas dans la ruche de la Loi comme produit par le peuple juif, mais est éparpillé dans les champs et sous le feuillage des forêts par l'égarement des Gentils191, selon la parole : Nous l'avons trouvée dans les champs de la 185 Thème paulinien : la Loi (la Bible) ne sauve pas mais la grâce du Christ. Seul celui qui a bien conscience de son péché peut être pardonné. La grâce agit déjà dans cette difficile reconnaissance. 187 La parole de Dieu est au fondemant de la vie sacramentelle chrétienne. 188 Thème courant chez les Pères : le chameau est un animal impur et monstrueux... Rappelons-nous cette parole : il est plus difficile à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu, qu’à un chameau... 189 L’image de la lyre se mêle à celle du saule. Les branches du saule sont flexibles; on en fait des liens. Lien et ceinture servent à attacher. Le corps de l’instrument de musique symbolise notre corps, ses cordes, une capacité d’harmonie. La lyre bien accordée, fait vibrer ses cordes (ses liens) sur le bois : harmonie du corps lié et crucifié avec le Christ, et de l’âme qui résonne au vent de l’amour divin. Ainsi, suspendre nos lyres aux saules, signiferait peut-être : lier nos corps, crucifiés et liés avec le Christ, à la discipline de l’amour qui n’est pas simple esclavage. 186 190 Pour Paul, la chair semble négative, associée au désir, tandis que le corps personnel que l’on offrir par amour est l’occasion du Salut. 191 Du mal du monde, du péché des nations, est sorti un bien. Le miel des Écritures, sorti de la ruche juive, est partout goûté dans le monde. 8 juin 2017 748918657 58 sur 106 forêt192 (Ps.132,6). Et celui-ci mangeait du miel sauvage pour annoncer que les peuples se rassasieraient du miel du rocher193, ainsi qu'il est écrit : Et il les a rassasiés du miel du rocher (Ps. 81,17). Ainsi encore, les corbeaux nourrirent Élie au désert d'aliments qu'ils apportèrent (1 R 17) et d'un breuvage qu'ils lui procurèrent, signe que les peuples des nations, hideux par la noirceur de leur conduite, qui, jusque-là, demandaient leur nourriture aux cadavres fétides, offriraient maintenant en eux-mêmes, et apporteraient aux prophètes leurs aliments; car la nourriture des Prophètes, c'est l'accomplissement de la volonté divine, comme le Seigneur lui-même l'a déclaré en ces termes : Ma nourriture, c'est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé 194(Jn,4,34). E. *** SAINT THOMAS D’AQUIN (XIII°s) 195 1. L’Esprit Saint a-t-il pris un corps ? Mais parce que l’Esprit Saint ne peut être vu dans sa nature même — comme il est dit plus loin (Jn 3,8) : [L’Esprit] souffle où il veut, tu entends sa voix, mais tu ne sais d’où il vient ni où il va - et que, de plus, le propre de l’Esprit n’est pas de descendre mais de monter 196 — L’Esprit me souleva197,— voilà pourquoi l’Evangéliste expose le mode de sa vision et de la descente de l’Esprit Saint en disant que l’Esprit Saint ne fut pas ici selon sa nature, mais sous la forme d’une colombe, forme sous laquelle i1 apparut ; et c’est pourquoi il dit comme une colombe ». I1 convenait certes que le Fils de Dieu, rendu visible par la chair, fût manifesté par l’Esprit Saint sous la forme visible d’une colombe. Cependant l’Esprit Saint n’assuma pas cette colombe dans l’unité de sa personne198, comme le Fils de Dieu assuma la nature humaine. C’est que le Fils n’apparut pas seulement pour manifester, mais pour sauver. Aussi fallait-il, dit saint Léon, qu’i1 fût Dieu et homme : Dieu pour apporter la guérison, homme pour donner l’exemple199. Mais l’Esprit Saint apparut seulement pour manifester : or, pour manifester, il suffisait qu’i1 assume une forme corporelle destinée seulement à être un symbole. 2. Était-ce une « vraie » colombe ? La colombe était-elle un véritable animal ? Existait-elle avant l’apparition ? A vrai dire, il est plus conforme à la raison d’affirmer que ce fut une vraie colombe. Car l’Esprit Saint vint pour manifester le Christ qui, étant la vérité, ne devait être manifesté que par la vérité. La Paradis est un jardin cultivé; la forêt est une zone sauvage « plantée » d’hommes pécheurs. Le « rocher » est une image de Dieu. Le miel du « rocher » est donc un miel divin, le « miel des Saintes Écritures », et non celui des philosophes païens. 194 Dans le récit de la Samaritaine, Jésus refuse de manger la nourriture achetée par les apôtres dans la ville de Samarie, parce qu’il des nourrir d’une autre nourriture. A la messe, nous mangeons la « volonté » de Dieu, en nous nourrissant de sa Parole faite chair. 195 Commentaire sur l’Évangile de Jean, Tome 1, p. 274-277. Saint Thomas commente l’épisode du baptême de Jésus en reprenant de manière claire, comme à son habitude, ce que les Pères de l’antiquité avaient dit avant lui. 196 Le corps charnel est pesant, la grâce divine allège et fait monter. La symbolique de « la pesanteur et de la grâce » reprend celle de « la terre » (qui est en bas) et celle du « ciel » qui est en haut. Manière de parler, car il s’agit évidemment d’une expérience spirituelle que les croyants vivent en eux. Quand Dieu prend un corps, il descend forcément : c’est l’Incarnation. Quand Dieu communique son Esprit à l’homme, il fait monter... c’est « l’assomption » de l’Église... dans le corps des baptisés, que préfigure celle de Marie. 197 Réminiscence biblique proche du psaume 102,11 198 L’Esprit Saint ne s’est pas incarné dans une colombe. Seul Jésus est l’Image corporelle du Père invisible, pas l’EspritSaint ! 199 Les deux composantes du sacrement. 192 193 8 juin 2017 748918657 59 sur 106 A la seconde question — existait-elle avant l’apparition ? — il faut répondre : non, elle fut formée alors par la puissance divine sans l’accouplement d’un mâle et d’une femelle, comme le corps du Christ fut conçu par la puissance de l’Esprit, et non à partir de la semence de l’homme. Cependant, ce fut une « vraie » colombe car, dit Augustin200, « Au Dieu tout-puissant qui a fait de rien toutes les créatures, il n’était pas difficile de former un vrai corps de colombe sans le concours d’autres colombes, comme il ne Lui fut pas difficile de façonner un vrai corps dans le sein de la bienheureuse Vierge sans une semence naturelle ». Et saint Cyprien écrit 201 : « L’Esprit Saint vint sous la forme d’une colombe parce que cet oiseau est simple et pur, sans colères amères, sans morsures cruelles, qu’il ne fait de mal ni du bec ni de l’ongle ; il aime la demeure des hommes et se plaît à demeurer dans une seule maison. Quand ils engendrent des petits, ils les élèvent de compagnie ; rassemblés, ils volent en bande ; ils passent leur vie en commerce familier ; les baisers de leurs becs montrent leur paix harmonieuse et ils observent en tout point la loi de la concorde ». Pourquoi l’Esprit Saint apparut-i1 sous la forme d’une colombe, plutôt que sous une autre forme ? A cela on peut assigner de multiples raisons. Premièrement, à cause de la simplicité de la colombe, car la colombe est simple : Soyez prudents comme des serpents et simples comme des colombes (Mt 10,16). Or l’Esprit Saint, parce qu’i1 fait regarder l’Un, c’est-à-dire Dieu, rend simple ; c’est pourquoi i1 apparut sous la forme d’une colombe. 3. Colombe et feu202 Selon Augustin203, i1 apparut encore sous forme de feu au-dessus des disciples réunis parce que certains sont simples mais tièdes, et d’autres fervents mais fourbes. Aussi, pour que ceux que sanctifie l’Esprit Saint fuient toute duplicité, celui-ci se montre sous la forme d’une colombe ; et, afin que la simplicité n’engendre pas la froideur, i1 se montre sous la forme du feu. Deuxièmement, à cause de l’unité de la charité, car la colombe brûle d’un grand amour : Unique est ma colombe (Ct 6,9). Afin donc de montrer l’unité de l’Eglise, l’Esprit Saint apparaît sous la forme d’une colombe. Aussi, ne te trouble pas de ce qu’à la descente du Saint Esprit sur chacun des disciples soient apparues des langues de feu qui se partagèrent (Ac 2,3) entre eux, parce que l’Esprit se montre partagé selon les divers ministères, et cependant i1 unit par la charité ; et c’est pourquoi i1 apparaît d’une part sous forme de langues divisées — Il y a certes répartition des dons —, et d’autre part sous la forme d’une colombe — mais c’est le même Esprit (1 Cor 12,4). 4. Une évocation de la prière Troisièmement, à cause du gémissement. En effet la colombe a pour chant un gémissement. Ainsi l’Esprit Saint, comme le dit saint Paul, intercède pour nous en des gémissements ineffables (Rm 8,26) ; et, comme le dit le prophète : Ses servantes gémissent, telle la voix de la colombe (Nah 2,8). De agone christiano, Ch 22, 24.PL 4, 40, col.303. Augustin défend la « lettre » du texte évangélique, qu’il justifie par la toute puissance du Créateur. Saint Cyprien, un siècle plus tôt, ne s’est pas placé dans cette problématique positive, mais a aussitôt glissé sur la signification spirituelle de la colombe. 201 De unitate Ecclesiae 9. PL 4, col. 506 B. 202 Le Baptême de Jésus a souvent été rapproché de la Pentecôte. La colombe qui descend est la « Pentecôte de Jésus ». Cepenant, comme Jésus a déjà en lui l’Esprit en plénitude. Ce peut être une manière de nous faire comprendre que l’activité publique de Jésus, qui va commencer avec cet événement, est entreprise par la Trinité divine, comme tout acte de Dieu vécu en Jésus Christ ? Est-ce, selon une lecture plus psychologique, la prise de conscience par Jésus de sa mission ? 203 Tract in Jo., 6,3 200 8 juin 2017 748918657 60 sur 106 5. L’efficacité de l’Esprit Quatrièmement, à cause de la fécondité. La colombe en effet est un animal très fécond ; c’est pourquoi l’Esprit Saint apparut sous la forme d’une colombe, pour désigner la fécondité de la grâce spirituelle dans l’Eglise. Voilà pourquoi, dans l’Ancien Testament, le Seigneur commanda qu’on lui offrît les petits des colombes (Lv 5,7). 6. Les yeux de la colombe Cinquièmement, à cause du caractère avisé de la colombe : car elle siége aux bords des eaux, elle y regarde, aperçoit le vol du faucon et se met à l’abri — Ses yeux sont des colombes au bord des ruisseaux (Ct 5,12). Puisque, dans le baptême, l’Esprit Saint est notre garde et notre défense, il convient qu’i1 apparaisse sous la forme d’une colombe. 7. La colombe de Noé (Que l’Esprit Saint soit descendu du ciel comme une colombe) cela répond enfin à une figure de l’Ancien Testament 204. En effet, de même que la colombe, en rapportant un rameau d’olivier, donna un signe de la clémence de Dieu à ceux qui avaient été préservés des eaux du Déluge, de même l’Esprit Saint, venant sous la forme d’une colombe lors du Baptême du Christ, donne un signe de la clémence divine qui remet les péchés et confère la grâce aux baptisés. 204 Précisément le Déluge : Gn 8,11. 8 juin 2017 748918657 61 sur 106 VII. DOSSIER : LA PÊCHE MIRACULEUSE A. Maxime de Turin (V°s)205 1. La pêche des apôtres Le temps est venu, frères, d'expliquer l'épisode évangélique lu récemment, où le Seigneur, toujours présent dans la barque de Pierre, lui dit : Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu feras vivre (Lc 5, 10). La conclusion nous livre le sens du passage. Les disciples étaient dans l'admiration à voir les barques chargées de poissons. Au lieu de promettre à Pierre ce qu'il lui enseignerait, il se portait garant d'une chose que l'apôtre ignorait complètement : dans cette même barque, au lieu de poissons frétillants, remuerait une foule d'hommes auxquels il redonnerait vie. Dans une barque, les hommes n'ont assurément pas l'habitude d'être ressuscités, mais transportés : la navigation, loin de les réconforter, les fait trembler206. Prenons garde : cette barque, confiée à la conduite de Pierre, n'est autre que l'Eglise : elle a mission de donner non la mort, mais la vie, à ceux qui échappent aux tourbillons du monde, comparables aux flots. Un frêle esquif retient les poissons projetés en l'air et arrachés aux gouffres. C'est ainsi que le navire de l'Eglise rend la vie aux hommes, ceux qui menaient auparavant une vie qui meurt. Voilà ce que signifie « redonner la vie » : on ne peut redonner la vie qu'à ceux qui auparavant en étaient privés. Pierre va donc redonner vie aux hommes meurtris par les tourbillons du monde, étouffés par les flots du siècle : ainsi, celui qui admirait la barque pleine à ras bord de poissons palpitants admirera davantage l'Eglise chargée d'une foule d'hommes vivants. 2. L’eau profonde Tout ce chapitre renferme donc une signification symbolique : car plus haut également, lorsque le Seigneur, assis dans la barque, dit à Pierre : Avance en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche (Lc 5, 4), il lui conseille moins de jeter dans les profondeurs de l'eau les instruments de la pêche, que de répandre au fond des cœurs les paroles de la prédication. Cet abîme des coeurs, Paul lui-même l'a pénétré en y lançant la parole : O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! (Rm 11, 33). 3. Le filet de la foi Non, il ne lui conseille pas d'attraper de petits poissons dans un filet, mais de rassembler les hommes par la foi; la foi accomplit sur la terre ce que le filet accomplit sur les flots. Le filet ne permet pas que se répande ce qu'il contient, la foi, de même, ne laisse pas errer ceux qu'elle rassemble; comme le filet amène dans ses replis vers le navire les poissons qu'il a pris, la foi conduit dans son sein, vers le repos, ceux qu'elle a rassemblés. Toujours pour faire comprendre que le Seigneur parlait de la pêche spirituelle, Pierre dit : Maître, nous avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais jeter mes filets (Lc 5, 5). Comme s'il avait dit : puisque nous avons travaillé en vain toute la nuit et que notre pêche ne nous a 205 L’année liturgique, p.174-176 8 juin 2017 748918657 62 sur 106 rien rapporté, je pêcherai désormais non pas avec un instrument, mais avec la grâce, non pas en artisan appliqué, mais en fidèle zélé. Sur ta parole, dit-il, je vais jeter mes filets. Nous avons lu que le Verbe est le Seigneur, notre Sauveur, comme le dit l'évangéliste : Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu (Jn 1, 1). Puisque Pierre lance son filet selon le Verbe, il répand partout son éloquence selon le Christ. Il déploie les filets ourdis et tissés selon les prescriptions de son maître, il lance au nom du Seigneur des paroles plus claires et plus efficaces qui permettent de sauver, non pas des animaux, mais des hommes. Nous avons peiné, dit-il, toute la nuit sans rien prendre. Oui, Pierre avait bien peiné toute la nuit : auparavant, gêné par l'obscurité, il ne pouvait voir ses proies; lorsque la lumière du Sauveur a brillé, les ténèbres se sont dissipées, et sa foi lui a permis de distinguer, au plus profond des flots, ce que ses yeux ne pouvaient voir. Pierre a effectivement souffert de la nuit, jusqu'à ce que le jour, qui est le Christ, vienne à son secours. C'est ce qui fait dire à l'apôtre Paul : La nuit est avancée. Le jour est arrivé (Rm 13, 12)207. Jésus Christ, notre Seigneur, qui vit et règne dans les siècles des siècles, amen. B. ORIGÉNE (III°s)208 1. Tout homme est un poisson sans liberté Dans ce passage »le royaume des cieux est semblable à un filet jeté dans la mer (est à interpréter) non pas dans le sens où l'entendent certains209 qui prétendent découvrir, sous ces mots, l'existence de natures différentes de méchants et de justes capturés dans le filet, au point de croire qu'à cause du passage où il est dit qu’il rassemble toute espèce de poissons (Mt 13,47), il y aurait des natures nombreuses et différentes de justes aussi bien que de méchants; car une telle interprétation est contredite par toutes les Écritures qui révèlent le libre arbitre et qui accusent les pécheurs, tandis qu'elles approuvent ceux qui se conduisent bien, et il serait injuste que le blâme accompagnât les uns, à cause de leur espèce mauvaise qui se trouverait telle par nature, ou la louange les autres à cause de leur espèce supérieure. 2. La création au fond des eaux Car s'il y a de mauvais et de bons poissons, la cause n'en est pas dans leur âme de poisson ? mais dans le fait que connaît la Parole quand elle dit : Que les eaux produisent des reptiles vivants ! (Gn 1,20) et aussi Dieu fit les monstres marins et tous les êtres rampants que les eaux produisirent selon leur espèce (Gn 1,21). Donc, à ce moment-là, tous les êtres rampants, ce sont « les eaux qui les produisirent selon leur espèce », sans que leur âme y fût pour rien. Maintenant, au contraire, nous sommes nous-mêmes responsables, si nous appartenons à une espèce C’est donc une chose étrange qu’il va falloir expliquer (« rouge »). Le passage du sens littéral du texte biblique, aux sens spirituels est du même ordre : un passage des ténèbres intérieures à la Lumère de l’Esprit. Les récits bibliques, et d’abord ceux des évangiles, n’accèdent à leur pleine clarté que référés à la mort et à la Résurrection de Jésus, notre Seigneur, qui nous envoie sa lumière. 208 Commentaire sur l’évangile de Matthieu, Sources chrétiennes N°162, p.179-181 209 Les gnostiques ou autres manichéens qui nient la liberté et pensent qu’il existe une race d’hommes « culturellement » supérieurs et automatiquement sauvés (les bons poissons) tandis que les autres seraient naturellement inférieurs, mauvais et jetés. 206 207 8 juin 2017 748918657 63 sur 106 bonne et digne d'entrer dans les corbeilles dont parle le texte210, ou bien des espèces mauvaises qui méritent d'être jetées au loin ; car ce n'est pas notre nature qui, en nous, est cause du mal, mais notre libre arbitre qui fait le mal sans contrainte. De même, ce n'est pas non plus notre nature qui est cause de notre justice, comme si elle était incapable de péché, mais c'est la parole (divine) que nous avons reçue qui façonne les justes, et, de fait, quand il s'agit des espèces aquatiques, il n'est pas possible de les voir passer d'une mauvaise qualité, en tant qu'espèce de poissons, à une qualité supérieure ni, de meilleurs qu'ils étaient, devenir plus mauvais, tandis que, lorsqu'il est question des hommes, on peut toujours voir les justes ou les méchants faire effort pour passer du mal à la vertu, ou bien se laisser glisser du progrès vers la vertu à la déchéance vers le mal.211 C. TERTULLIEN (II°s)212 1. Nous, les petits poissons Vipères, aspics, basilics, recherchent d’habitude des lieux arides et sans eau, mais nous petits poissons, qui tenons notre nom de notre « ichthus » (Jésus-Christ)213, nous naissons dans l'eau et ce n'est qu'en demeurant en elle que nous sommes sauvés. C'est pourquoi ce monstre de femme, qui normalement n'avait même pas le droit d'enseigner (1 Cor 14,34; 1 Tm 2,12), a trouvé le meilleur moyen de faire mourir ces petits poissons : les sortir de l'eau.214 210 ... de la parabole du Filet. Que ce soient les poissons ou les morceaux de pain des corbeilles de la Multiplication des pains, il s’agit toujours d’êtres humains. 211 La prédestination des âmes n’existe pas : à nous de vouloir être recueilli dans la corbeille eucharistique. 212 Traité du Baptême, Foi vivante N°176, p.73. 213 « ichthus » veut dire « poisson » en grec, mais c’est aussi l’anagramme de « Jésus (I) Christ (CH), Dieu (Th) - Fils (U), Sauveur (S). C’est donc une profession de foi en « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur ». 214 Quiconque prêche une autre « eau » que la foi de l’Église, fait mourir les baptisés les plus fragiles. 8 juin 2017 748918657 64 sur 106 VIII. PARTIE PÉDAGOGIQUE A. La catéchèse des 4- 8 ans Cinq années se déroulent entre la Moyenne Section de Maternelle et le CE 2. L’âge des enfants varie entre 4 et 8 ans. Certes, les « niveaux de parole » sont assez homogènes durant cette tranche d’âge : ils oscillent entre le « bleu » et le « vert ». Un « rouge » ponctuel et fugitif s’exprime de temps à autre, surtout en CE 2, mais ce « rouge » ne peut pas être pris en compte pour être reconstruit : c’est trop tôt ! On peut,et on doit même l’accueillir, mais on ne peut guère faire mieux. Toutefois, le CE 2 fait partie du cycle III, et la législation scolaire française fait travailler cette classe avec les plus grands. L’esprit critique (le « rouge ») se développe donc plus facilement qu’il y a quelques années. Sachons-le, et ne développons pas trop vite la parole critique des enfants, qui resterait alors dans le vide car la reconstruction est impossible à cet âge. Ce sera, un an plus tard, la visée principale de la classe de CM1 (9 ans). Certains récits bibliques qui jetteraient trop vite les enfants dans le « rouge », ne conviennent pas en CE 2. Il vaut mieux raconter le Déluge en CP (6 ans) ou en Maternelles (4-5 ans) plutôt qu’en CE 2 (8 ans). Ce beau récit convient au contraire très bien en CM 1, mais avec le projet de développer l’esprit critique en vue d’une vue future reconstruction intérieure qui ne s’amorcera vraiment qu’en CM2. La visée pédagogique de la petite enfance n’est pas l’intériorité, mais au contraire l’extériorité. Cette visée est double : à la fois la parole « bleue » (mémoire) et la parole « verte » (rapprochements) car l’une ne va pas sans l’autre. Il s’agit d’une structure mentale provisoire où le récit biblique et le monde sont perçus en totale extériorité : l’enfant se croit spectateur de ce qu’il entend, et il réfléchit comme s’il était en face de choses qui se dérouleraient devant lui. C’est le spectacle de son imagination, et le pédagogue travaille sur la structure de cette imagination,terreau de toute créativité et de toute vie spirituelle. Le monde mental « bleu-vert » est imaginaire parce que le spectacle est en images. Piaget a forgé l’expression bien connue de « pensée concrète ». L’image est une représentation affective du monde, ce qui fait souvent penser que l’enfant a une vie intérieure. Il faudrait plutôt dire que l’enfant a ses émotions à fleur de peau, car ces émotions ne sont pas encore « descendues » dans son esprit, encadrées par l’esprit. La vie affective n’est pas la vie intérieure de l’être humain. Ainsi ses caprices, par exemple, ne sont pas de l’ordre du spirituel mais de l’ordre de l’affectif. La confusion entre vie affective et vie spirituelle est assez courante. La vie affective a toutefois une très grande importance. L’homme « froid » ne peut pas aimer, mais l’homme trop « chaud » n’aime pas plus. La vie affective doit être développée de concert avec la réflexion. L’éducation qui séparerait les deux serait catastrophique : l’intelligence serait par exemple réservée au monde scientifique, et la vie affective serait enfermée dans le « tout tout de suite » de l’instant présent. Aucune logique de vie n’existerait, aucune intelligence des relations, aucun sens de l’existence. Suivant ses activités, l’être humain aurait ou bien une grosse tête et un petit coeur, ou bien une petite tête et un grand coeur. Le récit en images unit l’affect et l’intellect. L’enfant commence par inscrire affectivement les images du récit biblique dans sa mémoire (parole « bleue »), puis, en discutant, il y associe une logique, celle que le récit met en scène (parole « verte »). Comme la Bible raconte l’Alliance avec Dieu, aussi bien l’affect (le corps) que l’intellect (l’esprit) sont associés à Dieu et à la prière. 8 juin 2017 748918657 65 sur 106 B. CATECHESE A MINIMA POUR LE CYCLE III Janvier : Baptême de Jésus (Mt 3) Traversée de la mer (Ex 14) Février : Tentation de Jésus (Mt 4) Tentation d'Adam (Gn 3) C. Les séquences de ce dossier 4 - 7 ans : TRAVERSER L’EAU. Cette séquence, (avec son introduction théologique et patristique), est proposée par l’équipe de Jeanne d’Arc de Gisors. 8 ans : Une séquence sur les Tentations de Jésus au désert. 9 -10 ans : La séquence N° 13 a été revue et améliorée par l’équipe d’Asnières. 11 ans : Le Mystère du Mal est la séquence N°29 qui a aussi été revue et améliorée. 8 juin 2017 748918657 66 sur 106 IX. LA SÉQUENCE DES 4 -7 ANS TRAVERSER L’EAU Bleu-vert, de 4 à 7 ans Baptême Références bibliques : A. La traversée de la mer Ex 13,17 - 14,31. La tempête apaisée Mc 4, 35 - 41 Le Déluge Gn 6 à 9 ÉLÉMENTS THÉOLOGIQUES et patristiques 1. SAINT GREGOIRE DE NYSSE (IV°S)215 Au sortir de l'eau baptismale, laissons derrière nous tous le bataillon des vices a) La traversée de l’eau216 L’Exode nous rapporte le déroulement d’événements passés; l’interprétation spirituelle nous les montre en train de s'accomplir encore. (...) En entendant cette histoire, en effet, comment ne pas songer au mystère de l'eau dans laquelle on descend avec toute l'armée des ennemis et d'où l'on sort seul, tandis que les troupes adverses sont englouties dans les flots : (...) cette eau qui devient principe de vie pour ceux qui y cherchent refuge, et occasion de mort pour leurs poursuivants ? Le récit nous enseigne donc qu'après être passés à travers l'eau, ceux qui en sortent ne doivent rien traîner derrière eux de l'armée ennemie. Si, en effet, l'ennemi remonte avec eux, ils demeurent dans l'esclavage, même au sortir de l'eau, puisqu'ils ont fait remonter avec eux le tyran217, au lieu de l'enfoncer dans l'abîme. b) Noyer nos mauvais diables Dévoilons maintenant le sens de ces événements, caché sous le symbole218 : tous ceux qui, dans le baptême, traversent l'eau mystique, doivent faire mourir dans les eaux tous les bataillons du mal, tels que la convoitise, la concupiscence, l'avidité à piller, les sentiments de vanité et d'arrogance, les élans de violence, la colère, le ressentiment, l'envie et la haine. Toutes les passions de ce genre accompagnent presque spontanément notre nature; elles suscitent dans notre cœur de mauvais mouvements et produisent les actes qui en découlent. 215 La vie de Moïse L’eau baptismale évoque notre vie mortelle. Jadis, le Baptême se faisait toujours par immersion : la plongée baptismale rappelle notre condition d’homme mortel (nous sommes plongés dans la réalité de cette vie-là). Pour nos anciens, le rituel était clair : le baptistère représente le tombeau d’où le Christ est sorti. Par l’Incarnation, Dieu est venu se plonger dans notre humanité pour nous faire sortir de la mort et du péché. A Pâques, Jésus est sorti des « eaux de la mort », au Baptême nous désirons nous associer à sa Résurrection, en acceptant de vivre notre condition mortelle au service de l’amour. La mort et ses soufffrances nous font douter de l’amour de Dieu, et c’est le péché. La mort et ses souffrances produisent en nous la peur, l’enfermement sur soi, l’égoïsme, la jalousie la violence, le péché sous toutes ses formes. Tel est « l’ancien Adam » que nous sommes. Mais au Baptême nous nous lions au Christ (nouveau Moïse). Durant toute son existence, le baptisé cherche à passer de la mort d’ici bas à la Vie éternelle qui est le Christ en nous, une nouvelle manière de vivre l’humanité mortelle, on dit : un « nouvel Adam ». 216 217 Satan Autrement dit, lisons le récit en intériorité, en le référant au combat spirituel qui met en oeuvre l’union intime de l’homme intérieur et de la Parole. Tel est le « Symbole » ! 218 8 juin 2017 748918657 67 sur 106 c) Tous plongés dans la même eau, pour noyer le mauvais levain Dans le Mystère de la Pâque, il est aussi prescrit de manger du pain azyme avec la victime pascale, cette victime dont le sang préserve de la mort ceux qui l'utilisent. Le pain azyme, c'est du pain auquel n'est pas mélangé le ferment d'un vieux levain. Par cette prescription, la loi nous donne à entendre qu'aucun reste de perversité ne doit se mêler à la vie nouvelle (I cor 5, 7-8), mais qu'il faut donner à cette vie un commencement vraiment neuf, en brisant l'engrenage ininterrompu du mal, par la conversion au bien. Ainsi faut-il engloutir dans le baptême sauveur, comme dans un abîme, tous les Egyptiens, c'est-à-dire toutes les formes du péché, pour en émerger, seul, ne traînant derrière soi, dans sa conduite, rien d'étranger. Tel est le sens de ce récit qui nous montre dans la même eau les sorts si différents de l'ami et de l'ennemi : pour l'un, elle est mort; pour l'autre, elle est vie. d) Le Baptême n’est pas une simple formule, mais un choix de vie Par ignorance des commandements de la Loi, beaucoup de ceux qui ont reçu le sacrement du Baptême mêlent le vieux levain du péché à leur vie nouvelle; même après le passage de l'eau, ils traînent derrière eux, dans leur manière de vivre, une armée égyptienne toujours bien vivante. En effet, celui qui, avant la grâce du baptême, s'est enrichi par le vol ou l'injustice, celui qui a acquis par faux serment une propriété, qui vit avec une concubine, qui a osé faire quelque action défendue, celui-là, s'il continue à vivre après le Baptême dans la jouissance de ce qu'il a mal acquis, pense-t-il être délivré de l'esclavage du péché ? Ne voit-il pas qu'il reste courbé sous le joug de ses tyrans ? Car c'est un tyran cruel et furieux que la concupiscence; par les voluptés, comme par des fouets, elle violente l'âme qui lui est asservie. Autre tyran du même genre, l'avarice : elle ne laisse aucun répit à son esclave; il aura beau travailler pour obéir aux ordres de son tyran, s'il veut acquérir à la mesure de son désir, il sera entraîné toujours plus loin. Faire le compte de toutes les autres pulsions des vices, c'est énumérer autant de despotes et de tyrans. Leur rester asservi même après avoir traversé l'eau, c'est, à mon avis, comme si l'on n'avait pas touché l'eau du sacrement, puisque son œuvre propre est l'anéantissement des puissances du mal. 2. SAINT AUGUSTIN (V°S) Comment apaiser les tempêtes du cœur ? Je vais, avec la grâce du Seigneur, vous entretenir de l'évangile de ce jour. Je veux aussi, avec l'aide de Dieu, vous encourager à ne pas laisser la foi dormir dans vos cœurs au milieu des tempêtes et des houles de ce monde. a) Réveiller le Christ en nous219 Le Seigneur Jésus Christ exerçait sans aucun doute son pouvoir sur le sommeil non moins que sur la mort, et quand il naviguait sur le lac, le Tout-Puissant n'a pas pu succomber au sommeil sans le vouloir. Si vous le pensez, c'est que le Christ dort en vous. Si, au contraire, le Christ est éveillé en vous, votre foi aussi est éveillée. L'Apôtre dit : Que le Christ habite en vos cœurs par la foi (Ep 3,17). Donc le sommeil du Christ est le signe d'un mystère. Les occupants de la barque représenterait les âmes qui traversent la vie de ce monde sur le bois de la croix. 219 Autres réveils bibliques : Le sommeil, celui d'Adam d'où sortira une nouvelle créature, Eve. Le sommeil d'Abraham Gen 15 (12) et Dieu parle, et Dieu agit. Elie s'endort et est nourrie par le corbeau I Rois 19 (S)... Mort et Résurrection... On plonge et on ressort... On dort et on s'éveille... On dort et on se réveille... 8 juin 2017 748918657 68 sur 106 b) La barque de Pierre est l’Église En outre, la barque est la fıgure de l'Eglise. Oui, vraiment, tous les fidèles sont des temples où Dieu habite, et le cœur de chacun d'eux est une barque naviguant sur la mer : elle ne peut sombrer si l'esprit entretient de bonnes pensées. c) Tu sèmes le vent, tu récoltes la tempête On t'a fait injure : c'est le vent qui te fouette ; tu t'es mis en colère : c'est le flot qui monte. Ainsi, quand le vent souffle et que monte le flot, la barque est en péril. Ton cœur est en péril, ton cœur est secoué par les flots. L'outrage a suscité en toi le désir de la vengeance. Et voici : tu t'es vengé, cédant ainsi sous la faute d'autrui, et tu as fait naufrage. Pourquoi ? Parce que le Christ s'est endormi en toi, c'est-àdire que tu as oublié le Christ. Réveille donc le Christ, souviens-toi du Christ, que le Christ s'éveille en toi. Pense à lui. d) Fais mémoire de Lui Que voulais-tu ? Te venger. As-tu oublié la parole qu'il a dite sur la Croix : Père, pardonne leur : ils ne savent pas ce qu'ils font (Lc 23,34) ? Celui qui s'était endormi dans ton cœur a refusé de se venger. Réveille-le, rappelle toi son souvenir. Son souvenir, c'est sa parole; son souvenir, c'est son commandement. Et quand tu auras éveillé le Christ en toi, tu te diras à toi-même : Quel homme suis-je pour vouloir me venger ? Qui suis-je pour user de menaces contre un homme ? Peut-être serai-je mort avant d'avoir pu me venger ? Et quand viendra pour moi le moment de guider ce corps, si j'expire brûlant de haine et assoiffé de vengeance, celui qui n'a pas voulu se venger ne m'accueillera pas. Celui qui a dit : Donnez et vous recevrez; pardonnez et vous serez pardonnés (Lc 6,37) ne m'accueillera pas. Je réprimerai donc ma colère, et mon cœur trouvera à nouveau le repos. Le Christ a commandé à la mer, et elle s'est calmée (cf Mt 8,26). e) Le vent de la tentation Ce que je viens de vous dire au sujet des mouvements de colère doit devenir votre règle de conduite dans toutes vos tentations. La tentation surgit : c'est le vent qui souffle ; ton âme est troublée, c'est le flot qui monte. Réveille le Christ, laisse-le te parler. Qui donc est celui-ci, pour que même les vents et la mer lui obéissent (Mt 8,27)220 ? Quel est celui à qui la mer obéit ? A lui la mer, c'est lui qui l'a faite (Ps 94,5). Par lui, tout s 'est fait (Jn 1,3) ?221 Imite plutôt les vents et la mer : obéis au Créateur. La mer entend l'ordre du Christ, vas-tu rester sourd ? La mer obéit, le vent s'apaise, vas-tu continuer souffler ? f) Être pacifié Que voulons-nous dire par là ? Parler, agir, ourdir des machinations, n'est-ce pas souffler, et refuser de s'apaiser au commandement du Christ ? Quand votre cœur est troublé, ne vous laissez pas submerger par les vagues. Si pourtant le vent nous renverse - car nous ne sommes que des hommes - et qu'il excite les passions mauvaises de notre cœur, ne désespérons pas. Réveillons le Christ, afın de poursuivre notre voyage sur une mer paisible et de parvenir à la patrie. 220 On pourrait ajouter le psaume 65,8 : I1 apaise le mugissement des mers, le mugissement de leurs flots. Alllusion à la Création (Gn 1,6) et à l’ouverture de la Mer Rouge (Ex 14,21). Ne pas oublier que le Baptême est une « nouvelle Création ». Augustin parle en ayant bien en tête que l’Évangile est avant tout une catéchèse baptismale. 221 8 juin 2017 748918657 69 sur 106 B. ÉLÉMENTS PÉDAGOGIQUES Les trois récits : « Le Déluge », « la Traversée de la Mer » et « La tempête apaisée » peuvent être racontés en Maternelle, en CP et en CE 1. En CP et CE1 : une histoire tous les quinze jours. Le travail de création peut différer. Pour remplacer le dessin habituel, on peut préférer un coloriage en Maternelle et un mime en CP-CE1. Pour le Déluge, reportez-vous à la séquence 56, Tome II, p70 (à partir de 4 ans, « bleu ») ou à la séquence 105 (6-7ans), Tome III, p. 92. Mais le Baptême de Jésus, associé au Déluge, est peut-être un peu difficile pour les petits, car ce n’est pas un vrai récit. 1. La traversée de la Mer a) Information Pour bien raconter aux enfants, commencer par bien se mettre en tête toutes les images du récit, les lieux, le temps, le déroulement des actions, les personnages. Supprimer Aaron, car trois personnages suffisent pour les enfants : Dieu, Moïse et le roi d’Égypte. Moïse berger, moutons, voix de Dieu, malheur du peuple, roi d'Egypte, méchanceté du roi, garçons premiers-nés, maisons marquées de sang, vieux pain, fête, bâton à la main, mer à traverser, lever du soleil, cavaliers, grande fête...en vue de faire un récit vivant imagé et bien rythmé qui tiendra les enfants en haleine. Il sera important de mettre l'intonation (peur, colère, joie) et même d’accompagner l’histoire par quelques gestes expressifs. b) Un récit possible de la traversée de la Mer. « Moïse vivait au désert loin de son peuple qui était en Égypte. Mais, là-bas, en Égypte, le peuple était malheureux car le roi d'Égypte le faisait trop, trop, trop travailler. Moïse était un bon berger et s’occupait très bien de ses moutons. Un jour, son troupeau broutait prés de la montagne, quand, soudain, il entendit la voix de Dieu. Il s'arrêta, se mit à genoux, se prosterna et écouta une drôle de voix : « Moïse, Moïse, j'ai entendu la prière de ton peuple, j'ai vu son malheur. Va voir le roi d‘Égypte et dis lui, de ma part, de laisser partir mon peuple. » Moïse eut très peur, car il pensait que le roi d'Egypte allait le tuer. Mais Dieu lui dit : « Ne t'en fais pas, n’aie pas peur, je suis avec toi. « Moïse partit en Égypte trouver le roi d'Égypte, il était plein de courage car il savait Dieu avec lui. Mais le roi lui dit : « Je ne connais pas ton Dieu. Le peuple restera car j'ai besoin de travailleurs pour construire mes villes, mes forteresses, mes palais et mes maisons. » Moïse était triste, très triste. Mais Dieu n’oubliait pas Moïse, et il envoya beaucoup de malheurs dans le pays d'Égypte. Malgré tous ces malheurs, le roi d'Égypte ne voulait toujours pas laisser partir le peuple de Dieu. Alors Dieu parla de nouveau à Moïse : « Moïse ! Écoute moi, Moïse. Cette nuit, je vais envoyer un dernier malheur sur le pays d 'Égypte,et ce sera un très grand malheur pour le roi d’Égypte. Mais, vous, vous ferez une fête et vous mangerez l’agneau. « Que va être ce malheur ? », demanda Moïse. Dieu lui dit : « Je vais tuer les garçons premiers nés des Égyptiens, même le fils du roi. » Moïse dit à Dieu : « Mais il ne faudra pas tuer nos garçons à nous. » « Bien sûr que non, dit Dieu. Sur la porte de vos maisons à vous, vous dessinerez une grande croix rouge avec le sang de l’agneau que 8 juin 2017 748918657 70 sur 106 vous mangerez pendant la fête. Quand je verrai la Croix sur la porte,je dirai cette maison est une maison vivante, et il n’y aura pas de mort dans cette maison, car la croix c’est la vie... » La suite de l’histoire est dans « L’Ancien Testament raconté aux enfants » p.38-39. c) Création et apprentissage de l’histoire Permettre à tous les enfants d’acquérir la mémoire de la chronologie de ce long récit. Organiser un mime en reprenant les différentes étapes : Le berger Moïse fait paître son troupeau sur la montagne. Moïse devant le Roi d'Egypte qui interdit le départ du peuple de Dieu. Plusieurs enfants dans plusieurs maisons. Les croix sont dessinées sur les portes. (carton + peinture) Le peuple de Dieu fait la fête dans chaque maison (agneau, pain sans levain, vin), debout, la ceinture bouclée, le bâton à la main. Départ : représenter la longue route Mer figurée par du papier crépon déroulé. Passage de la mer Arrivée des cavaliers, noyés dans la mer Fête du peuple de Dieu d) Voix de Dieu : enseignante Temps de parole et rapprochements multiples Huit jours plus tard, et ce délai est nécessaire, vient le temps de parole. Les enfants ont déjà acquis le récit, sa chronologie, il leur reste à ouvrir l’histoire biblique sur tout ce qu’ils ont en eux, que ce soit la Bible, que ce soit leur vie. Ce sont les multiples rapprochements faits sur les images qui vont donner une ouverture à ce récit biblique. Ce moment pédagogique est essentiel dans notre pédagogie de la parole. L’adulte anime ces vingt minutes de parole pour que les enfants expriment en vérité ce qu’ils ont dans la tête et dans le coeur. Ce temps de parole doit être guidé par l’adulte qui interpelle les enfants sur telle puis telle image de l’histoire, que les enfants connaissent par ailleurs, qui résonnent affectivement en eux d’une façon positive ou négative. La Bible devient l’occasion de parler la vie, une vie d’enfant éclairée par la Parole. La parole des enfants servira à la formuler la prière. e) Célébration et chant : « Chantons le Seigneur, car il a fait éclater sa gloire, il a jeté à l'eau chevaux et cavaliers » 8 juin 2017 748918657 71 sur 106 2. La tempête apaisée a) Information : p. 48-49 Pour bien préparer le récit, rechercher les images : Jésus, apôtres, foule, vagues, vent, tempête... Rechercher aussi les sentiments : peur devant la noyade, colère devant l’attitude du Pharaon, étonnement devant le miracle, calme après la tempête, joie de la fête... b) Création pour mémoriser Dessins de bandes dessinées (5) - Replacer les dessins dans le bon ordre - Chercher une phrase ou remplir les bulles (voir P.J.) - Travail collectif ou en petits groupes. c) Temps de parole et rapprochements Faire redire le récit. Puis donner la parole aux enfants pour qu'avec toutes les images dont ils disposent, ils puissent établir des liens entre ces récits et d'autres déjà connus. Que les images bien acquises par les enfants puissent aussi être liées à des expériences de leur vie, et même à des scènes de télévision. Ceci est capital : la Bible n’est pas faite pour être enfermée dans la Bible mais pour devenir une Parole de Dieu qui vient éclairer la vie. d) Célébration et chant Adaptation du chant de l'Exode : « Chantons le Seigneur, car il a dit à la mer, silence tu vas te taire » « Il a dit aux apôtres : Pourquoi cette peur ? Qui est donc celui-là ? la mer lui obéit ! La célébration sera la préparation d'une prière qui pourra être la reprise de rapprochements faits pendant le temps de parole et adressés à Dieu. « Seigneur, tu as sauvé le peuple de Dieu, tu as sauvé les apôtres, viens sauver tous ceux qui ont peur » 8 juin 2017 748918657 72 sur 106 X. FICHE DES CE 2 TRAVERSER L’EAU Références bibliques : Bleu-Vert 7-8 ans Baptême Le Baptême de Jésus et les Tentations au désert, Mt 3,1-4, 11. La marche sur les eaux, Mt 14, 22-36. Pour une méditation de ces récits et la préparation de la séquence de catéchèse se reporter à la « Grille catéchétique » dans le livre ‘Catéchèse Biblique Symbolique, séquences’ pages 149 à 156 à propos du Baptême et des Tentations, et dans le tome 2, page 85 à propos de la Marche sur les eaux. Dans le Grille catéchétique, le trajet de la réflexion proposée, après lecture du texte évangélique (premier niveau de parole) va des questions du texte (troisième niveau de parole : rouge) à la confession de foi (niveau de parole : jaune), en passant par les rapprochements bibliques (second niveau de parole : vert). Dans la séquence 60 « Il faut traverser », l’ensemble de la méditation est à lire, même si les récits bibliques proposés sont différents de ceux de la présente séquence. A. PÉDAGOGIE Les enfants de 7 à 8 ans sont tout à fait capables de bien apprendre ces deux récits sans les mélanger (niveau de parole bleu), de faire de nombreux rapprochements bibliques, avec leur vie de tous les jours et leur pratique sacramentelle (niveau de parole vert). Les plus âgés sont susceptibles de poser des questions pertinentes sur certaines difficultés logiques des récits (des cieux qui s’ouvrent, un diable qu’on rencontre, de l’eau sur laquelle on peut marcher...) cependant la ‘sortie’ des bizarreries décelées ne peut généralement pas se faire vers la confession de foi (niveau de parole jaune), mais seulement vers une « logique » de la foi : ‘C’est Jésus, il peut le faire !’ ou ‘Dieu l’aide’ ou bien ‘C’est la foi en Dieu’... Réponses très respectables, mais qui restent au premier niveau de parole (celui de ce que l’on a appris et que l’on peut redire). Cela ne suffira plus très longtemps aux enfants croyants qui se posent vraiment ces questions. La solution momentanée est un accueil et une valorisation des questions, pour que l’enfant reste chercheur de sens autre que logique222; jusqu’au moment où il devient capable de balbutier puis d’énoncer un ‘autre sens’, un autre niveau de parole. Le Baptême de Jésus et les Tentations de Jésus au désert sont peut-être connus des enfants, mais souvent comme deux récits différents. Cette année, nous leur proposerons de les lier comme ils le sont par les évangélistes Matthieu et Luc. Marc évoque cette scène de manière beaucoup moins détaillée. C’est le texte de Matthieu que nous utiliserons, c’est celui de la liturgie pour le Baptême du Seigneur, le 10 janvier 1999 et le 21 février pour les Tentations de Jésus au désert. Vous trouverez ces récits évangéliques dans le livre ‘Jésus Christ raconté aux enfants’ pages 43 et 44 La nécessité de la recherche traverse le texte de référence de la catéchèse française : « Dieu est un Dieu caché, et l’homme est un chercheur de Dieu » (N°2222). le Symbole de foi trace un chemin où la foi se découvre, se dit et se cherche encore » (N°212). « L’enfant fait route avec Jésus-Christ... cherchant à découvrir qui est cet homme » (N°2111). Et dès le premier chapitre du document, nos évêques écrivent : « Les questions mêmes de Dieu, de la religion, du sens de la vie n’ont plus de signification au point même de ne plus se poser » (N°124). N’écrasons pas les enfants de savoirs, mais ouvront les à ce Sens qui est le Christ. 222 8 juin 2017 748918657 73 sur 106 avec des notes pour les adultes pages 101 et 102. La Marche sur les eaux de Jésus et de Pierre, avec la plongée de Pierre et sa sortie de l’eau par Jésus sera associée au récit qui le précède comme le font les évangélistes. La liturgie le propose le 8 août 1999 - après la Multiplication des pains donnée le dimanche d’avant. Ces récits se trouvent également dans ‘Jésus Christ raconté aux enfants’ page 18, avec des notes pour les adultes, page 90. 1. Première séance La première semaine, vous raconterez le baptême de Jésus avec l’enchaînement que donne l’évangile : « Alors l’Esprit de Dieu mena Jésus au désert pour y être tenté par le diable... » Il est possible que certains enfants connaissent cette seconde partie et soient capables de la redire. Laissez faire, soyez attentif à ce qu’ils disent pour, après coup, raconter de nouveau vous-même en ayant soin de n’oublier aucune image, aucune parole du récit. Que tout soit bien ‘remis en place’. Il s’agit d’un long récit. Vous pourriez, en guise de temps de création et d’intériorisation, proposer la réalisation d’une bande dessinée. Chacun des enfants du groupe, prenant en charge une ou deux des images de la séquence. Le découpage est à décider avec eux comme l’attribution des images à chacun223. Quand chacun a fait sa part de dessins et l’a mise à sa place dans la séquence, on pourrait faire une photocopie de l’ensemble (en format réduit peut-être) pour que tous puissent l’avoir dans leur cahier. 2. Seconde séance La semaine suivante, vous donnez la parole aux enfants pour qu’ils racontent ce récit à leur tour. Bien entendu, cela se fait sans l’aide de leur bande dessinée sinon le travail de recherche dans la mémoire n’existerait pas et la mémoire à long terme ne s’installerait pas en eux. Ensuite, avec ou sans l’aide de la bande dessinée, et après avoir demandé aux enfants à quoi leur fait penser ce récit (niveau de parole vert), vous pouvez aussi ouvrir leur parole à des questions sur la logique ou les illogismes rencontrés. Tous les enfants ne sont pas à ce niveau de parole (début du « rouge »). Vous pourriez le vérifier par l’une ou l’autre de ces questions, ou d’autres du même genre : Jean dit que Jésus va baptiser dans le feu. Comment va-t-il faire ? A votre avis, comment voit-on les cieux s’ouvrir ? Que peut être une voix du ciel ? Jésus dit ‘L’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.’ Et toi (ou vous) de quoi te nourris-tu, de pain ou d’autre chose ? A votre avis, comment les anges pourraient-ils porter Jésus dans leurs bras ? Quand les anges s’approchent de Jésus pour le servir, à votre avis : qu’est-ce qu’ils lui servent ? Bien entendu, ne posez pas toutes ces questions, l’une ou l’autre seulement, celle que tel enfant aurait éventuellement amorcée. Il s’agit pour vous de vérifier le niveau de parole des enfants, et pour eux d’apprendre qu’on a le droit de se poser des questions : ce n’est pas un péché. 223 Ne pas oublier : Les foules qui viennent se faire baptiser; qui écoutent Jean; Jésus qui demande le baptême au Baptiste réticent; la remontée de l’eau avec cieux ouverts, colombe, parole; la poussée au désert de Jésus; le long temps qui passe; les trois tentations du diable avec les dialogues; la finale avec les anges. 8 juin 2017 748918657 74 sur 106 3. Troisième séance Vous raconterez la Marche sur les eaux en « l’accrochant » à la Multiplication des pains qu’ils doivent connaître. Mais c’est cette seconde partie du récit que nous allons surtout déployer. L’enchaînement avec la Multiplication des pains est importante : Aussitôt après Jésus obligea ses disciples... Tout comme est indispensable la finale : la traversée s’achève de l’autre côté de la mer, Jésus est reconnu et va guérir les malades à Génézareth224 (Mt 14, 34-36). Vous pouvez de nouveau, si le travail de création a plu à votre équipe, proposer la confection d’une autre bande dessinée. Cela permet de vérifier si le déroulement de cette longue histoire est bien acquis pour tous en décidant ensemble du découpage de la séquence.225 Il y aura sans doute au moins deux images à réaliser par chacun. Que tous participent à celles de la seconde partie du récit. 4. Quatrième séance Après avoir donné la parole à votre équipe pour que les enfants racontent (niveau de parole bleu) puis, pour qu’ils fassent des rapprochements (niveau de parole vert). Tous doivent y exceller, vous pouvez, à 8 ans, poser des questions difficiles « auxquelles tout le monde ne peut pas répondre, bien sûr » comme celles-ci : A votre avis, comment Jésus pouvait-il arriver à marcher sur la mer ? D’habitude, on s’enfonce ! (Mt 14,24) Ou bien, plus difficile encore : - Est-ce qu’on pourrait dire que Pierre a été baptisé cette nuit-là, quand il a été plongé dans l’eau ? (Mt 14,30). Les enfants vont sans doute répondre au second niveau de parole (vert) par des rapprochements et des comparaisons encore extérieures. Remarques : Le « on pourrait dire », introduit dans la question, induit qu’il y a une autre manière de dire. Les enfants de 9-10 ans commencent à pouvoir utiliser cette expression pour répondre à des questions ‘rouges’ (troisième niveau de parole : déceler et exprimer des illogismes et des bizarreries) qu’ils ont eux-mêmes posées. C’est généralement trop tôt à 8 ans. ATTENTION, toutes ces questions proposées n’ont pas une réponse. Elles suscitent la recherche et la réflexion. Vous n’avez pas plus « la » bonne réponse que les enfants. C’est ainsi en catéchèse et c’est nécessaire que les enfants apprennent de vous-même que toute la vie on reste ‘chercheurs de Dieu’, chercheurs de sens, comme nos évêques le souhaitent. La catéchèse donne l’information et les moyens de comprendre qui passent par un acte personnel. Les « niveaux de parole » sont des repères pour aider les adultes dans cet accompagnement. Vous-même pouvez dire à un enfant chercheur : « Je suis comme toi, je cherche, je réfléchis et quand je ne trouve pas, c’est dans la prière que je demande à Dieu de m’aider à comprendre. Encore une fois, tous les enfants de 8 ans ne sont pas encore dans ce niveau de parole, ils vont y venir peu à peu vers 9 ans ou 10. L’important est qu’ils y soient accompagnés quand ils y arrivent En Hébreu : « gan-issar » évoque le Jardin (gan). Jésus débarque dans le Jardin de l’origine qui a été envahi par les épines. Ne pas oublier : Les foules qui viennent avec leurs infirmes; qui écoutent Jésus; qui sont nourries de 5 pains et de 2 poissons; les restes ramassés; l’obligation de monter dans la barque seuls sans Jésus; Jésus seul priant sur la montagne ;la tempête déchaînée ; la nuit ; la venue de Jésus au petit matin ; la peur des disciples ;la demande de Pierre ; sa venue ; son plongeon ; son » sauvetage » par Jésus (avec les dialogues) ; la tempête calmée ; l’arrivée sur l’autre rive. 224 225 8 juin 2017 748918657 75 sur 106 pour apprendre de vous que c’est une avancée dans la foi et non pas un recul comme certains le pensent. Une telle perception serait catastrophique pour l’avenir de leur foi. 5. Prière La prière en équipe (ou une célébration à plusieurs équipes) va ponctuer la catéchèse. Elle prendra en compte la parole des enfants comme elles s’est dite, particulièrement les seconde et quatrième semaines. En équipe repartira des récits appris, retenus, dessinés, comparés, questionnés...pour maintenant s’adresser au Seigneur qui a voulu être baptisé, qui a accepté de rencontrer le diable, qui a jeûné et prié, qui a dit non à Satan et ses tentations. Que lui demander à ce sujet ? Que lui dire ? Et à propos des foules nourries, de Pierre qui met le Seigneur au défi, qui marche et puis s’enfonce, des apôtres qui ont peur et qui finalement disent ‘je crois, tu es vraiment le Fils de Dieu’, de tous ces gens qui se font guérir par Jésus... Que dire à Dieu ? Ces prières sont écrites dans le cahier et signées peut-être. Chacun lira la sienne pendant la célébration de l’équipe. On pourra en revanche n’en garder qu’une ou deux si la célébration rassemble plus de deux ou trois équipes. On choisira alors un refrain approprié pour chanter entre chacune des invocations. On choisira l’ordre de ces prières en mettant, par exemple, en premier celles de demandes pour terminer par celles de louange ou de remerciement. Le refrain peut ne pas être le même pour ces différentes sortes de prière. Les « bandes dessinées » réalisées sont apportées en procession ou bien ont été mises en place avant la célébration, qui peut se dérouler prés du baptistère et se terminer autour de l’autel. Si l’église possède une peinture du baptême de Jésus, un vitrail de la multiplication des pains, une représentation de la marche sur les eaux ou de la tempête apaisée, ne pas manquer de s’en ‘servir’ pour la célébration. Choisir une lecture parmi celles qui ont été travaillées. C’est un adulte qui la lira, les enfants, ensuite liront les prières préparées. On termine la prière des enfants par celle ‘que Jésus nous a apprise’, le Notre Père. Un geste comme celui du signe de croix après avoir plongé sa main dans le bénitier, s’il est expliqué, peut très bien terminer la célébration. On quitte le lieu de la célébration en chantant. 8 juin 2017 748918657 76 sur 106 XI. FICHE DES COURS MOYENS LE JEU DU BAPTÊME Nouvelle séquence n°13 « Bleu-vert » puis « Rouge-vert-amorce de jaune » A. INTRODUCTION 1. Objectifs Apprendre quatre récits bibliques : o le Déluge (Gn 6,5 à 8,22) o le Baptême de Jésus (Mt 3), o la Pêche miraculeuse (Lc 5, 1-11) o Jésus marche sur les eaux (Mt 14, 22-33). Etablir des correspondances entre ces récits au cours d'un jeu. Apprendre à formuler (si possible par écrit) des questions rouges sur les bizarreries des récits. Susciter une parole de « recherche de sens » à partir de 2 ou 3 questions rouges en utilisant les cartes « Paroles de Dieu » du jeu comme « perches vertes ». Continuer la catéchèse du Baptême amorcée dans les récits de guérison de lépreux. 2. Une difficulté La bonne connaissance des quatre récits est essentielle. Les enfants doivent bien connaître les images exprimées et l’ordre de leur apparition dans la séquence narrative. Les enfants qui ont pratiqué la Catéchèse Biblique Symbolique depuis le début du Primaire doivent déjà connaître telle ou/et telle(s) histoire(s), au moins dans les grandes lignes. De plus, ils ont l’habitude de mémoriser. Dans la précédente séquence 13, la mémorisation était commencée par des mimes ou des sketches (La création, p.165). Il est possible que ce soit nécessaire : cela demande une séance de plus. B. déroulement 1. Première séance : information (en grand groupe) L'information est un moment capital de la séquence puisqu'elle permet d'acquérir le premier niveau de parole. Avant de pouvoir jouer avec les récits, les enfants doivent les connaître sans les mélanger. Ils devront avoir mémorisé la succession des images, le scénario c'est à dire l'histoire dans sa globalité mais sans en négliger les détails. Racontez donc les quatre récits en vous appuyant sur les images. C'est leur enchaînement qui assure la 8 juin 2017 748918657 77 sur 106 logique du récit. Un enfant entraîné est capable de retenir trois ou quatre récits. Le Déluge. Vous pouvez vous aider du récit du Tome III des Séquences p. 109-111. Le Baptême de Jésus. Récit dans Jésus Christ raconté aux enfants p. 43-44 notes p. 101. Jésus marche sur les eaux. Récit dans Jésus Christ raconté aux enfants p.18 notes p. 91. La Pêche miraculeuse en Luc n'est pas dans Jésus-Christ raconté aux enfants, vous avez en annexe un récit possible. 2. Deuxième séance : mémoire et création (en équipe) Faites raconter les récits sans les mélanger. C'est un exercice difficile si vous n’avez pas eu recours au sketch ou au mime. Soyez exigeant sur la qualité de la restitution c'est elle qui évitera les confusions et favorisera la structuration de l'imaginaire, nourri des récits bibliques. Sur une grande feuille de papier Canson commencez à réaliser au crayon de couleur un dessin collectif où apparaîtront les grandes images des récits. L'organisation du tableau se discutera en équipe. Fait-on plusieurs bateaux ? Où place-t-on l'arc en ciel ? Est-ce la même colombe qui sort de l'arche et qui descend sur Jésus ? etc.. Ce travail n’est possible que si personne ne fait de confusions entre les récits. Faire dessiner au crayon de couleur avec si possible des couleurs claires car le dessin constituera le fond du jeu qui suivra et sur lequel on superposera un quadrillage. 3. Troisième et quatrième séances : jeu d’équipe a) Construction du jeu. Quand le dessin est fini, tracer dessus un quadrillage de 49 cases de 6cm de côté. Des cartes en bristol blanc de 6 cm de côté auront été découpées par 1'animateur et seront préparées par les enfants comme suit : o o o o o o 24 cartes animaux (12 mâles et 12 femelles) à dessiner, mais ni colombe, ni serpent. 3 cartes « grand serpent » ou « dragon » à dessiner 3 cartes « Colombe de la paix » à dessiner 7 cartes la mention : « Tempête » 3 cartes avec la mention : « Rejouez, Dieu est avec vous. » Sur les 9 cartes restantes, mettre un point d'interrogation. L'animateur aura préparé 20 cartes « Parole de Dieu » (cf annexe 2) et quelques cartes (5 ou 6) « point d'interrogation » en plus. b) Disposition initiale du jeu Au hasard, disposez à l'envers, sur la grille du jeu, les 49 cartes qui auront été battues. La grille est ainsi totalement recouverte. Distribuez à chaque joueur une carte « Parole de Dieu » Expliquez le jeu en disant : « C'est le Déluge. La pluie commence à tomber et les animaux ont déjà 8 juin 2017 748918657 78 sur 106 les pieds dans l'eau. Il faut faire vite pour les sauver en les faisant monter sur un bateau afin qu'ils ne se noient pas. » c) Déroulement du jeu Construire le bateau : chaque joueur doit avoir une barque pour aller chercher les animaux. Il faut donc la construire le plus rapidement possible en gagnant 2 poutres (allumettes) que l'on obtient en faisant 7 avec 2 dés. On les attache alors en forme de croix avec un bout de fil. Cette croix représente le bateau et le pion qui permettra d'aller sauver les animaux. Quand un joueur a fabriqué son bateau, il doit partir à la pêche aux animaux. Pour cela il lance les 2 dés dont il peut additionner ou soustraire les chiffres. Exemple : 4 et 2 donnent 6 (4+2) ou 2 (42). Le chiffre choisi permet de se déplacer sur la grille du jeu. On peut partir de l'un des 4 côtés de la grille. Les déplacements ne se font pas en diagonale mais horizontalement ou verticalement. Le joueur retourne la carte sur laquelle arrive son bateau. S'il tombe sur un animal, mâle ou femelle, celui-ci est sauvé. Il est placé devant le joueur. S'il tombe sur une carte « Rejouez », il rejoue. S'il tombe sur une carte « Point d'interrogation », il la garde elle sera utilisée à la fin du jeu. S'il tombe sur une carte « Tempête », sa vie est en danger. Pour être sauvé, il doit donner une carte « Parole de Dieu ». Il la lit tout haut. S'il n'en possède pas, il a perdu et reçoit une carte « Point d'interrogation » s'il n'en a pas encore. S'il tombe sur une carte « Colombe de la Paix », il gagne une carte « Parole de Dieu ». S'il tombe sur une carte « grand serpent », il reste sur place jusqu'à ce qu'il fasse 3 avec les dés. Il reçoit alors une carte « Parole de Dieu », Dieu l'a sauvé. Pour éviter de rester trop longtemps sans bouger, on peut décider qu'au 3° tour sans 3, Dieu le sauve et il reçoit aussi une carte « Parole de Dieu ». Le jeu s'arrête soit par élimination des joueurs, soit parce qu'il n'y a plus de cartes sur la grille, soit parce qu'on a limité le temps de jeu. Si et seulement si la question : « Qui a gagné ? » est posée, on pourra compter combien chacun a de cartes d'animal sauvé, ou compter uniquement les couples sauvés par chacun ou sauvés par l'équipe (dans ce cas tout le monde gagne). Le gagnant pourrait être aussi celui qui a été le plus souvent sauvé de la tempête par la Parole de Dieu. d) Propositions pour l 'animation de la parole pendant le jeu Comment utiliser les cartes « Parole de Dieu » pour annuler l'effet d'une carte « Tempête » ? Dans un premier temps : je joue, je cherche un mode d'emploi. o se sortir d'une situation périlleuse « je risque d'être éliminé du jeu » : je joue ! o se demander comment une carte « Parole de Dieu » évite d'être éliminé : « faut-il la montrer, la lire, la donner... ? » : je cherche un mode d'emploi ! Souvent, les enfants de CM savent déjà utiliser ce type de cartes. Ils redonnent spontanément la règle : « il faut dire pourquoi cette carte sauve de la tempête ». En cas de contestation, l'animateur donne la règle. Dans un deuxième temps : je veux comprendre le jeu, le jeu me demande de penser. 8 juin 2017 748918657 79 sur 106 o se demander ce qu'une tempête et la Parole de Dieu viennent faire dans ce jeu (je veux comprendre le jeu). o se demander quel(s) rapport(s) existe(nt) entre la Parole de Dieu et la Tempête (je cherche à faire des liens), et éventuellement les animaux, le déluge et le baptême... (le jeu me demande de penser).226 Remarque importante : L'utilisation des cartes « Parole de Dieu » est une phase du jeu qui a besoin d'être animée en fonction de ce que l'adulte souhaite pour son groupe, mais surtout à partir des interventions des enfants. Exemples d’animation possible : 1. Le joueur lit sa carte à voix haute. o le joueur explique lui-même pourquoi, à son avis, cette Parole de Dieu le sauve de la Tempête. o Les autres joueurs disent si le joueur est sauvé (expliquer, argumenter en cas de contestation). 2. Le joueur lit sa carte à voix haute. o le joueur explique lui-même pourquoi, à son avis, cette Parole de Dieu le sauve de la Tempête. o s'il ne trouve pas d'explication, il peut demander de l'aide à quelqu'un. o dans ce cas, le joueur prend à son compte l'aide qui lui est apportée, ou la refuse et demande une autre aide. o Les autres joueurs disent si le joueur est sauvé (expliquer, argumenter en cas de contestation). 3. Le joueur lit sa carte à voix haute. o chacun peut demander la parole pour dire pourquoi cette Parole sauve de la Tempête ou non. Le joueur concerné a la priorité et peut aussi intervenir après chaque prise de parole, car c’est son avenir immédiat qui se joue... o L'adulte clôt le débat quand il semble épuisé (le débat !), et arbitre la décision. Ces animations sont complémentaires et interchangeables en cours de partie. D'autres peuvent être imaginées. Il s'agit moins de faire respecter des règles que de favoriser les prises de parole sans pour autant se sentir débordé. L'adulte évitera donc de fixer de façon trop précise un mode de prise de parole, mais aura à l'esprit différents scénarios et favorisera ceux qui lui semblent les plus adaptés à son équipe et au moment. e) Rédaction des questions « rouges » A la fin du jeu prévoir un moment pour faire écrire les bizarreries des récits sous forme de question. On peut utiliser les cartes « Point d'interrogation », elles serviront de point de départ pour le débat de la semaine suivante. 226 Ces questions peuvent être posées par les enfants au cours du jeu. Ce jeu est fait pour cela. Si elles ne viennent pas, I'adulte peut les susciter mais en respectant toujours le niveau de parole où se trouve l'enfant. Le jeu est au service de la parole des enfants et non le contraire. 8 juin 2017 748918657 80 sur 106 4. Cinquième séance : débat à trois ou quatre équipes Les animateurs d'équipe auront préparé ensemble ce temps de débat même s'il est toujours préférable qu'un seul l'anime avec les enfants. Ce temps de préparation consistera à choisir les questions les plus importantes et à élaborer en partie (car tout n'est pas prévisible) les procédures de reconstruction. Si l'objectif n'est pas de leur donner des réponses toutes faites, il n'est pas non plus de laisser les enfants dans le « rouge ». Il s'agit de les mettre sur un chemin de sens, de leur donner à penser. Dans cette séquence, 4 textes se font échos et ils ont été repris et manipulés durant le jeu sous forme de cartes « Parole de Dieu ». Pendant le débat, les équipes devront avoir sous les yeux ces cartes qui pourront éclairer les questions. L'art de l'animateur consistera à déplacer les images d'un récit à l'autre pour faire progresser la recherche de sens. Par exemple dans un débat qui tournerait autour de l'expression bizarre « pêcheur d'homme » on pourrait poser cette question : « Est-ce qu'on pourrait dire que Noé est un pêcheur d'hommes ? », ou bien « Est-ce qu'on peut dire que Pierre a été repêché ? » Durant le débat il pourrait être intéressant de demander aux enfants ce qu'ils pensent du titre choisi pour le jeu. 5. Célébration a) Préparation La célébration reprend toujours le travail de la catéchèse en l'orientant vers Dieu. L'animateur pourra avec les enfants construire une prière en s'appuyant sur les rapprochements, les questions, les significations exprimés pendant le débat. b) Déroulement Les tableaux de jeu seront affichés dans le lieu de la célébration. Une icône du Baptême de Jésus pourrait être disposée sur l'autel. Chaque équipe lira sa prière et viendra déposer devant l'icône une petite bougie rouge. La Parole priée est une lampe qui s'allume en nos coeurs. On choisira un chant adapté entre chaque prière. Cette célébration pourrait être l'occasion d'une étape de Baptême dans les lieux où des enfants de Cours Moyen s'y préparent. C. ANNEXE 1 La Pêche miraculeuse (d'après Lc 5) « Quel monde, ce matin-là, au bord du lac ! Le soleil venait de se lever et déjà la foule arrivait de partout pour écouter Jésus. Il était là, debout prés de l'eau et la foule se pressait autour de lui. Il y avait aussi, posées sur la plage, deux petites barques vides : celle de Pierre et André et celle de Jacques et Jean. Ces pauvres pêcheurs avaient travaillé toute la nuit mais ils n'avaient pris aucun poisson, pas le moindre petit poisson ! Fatigués et découragés par cette nuit de travail sans aucun résultat, ils avaient regagné le bord. Descendus à terre, ils lavaient tristement leurs filets de pêche. Alors Jésus monta dans la barque de Simon Pierre. Il lui demanda de s'éloigner du rivage pour 8 juin 2017 748918657 81 sur 106 pouvoir parler à la foule. Jésus s'assit dans la barque et parla longtemps, il enseignait la Parole de Dieu. Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Va vers le large, avance en eau profonde et maintenant jetez vos filets pour la pêche. » Simon répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre. Ce n'est plus l'heure de pêcher, les poissons se prennent la nuit, pas le jour quand le soleil est levé. » Comme Jésus le regardait Pierre lui dit : « Sur ta parole, je vais quand même lancer les filets bien que la nuit soit passée et que le soleil commence à briller. » Aussitôt dans l'eau, les filets se remplirent d'une quantité innombrable de poissons. Ils étaient tellement nombreux que les filets se déchiraient de partout. Alors Pierre et André demandèrent de l'aide à leurs camarades de pêche : « Eh les gars ! Vite ! Venez nous aider, les filets débordent et nous allons perdre du poisson ! » Ils arrivèrent et ils remplirent tant les deux barques qu'elles s’enfonçaient. Voyant cela, Simon Pierre fut effrayé et il tomba aux pieds de Jésus en disant : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » Pierre, André, Jacques et Jean et tous les autres étaient stupéfaits car jamais on n'avait vu une pareille pêche. C'était une pêche miraculeuse ! Jésus dit à Simon : « N'aie pas peur ! A partir de maintenant vous pêcherez des hommes vivants, vous serez pêcheurs d'hommes ! » Aussitôt, ils abandonnèrent leur barque et leurs filets et ils suivirent Jésus. » D. ANNEXE 2 1. « Jésus dit à la mer ‘Silence ! Tais-toi !’ » (Mc 4, 39) 2. « La troisième fois, la colombe ne revint pas. » (Gn 8, 12) 3. Il y eut le Déluge pendant 40 jours sur la terre... Alors tout ce qui était vivant mourut. (Gn 7,17-22) 4. « Jonas resta 3 jours et 3 nuits dans le ventre du grand poisson. » (Jon 2,1) 5. Il y eut une grande tempête sur la mer, à tel point que le bateau allait se briser. Jonas dormait au fond du bateau. (Jon 1, 4-5) 6. « C'est moi, Je Suis, n'ayez pas peur. » (Mt 14) 7. « Le matin de bonne heure, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. » (Mt 14, 25) 8. Pierre prit peur et, commençant à couler, s'écria : « Seigneur, sauve-moi ». (Mt 14, 30) 9. « Hommes de peu de foi, pourquoi avez-vous peur ? " (Mt 8, 26) 10. « Il monta dans la barque suivi de ses disciples. » (Mt 8, 23) 11. « Ils le réveillèrent en disant : ‘Au secours, Seigneur, nous périssons !’ » (Mt 8,25) 12. « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Mt 14, 32) 13. « Jésus vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. » (Mt 3, 16) 14. « L'esprit de Dieu planait sur les eaux. » (Gn 1, 2) 15. « Vous serez pêcheurs d'hommes. » (Mc 1,17) 16. « Qui est-il celui-là que même les vents et la mer lui obéissent ? » (Mt 8, 27) 17. « Ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. » (Lc 5,6) 8 juin 2017 748918657 82 sur 106 18. « Naaman descendit dans l'eau et se plongea 7 fois dans le Jourdain et sa chair devint comme celle d'un petit enfant. » (2R 5, 14) 8 juin 2017 748918657 83 sur 106 XII. FICHE DOUBLE POUR LES SIXIEMES A. première partie : LE SCANDALE DU MAL La séquence 29 de Catéchèse Biblique Symbolique, Tome 1 (Le Mystère du mal) est proposée à partir de dix ans (CM2, 6°). Les objectifs annoncés s’étalent du VERT (correspondances) au JAUNE (sens spirituel); la séquence vise en effet un second degré : le serpent de la Genèse est le tentateur dont on peut faire aujourd’hui encore l’expérience. Cette séquence est longue, elle est proposée en six ou sept séances, et se termine par une célébration du Salut. Le récit de la Genèse (3,15), qui était lu jadis avant Noël, annonce la venue d’un Messie (Noël !) qui réparera les dégâts du péché d’Adam. Jésus est reconnu comme étant ce Christ (Messie) : par sa Croix, il a écrasé la tête du serpent (Satan). Le Jardin d’Eden est ré-ouvert : Jésus est ressuscité, la pierre du tombeau a roulé, les portes de la mort que les anges gardent toujours (Jn 20,12) se sont ouvertes, et le jardin est de nouveau accessible. Marie Madeleine, la pécheresse, a rencontré le Seigneur dans le Jardin (Jn 20,14), elle est pardonnée. Nous pouvons, à notre tour, retrouver le chemin perdu (Gn 3,23) du Jardin d’Eden et de son centre vivifiant, l’Arbre de la vie. 1. OBJECTIFS DE LA SÉQUENCE a) Les enfants au départ. Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas (Rm 7,15). Comment les enfants comprennent-ils cette célèbre phrase de Saint Paul ? Certains ne la comprennent pas, en tout cas pas dans les premières séances. Des enfants (la moitié de l’équipe ?) sont en extériorité; ils prennent tous les mots au premier degré (BLEU) et ne sont donc pas capables de les intérioriser : le serpent est le reptile des champs, pas le Tentateur. Ces enfants cherchent la cause du mal (dont parle l’apôtre) dans la nature, et lient ce mal à une circonstance extérieure ou à un objet (c’est la faute de la boite de chocolat ou de la télé). Ce comportement magique bloque l’accès à l’intériorité. La Bible nomme idolâtrie une telle attitude d’extériorité qui interdit la conversion (le retour au Jardin). L’idolâtrie est le péché des péchés, une position intellectuelle (BLEU-VERT) qui gêne l’interpellation de la Parole et freine le creusement de l’intériorité que permet l’intelligence poétique de la foi (ROUGE, puis VERT-JAUNE). D’autres enfants associent la faute à une idée morale ou psychologique, ils procèdent par étiquetage : c’est la gourmandise, c’est la curiosité... Ces enfants savent et leur science « fonctionne » par correspondances (VERT) les situe en dehors d’une quelconque intériorisation. Ils ont le plus grand mal à « réfléchir » sur leurs comportements, leur tolérance vis à vis des « étiquettes » qu’on leur met ou qu’ils se donnent, leur évite toute idée de changement. Certains enfants, non habitués à vivre dans des règles, prétendent ne jamais faire de mal; de leur point de vue, ils sont toujours bien. L’absence de règles dans les familles en est peut-être la cause. Ces enfants, aveugles sur eux-mêmes, attribuent forcément les fautes à des boucs émissaires, les autres qu’ils désignent; ils sont incapables de se mettre en cause. Le ROUGE, critique qui les aurait engagés, n’est pas possible du fait de leur rapport au langage (BLEU-VERT). La transgression d’une loi permet en effet à l’enfant de faire l’expérience existentielle de ses limites et de prendre conscience de la puissance de son affectivité (l’esprit est fort, la chair est faible). L’enfant apprend 8 juin 2017 748918657 84 sur 106 ainsi à se connaître du dedans. Dans l’épître qui nous occupe, Paul écrit : La loi est intervenue pour que se multipliât la faute (Rm 5,20 et 7,7). D’autres enfants, au contraire très encadrés chez eux, veulent placer le bien à côté du mal. Ils se représentent la réalité du bien et du mal comme un système de forces antagonistes mais formelles et équivalentes (VERT) comme dans la scène bien connue de la tentation de Milou dans Tintin au Tibet (p.22). Tantôt, nous faisons l’expérience du bien, tantôt celle du mal. Cet individualisme psycho-théologique est constitué de deux sollicitations opposées dont l’homme, privé de liberté, est la victime innocente. Le Credo chrétien refuse cette dualité formelle et anonyme : nous croyons en un seul Dieu (bon), Créateur... du monde visible et invisible. Certes, le combat spirituel ressemble de l’extérieur à une opposition de forces contraires (VERT), mais la réalité théologique chrétienne est plus profonde (ROUGE-JAUNE). La voie du bien s’oppose à celle du mal, comme nous le révèle le psaume 1, mais cette opposition n’est ni théorique ni formelle ni indépendante de l’homme. La représentation dualiste, si claire soit-elle, ne doit pas empêcher l’enfant de pouvoir nommer en lui-même la tentation et la difficulté de sortir de cette sollicitation négative (on refait toujours les mêmes fautes sans aucun Salut possible). Le combat spirituel n’est pas un vain mot quand l’être humain est embarqué dans la voie du mal. Attention donc que l’évidence de la représentation (les deux forces antagonistes) ne laisse pas l’enfant à l’extérieur de cette expérience intime hors de laquelle la Croix (qui sauve) n’aurait aucun sens. La séquence vise à faire dépasser ces positions d’extériorité qui limitent la vérité à ce qui se voit. L’enfant doit pouvoir verbaliser ce qu’est pour lui (en lui) la force du mal, il doit arriver à la nommer, la désigner dans un jeu de langage (par exemple : le serpent de la Genèse cache et révèle à la fois un sens spirituel, l’expérience intime de la tentation). Ainsi l’enfant pourra-t-il prendre conscience de cette réalité invisible que la résonance de l’image évoque en nous; il rejoindra là la vie spirituelle et le texte évangélique. L’être humain, quel qu’il soit, est « baladé » par le mal (c’est la perception chrétienne de la vie marquée par le péché). Jésus lui-même, homme véritable, le fut (Mt 4) dans le « désert » du monde (l’envers du Jardin) jusque sur la montagne ultime, celle de l’Ascension. Mais, à l’inverse d’Adam, le Seigneur sut résister car il était habité par l’amour. Le mal semble étrangement actif, et même plus puissant que notre volonté. Pour exprimer ce caractère actif, on a pris l’habitude de le représenter par un diable, par un serpent ou par un visage grimaçant. La reconnaissance douloureuse de la faiblesse humaine devant cette force intérieure négative appelle la prière et la grâce. Là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé (Rm 5,20). L’expérience profonde et prégnante de la grâce de Dieu (du pardon) est alors perçue comme supérieure au mal, mais seulement après l’épreuve. Dieu est plus fort que le diable, sa créature, dont la fonction est de nous tenter pour éprouver notre liberté. Sans « l’Adversaire », nous serions « collés » à Dieu, et sans liberté. Tandis que le manichéisme propose une image dualiste des deux forces (le bien et le mal), la catéchèse chrétienne ne s’enferme pas dans une telle représentation qui « court-circuiterait » l’expérience personnelle et réelle de la « chute » suivie de celle du pardon (aussi personnelle et aussi réelle). Jésus, vrai homme, fit, en lui-même, l’expérience difficile de la tentation. L’évangéliste Matthieu (4,1) montre l’Esprit Saint actif dans la rencontre du Seigneur avec le diable, comme si la mission du Seigneur avait justement été le combat spirituel. Jésus a donc été continuellement tenté au cours de sa vie jusqu’à l’épreuve ultime de la Croix, mais il fut le plus fort. Non seulement la foi chrétienne n’est pas dualiste malgré ses apparences (le bien et le mal), mais le diable, qui nous incite à la transgression, a été vaincu par la Croix. En Jésus Christ, notre seul « bien », nous vaincrons l’Adversaire qui est là pour cela. 8 juin 2017 748918657 85 sur 106 Au plan de la pédagogie. Ce discours théologique traditionnel est JAUNE : il suppose, pour être compris de l’intérieur, que les mots (et les mots de la foi) aient acquis une capacité d’abstraction (sens propre - sens figuré) suivie d’une possibilité de résonance interne au sujet, qui est de l’ordre de l’expérience. Il faudra alors une mise en cause critique de soi-même (une double expérience : celle de l’épreuve, puis celle du salut), un JAUNE existentiel qui donne son poids d’humanité au jeu formel du langage, puis le reconnaissance du don (ce JAUNE consistant qui est la lumière même de Dieu). Où en sont les enfants dans ce chemin qui mène à la réconciliation avec Dieu : au « degré zéro » du langage (BLEU-VERT), au premier stade (ROUGE formel), ou au second (ROUGE existentiel) ? Ils ont à parcourir ces trois étapes. Le but visé par cette séquence, est de faire découvrir à l’enfant l’existence d’un second degré des mots, et éventuellement de le conduire à la perception d’une certaine dualité en lui (je veux le bien mais pourtant je fais le mal). A cause du jeune âge, cette perception restera sans doute floue; en tout cas, elle mettra du temps à s’imposer. Qu’il y ait en moi plus que moi, voilà bien de quoi me surprendre. 2. DÉROULEMENT DU TRAVAIL a) Première séance * Chaque enfant écrit une petite histoire « vraie » (vécue par lui ou à la rigueur par un proche) qui illustre la phrase de Paul Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, telle qu’il la comprend. L’animateur reprend chacune des histoires écrites par les enfants, et « on » en discute. Y a-til perception d’une « force intérieure » (c’était plus fort que moi) ou bien non ? A chaque histoire, la même interrogation revient, et, à la fin du tour de table, on peut espérer que l’idée d’une force intérieure sera saisie par quelques uns. b) Deuxième séance. Rappel de la séance précédente, puis choix de la meilleure histoire. En fait, l’histoire demandée devrait être composée de six scènes : 1. Une « situation » de départ bien claire : les acteurs en présence. 2. Le désir de bien faire, de respecter une règle choisie (qui sera transgressée). 3. La tentation ou épreuve intérieure de la liberté. 4. La chute dans le mal, ou faute : transgression qui n’est pas forcément « péché ».227 5. La prise de conscience de la faute (il faut un choc). 6. Le triomphe du Tentateur. La meilleure histoire de l’équipe devra sans doute être complétée. Pour ce faire, l’animateur demandera au champion des renseignements complémentaires qui enrichiront le récit et permettront de voir apparaître nettement les six aspects de l’anecdote. Il faudra ensuite rédiger l’histoire complète sur une grande feuille pour que l’équipe ne l’oublie pas. L’histoire choisie et complétée sera ensuite allégorisée terme à terme comme une fable de La Fontaine (surtout pas comme un récit d’extra-terrestres qui placerait la vérité humaine (et religieuse) dans les galaxies). La force intérieure est elle-même codée par un animal négatif (pas forcément par un serpent 8 juin 2017 748918657 86 sur 106 ni par un diable) : toute la stratégie pédagogique réside dans ce codage de la force invisible qui prend ainsi réalité dans le récit parabolique. LeTentateur devient partenaire des humains : on peut en parler. L’histoire allégorisée est enfin racontée dans ses détails (les six scènes) et, à son tour, inscrite sur une grande feuille posée à côté du récit initial dont elle est le décalque. La bête diabolique apparaît deux fois : d’abord dans la scène de tentation, ensuite dans l’image finale, où elle part en triomphant ! c) Troisième séance. Fabrication de six diapositives ou de six calques pour rétro-projecteur. Chacune des scènes est dessinée en vue de la mise en commun de la séance suivante, elles accompagneront la lecture du récit (à préparer pour qu’il soit bien lu par un enfant). d) Quatrième séance. Débat inter-équipes. C’est la partie la plus importante de cette catéchèse. Trois ou quatre équipes (une classe ?) vont se rencontrer pour présenter aux autres leur oeuvre. En parlant à d’autres, les enfants prendront conscience de la similitude de leurs histoires, et de la même question du mal que tous partagent. Les équipes devront apprendre à s’écouter, ce qui ne sera pas facile. Attention les équipes ne sont pas équivalentes en paroles : les plus faibles apprendront des plus fortes; les plus fortes devront se mettre à la portée des plus faibles. La première partie de la séance est réservée à la présentation des histoires (4 minutes par équipe, au maximum). La seconde partie est un débat inter-équipes : les petits groupes d’enfants sont d’emblée disposés avec leur animateur, face à l’écran. Trois, au maximum quatre questions, seront posées aux équipes qui choisiront un rapporteur : (1) Les questions : Y a-t-il des choses semblables dans toutes les histoires ? (VERT). Chaque équipe donne, à son tour, une seule réponse. Les enfants ne verront pas immédiatement les six ressemblances, mais ils en verront peut-être d’autres. Les animaux négatifs sont-ils « vrais » (ambivalence du mot « vrai » : à l’extérieur ou à l’intérieur ?). Faire préciser aux enfants si ils ont rencontré cet animal. Interroger personnellement tel, tel et tel : toi ? et toi ? et toi ? Les histoires sont-elles « vraies » ? Les enfants sont embarrassés : elles sont à moitié vraies, ou pas du tout... A force d’insister, ils avancent. Parfois, il faut leur rappeler la première histoire (VERT). (2) L’animation du débat : Ne pas passer trop vite d’une question à la question suivante : faire approfondir les réponses des enfants en les accueillant avec bienveillance mais en faisant mine à chaque fois de ne pas bien comprendre. Le but du débat est que les enfants se battent avec le langage codé. Ainsi entrent-ils dans les images et prennent-ils conscience du double sens du langage, des deux « vérités », celle de l’extérieur et celle de l’intérieur. L’animateur n’hésite pas à introduire lui-même la distinction intérieur- extérieur pour faciliter la parole et la compréhension. La morale prend la règle (extérieure) pour repère, et la faute est la transgression de la règle. Le péché n’est pas forcément une faute, il est d’abord une mauvaise relation à Dieu. La morale (extérieure) fait de la Loi un dieu en extériorité, et, pour la Bible, elle induit l’idolâtrie, cette adoration des dieux extÈéieurs (étrangers). 227 8 juin 2017 748918657 87 sur 106 e) Cinquième séance. Le récit de la tentation d’Adam et Eve est raconté dans chaque équipe; cette parabole biblique ressemble aux allégories fabriquées par les enfants. Qu’elle soit narrée en suivant bien l’ordre des six scènes. S’assurer ensuite qu’elle a bien été retenue, puis poser les mêmes questions dans l’équipe que lors de la séance précédente. 1. Les enfants perçoivent bien, en général, la structure identique (VERT). 2. Les enfants disent facilement que le serpent de la Genèse est « comme » leur animal négatif, mais questionnés plus à fond, ils pensent parfois que ce serpent est mort depuis longtemps. Peut-être a-til fait des petits ? Ont-ils entendu parler cet étrange serpent ou ses descendants ? La question surprend encore certains enfants. 3. En général, la troisième question n’est pas concluante : le récit biblique est difficilement actualisable. Adam et Eve, « nos premiers parents » sont des hommes préhistoriques morts depuis des millénaires, et l’histoire est rejetée d’emblée dans un passé lointain. L’animateur peut demander si c’était à l’époque où les animaux parlaient (ROUGE). Alors les enfants se rappelleront de leurs histoires (VERT) et passeront peut-être au second degré. Il faut donc résister aux réponses des enfants : leur permettre ainsi de s’identifier à Adam et Eve et de se remémorer l’expérience de la tentation. Mais l’image grotesque d’Adam et Eve, hommes préhistoriques, est tellement enracinée dans la culture ambiante qu’elle empêche souvent la Parole de Dieu de faire écho (cat-échèse) à l’intérieur des coeurs. Il reste à conduire les enfants vers la découverte de l’autre force, celle qui sauve. B. SECONDE PARTIE : LA CATÉCHÈSE DU SALUT 1. Première séance. Raconter la Tentation de Jésus au désert (Mt 4). Dans ce récit, on insistera sur les six phases : 1 Situation de départ : après son baptême, Jésus, poussé par l’Esprit est mené au désert pour y être tenté. Comme tout le monde ? 2 Pendant quarante jours, Jésus ne mange ni ne boit. Il compte sur Dieu pour cela. Que fait-il ? Prie-t-il toute la journée ? Se souvient-il des Ecritures, se rappelle-t-il d’Adam et Eve et de leur sortie du jardin d’Eden ? Se remémore-t-il comment, jadis, Dieu a fait traverser la mer à son peuple, comment il l’a mené au désert et l’a conduit jusqu’en Terre Promise ? 3 et 4 La première tentation de Jésus dans le désert, mais il résiste. 5 6 La deuxième tentation de Jésus, au sommet du Temple de Jérusalem, mais il résiste pour la seconde fois. La troisième tentation sur la haute montagne d’où l’on voit la terre entière, mais Jésus résiste pour la troisième fois. Puis, Jésus reconnaît le diable, prend conscience de l’Adversaire : c’est Satan, l’antique Serpent qui avait tenté Adam et Eve. Satan est mis en déroute, et le Seigneur triomphe sur « la » haute montagne qui domine la terre entière ! (le ciel où il ressuscite ?). 8 juin 2017 748918657 88 sur 106 Le récit évangélique est ensuite mis en images : Le fond de tableau : un désert sans vie (l’inverse du jardin). Jésus, le héros de l’histoire. Le Tentateur dont on discutera la forme extérieure. On peut donner en plus à chaque équipe, une représentation de la tentation de Jésus (par exemple, tirée du plafond roman de Zillis en Suisse) qui pourra être intégrée au tableau. 2. Deuxième séance. Raconter la Mort et la Résurrection de Jésus en Jn 19, 17 à 20,18 (Cf. Tome 1, séquence 29, p. 252). Création : Faire faire une fresque à partir de deux représentations iconographiques fournies aux équipes d’Adam et Eve sous l’arbre, et de Marie et Jean au pied de la Croix. Les équipes complèteront ces gravures par un dessin qui terminera l’histoire d’Adam et Eve (le jardin fermé avec l’ange qui garde le chemin de l’Arbre de vie) et un autre qui donnera la fin de l’histoire de la Passion (Jn 20,11-12 : au bord du jardin, le tombeau est ouvert et deux anges sont assis de part et d’autre de la pierre tombale). Entre ces deux pôles de la fresque, il faudra introduire un centre, l’évocation de ce désert que le diable fréquente pour tenter les hommes qui veulent voir Dieu et se demandent : Le Seigneur est-il ou non parmi nous ? (Ex 17,7). La fresque associe donc les trois récits bibliques en tableaux successifs : La Chute d’Adam, la victoire de Jésus au désert, et la scène du jardin du Golgotha. Chaque équipe prépare aussi une question difficile (ROUGE) qui a été soulevée lors de la réalisation de la fresque : à propos des jardins, de la présence ou de l’absence du serpent dans le désert ou au Golgotha,... Cette question peut être écrite sous la fresque et même courir d’un bout à l’autre des tableaux afin de souligner l’importance de la recherche de sens. 3. Troisième séance. Mise en commun du travail des équipes. Présentation des fresques, puis débat à partir des questions posées par les équipes. Attention : Pour préparer ce débat, les animateurs ont pris connaissance de toutes les questions, si possible ROUGES, posées par les équipes; ils ont privilégié une ou deux particulièrement centrales qu’il faudra animer dans le VERT pour espérer une reconstruction intérieure dans le JAUNE.... « C’est pour faire comprendre »..., diront les jeunes. 4. Quatrième séance. Pour préparer une célébration pénitentielle, qui pourra éventuellement inclure le sacrement du Pardon, fournir à chaque enfant de l’équipe une reproduction du diptyque d’Adam et Eve et de Jésus en croix (déjà présent dans la fresque) au format maximal de 15X21cm. Chacun est invité à se remémorer les moments où il écoute le serpent dans sa vie, et il inscrit cela (en secret) au dos de la représentation d’Adam et Eve qui lui a été donnée. Puis, au dos de l’autre image (Jean et Marie au pied de la croix), chacun est invité à écrire comment il peut, avec le secours de Jésus, être plus fort que le serpent. Un coup de pouce est nécessaire à l’enfant pour découvrir que l’oubli de Dieu est favorable à l’écoute du serpent, que Jésus, lui, a été plus fort que le tentateur, et qu’on peut toujours demander son aide 8 juin 2017 748918657 89 sur 106 dans la prière (le Salut) afin d’être plus fort que le serpent. Au moment de la célébration, le prêtre (les prêtres) recevra chaque enfant qui lui lira (lui dira) quand il écoute le serpent. Le prêtre prend alors connaissance de ce que l’enfant a écrit derrière le dessin de la Croix. Après une parole d’encouragement, et éventuellement l’absolution, le prêtre lui rend cette partie du papier pour qu’il le garde en mémoire, tandis qu’il déchire l’autre ostensiblement. 5. ANNEXE : une lecture possible d’Adam et Eve Il existe plusieurs lectures du récit d’Adam et Eve, mais la plus répandue est celle des mystiques juifs, que les premiers chrétiens connaissaient bien. Le jardin, situé à l’orient de l’Eden (de la Merveille : Dieu, si l’on veut) (Gn 2,8), est notre jardin intérieur, autrement dit l’intériorité humaine (le « cœur » ou bien « l’âme » ?). Au centre de ce jardin, pousse l’Arbre de Vie (Gn 2,9) : cet arbre est le repère d’une vie toute orientée vers un Dieu merveilleux. Adam (l’humanité mâle et femelle : Gn 1,27) est convié à manger de cet Arbre de Vie, tout comme des autres arbres du jardin succulents et entièrement mangeables ( !) (Gn 2,9). N’est-il pas essentiel en effet de se nourrir de la Vie divine ? Que sont ces végétaux qui poussent en nous ? Ne serait-ce pas la vie de chaque jour, l’image des autres accueillis de l’intérieur ? Une intériorité centrée sur Dieu, imprégnée d’amour et de joie de vivre, n’est pas raciste. Mais une ombre menace ce paradis intime que nous partageons tous : l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal car le manger signifie mourir (Gn 2,17). L’interdiction divine de s’en nourrir est d’autant plus étrange que l’on ignore sa place : proche de l’Arbre de vie ou bien à la frontière de l’extériorité ? Il est donc interdit de « connaître » le bien et le mal, de porter un jugement définitif, sinon c’est notre mort. Cet arbre, ne serait-il pas notre capacité de juger, de nous individualiser en projetant nos valeurs sur tout, en risquant même de tout réduire à la mesure d’une subjectivité égoïste ? L’arbre serait ce libre arbitre qui nous individualise, qui nous fait personne distincte et coupée des autres, personne qui souffrira et mourra seule ? Ne nous étonnons pas alors que cet arbre ne soit pas situé dans le jardin puisque notre jugement s’exerce en toutes les situations où notre intériorité rencontre l’extérieur. Ainsi, d’après ce récit inaugural, les humains étaient d’abord collés les uns aux autres en une unique fusion mâle et femelle (la foule !). Puis Dieu sépara la femme du reste de l’humanité et l’homme masculin émit un avis sur sa moitié désormais détachée de lui (Gn 2,23). L’homme et la femme se mirent à exister séparément, tantôt l’un avec l’autre tantôt l’un contre l’autre, tantôt dans le jardin commun tantôt en s’excluant l’un de l’autre. Quand le jugement des deux s’exerce en référence à l’Arbre de la vie, la communication s’établit dans la différence des personnes. Mais si le libre-arbitre s’exerce indépendamment du Centre vivifiant, alors l’individu se prend lui-même pour centre, et c’est la chute dans l’extériorité horizontale et mortifère, là où règne le serpent qui rampe sur la terre. C’est sans doute ce qui se passa dans la suite du récit : Où es-tu Adam ?, demanda Dieu à celui, apeuré, qui n’était plus dans le jardin (Gn 3,9). Tu garderas ce jardin et tu le cultiveras (Gn 2,15), avait dit le Créateur à sa créature. Tu le garderas de l’extériorité où habite le serpent, et tu le cultiveras en méditant les Ecritures. Pourquoi ? Pour que notre jugement soit « greffé »sur Dieu, centre de nos vies. 8 juin 2017 748918657 90 sur 106 XIII. POUR LES ADOS : TENTÉ AUSSI ! A. MEDITATION CATÉCHÉTIQUE 1. Dates liturgiques La liturgie nous propose, chaque année, de fêter la Baptême du Seigneur le dimanche suivant la fête de l’Epiphanie. Jusqu’au IV° siècle, les deux fêtes étaient célébrées le même jour : il y a comme un certain achèvement de l’événement de la Nativité dans celui du Baptême. De plus, le texte qui suit immédiatement le Baptême de Jésus, les Tentations au désert, est proposé chaque année, dans la liturgie du premier dimanche de Carême. Cette année 2002, le Baptême du Seigneur est célébré le 13 janvier, et les Tentations sont proposées à notre méditation le 17 février. Notre catéchèse fera le lien entre les deux récits, et nous mènera jusqu’à l’entrée en Carême. 2. Méditation Nous allons reprendre le récit de Matthieu depuis le début du chapitre 3, même si la première partie (la prédication de Jean) a déjà été abordée au deuxième dimanche de l’Avent. Le baptême et les tentations de Jésus sont amorcés par le mot Nazoréen (Mt 2, 23), mot qui conclut la fuite en Egypte. Ce qualificatif228 évoquerait-il le petit groupe des disciples de Jean baptiste, qui devinrent les premiers “baptiseurs” chrétiens (mort et Résurrection). Ce passage qui semble se tenir en lui-même, pourrait bien être une ancienne catéchèse du premier sacrement chrétien. B. PREMIEREMENT SE POSER DES QUESTIONS SUR LE TEXTE 1. On peut s’étonner de l’intérêt que porte l’évangéliste aux vêtements du baptiste : manteau de poils de chameau, pagne de peau autour des reins. Ces précisions sont-elles là seulement pour évoquer l’ascèse vestimentaire d’un bien curieux personnage qui baptise dans un désert ? 2. Jean annonce la venue du Seigneur comme s’il était tout à fait au courant du plan de Dieu. Mais le Messie qu’il annonce semble avoir, contrairement à Jésus, un aspect terrifiant. Nous sommes en présence d’une véritable imagerie d’Enfer (versets 11 et 12). 3. Et puis Jésus arrive. Jean le reconnaît tout de suite comme s’il le connaissait de toujours. C’est en contradiction totale avec sa question ultérieure : de sa prison, il fera demander à Jésus de préciser son identité (Mt 11, 3, l’évangile lu le troisième dimanche de l’Avent). 4. Jean prêchait un baptême de pénitence pour la rémission des péchés (Lc 3,3) comme sa prédication le montre. Cette plongée dans l’eau, rite de lustration, n’appartenait pas au judaïsme officiel du Temple. La plongée était pratiquée par un groupe religieux important, mais marginal et critique vis à vis de la religion officielle (les Nazoréens ?). Ce bain rituel n’est pas “sacramentel” comme l’est notre Baptême : ici l’Esprit Saint ne descend pas. Le rite manifeste seulement une volonté de conversion, et l’attente de la venue de Dieu. Etait-il perçu comme une purification ? Si c’était le 8 juin 2017 748918657 91 sur 106 cas, pourquoi Jésus demande-t-il le baptême de Jean ? Ne disons-nous pas Jésus « pur » et « sans tache » ? Avec le recul, nous comprenons la réticence de Jean, mais avant la Résurrection, Jésus était seulement perçu comme un grand prophète, un “super”Jean Baptiste”, sa filiation divine n’était pas reconnue. 5. La réponse de Jésus est pour le moins sibylline : Il nous convient d’accomplir toute justice. JeanBaptiste semble pourtant bien la saisir puisqu’il baptise Jésus sans hésiter. 6. L’irruption de la colombe, lors de la remontée de Jésus (verset 16), est un curieux phénomène. Il est vrai que Matthieu -à la différence de Luc- se contente d’une comparaison : « comme une colombe ». Mais pourquoi une colombe et pas une hirondelle ? Le texte n’en est que plus étrange. 7. L’ouverture des cieux, qui correspond à la cosmologie du temps, reste une image curieuse. Des cieux qui s’ouvrent (y en aurait-t-il plusieurs !) ? Des trappes s’abaissent et la voix de Dieu en sort ? Le moins qu’on puisse dire est que l’évangéliste se meut dans une imagerie étrange. Il est difficile d’y voir la simple description d’un fait. 8. Les trois interventions du diable sont, à elles seules, une sérieuse question. En catéchèse, on aurait tendance aujourd’hui à taire ce personnage et à le laisser aux sectes sataniques. D’ailleurs, existe-til vraiment ? 9. Comme dans un scénario prévu d’avance, Jésus, après son baptême, est poussé au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Cette contrainte et l’enchaînement des tentations posent question. 10. Le diable utilise l’Ecriture pour convaincre Jésus, ce qui n’est pas banal. La discussion ressemble à une querelle de spécialistes.Le diable serait-il savant ? 11. Après quarante jours de jeûne, Jésus eut faim. N’a-t-il pas eu faim avant ? Tout homme normalement constitué n’aurait pas « tenu » si longtemps. 12. Les deux voyages aériens de Jésus ressortissent, semble-t-il, à la fiction : Le diable... le place sur le faîte du temple229... Drôle de place ! Le diable l’emmène ensuite sur une très haute montagne... d’où il lui montre tous les royaumes du monde... bien curieuse montagne si la terre est ronde ! Bien sûr ces questions ne sont pas exhaustives, vous en avez peut-être d’autres : essayez de les formuler, c’est ainsi qu’elles sont porteuses de recherche. C. ENSUITE FAIRE DES RAPPROCHEMENTS BIBLIQUES Nous pouvons faire des rapprochements en partant des questions posées précédemment et aussi à partir des images qui, presque automatiquement, nous renvoient à d’autres images bibliques. 1. Le vêtement de Jean-Baptiste ressemble beaucoup à celui du prophète Elie : toison et pagne de peau autour des reins230 (2 R 1, 8). Il y aurait donc peut-être un premier rapport à établir entre les deux prophètes. 2. Le désert dans lequel Jean choisit de prêcher (encore une question d’ailleurs : prêcher dans le C’est encore le nom araméen que donne la tradition juive aux chrétiens : les “netzorim”. Jésus est qualifié de Nazoréen sur la Croix (Jn 19,19). 229 Le texte grec parle des petites ailes du temple. On se perd en conjectures. 230 Il s’agit d’une ceinture, dont on sait l’importance pour désigner les vertus de la foi au cours du voyage de la vie : la vérité pour ceinture (Ep 6,4). 228 8 juin 2017 748918657 92 sur 106 désert ?) renvoie -le texte l’indique explicitement- au second prophète Isaïe (chapitres 40 à 55 du Livre d’Isaïe). On y lit l’annonce d’un Salut que Dieu prépare, « un nouvel Exode », une nouvelle traversée de l’eau et la naissance d’un peuple neuf dans le désert. L’image du désert évoque donc à la fois l’errance d’lsraël pendant quarante ans et la prophétie d’Isaïe qui en est indissociable. Lire par exemple Is 43, 16-21. Cette nouvelle création d’un peuple fait aussi penser au second récit de la création : I’homme est façonné par Dieu sur un fond de désert et d’eau (Gn 2, 4-7). 3. Jésus va du fond de l’eau (baptiser signifie « plonger », « couler au fond de l’eau ») aux cieux qui s’ouvrent. Le seigneur entreprend une montée, une véritable ascension avant l’heure. Le texte le souligne d’ailleurs : Jésus remonta de l’eau. Cette ligne verticale renvoie à toutes les images de montagne et bien sûr aussi à la descente dans la mort -aux enfers- et à la remontée aux cieux de la Résurrection. Il y a là comme une anticipation de la mort et de la Résurrection 4. L’eau du Jourdain renvoie aussi à la traversée du Jourdain par Josué (Jos 3, 14). Ce fut l’entrée du peuple de Dieu en terre promise. Elle rappelle aussi la guérison du païen Naaman (2 Rois 5) qui, lui, doit se plonger sept fois dans les eaux du Jourdain pour bénéficier d’une nouvelle création : sept plongées comme sept jours, un temps pour renaître. 5. La colombe évoque deux scènes de l’Ancien Testament : La colombe du Déluge qui annonce la vie qui vient, la nouvelle création (Gn 8, 8-13) et aussi : L’esprit de Dieu planait sur les eaux au moment où Dieu prononce les paroles qui crée le monde (Gn 1, 1). 6. Les cieux s’ouvrent ! L’expression se trouve au premier verset du livre d’Ezéchiel (1,1). Après un long silence, la Parole va descendre des cieux : le prophète va parler ! 7. La phrase : Celui-ci est mon fils bien-aimé a une double résonance en grec, le mot “fils” signifie à la fois fils et serviteur. Elle renvoie aux quatre chants du serviteur souffrant d’Isaïe et en particulier Is 42, 1 et donc, comme par ricochet, à la passion de Jésus, le véritable serviteur souffrant. L’image de Jésus lavant les pieds de ses apôtres (Jn 13) nous vient alors à 1’esprit. L’expression Tu es mon fils semble être reprise dans la suite de notre récit par le diable lui-même : « Si tu es le fils de Dieu... ». Rapprochons encore cette expression du récit de Jésus en croix : Si tu es fils de Dieu, descends de la croix !... que Dieu le délivre maintenant ! (Mt 27, 40). Aujourd’hui, l’expression Fils de Dieu nous est familière, le Credo, le Gloria nous font dire chaque dimanche que Jésus est le Seigneur, le Fils unique de Dieu, mais cette foi n’était pas explicitée à l’époque où l’évangile a été écrit : I’expression biblique signifiait quelque chose comme “enfant de Dieu” (fils du Père). Lire, par exemple, le livre des Proverbes. 8. Les quarante jours de tentation de Jésus au désert évoquent les quarante ans de l’Exode des Hébreux et les tentations du peuple car chaque jour vaut une année (Nb 14,34). Le nombre quarante, qu’on retrouve souvent dans la Bible, s’enrichit d’un grand nombre de scènes bibliques : quarante jours du Déluge (Gn 8, 6), le jeûne de quarante jours et quarante nuits de Moïse sur la montagne (Ex 34, 28), les quarante ans de repos qui rythment le Livre des Juges (Jg 3, 11-5, 31), ou les quarante jours de jeûne des Ninivites (Jonas 3, 4)... Il rappelle aussi pour nous, deux périodes liturgiques : le Carême et son inverse, le temps de joie qui sépare Pâques de l’Ascension. 9. Le pain évoque la manne des Hébreux dans le désert (Ex 16) et les diverses multiplications des pains. Elisée en 2 R 5, 42. Jésus en Mt 14, 13 et 15, 32... Pour les Juifs d’abord, et pour nous ensuite, le pain évoque la Torah, et le croyant qui se nourrit des Écritures et devient lui-même un bon pain vivant. Jésus s’était ainsi désigné (Jn 6,51). On mange le pain vivant : du coup, on pense à l’Eucharistie qui pourrait bien être en filigrane derrière le verset 11 : Les anges... le servaient. La messe est à la fois repas et service de Dieu. 8 juin 2017 748918657 93 sur 106 10. Jérusalem et son Temple font penser à l’entrée de Jésus dans la ville sainte (Mt 21, 10-12), ainsi qu’à toutes les controverses qui suivent (vendeurs chassés du Temple, destruction en Mt 24, 1-3, discours eschatologiques). En chassant les vendeurs du Temple, Jésus met fin aux sacrifices de l’Ancienne Alliance et donc au Temple lui-même, qui sera détruit par les légions de Titus en l’année 70 de notre ère. Au Temple, sont donc associées des images de guerre et de destruction... la fin du monde. Ces controverses sur la fonction du Temple et sur la pertinence des sacrifices rappellent la grande prédication prophétique, Amos 5, 21; Jérémie 6, 20; Malachie 1, 10... Et le premier rapprochement qui vient à l’esprit est encore la grande diatribe du prophète Jérémie contre le Temple : Ne vous fiez pas aux paroles mensongères : vous dites “le Temple de Dieu, le Temple de Dieu”, mais si vous n’améliorez pas réellement vos voies et vos œuvres... je le détruirai (Jr 7, 4). Ces textes ont en commun la mise en question du Temple comme lieu central du culte et fonction de Salut (voir aussi He 9, 11 et 24). 11. La phrase : Si tu es le fils de Dieu, jette-toi en bas peut faire penser à cette autre phrase du même évangile : Toi qui détruis le Temple en trois jours, sauve-toi toi-même et descends de la croix (Mt 27, 40). Dans les deux cas, Jésus refuse le spectacle de la descente, un certain pouvoir. Il restera en haut de la croix et en haut du Temple et les anges le serviront cependant à sa Résurrection et sur la montagne. 12. La montagne est précédée de l’article défini, elle est unique ! Ce haut lieu est annoncé par toutes les montagnes de la Bible, il est à la fois le sommet de la vie de Jésus, le Golgotha et le Ciel réunis. Les Pères disent que la montagne est l’Église. D. VERS LA CONFESSION DE FOI Nous diviserons cette méditation en deux parties : le baptême d’abord et les tentations ensuite. Mais ces deux parties sont indissociables, elles font partie d’un même grand récit. L’expression fils de Dieu venant du ciel et reprise par le diable, traverse l’ensemble du récit depuis la sortie de l’eau jusqu’à la haute montagne. Jésus, en plongeant dans les eaux du Jourdain et en traversant le désert pendant quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne, décrit un trajet de bas en haut. Cette route est un débat avec le diable sur le sens des Ecritures. On peut attendre un certain Messie « fils de Dieu » en lisant d’une certaine façon la Bible, mais Jésus nous introduit dans une nouvelle interprétation de l’Ancien Testament (2 Cor 3, 12-16). 1. Catéchèse du Baptême Le baptême de Jean ouvre sur l’attente du Messie par Israël, un Messie qui consumera au feu qui ne s’éteint pas (Mal 3, 18-20). Puis, Jésus arrive dans ce contexte de la prédication du baptiste habillé comme Élie. Le vêtement de Jean évoque la parole de Malachie : Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète avant que n’arrive mon Jour grand et redoutable (Mal 3, 23). Comme le dit Matthieu dans la suite de son évangile (17, 10) : Jean-Baptiste est Élie revenu, Jésus peut donc être le Messie. Jésus arrive et demande à recevoir un baptême de pénitence. Mais ce geste que le baptiste refuse comme tel est rapproché par l’évangéliste de trois passages de l’Ancien Testament, qui vont lui conférer une tout autre dimension : 1. les cieux s’ouvrent : Jésus est présenté comme la Parole de Dieu qui se fait entendre à nouveau; 8 juin 2017 748918657 94 sur 106 2. la colombe évoque le Déluge, récit qui décrit une nouvelle création du monde plongé pendant quarante jours dans les eaux de la mort pour renaître à la vie; 3. le rappel du chant du serviteur d’Isaïe introduit le véritable rapport entre le baptême de Jésus - sa plongée dans les eaux - et sa Passion. Ainsi, l’immersion de pénitence change-t-elle totalement de sens, elle apparaît maintenant comme la volonté de Dieu de réaliser la nouvelle création annoncée par Isaïe. Jésus Christ, en ayant été serviteur souffrant, accomplit toute justice : il a été le Juste par excellence et il est désormais ressuscité. Nous retrouvons derrière ces images bibliques ce que saint Paul déjà écrivait : Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort... afin que nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle (Rm 6, 4). Plonger dans l’eau signifie accepter la vie mortelle qui est aussi une “mort vitale” selon l’expression de saint Augustin. C’est en se fatiguant pour les autres, en donnant notre vie chaque jour que l’on reçoit l’amour. Nos limites assumées et bien orientées vers les autres et vers Dieu, transfigurent de l’intérieur notre condition mortelle. Le baptême chrétien inaugure cette manière d’être, et exprime la volonté de vivre en Jésus Christ, avec tous nos frères humains, pendant les quarante jours qui symbolisent le temps d’une vie humaine. Quarante ans comme les quarante ans d’errance dans le désert qui préparèrent Israël à entrer en Terre Promise (la Résurrection promise). 2. Catéchèse des trois tentations Ainsi, les trois tentations semblent-elles liées à la condition de baptisé. Poussés par l’Esprit, à la suite du Christ, nous sommes confrontés, dans le désert du monde où l’on ne voit pas Dieu, aux trois épreuves qu’Israël avait déjà rencontrées dans le désert. Le diable (le satan, le serpent d’Adam et Eve ?) demande d’abord à Jésus de transformer des pierres en pain : pouvoir sur la nature, miracle de la magie et de la science sur la matière. Mais Jésus refuse, car son identité de fils de Dieu ne se situe pas là. Il a supporté l’épreuve sans quémander de la manne et des cailles (Ex 16). A l’inverse d’Israël, Jésus est resté homme même dans la pénurie. Il n’a pas fui la réalité. C’est en assumant sa condition d’homme qu’il est véritablement « fils de Dieu ». La scène prend son sens de l’Écriture : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. A sa suite, nous voulons faire de même en mangeant le pain vivant, la Parole faite chair, même si elle a un goût d’abstinence. Nous fixons ainsi une direction à notre vie malgré la tentation de la science de réduire l’homme à l’homme. Nous nous tournons vers Dieu, nous levons nos yeux vers le Père. Le diable demande ensuite à Jésus de se jeter en bas du Temple pour s’assurer un pouvoir religieux facile et spectaculaire. Mais Jésus refuse d’utiliser ce Temple fait de main d’homme (Ac 7, 48) comme une idole qui ne donne pas le Salut. Seul Dieu est abri, rocher, refuge, bouclier, Temple. Jésus pousse jusqu’au bout la logique de l’Alliance ancienne en mettant fin au temple et aux sacrifices d’animaux. Il chasse les vendeurs et les acheteurs en se substituant aux victimes. Il est l’agneau immolé puisqu’il a refusé de descendre de la croix par confiance en Dieu. Israël a toujours eu du mal à comprendre cela. Nous aussi, ne sommes-nous pas tentés par la « magie religieuse » qui ne conduit pas à la conversion ? Comme Israël a été tenté par ce veau d’or du désert qui ne pouvait servir à rien ! Le diable offre enfin à Jésus le pouvoir politique. Israël y avait succombé en demandant un roi (1 Sm 8), nous y succombons quand la référence politique devient dominante dans notre vie. Le 8 juin 2017 748918657 95 sur 106 roi des Juifs n’a été roi que sur la croix et sa couronne était d’épines. Il a été victime de ce pouvoir. Mais sa montée à Jérusalem s’est terminée au ciel, sur la haute montagne où il nous a précédés et où il a été intronisé « Fils de Dieu » (Ep 1, 20-21). Le baptême appelle cette ascension de la montagne qui est une sortie des eaux de la mort, une victoire sur les trois tentations habituelles de notre vie. Acceptons-nous de vivre ce baptême qui est bien plus que celui de Jean ? Nous sommes recréés en Christ, couronnés de gloire, et même « divinisés”, disent nos Pères. 3. Remarque sur l’eau du Baptême Il est intéressant de souligner, à partir de cet exemple, comment le « symbole » est, en catéchèse, rapporté à Jésus Christ pour exprimer le mystère pascal. C’est Lui l’eau qui devient vin. Le symbole n’est pas une chose, mais un processus qui transforme l’approche positive, extérieure et spontanée que nous avons du texte évangélique. Il nous fait passer du monde visible des choses, à l’intériorité de la foi où domine la quête de Dieu, il nous fait méditer le mystère de Dieu. Il ne faudrait pas que la catéchèse des sacrements se meuvent dans le seul monde des choses. Le sacrement deviendrait vite une magie pour l’enfant. L’eau vive serait assimilée à un liquide magique aux propriétés bizarres, et l’hostie réduite à un médicament. L’eau ne devient la vie divine en nous que si nous acceptons en échange de nous offrir en Hostie vivante sainte, agréable à Dieu (Rm 12,1) Si nous disions aux enfants que l’eau était la vie, on oublierait l’amour et le don de soi, on les laisserait à l’extérieur du sacrement. Dans la catéchèse des sacrements, les bizarreries du texte et les rapprochements qui les éclairent, participent les uns et les autres à la construction de l’intériorité. Pour le Baptême, on ne manquera pas de citer des eaux qui évoquent la vie au cœur de la mort : la Samaritaine mais sans oublier que la scène semble se passer dans un cimetière (Jn 4,5 et Jos 24,32), la source du Temple (Ez 47) sans oublier que le prophète s’effraie de la dangereuse puissance des flots, l’eau du rocher qui jaillit dans la soif (Ex 17), le puits de Jacob qui abreuve avant l’heure (Gn 29), le puits de Moïse (Ex 2, 15 et ss) où Moïse combattit... Mais on donnera aussi les eaux qui ne cachent pas la mort que domine le Vivant : la marche de Jésus sur les eaux dangereuses de la nuit… (sur la mort ?) (Mc 6), le Déluge aussi universel que notre mort actuelle (Gn 6 à 8), le passage de la Mer et sa grande noyade (Ex 14), la tempête apaisée qui fut un sauvetage semblable à la croix231 (Mc 4)... Toutes ces images d’eau renvoient à la mort et à la vie, elles enrichissent la catéchèse du Baptême. Le Christ est mort et ressuscité. Il a vécu totalement la condition mortelle. En d’autres termes, par son Incarnation, il s’est plongé dans l’eau (il n’a pas hésité “à se mouiller”). Il a risqué, il a donné sa vie par l’amour qui le faisait vivre. C’est cet amour discret qui lui fit refuser les trois tentations. Il en est mort assassiné, mais les épreuves de mort ont inscrit en lui la Résurrection. Pendant trois jours et trois nuits, il est resté au fond des eaux comme Jonas (Mt 12, 39 et 16, 4). Mais les eaux de la mort - sa vie terrestre - sont devenues eaux vives : dimension de l’homme qui surgit avec l’amour divin, dans le don de soi-même. Mouvement qui va sans cesse de la mort à la vie, mouvement du Baptisé à éprouver en Christ. Voilà pourquoi l’eau du Baptême est bénie par le prêtre, car la mort si douloureuse soit-elle, est bénis par Dieu. Ainsi, la symbolique biblique ne peut pas s’enseigner de l’extérieur car on utiliserait alors images et Comme au Golgotha Jésus dort sur “le bois”, et les apôtres affrontent seuls la tempête. A leur prière, le Seigneur se lève et le Ressuscité fait revenir la paix dans la “barque de Pierre”. 231 8 juin 2017 748918657 96 sur 106 récits comme une illustration d’idées en dehors de la réalité d’un Mystère qui nous dépasse. E. PEDAGOGIE 1. Une histoire à connaître : première séance C’est la première étape, et elle est extrêmement importante : bien connaître le texte. Vous avez plusieurs solutions que vous choisirez en fonction de votre équipe : Une bonne partie des jeunes est pratiquante de la messe dominicale : vous leur demandez de raconter l’évangile de la messe du dimanche. Bien sûr vous les laisserez chercher dans leur mémoire -c’est acte est capital- sans leur donner de titre. Ils racontent et se corrigent jusqu’à être d’accord sur une « version » qui semble exacte à tous. Puis vous leur posez une question très difficile : « On ne l’a pas lu ce dimanche, mais qui sait ce que raconte l’évangile juste après ? » S’ils ne trouvent pas, après une recherche qui serait restée infructueuse, vous ouvrez l’évangile de Matthieu au chapitre 3, verset 5... Peut-être, sûrement, se rappelleront-ils le texte questionné avant Noël... vous poursuivez la lecture par les versets 13 à 17, sans lire les titres que vous rencontrez puis immédiatement à la suite le chapitre 4, versets 1 à 11. A la suite de cette « révision », assurez-vous que le récit était déjà connu. S’ils sont pratiquants, il est connu par la plupart. Votre équipe n’est pratiquante qu’occasionnellement : vous pouvez essayer la même question, mais vous animerez la parole des jeunes différemment. Votre recours au texte sera plus rapide tout en laissant du temps pour la recherche dans la mémoire si vous pensez que l’une ou l’autre est capable de « contenir » quelques informations dont vous pourrez tirer profit. De toutes les façons vous recourrez au texte comme il est proposé précédemment. Dans tous les cas, et pour que les images se fixent : vous présenterez ensuite, mais ensuite seulement, des représentations, tirées de l’iconographie traditionnelle, de ces deux récit. a) L’icône du baptême de Jésus. Reportez-vous au texte en annexe pour « l’apprendre » entre adultes. Ce texte n’est évidemment pas à donner aux jeunes. Montrez l’icône à votre équipe et laissez la parole circuler. Ils vont décrire, s’étonner, peut-être poser des questions. Tout cela peut être noté. b) Les tentations au désert. Les images du récit de Matthieu sont peut-être bien connues des enfants. Il peut alors être bon d’en proposer d’autres. Pourquoi pas celles peintes au plafond de l’église de Zillis (Suisse); là aussi laissez la parole circuler, notez les réflexions, les étonnements, les suppositions....232. D’autres représentations peuvent être choisies. Cependant nous ne sommes pas dans un cours d’art religieux et les propositions ici faites ont l’avantage de n’être pas d’abord anecdotiques, donc de surprendre et de ce fait d’ouvrir la parole. De plus elles sont parfaitement traditionnelles. 232 8 juin 2017 748918657 97 sur 106 2. Une histoire bizarre : deuxième séance Les textes du Baptême et des tentations de Jésus étant connus (c’était l’objet de la précédente séance), on peut directement faire chercher les bizarreries du récit par petits groupes de deux ou trois jeunes. Les bizarreries découvertes sont notées sur une feuille (référence précise, et explication de l’étrangeté). Cette recherche ne doit pas excéder vingt minutes (trente à la rigueur si vous voyez que les jeunes cherchent bien, mais arrêtez la recherche plus tôt si vous ne la sentez plus active). Ensuite, on procède à une mise en commun : les bizarreries sont notées et regroupées quand elles sont très proches d’une équipe à l’autre. Cependant tenez bien compte de différences qui permettraient d’enrichir la réflexion de tous; et ne notez la bizarrerie que si elle reste une question pour les enfants. Si vous pensez qu’il s’agit d’une question dont la réponse est évidente (niveau de parole bleu), ou d’une réponse sans recherche (une explication entendue et répétée : qui peut être spirituelle, mais demeurer en mémoire comme du savoir : bleu), refusez-la avec délicatesse. Ce refus de votre part ne doit pas être perçue comme un rejet : On ne prend que les choses bizarres, qui n’ont pas de réponse évidente, on ne prend pas les questions trop faciles ! C’est la règle du jeu. L’exercice est intéressant parce qu’il permet de prendre conscience que les bizarreries sont normales, qu’elles semblent même être appelées par le texte évangélique. Il déculpabilise en quelque sorte et permet à chacun de se poser sereinement la question de la vérité du récit. Une prière peut clore ce travail, sur le thème de « Seigneur, fais-nous comprendre. » En tout cas, ne pas vouloir répondre immédiatement aux questions, elles doivent descendre dans les cœurs. Laisser le temps à la réflexion de mûrir. La séance suivante prolongera cet indispensable exercice. 3. Le jeu du désert : troisième séance Le questionnement que l’exercice précédent a produit, a mis en appétit de découvrir des clés pour comprendre. Le jeu du désert, a pour but de favoriser un approfondissement des trois tentations dans la foi. C’est par un jeu de rapprochements que les jeunes découvriront du sens à ce texte. On voit bien par là, comment bizarreries et rapprochements, sont tous deux, à l’origine de la production du sens. a) Objectifs du jeu Devant les joueurs, sont disposées neuf cartes, trois d’un côté, les cartes « diable », et six de l’autre, les cartes « Jésus Christ ». (1) Les cartes “diable” Chacune des cartes « diable » correspond à l’une des trois tentations : la première représente une « baguette magique », la seconde un flacon dont l’étiquette porte le mot « drogue », la troisième une « couronne d’or » (2) Les cartes “Jésus-Christ” Chacune d’entre elles correspond aussi à une tentation. Il y en a six, deux par tentation : Les deux premières correspondent à la première tentation : un pain et une autre carte avec la mention « travail des hommes »; deux autres cartes correspondent à la deuxième tentation : un agneau et un calice; il y en a deux enfin pour la troisième tentation : une couronne d’épines et un ânon. Ces cartes doivent être comprises par les joueurs. Ce sera le but du jeu. Il ne s’agit donc pas que 8 juin 2017 748918657 98 sur 106 l’animateur explique quoi que ce soit, mais bien que les informations données petit à petit (et non pas toutes ensemble) permettent aux jeunes de risquer une parole personnelle en fin de jeu. Des cartes « Parole de Dieu » (le nombre peut être augmenté) donnent un verset ou deux de la Bible qui éclaire telle ou telle tentation. Elles sont donc divisées en trois catégories et rattachables à l’une des trois cartes « diable ». Des cartes « vie du monde » (leur nombre peut être augmenté et leur actualité ‘rafraîchie’).Des cartes « vie quotidienne ». Celles-ci aussi sont en rapport avec l’une ou l’autre des cartes “diable”. b) Préparation du jeu : Préparer : Trois (3) ou quatre (4) cartes de chaque « diable », neuf (9 ou 12) en tout, six (6) cartes « Jésus Christ », elles sont toutes différentes; les cartes « Parole de Dieu », il y en a sept (7) pour chacune des trois tentations, les cartes « vie du monde », il y en a sept (7) elles peuvent être réactualisées, les cartes « vie quotidienne », il y en a sept (7) également. au total 36 (ou 39) cartes de jeu. Déposer en tas sur la table les 7 cartes « vie quotidienne », et sur ce tas les 7 cartes « vie du monde ». Disposer sur la table, face visible, les 6 cartes « Jésus Christ ». Ne pas les expliquer : C’est le but du jeu. Disposer aussi sur la table trois cartes “diable” différentes, face visible. Battre les cartes « diable »; en distribuer une à chaque jeune, qui en prend connaissance mais la garde secrète. S’il reste des cartes, les disposer sur la table, face visible comme les premières. Battre les cartes « Parole de Dieu »; en distribuer une de la même manière à chaque joueur, qui en prend connaissance, mais la garde secrète.Déposer les cartes restantes sur le tas des cartes « vie quotidienne » et « vie du monde ». Toutes ces cartes forment la pioche. c) Règle du jeu Les joueurs ont pris connaissance de la carte « diable » qu’ils possèdent (elle reste secrète) et de la carte « Parole de Dieu » qui l’accompagne : Ils sont confrontés à une tentation, laquelle ? La carte qu’ils ont reçue s’y rapporte-t-elle ? Permet-elle de comprendre quelque chose ? Le temps est laissé aux joueurs pour cette première réflexion ‘privée’ et silencieuse (pas plus de 2 à 3 minutes). Le premier joueur (à gauche du distributeur des cartes) tire une carte sur le dessus de la pioche : décide de la garder, si elle lui apporte une aide à propos de sa ‘tentation’ (si elle s’y rapporte), décide de la remettre sous la pioche si elle ne lui est d’aucune utilité (s’il ne fait aucun rapprochement). Ainsi fait le second, puis le troisième et tous les joueurs. Avant que ne commence le deuxième tour, tous les joueurs posent à l’envers devant eux la carte diable, c’est la tentation à laquelle ils restent confrontés. Au deuxième tour de jeu, chacun tire une carte, comme dans les précédents tours. On met sous le tas de la pioche - si on le souhaite - une carte qui ne serait d’aucune utilité pour comprendre la tentation que l’on a reçue. Au troisième tour, on pioche une nouvelle carte, mais on doit en rejeter une; on ne peut en effet 8 juin 2017 748918657 99 sur 106 garder que trois cartes en main au maximum. On est donc obligé de se débarrasser d’une carte en trop. Celle qui nous serait la moins utile (à moins qu’on l’ait déjà fait précédemment). Ainsi des tours suivants, les joueurs ne pouvant jamais garder plus de trois cartes en main.233 Le jeu s’arrête : soit parce que la pioche est épuisée, soit parce que l’un des joueurs a en main toutes les informations utiles pour comprendre :la tentation qu’il a dû affronter, et une des cartes Jésus Christ Sauveur posée sur la table depuis le début du jeu. L’animateur arrête le jeu et anime la parole du jeune (et des autres) : Quelle est ta tentation ? Quelles sont les cartes que tu as en mains ? Qu’as-tu compris de ce que te propose le diable ? Quelle carte du salut en Jésus Christ y correspond ? Pourquoi ? d) Quelques conseils pour l’animation de la parole : Si un autre joueur à la même carte « diable », l’associer à ce questionnement. Bien prendre le temps de chaque question : la seconde semble simple, cependant il peut se faire qu’à ce niveau de parole (associations, niveau de parole vert), vous soyez surpris par un des rapprochements faits par le jeune (ou que quelqu’un du groupe le soit). Ne craignez pas de demander un éclaircissement. Et si le groupe n’est pas d’accord, animez cette parole de désaccord. C’est important. Bien noter ce qu’a compris le jeune de la tentation. Attention, lui demander le rapport de ce qu’il dit et des cartes qu’il a en mains... sinon vous pourriez avoir la répétition de ce qu’il ‘savait’ avant de commencer à jouer, sa réflexion n’aurait rien gagné à votre animation. Ce serait dommage. Il doit s’appuyer sur les cartes qu’il a en mains pour répondre. La quatrième question est la plus difficile, elle demande un autre niveau de parole : Jésus ne répond pas au diable de manière anecdotique, mais par toute sa vie en étant agneau, victime du pouvoir religieux, obéissant... alors que les enfants croient qu’il répond par un simple parole de la Bible ! e) Quelques conseils pour l’animation du jeu …qui ne dispensent pas d’une méditation de l’évangile de Matthieu, et d’un échange entre adultes. Ne rien expliquer à l’avance du sens des tentations, mais donner brièvement des conseils pratiques pour le jeu. Les trois premières séries de cartes rappellent plus ou moins explicitement telle des trois tentations de Jésus. Les deux autres tentent ( !) de permettre le passage à la parole biblique existentielle pour les jeunes qui le pourront Première tentation (baguette magique). Jésus refuse de fuir la condition humaine. Il se soumet, comme tout le monde, aux lois de la nature. Il ne prétend pas tout savoir faire, tout connaître. Il reste un homme limité; il partage le travail et la vie de tous jusqu’au bout, jusqu’à l’issue des quarante Veillez à ce que les joueurs ne gardent pas en main les cartes qui n’ont pas de rapport avec leur carte ‘diable’ (leur tentation), la circulation des informations permet la réflexion. En revanche les cartes immobilisées sont des informations qui peuvent manquer à celui qui en a besoin. Si nécessaire (avec un groupe un peu trop nombreux on peut soit doubler les cartes, soit réduire à deux les informations que l’on peut garder, mais ceci rend le jeu plus difficile). 233 8 juin 2017 748918657 100 sur 106 jours symboliques, c’est-à-dire de mort (cf.méditation précédente). Deuxième tentation (flacon de drogue). Jésus refuse d’utiliser la religion (l’autel, le Temple, les sacrifices...) comme un pouvoir, comme une fuite de la condition humaine, un « opium » qui endort et qui nous cache à nous-mêmes. A la fin des quarante jours symboliques, Jésus sera victime du pouvoir religieux, il sera le prophète assassiné, l’agneau immolé de la religion. Troisième tentation (couronne d’or). Jésus refuse de prendre part au pouvoir politique. Il se soumet à César. Dés sa naissance, il obéit aux lois du pays (Lc 2, 1), il est soumis aux dangers (Mt 2, 16). Il sera mis à mort sous un prétexte politique. Le pouvoir politique ne peut pas prendre la place de Dieu, qu’il soit l’Empereur des anciens ou l’État des modernes. La vie nous vient de Dieu sur qui nous devons fonder notre existence. Tel est le premier « commandement » : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu (Mt 4, 10). 4. La célébration Cette réflexion va se poursuivre et se prolonger dans la prière qui pourra réunir deux ou trois équipes. C’est dans « le lieu liturgique » que se dit le langage de foi, adressé à Dieu. Le texte sera lu, peut-être ponctué par des temps de prières des jeunes, préparées d’avance. L’entrée dans le temps du Carême permettra de donner un sens de passage à cette célébration (traversée de la mer, ou du désert). Nous sommes appelés à passer à travers les eaux, comme Jésus à sa Pâque. Ou bien un sens de purification : la vie, avec et en Christ demande une conversion, un combat intérieur comme celui contre Amaleq dans le désert, comme celui de Jésus contre Satan dans le désert... Ou bien un sens de… 5. LES CARTES a) Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la première tentation Ex 16, 2-3 et 8 : Toute la communauté des fils d’Israël se mit à murmurer contre Moïse et Aaron dans le désert... Que ne sommes-nous morts de la main de Dieu en Egypte, quand nous étions assis devant des marmites de viande et mangions du pain à satiété. Vous nous avez amenés dans ce désert pour faire mourir de faim cette multitude. Moïse leur dit : Ce n’est pas contre nous que vont vos murmures, mais contre le Seigneur. Ex 17, 2 : Toute la communauté des fils d’Israël s’en prit à Moïse : « Donne-nous de l’eau, que nous buvions ! » Moïse leur répondit : « Pourquoi mettez- vous Dieu à l’épreuve ? » Gn 3, 4 : Le serpent dit à la femme qui l’écoutait : Pas du tout, vous ne mourrez pas... vous serez comme des dieux qui connaissent (tout), le bien et le mal. Mt 12, 38 : Quelques uns des scribes et des pharisiens s’approchèrent de Jésus et dirent : Maître, nous désirons que tu nous fasses voir un signe. Mt 13, 54...58 : Jésus, dans la synagogue de Nazareth (la ville de son enfance) enseignait les gens... ils étaient choqués à son sujet : »Celui-ci n’est-il pas le fils du charpentier, sa mère, c’est Marie... nous connaissons toute sa famille ! D’où lui vient tout ce qu’il nous dit ?... » Et il ne fit pas là beaucoup de miracles à cause de leur manque de foi. Mt 16, 1-3 : Les pharisiens et les sadducéens s’approchèrent de Jésus et lui demandèrent, pour le mettre à l’épreuve, de leur faire voir un signe venant du ciel.Jésus leur répondit : « Vous savez 8 juin 2017 748918657 101 sur 106 interpréter les signes du ciel (il va faire mauvais temps car le ciel est rouge !). Mais les signes des temps, vous n’en êtes pas capables ! Jn 6, 15 et 25-26 : Après que Jésus eut multiplié les cinq pains pour les foules, celles-ci le cherchaient pour le faire roi. Mais Jésus s’en alla... L’ayant trouvé de l’autre côté de la mer, tous s’étonnaient : « Quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur dit : « En vérité vous me cherchez, non pas parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. » b) Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la deuxième tentation Ex 32, 1 : Quand le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne... le peuple dit à Aaron : Fais-nous un dieu qui aille devant nous... qu’on le voie ! Jr 7, 2...11 : Le prophète Jérémie se tenait à la porte du Temple et il disait, de la part de Dieu, à ceux qui venaient se prosterner dans le temple : « Commettre toutes ces fautes, puis venir se présenter devant moi, en ce Temple qui porte mon nom et dire : “nous voilà en sûreté.” » Jr 31, 33 : La parole du Seigneur fut adressée à Jérémie pour qu’il la dise aux fils d’Israël qui oubliaient Dieu : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. » Lc 23, 8-9 et Is 53, 7 : On amena Jésus devant Hérode qui fut tout joyeux car il espérait lui voir faire quelque miracle. Hérode interrogea donc Jésus avec force paroles, mais Jésus ne répondit rien. Comme dit le prophète Isaïe : « Comme un agneau conduit à la boucherie... il n’ouvrait pas la bouche. » Mt 7, 21 : Jésus disait à ses disciples : « Ce n’est pas en me disant Seigneur, Seigneur, qu’on entrera dans le Royaume des cieux... mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. » Mt 21, 12-13 et Is 56, 7 : Jésus entra dans le Temple et chassa tous les vendeurs et acheteurs (d’animaux nécessaires aux sacrifices). Il leur dit : « Il est écrit ‘ Ma maison sera appelée une maison de prière’, mais vous, vous en faites un repère de brigands. » Mt 27,38-40 : Jésus fut crucifié un vendredi à midi (la 6° heure)... et deux bandits avec lui à sa droite et à sa gauche. Les passants l’injuriaient. Ils disaient : “Toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le fils de Dieu, saute de la croix.” c) Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la troisième tentation Ex 17,11...16 : Quand Amaleq survint pour se battre contre Israël à Rephidim, Josué sortit pour le combattre et Moïse, avec Aaron et Hur, monta pour prier.Tant que Moïse tenait ses mains levées, Israël était le plus fort et quand il les laissait retomber, Amaleq l’emportait..Aaron et Hur lui soutenaient les mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Ainsi jusqu’au coucher du soleil... Quand Amaleq fut défait, Moïse bâtit un autel qu’il nomma ‘Le Seigneur est mon étendard’, car dit-il « Le Seigneur Dieu est en guerre contre Amalek de génération en génération. » Mt 2, 16 : Pris de peur à l’annonce de la naissance de celui que les mages nommaient « le roi des Juifs », Hérode envoya tuer à Bethléem et dans les environs tous les enfants de moins de deux ans. Lc 11, 1-2 : Un jour ses disciples dirent à Jésus « Apprends-nous à prier. » Jésus leur dit : « Lorsque vous priez, dites ‘Notre Père qui es aux cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne... » 8 juin 2017 748918657 102 sur 106 Lc 19, 28...38 : Jésus partait devant, il montait à Jérusalem... Comme Jésus le leur avait dit, les disciples détachèrent l’ânon et l’amenèrent à Jésus... Jésus s’assit dessus. La foule criait : « Béni soit celui qui vient, le Roi au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux. » Mt 27,27-29 : Après que Jésus eut été condamné à mort, les soldats se moquaient de lui, ils le dévêtirent, lui mirent un manteau rouge sur les épaules, une couronne d’épines sur la tête et un roseau dans la main. Ils s’agenouillaient devant lui et se moquaient en disant : « Salut, roi des Juifs ! » Mt 27, 37 : Les soldats, quand ils l’eurent crucifié, placèrent au-dessus de la tête de Jésus le motif de sa condamnation, il était écrit : “Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs.” Lc 23, 35-37 : Quand Jésus fut cloué à la Croix, le peuple regardait, les chefs se moquaient et les soldats aussi. Ils disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » d) Liste des cartes « vie du monde » qui se rapportent à l’une ou l’autre des tentations Le Général Pinochet, ancien dictateur chilien, est accusé de centaines d’enlèvements, arrestations... et d’atteintes aux droits de l’homme. L’homme Pinochet sera-t-il un jour jugé par les hommes ? Ou bien peut-il être au-dessus des lois ? Le Général Vidéla, ancien dictateur argentin est responsable du détournement (vol) d’enfants nés de femmes emprisonnées. Les « grands-mères de la place de Mai », réclament qu’on retrouve 230 enfants volés. Peut-on se donner tous les droits, même sur les personnes ? “Je ne suis pas un héros” déclare ce joueur de foot de Valenciennes qui a osé dire qu’on lui avait proposé 200.000 F pour qu’il laisse gagner l’équipe adverse. La justice s’en est mêlé. A-t-il eu raison de parler ? Les sectes sont des groupements religieux avec beaucoup de victimes de quelques manipulateurs... celles-ci pourraient bien entraîner certaines victimes à « célébrer » l’an 2000 de façon dramatique. Ces gens sont-ils libres ? Quand il s’agit de gagner de l’argent, l’intelligence des hommes n’a pas de limites : une agence de tourisme propose un circuit “sur les pas de la Princesse Diana”... dans les magasins qu’elle fréquentait, devant son club de gym... le long du parcours de ses funérailles. C’est ‘fun’, dit-on ! Jean Delumeau, un historien catholique dit ceci : “l’homme a tendance à camoufler son envie de dominer les autres derrière la religion ou les idéologies... mais rien ne peut arrêter le travail des hommes de paix qui finit toujours par aboutir.” Le dopage, pour réussir à tout prix, vient de ce que le culte de la meilleure performance ou du meilleur profit... envahit le coeur de l’homme. e) Liste des cartes « vie quotidienne » qui se rapportent à l’une ou l’autre des tentations Il suffit de dire sa prière tous les jours, sans oublier bien sûr; il suffit d’aller à la messe tous les dimanches... ça fait plaisir aux parents -et à Dieu, bien sûr !- et puis ça fait bien, c’est le plus important. Je m’inscris comme volontaire pour rendre service. c’est important... Pourquoi ? 8 juin 2017 748918657 103 sur 106 Parce que j’aime ça. Pour être bien vu ? Pour que tout le monde le sache... C’est tellement tentant de se vanter d’avoir réussi un exploit (que l’on peut on que l’on ne peut pas vérifier).. et de se croire si fort, si fort !... Ce serait si facile de faire semblant de connaître les réponses de l’interro... et de copier pour avoir la meilleure note... si facile, si facile !... « Je ne peux pas la supporter, je ne peux pas l’encadrer... elle est tellement... Je peux faire semblant de me réconcilier avec elle, ça m’évitera des ennuis, et même ça peut me rapporter. Faire semblant seulement, bien sûr ! » « Mon copain m’a invité... lui ne va pas à la messe, moi, d’habitude j’y vais. C’est dimanche. Je m’écrase ou j’en parle ?... et s’il se moquait de moi ? J’ai fêté Noël avec tout le monde… mais à l’intérieur, comment ai-je laissé place à Jésus pour naître dans mon coeur ?” f) Histoire d’une mystique célèbre234 Angèle de Foligno, disait avoir entendu du Christ : « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée » L’évangile de ce dimanche semble avoir été rédigé par Matthieu pour illustrer une autre sentence : “Ce n’est pas pour rire que j’ai été tenté”. Mais, si nous ne sommes guère portés à mettre en doute la première affirmation, la seconde nous convainc moins aisément. Un Christ tenté ? Comment y croire ? Notre étonnement démontre combien nous avons de diffıculté à penser la liberté : celle de l’homme et du Fils de l’homme comme celle de Dieu. Lorsque ce texte de Matthieu est rédigé, la première communauté célèbre un Christ ressuscité, confirmé dans son être et sa mission par le Père. Pourtant, elle n’hésite pas à placer, au début de la vie publique de celui qu’elle honore comme son Seigneur, ce moment de mise à l’épreuve. S’en étonner, c’est refuser que celui qui « était dés le Commencement” ait assumé véritablement une chair et une vie d’homme. En JésusChrist, Dieu se risque dans le temps. Et ce n’est pas “pour rire” qu’il s’y risque. De même que Dieu souffre et meurt dans l’humanité de son fils, de même Dieu est tenté en la personne de Jésus. Que cela nous surprenne, nous procure même une sorte de vertige, c’est indéniable. Mais c’est ainsi. De quelle nature est cette tentation ? Elle comporte trois propositions : le pain ou l’abondance, la royauté ou le pouvoır; la protection angélique ou l’impunité. Jésus s’en détourne, et pourtant il multipliera le pain, reconnaîtra devant Pilate sa royauté, et Dieu ne l’abandonnera pas à la mort. Où est la différence ? Elle tient à cette phrase trois fois répétée : Il est écrit. En repoussant la tentation, Jésus refuse les raccourcis du diable. Il rappelle chaque fois l’apparent détour de l’Écriture. En se comportant ainsi, non seulement lors de la tentation au désert mais en toute sa vie, Jésus inaugure une longue histoire. Notre histoire. L’histoire de la foi. En cette histoire, l’abondance naît du partage, non de la magie; la royauté est une royauté de vérité, non de prestige et d’oppression; quant à l’aide de Dieu et de ses anges, elle est accordée aux humbles, non à ceux qui le défient. Cette histoire continue. C’est l’histoire de l’Eglise. Il suffıt d’en relire les chapitres déjà rédigés pour savoir qu’en ces trois domaines - la richesse, le pouvoir, l’impunité - le diable a continué de proposer ses raccourcis. Et qu’ils n’ont pas toujours été refusés. Mais, à chaque fois que notre grande et lourde institution a retrouvé la fraîcheur de ses sources et de sa sainteté, ce fut pour s’être rappelé, envers et contre toutes les concessions, de dire : Il est écrit. 234 Jean-Pierre Manigne. La vie du 26 février 1998. N°2739. 8 juin 2017 748918657 104 sur 106 g) L’icône du Baptême de Jésus, ou de l’Épiphanie 235 L’icône de l’Épiphanie reproduit le récit évangélique mais ajoute quelques détails pris dans la liturgie de la fête et montre ce que Jean aurait pu raconter. En haut de l’icône un fragment d’un cercle représente les cieux qui s’ouvrent, et parfois d’un repli qui semble la frange d’un nuage, sort la main bénissante du Père. De ce cercle partent des rayons de lumière, attribut de l’Esprit Saint, et qui illuminent la Colombe. Réminiscence de la parole initiale Que la Lumière soit, 1’ »énergie manifestatrice » de 1’Esprit révèle le Dieu trinitaire : « La Trinité notre Dieu s’est manifestée à nous sans division ». Le Christ est venu pour être la lumière du monde qui illumine ceux qui étaient assis dans les ténèbres (Matth. 4, I6), de là le nom de Fête des lumières. Tandis que Jésus descendait dans l’eau, le feu s’alluma dans le Jourdain, c’est la Pentecôte du Seigneur et le Verbe préfiguré par la colonne de feu montre que le baptême est illumination, naissance de l’être à la lumière divine. Jadis, à la veille de la fête, avait lieu le baptême des catéchumènes et le temple était inondé de lumière, signe d’initiation à la connaissance de Dieu. Le témoin de cette lumière, saint Jean, est accordé à l’événement car lui-même est le flambeau allumé et brillant et les gens venaient se réjouir à sa lumière (Jn 5, 35). La descente de l’Esprit Saint sous la forme d’une Colombe traduit le mouvement du Père qui se porte vers son Fils. D’autre part, elle s’explique, selon les Pères, par l’analogie avec le déluge et la colombe au rameau d’olivier, signe de la paix. L’Esprit Saint planant sur les eaux primordiales a suscité la vie, de même planant sur les eaux du Jourdain, il suscite la seconde naissance de la nouvelle créature. Le Christ est représenté debout contre le fond de l’eau, « recouvert par les flots du Jourdain ». Dés le début de sa mission, Jésus affronte les éléments cosmiques qui recèlent des puissances ténébreuses : l’eau, l’air et le désert. La traversée de la Mer Rouge est une des figures du baptême : la victoire de Dieu sur le dragon de la mer, le monstre Rahab. Une prière de la fête fait entendre le Seigneur disant à Jean-Baptiste : “Prophète, viens me baptiser... J’ai hâte de faire périr l’ennemi caché dans les eaux, le prince des ténèbres, pour délivrer le monde de ses filets en lui accordant la vie éternelle.” Ainsi, en entrant dans le Jourdain, le Seigneur purifie les eaux : “Aujourd’hui, les flots du Jourdain sont changés en remède et toute la créature est arrosée d’ondes mystiques…” (prière de saint Sophrone). C’est tout l’univers qui reçoit sa sanctification : « Le Christ est baptisé; il sort de l’eau et avec lui il relève le monde » (prière de Cosmas). “Il brise la tête des dragons et il recrée Adam” c’est la re-création de l’être humain, sa régénération dans le bain purificateur du sacrement. Didyme l’Aveugle précise : « Dieu m’a donné pour Méré la fontaine baptismale (Église), pour Père le Très-Haut, pour frère le Seigneur baptisé à cause de nous. » Sur l’icône, avec sa main droite le Christ bénit les eaux et les prépare à devenir les eaux du baptême, qu’il sanctifie par sa propre immersion. L’eau change de signification, jadis image de la mort (déluge), elle est maintenant la source de l’eau de la vie (Apoc. 21, 6; Jn 4,14). Sacramentellement, l’eau du baptême reçoit la valeur du sang du Christ. Aux pieds du Seigneur, dans les eaux du Jourdain, I’icône montre deux petites figures humaines, illustration des textes vétéro-testamentaires qui font partie de l’office : la mer vit et fuit, le Jourdain retourna en arrière (Ps. 115,3). Le tropaire (ton 4) explique : “Le Jourdain retourna jadis en arrière par le manteau d’Élisée, et les eaux se divisèrent, laissant un passage sec, à l’image véritable du baptême par lequel nous traversons le cours de la vie.” Image symbolique qui parle du retournement encore invisible de la nature cosmique, du revirement de son ontologie. La bénédiction « de la nature 235 Paul Evdokimov, L’art de l’icône, DDB, p.244-247 8 juin 2017 748918657 105 sur 106 aquatique » sanctifie le principe même de la vie terrestre. C’est pourquoi, après la divine liturgie, a lieu la grande bénédiction des eaux (d’une rivière, d’une source ou tout simplement d’un récipient placé dans l’église). En parlant des eaux non sanctifiées, image de la mort-déluge, la liturgie les nomme “tombeau liquide” En effet, l’icône montre Jésus entrant dans les eaux comme dans le tombeau liquide. Celui-ci a la forme d’une caverne sombre (image iconographique de l’enfer) contenant tout le corps du Seigneur (image de l’enterrement, reproduite dans le sacrement du baptême par immersion totale, figure du triduum pascal), afin “d’arracher le chef de notre race au séjour ténébreux” Continuant le symbolisme anticipateur de la Nativité, I’icône de l’Épiphanie montre la prédescente du Christ aux enfers : « Étant descendu dans les eaux, il lia le fort”. Saint Jean Chrysostome commente : « L’immersion et l’émersion sont l’image de la descente aux enfers et de la résurrection. » Le Christ est représenté nu, il s’est habillé de la nudité adamique et ainsi il rend à l’humanité son vêtement paradisiaque de gloire. Pour montrer sa souveraine initiative, il est souvent représenté marchant ou faisant un pas vers saint Jean : c’est librement qu’il vient et incline la tête. Jean est effrayé : c’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et tu viens à moi,... Jésus lui ordonne : laisse faire. Jean étend sa main droite dans un geste rituel, dans la main gauche il tient un rouleau, texte de sa prédication. Les anges de l’Incarnation sont dans une attitude d’adoration, leurs mains couvertes en signe de vénération. Ils symbolisent aussi et illustrent la parole de saint Paul (Gal. 3, 27) : Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ... 8 juin 2017 748918657 106 sur 106