Epheta 29 - Catéchèse Biblique Symbolique

publicité
CATECHESE BIBLIQUE SYMBOLIQUE
Novembre 2001
LE MAL ET LE BAPTÊME
Sommaire
I. INTRODUCTION
7
A. Pourquoi il est si difficile d’aimer Dieu
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
« LE MAL » est à la fois une expérience et une question.
« LE MAL » : mort ou péché ?
Qu’est-ce qui relie la mort et le péché ?
Le péché d’Adam et Éve
Le péché originel
La réduction du Christ à Jésus
Le Mal est dans nos têtes
Reprise
B. Quelques questions entendues ?
1.
2.
3.
4.
7
7
7
7
8
9
10
10
11
12
Sur la relation entre Dieu et le Mal
Sur la tentation
Sur le diable ?
Sur la liberté
C. Répondre aux questions
12
12
12
12
12
1. « Comment un Dieu d’amour peut-il permettre la souffrance, la maladie et la guerre ? »
13
2. « Dieu a-t-il créé le Mal ?
13
3. « Quel est ce Dieu qui endurcit le coeur du Pharaon ? »
13
4. « Non, le diable n’existe pas ! » « Si, bien sûr, il existe ! »
15
5. « Le Fils de Dieu a-t-il pu être tenté par le diable ? »
15
6. Que penser du ne nous soumets pas à la tentation du Notre Père ?
16
7. Le diable est-il bien nécessaire à la foi ?
16
8. La liberté n’est-elle pas le cadeau empoisonné qu’un Dieu pervers agite pour nous punir ?
17
a)
b)
c)
d)
e)
f)
g)
h)
Un dualisme vécu en extériorité
La Loi est extérieure, elle multiplie les fautes.
Les deux voies de la Bible
Faute ou péché ?
L’erreur du moralisme
Une tête sans corps est un homme sans Dieu.
Pas de corps, pas d’amour !
L’individualisme
D. PRESENTATION DU DOSSIER DES PERES
17
17
18
18
18
18
19
19
19
L’intériorité
Ce Mal étrange qui nous habite
Le Salut
Baptême
Le Baptême de Jésus
La Pêche miraculeuse
20
20
20
20
21
21
II. DOSSIER : LE PRIMAT DE L’INTÉRIORITÉ
22
1.
2.
3.
4.
5.
6.
A. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).
8 juin 2017
22
748918657
1 sur 106
1. Le ciel intérieur.
22
B. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).
22
1. Le Maître intérieur qui illumine.
22
C. PSEUDO-MACAIRE (V°S)
23
1. L’âme imagine
III.
23
DOSSIER : CE MAL ÉTRANGE QUI NOUS HABITE
A. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).
24
24
1. Ces images qui nous attirent,
24
B. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).
24
1. Le mal est intérieur.
24
C. ORIGENE (III°s)
1.
2.
3.
4.
5.
25
La faim et la soif ne sont pas des péchés
La pulsion sexuelle n’est pas un péché
Garder la mesure
L’intempérance, semence de mal
Le diable exploite l’intempérance
D. SAINT BASILE DE CÉSARÉE (IV°s)
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Le diable, un ange qui « roule » pour lui.
Le diable n’est pas le Dieu du mal.
La nature du diable est la jalousie
Conscience salutaire
Le serpent, ce sont nos mauvaises habitudes
Le mirage de l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal
Cette nourriture conduit au vide
E. SAINT AELRED DE RIEVAULX (XII° s)
1.
2.
3.
4.
5.
La première impureté : naturelle
Impureté due à la faiblesse
Une vie pour remonter là-haut
Vers un cœur pur : l'ascèse des quarante jours
Quarante jours
F. ***SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE (IV°s)
1.
2.
3.
4.
5.
« Pourquoi Dieu laisse-t-il vivre les méchants ? »
Le mal ne vient pas de Dieu
Pourquoi les uns et pas les autres ?
L’endurcissement du Pharaon
Le bonheur des méchants ?
G. SAINT CÉSAIRE D’ARLES (VI°s)
H. **SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).
26
26
27
27
27
27
28
28
28
29
29
29
29
30
30
30
30
31
31
32
32
33
33
1. Ce mal moral : une force qui nous dépasse,
2. Nos deux manques actuels
3. La conséquence logique du péché d’Adam
IV.DOSSIER : LE SALUT
33
34
34
36
A. ORIGENE (III°s).
8 juin 2017
26
32
1. Le diable vient de Dieu
2. Le diable, une épreuve pour être libre
3. Croire !
1.
2.
3.
4.
25
25
25
25
26
36
De l’utilité de la malice humaine
Le témoignage de l’Écriture
Témoignage du Nouveau Testament
Sans diable, pas de liberté humaine
748918657
36
36
36
37
2 sur 106
B. SAINT AUGUSTIN (V°s) : Contre Pélage !
1. On peut résister au Mal.
2. L’erreur fatale est de penser l’homme sans Dieu
C. SAINT AUGUSTIN (V° s)
D. SAINT AELRED DE RIEVAULX (XII° s)
1. Dieu, force de Salut
2. Le paradoxe du Mystère pascal : la mort offerte apporte la vie
E. PSEUDO-MACAIRE (II°s)
39
39
39
40
40
1. Le péché rend aveugle
2. Je dis Dieu, et il existe pour moi.
40
41
F. SAINT AUGUSTIN (V°S)
41
1. Regarder Dieu et non soi-même
41
G. SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).
42
1. Le Christ, nourriture intérieure,
42
V. BAPTEME
43
A. ROMANOS LE MÉLODE (V°s).
43
Le Seigneur veut notre conversion
Seul le Juste peut sauver
Le peuple endurci ne comprend pas
L’arche fut un tombeau
B. SAINT JUSTIN (II°s)
43
43
43
44
44
1. Noé, figure du Christ
44
C. ORIGENE (III°s)
45
1. Du juste Noé au juste Jésus
2. L’arche et ses différents logements
3. Noé « le repos »
D. SAINT AUGUSTIN (V°s)
1.
2.
3.
4.
37
38
39
1. Nécessité de s’adresser à Dieu pour vaincre le péché.
1.
2.
3.
4.
37
45
45
46
46
Noé-Jésus ; l’arche-l’Église
Une croix allongée sur le sol
La porte ouverte
Les trois étages
46
47
47
47
E. SAINT CYRILLE DE JÉRUSALEM (IV°s)
1. Déluge, figure du Baptême
48
48
F. SAINT HILAIRE DE POITIERS (IV°S)
1. Le Christ, notre « repos »
2. La colombe de l'arche
48
48
49
G. SAINT AMBROISE DE MILAN (IV°s)
49
Un « témoignage » de l’Écriture
La colombe remplace le corbeau
Le sacrement du Salut
Le corbeau qui se nourrit des épaves
49
49
50
50
H. SAINT JEAN CHRYSOSTOME (IV°s)
50
1.
2.
3.
4.
1.
2.
3.
4.
« Je ne maudirai plus », dit Dieu.
Pourquoi se multiplier dans les épines de la vie ?
Que chacun puisse choisir Dieu
La patience de Dieu en vue du don de l’amour
I. SAINT MAXIME DE TURIN (V°s)
51
1. Le Déluge, figure du Carême
8 juin 2017
50
50
51
51
51
748918657
3 sur 106
2. Le Déluge, figure du Baptême
3. L’arche, c’est l’Église
51
52
J. SAINT EPHREM (V°s)
52
1. L’arc en ciel brille sur les eaux
52
K. TERTULLIEN (II°s).
1.
2.
3.
4.
54
L’imposition des mains
L’Esprit plane sur les eaux
La colombe
De l’eau au feu
54
54
54
54
VI.DOSSIER : LE BAPTÊME DE JÉSUS
A. Chromace d’AQUILÉE (V°S)
1.
2.
3.
4.
55
Le mystère de la Trinité
Le Baptême purifie
Le « ciel » s’ouvre
Josué figure le « Passeur » de la Terre Promise
B. MAXIME DE TURIN (V°s)
56
57
C. MAXIME DE TURIN (V°s)
57
1. Jean Baptiste est une voix en nous
D. SAINT AMBROISE DE MILAN (IV°s)
1. La Parole vient vers Jean
2. Le vêtement de Jean Baptiste
3. Sauterelles et miel sauvage
L’Esprit Saint a-t-il pris un corps ?
Était-ce une « vraie » colombe ?
Colombe et feu
Une évocation de la prière
L’efficacité de l’Esprit
Les yeux de la colombe
La colombe de Noé
DOSSIER : LA PÊCHE MIRACULEUSE
A. Maxime de Turin (V°s)
57
59
59
59
60
60
61
61
61
62
62
1. La pêche des apôtres
2. L’eau profonde
3. Le filet de la foi
62
62
62
B. ORIGÉNE (III°s)
63
1. Tout homme est un poisson sans liberté
2. La création au fond des eaux
C. TERTULLIEN (II°s)
VIII.
57
57
58
58
E. *** SAINT THOMAS D’AQUIN (XIII°s)
VII.
55
55
55
56
56
1. La Trinité est présente
2. Le Seigneur est une colombe
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
55
63
63
64
1. Nous, les petits poissons
64
PARTIE PÉDAGOGIQUE
65
A. La catéchèse des 4- 8 ans
65
B. CATECHESE A MINIMA POUR LE CYCLE III
66
C. Les séquences de ce dossier
66
8 juin 2017
748918657
4 sur 106
IX.LA SÉQUENCE DES 4 -7 ANS TRAVERSER L’EAU
A. ÉLÉMENTS THÉOLOGIQUES et patristiques
67
67
1. SAINT GREGOIRE DE NYSSE (IV°S) Au sortir de l'eau baptismale, laissons derrière nous
tous le bataillon des vices
67
a)
b)
c)
d)
La traversée de l’eau
Noyer nos mauvais diables
Tous plongés dans la même eau, pour noyer le mauvais levain
Le Baptême n’est pas une simple formule, mais un choix de vie
2. SAINT AUGUSTIN (V°S) Comment apaiser les tempêtes du cœur ?
a)
b)
c)
d)
e)
f)
Réveiller le Christ en nous
La barque de Pierre est l’Église
Tu sèmes le vent, tu récoltes la tempête
Fais mémoire de Lui
Le vent de la tentation
Être pacifié
67
67
68
68
68
68
69
69
69
69
69
B. ÉLÉMENTS PÉDAGOGIQUES
70
1. La traversée de la Mer
70
a)
b)
c)
d)
e)
Information
Un récit possible de la traversée de la Mer.
Création et apprentissage de l’histoire
Temps de parole et rapprochements multiples
Célébration et chant :
2. La tempête apaisée
a)
b)
c)
d)
70
70
71
71
71
72
Information : p. 48-49
Création pour mémoriser
Temps de parole et rapprochements
Célébration et chant
72
72
72
72
X. FICHE DES CE 2 TRAVERSER L’EAU
73
A. PÉDAGOGIE
1.
2.
3.
4.
5.
73
Première séance
Seconde séance
Troisième séance
Quatrième séance
Prière 76
74
74
75
75
XI.FICHE DES COURS MOYENS LE JEU DU BAPTÊME Nouvelle séquence n°13
77
A. INTRODUCTION
77
1. Objectifs
2. Une difficulté
77
77
B. déroulement
77
1. Première séance : information (en grand groupe)
2. Deuxième séance : mémoire et création (en équipe)
3. Troisième et quatrième séances : jeu d’équipe
a)
b)
c)
d)
e)
Construction du jeu.
Disposition initiale du jeu
Déroulement du jeu
Propositions pour l 'animation de la parole pendant le jeu
Rédaction des questions « rouges »
4. Cinquième séance : débat à trois ou quatre équipes
5. Célébration
a) Préparation
b) Déroulement
77
78
78
78
78
79
79
80
81
81
81
81
C. ANNEXE 1 La Pêche miraculeuse (d'après Lc 5)
81
D. ANNEXE 2
82
8 juin 2017
748918657
5 sur 106
XII.
FICHE DOUBLE POUR LES SIXIEMES
84
A. première partie : LE SCANDALE DU MAL
84
1. OBJECTIFS DE LA SÉQUENCE
84
a)
Les enfants au départ.
84
2. DÉROULEMENT DU TRAVAIL
a)
b)
c)
d)
e)
Première séance
Deuxième séance.
Troisième séance.
Quatrième séance.
Cinquième séance.
86
86
87
87
88
B. SECONDE PARTIE : LA CATÉCHÈSE DU SALUT
1.
2.
3.
4.
5.
XIII.
86
Première séance.
Deuxième séance.
Troisième séance.
Quatrième séance.
ANNEXE : une lecture possible d’Adam et Eve
POUR LES ADOS : TENTÉ AUSSI !
A. MEDITATION CATÉCHÉTIQUE
88
88
89
89
89
90
91
91
1. Dates liturgiques
2. Méditation
91
91
B. PREMIEREMENT SE POSER DES QUESTIONS SUR LE TEXTE
91
C. ENSUITE FAIRE DES RAPPROCHEMENTS BIBLIQUES
92
D. VERS LA CONFESSION DE FOI
94
1. Catéchèse du Baptême
2. Catéchèse des trois tentations
3. Remarque sur l’eau du Baptême
94
95
96
E. PEDAGOGIE
97
1. Une histoire à connaître : première séance
97
97
2. Une histoire bizarre : deuxième séance
3. Le jeu du désert : troisième séance
98
98
a)
b)
c)
d)
e)
Objectifs du jeu
Préparation du jeu :
Règle du jeu
Quelques conseils pour l’animation de la parole :
Quelques conseils pour l’animation du jeu
4. La célébration
5. LES CARTES
a)
b)
c)
d)
e)
f)
g)
8 juin 2017
97
a) L’icône du baptême de Jésus.
b) Les tentations au désert.
98
99
99
100
100
101
101
Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la première tentation
Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la deuxième tentation
Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la troisième tentation
Liste des cartes « vie du monde » qui se rapportent à l’une ou l’autre des tentations
Liste des cartes « vie quotidienne » qui se rapportent à l’une ou l’autre des tentations
Histoire d’une mystique célèbre
L’icône du Baptême de Jésus, ou de l’Épiphanie
748918657
101
102
102
103
103
104
105
6 sur 106
I.
A.
INTRODUCTION
Pourquoi il est si difficile d’aimer Dieu
Dieu est bon, il est le bien, il est l’amour, mais le Mal est partout. Alors ?
1.
« LE MAL » est à la fois une expérience et une question.

Le Mal est une expérience parce qu’il atteint nos corps et nous le subissons tous plus ou moins.
Nous sommes en effet tous « plongés » dans ce monde marqué par la mort et par le péché : ce
monde est notre monde à tous, pour le meilleur et pour le pire.

« Le Mal » est aussi une question si nous croyons en l’amour de Dieu, car si la vie humaine était
seulement « naturelle » ou animale, la question ne se poserait pas. Quand la loi de la jungle est
référée à la jungle, tout est normal, mais quand nous confessons un Dieu d’amour, alors l’illogisme
fondamental apparaît : comment Dieu - la bonté même - peut-il avoir créé le mal ? A cause de cette
absurdité, l’enfant de onze ans peut bouder la foi en objectant la guerre et le tremblement de terre.
Combien de personnes atteintes par « le mal » abandonnent l’Église : « ce Dieu qui m’a fait si mal
ne peut pas exister. »
2.
« LE MAL » : mort ou péché ?

Le Mal le plus évident est la mort. Entendre par « la mort », non seulement la fin de nos vies, mais
la limite du corps, sa fatigue, la souffrance et la maladie, le vieillissement, l’enfant handicapé... ce
qu’on appelle « la finitude » et qui relève de la biologie et de la physique. Nous sommes mortels :
voilà le mal le plus apparent, le plus intolérable, le mal normal qui bouscule notre affectivité. A
cette limite, il faut ajouter les contraintes du cosmos, les catastrophes naturelles : inondations,
intempéries, tremblements de terre... Tout cela, c’est la mort.

L’autre Mal est le péché qui se manifeste dans les relations humaines par l’égoïsme et la pollution,
la jalousie et la haine, le mensonge et le vol, l’injustice et la violence, le meurtre et la guerre. Ce
second Mal est lié à l’homme, il relève de nos décisions collectives et parfois de notre liberté
individuelle.
3.
Qu’est-ce qui relie la mort et le péché ?
Ce qui touche à la mort et à la finitude n’est pas le péché, les deux ordres sont heureusement disjoints. 1
Jésus est mort en d’atroces souffrances, et il n’était pas pécheur. Faire dépendre directement la
souffrance du péché serait une horreur inacceptable. Dieu serait utilisé comme lien entre la mort et le
péché, et il serait alors le « Dieu vengeur », un Dieu cynique qui punirait pour affirmer sa puissance.
En revanche, la peur de la mort - l’atteinte à l’intégrité du corps - fait surgir le péché. On s’en protége
sur le dos des autres. Le péché naît toujours d’un mauvais rapport à nos limites intimes, et se
développe à travers une mauvaise gestion de la mort commune. D’emblée le serpent souffle sur la
mort : Pas du tout, répond-il à la femme, vous ne mourrez pas ! Dieu sait que... (Gn 3,4). En clair,
8 juin 2017
748918657
7 sur 106
Dieu est bon, et vous n’avez aucune peur à avoir, il se charge de vous. Voici l’être humain, au nom de
l’amour de Dieu, dépossédé de sa mort, de son corps et de sa vérité d’existence. Tout est renvoyé à
Dieu, même ce qui nous constitue homme dans notre rapport aux autres, le corps. La négation du corps
mortel introduit une fracture dans la relation de l’homme à Dieu, où s’engouffre le péché. L’Alliance
est alors en danger, et l’Incarnation de Dieu n’a plus aucun sens.
4.
Le péché d’Adam et Éve
Quand le récit biblique de la « Chute » (Gn 3) est relu avec des lunettes qui ne sont pas bibliques,
approche ignorée de la tradition orale judéo-chrétienne, la Bible est alors saisie de travers. Le
jansénisme français comprend mal saint Augustin2. L’enfant que j’étais, héritier du jansénisme, croyait
que « nos premiers parents » avaient fait une grosse bêtise en mangeant le fruit de l’Arbre interdit3.
Dieu les avait alors punis et, avec eux, leurs milliards d’enfants à des milliers d’années de distance. En
entendant cela, j’éprouvais une très grande injustice.
Voilà comment une exégèse moralisante, nullement biblique, falsifia la Bible et la Révélation du Dieu
d’amour. Non, Adam ne fut pas un individu qui se promenait tout nu sous un pommier, Adam est
l’humanité mâle et femelle (Gn 1,27), le genre humain tout entier d’hier, d’aujourd’hui et de demain :
nous sommes autant Adam que les hommes préhistoriques. Non, Éve n’est pas la femme gourmande
qui a provoqué la catastrophe universelle, mais bien ce que Dieu tire de l’humanité, et façonne chaque
jour (Gn 2,22). Cette « femme » est reconnue par le monde entier comme l’os de nos os et la chair de
notre chair (Gn 2,23); n’est-elle pas la charpente spirituelle de notre monde4, l’âme du corps ? On
l’appelle aussi l’Église. Si nos premiers parents sont bien réels, c’est qu’ils sont toujours actuels mais
« intérieurs », ils constituent notre être profond. L’intériorité est une réalité peut-être plus réelle que la
matérialité. Du coup, le récit biblique se comprend autrement, non plus en extériorité mais selon
l’intelligence de la foi. Le serpent aussi se comprend ainsi. Le drame de la Genèse existe bien : Adam
et sa « femme » sont effectivement sortis du jardin ! Prenons conscience du rapport difficile que nous
entretenons à nous-mêmes. Regardons nous, méditons sur le jansénisme qui nous fut naturellement
transmis par nos parents !
Le jansénisme, en faisant dépendre la mort de la faute, a falsifié l’amour de Dieu. Pire encore, il a
rejeté la faute sur de lointains ancêtres, sur des gens qui ne nous font ni chaud ni froid. Dieu et ces
affreux coupables ne nous concernent pas, ils nous sont totalement extérieurs. Voilà comment une
exégèse faussement biblique, faite en totale extériorité, a fracturé l’Alliance, et muselé la Parole.
L’encyclique de Jean-Paul II « Fides et ratio » l’expose clairement : « Le problème du mal moral - la forme la plus
tragique du mal - est abordé dans la Bible : elle nous dit que le mal ne résulte pas de quelque déficience due à la matière,
mais qu'il est une blessure qui provient de ce qu'exprime de manière désordonnée la liberté humaine. »
2
Saint Augustin, homme qui vivait au tournant des IV° et V° siècle, n’avait pas nos connaissances historiques. Il devait à la
fois défendre la « vérité » du récit biblique contre les incroyants qui l’assimilaient à une fable dépourvue d’enracinement
charnel, et contre les sectaires qui limitaient le texte biblique à sa seule signification littérale.
3
Il était bien entendu que l’Arbre qui était au milieu du jardin était l’arbre interdit, celui de la « Connaissance du bien et du
mal », ce qui est faux. Le texte dit que l’Arbre planté au centre du jardin est l’Arbre de vie. D’ailleurs, Dieu qui veut la vie,
ne peut nous interdire d’en manger (Gn 2,9). En revanche, la femme (comprendre l’intériorité d’Adam) confond les deux
arbres et prend « l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal » (le libre arbitre) pour l’Arbre de Vie (Dieu qui est au
centre de notre jardin intérieur). En se prenant pour centre, la femme (notre intériorité féminine) se coupe de Dieu, et sort
du jardin. Elle aurait dû greffer sa vie sur Dieu, et non absolutiser sa propre liberté.
4
Sur le sens profond de l’image de l’os, cf. Ps 6, 3; 139,15. Et aussi la parole évangélique : Pas un os ne lui sera brisé (Jn
19,36), qui ne se comprend pleinement qu’au second degré : l’éthique de Jésus fut parfaite.
1
8 juin 2017
748918657
8 sur 106
5.
Le péché originel
Si Augustin inventa l’expression « péché originel », la réalité lui vient de la tradition et
particulièrement de saint Paul.

Aux Corinthiens, l’apôtre écrivait : La mort est venue par l’humain5, c’est par l’humain aussi que
vient la Résurrection des morts. De même en effet que tous meurent en l’Adam, tous aussi revivront
dans le Christ (1 Cor 15, 21-22).

Aux Romains, il disait : Par une seule humanité, le péché est entré dans le monde, et par le péché
la mort, et ainsi la mort est passée en tous les êtres humains, du fait que tous ont péché... en Adam,
figure6 de (l’humanité) qui doit venir (Rm 5,12-14).
Aux habitants de Corinthe, Paul, en bon juif qu’il est, ne dit pas « la mort est venue par un homme » au
sens d’un individu singulier, mais la mort est venue par « anthropos » qui est l’homme générique,
l’homme au sens de la nature humaine qui nous est commune. Il s’agit donc de « l’humain » au sens
large, traduction d’ailleurs confirmée par l’expression hébraïque « l’Adam »7 que l’auteur ajoute.
Aux habitants de Rome, l’Apôtre oppose encore les deux mêmes « humanités », les deux manières de
vivre le corps, l’humanité adamique et l’humanité christique. Si la première humanité était « seule »,
c’est qu’il n’en existait pas d’autre à l’origine : en elle, explicite Paul, tous sont morts et tous ont
péché. « Seule » ne signifie donc pas qu’Adam était le grand ancêtre dont nous serions les descendants,
mais que cette manière humaine de vivre, commune à nous tous, était la seule connue avant
l’Incarnation. Le qualificatif « seule » appelle la seconde humanité qui allait venir compléter la
première, l’humanité en Christ. Adam est la figure de (l’humanité) qui doit venir (5,14)... parmi nous et
bien sûr en nous. Aujourd’hui, les baptisés vivent de ces deux humanités :

celle d’Adam et Éve nos parents « premiers » qui pourraient être Dieu et la terre-mère, ou bien le
Père et l’âme humaine. Ces deux symboliques existent dans la Bible.

et celle du Christ et de l’Église (nos nouveaux parents).
Une tension existe entre l’ancienne humanité et la nouvelle reçue en Christ.
Si le Juif Paul ne réduisait pas Adam à un individu unique, Augustin le Romain le faisait, et d’autres
l’ont fait après lui. Le Juif voit d’emblée la solidarité entre les hommes, tandis que l’Occidental
commence par percevoir spontanément l’individu isolé, coupé des autres. Du coup, la Bible est mal
comprise, le sens est inversé, et l’amour en pâtit8.
Il n’y a pas d’article dans le grec puisqu’il s’agit du genre humain en général, de notre condition humaine. Le mot grec
« anthropos » traduit l’hébreu « Adam ». Ce qui ne veut pas dire pour autant que Paul méconnaît la dimension concrète et
corporelle de notre humanité.
6
Le mot « figure » traduit le grec « tupos » : le « type », l’image. Adam n’est pas considéré ici comme un être humain
singulier mais comme une figure de l’humanité.
7
L’hébreu met habituellement l’article sur le nom « Adam » pour le distinguer des noms propres.
8
La Bible affirme le monogénisme : d’après elle, nous descendons tous de la même souche, tous d’un unique Adam. Est-ce
une prise de position paléontologique ou éthique ? Les Juifs soulignent aujourd’hui encore l’importance de cette souche
commune : il n’y a qu’une seule race humaine. Personne et nulle part n’est supérieur aux autres. Les savants chrétiens
cherchent à prouver la souche unique par les découvertes de la paléonthologie qui situent actuellement le berceau de
l’humanité en Afrique australe. Les deux positions vont dans le même sens, mais le souci scientifique signifie-t-il une
volonté éthique ou simplement une preuve de la vérité textuelle de la Bible ? Et, d’ailleurs, si l’on découvrait une autre
origine à l’humanité, faudrait-il accepter la supériorité de certains humains sur d’autres ?
5
8 juin 2017
748918657
9 sur 106
6.
La réduction du Christ à Jésus
Quiconque confond Adam avec le grand ancêtre mythique, confond spontanément Jésus Christ avec
l’homme du passé. Ce n’est pas une étroitesse mentale, mais une manière spontanée de penser : on
perçoit l’élément avant la totalité parce que le recul manque. Cette structure mentale primaire réduit
l’Évangile à la vie de Jésus, individu d’autrefois. Certes, Jésus fait partie d’Adam, il était un véritable
homme de chair et de sang comme tout un chacun, mais il était solidaire de la condition humaine.
Comme tout le monde, il était la « brebis perdue », l’humanité perdue. La tradition biblique n’a jamais
considéré Jésus d’abord comme un individu isolé; l’individualisme n’est pas biblique.
En mettant Jésus à part, on le sépare des autres hommes, on le sort d’Adam, on fait voler en éclat la
dimension sacramentelle de l’existence chrétienne. L’aveuglement mental sur la solidarité première
entre tous les humains de la même humanité ôte à l’Incarnation et à l’Eucharistie qui la prolonge, leur
dimension commune de Salut. C’est en effet le « corps » que nous constituons ensemble, qui est appelé
à devenir le « corps du Christ ». Jésus est un membre éminent de ce corps puisqu’il en est la tête. Le
Christ du sacrement est infiniment plus que l’homme d’autrefois, puisque nous en faisons partie.
Quand Paul parle de « l’homme nouveau »9, il désigne d’abord la réalité eucharistique, et non un passé
fermé sur lui-même. En communiant au Corps du Christ, le baptisé devient ce corps gracié, divinisé,
appelé à « la Résurrection de la chair ».
7.
Le Mal est dans nos têtes
Une structure mentale spontanée semble ainsi nous couper du Christ et de sa grâce. Cette structure
mentale est comme l’inscription du Mal en nous parce qu’elle sclérose notre intelligence de l’amour.
C’est l’esprit qui est touché, si malade qu’il ne peut accueillir l’Esprit d’amour.

Le Mal est une question, mais une question mal posée est souvent une question sans réponse. Et
celle du Mal est effectivement « mal » posée parce qu’elle est formulée à travers une structure
mentale inadéquate. L’individu isolé qui se perçoit séparé des autres, ne peut répondre à la question
du Mal. Il peut s’opposer au Mal de toute sa volonté, mais, stoïque, il s’enferme en lui 10, et la
souffrance risque de l’enfermer un peu plus. La réponse ne peut se trouver que dans la solidarité de
toute l’humanité. C’est là que l’amour se manifeste.

La centration sur l’individu exacerbe la centration sur soi, et renforce l’égoïsme et la peur de la
mort. Jésus nous dit d’aimer le prochain comme soi-même (Mc 12,33). Mais le pouvons-nous ?

Qu’est-ce que le « péché originel » ?11 N’est-ce pas cela : une mauvaise intelligence d’emblée
active au coeur de l’homme, et non pas une erreur commise au commencement du monde. Le
péché originel serait une structure mentale commune, inscrite dans tout être humain et que l’Esprit
de la Bible récuse. L’esprit mauvais serait la manière naturelle de voir, regard qui sépare les
humains les uns des autres, et nous coupe de Celui qui désire tous nous unir dans son amour. Ou
bien l’amour est d’emblée présent dans la structure mentale, ou bien il n’y est pas.
Il ne semble pas être dans l’enfant. Celui-ci, tout affectif qu’il soit, ignore le don de soi; sa pensée
concrète le prouve : il est à l’extérieur de lui-même, il regarde les choses, les désire, fait des caprices
De « l’homme nouveau » (Ep 2,15; 4,24) : il faudrait plutôt dire « l’humanité nouvelle ».
Le stoïcisme grec a montré une magnifique attitude morale, mais qui a conduit au durcissement du coeur et au
pessimisme. Le volontarisme de cette morale grecque a permis un civisme admirable, mais il ignorait l’essentiel qui sauve :
l’amour universel : Athènes était le premier marché d’esclaves de toute la Méditerrannée.
9
10
11
Voir aussi Catéchèse et prière, ibid, p. 19.
8 juin 2017
748918657
10 sur 106
comme saint Augustin le remarquait déjà. L’enfant, en toute extériorité, s’attache aux choses, les
repère, les distingue, et questionne sur chacune : « Maman qu’est-ce que c’est ? Papa, qu’est-ce que
c’est ? ». Depuis saint Augustin (début V° siècle), on appelle « Péché originel » cet esprit concret et
affectif qui structure déjà la tête de l’enfant. Bien sûr, il ne faut voir là ni culpabilité, ni faute, ni même
responsabilité personnelle, puisqu’il s’agit d’une structure mentale associée à l’état de nature. Ce sera
la tâche de l’éducation chrétienne, et notamment de la catéchèse, de conduire l’enfant à l’intérieur de
lui-même12 où Dieu parle. Toute la pédagogie juive de la parole a cette fonction d’intériorisation.
8.
Reprise
Ainsi Dieu est bon, il est le bien, il est l’amour; pourtant, le Mal est partout. Pourquoi ? Nous pouvons
maintenant répondre à cette question : le Mal est partout parce qu’il est inscrit dans la structure mentale
spontanée de l’humanité adamique. C’est l’extérieur qui commande au détriment de l’intérieur (le
« coeur » biblique).
La catéchèse a pour mission de conduire l’esprit humain, étape par étape,13 de l’extérieur vers cet
intérieur, des choses du monde à la Parole de Dieu. Ce passage à l’intériorité de la foi correspond à une
modification profonde de la structure mentale originelle qui est appelée à s’orienter vers les coeurs et
non à rester fixée sur l’apparence. L’accès à l’amour de Dieu est à ce prix. A cause d’une telle finalité
qui touche à la structure mentale, la catéchèse ne peut se limiter à transmettre des savoirs religieux, ce
qui ne ferait qu’ajouter de l’extériorité à l’extériorité.
Si la catéchèse était seulement informative, la Bible et la liturgie, importées de l’extérieur, seraient
saisies dans la structure mentale du premier Adam. Elles seraient entendues sans résonance intérieure,
captées comme des « choses », comme des savoirs du monde, apprises comme des connaissances
historiques, religieuses, ou morales... à la manière « naturelle » de l’esprit enfantin. Les Juifs euxmêmes le savent : en Moïse, aidés par leur tradition orale (Talmud), ils cultivent le Livre dans la parole
et le débat permanent.
Ainsi, la catéchèse ne recherche pas d’abord la transmission de savoirs, mais vise l’inverse, elle
conduit l’enfant vers la résonance, et ce trajet d’intériorisation demande du temps14. La catéchèse ne
veut pas fabriquer des savants, mais plutôt des « écoutants » qui « disent Dieu ». Des enfants qui
seraient seulement savants ne pourraient pas écouter la Parole. Nous en rencontrons parfois : ils savent
ou croient savoir, et restent dehors. Ces enfants, piégés par leur structure mentale positive que nul ne
fait bouger, risquent de rester longtemps hors de l’Alliance, sourds à la Parole.
Seule, une modification profonde des structures mentales originelles permet de lire la Bible autrement,
de parler différemment les Écritures, le monde, les autres et Dieu. Un autre esprit - la capacité
symbolique - permet de creuser la surface des choses, de faire quitter à Jésus le passé des morts. Même
si nous avons connu le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus ainsi à présent (2 Cor 5,16).
Aujourd’hui, le Vivant nous propose d’être son Corps en étant intérieurement l’Église15.
Éduquer signifie « faire sortir de ». Faire sortir de quoi ? Paradoxalement : de l’extériorité et des caprices qui y sont
associés !
13
C’est en ce sens que nous disons que l’amour de Dieu est « intellectuel ». Peut-être faudrait-il dire plutôt « spirituel »,
mais le qualificatif « intellectuel » fait causer, il est donc plus pédagogique quand on recherche la parole.
14
Catéchèse veut dire « résonance ».
15
Dans la Confession de foi chrétienne, l’Église est toujours associée à la troisième personne de la sainte Trinité, à l’Esprit
Saint. « Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Église catholique » ou, « Je crois en l’Esprit Saint... je crois en l’Église. » Le
Symbole de Nicée-Constantinople, plus encore que le Symbole des Apôtres (catéchèse romaine) insiste sur l’intériorité de
l’Église : « je crois en l’Église. » Je dois entrer en moi pour entendre le Christ et vivre l’Église.
12
8 juin 2017
748918657
11 sur 106
Intérieurement suppose un esprit neuf qui s’appelle « l’intelligence de la foi » et nous encourage à
offrir nos corps en Hostie vivante, sainte, agréable à Dieu (Rm 12,1). La catéchèse, en modifiant les
structures mentales, permet aux enfants, aux adolescents et aux adultes, l’écoute de la Parole et
l’apprentissage du Salut et de l’Église.
Mais modifier la structure mentale, n’est-ce pas ce que font les sectes quand elles aliènent la liberté ?
La catéchèse fait l’inverse, elle s’oppose au conditionnement extérieur, elle communique la liberté en
sollicitant la critique des savoirs et en faisant goûter la résonance de la Parole divine qui rend libre. La
vérité de l’amour allége le poids du dehors. Mon joug est léger dit Jésus (Mt 11,30). La liberté n’est
plus aliénée, elle est libérée par l’amour reçu d’en haut.
Avant de passer au dossier des Pères, il nous faut encore préciser les questions que posent
habituellement les animateurs de catéchèse et tenter d’y répondre
B.
Quelques questions entendues ?
1.
Sur la relation entre Dieu et le Mal
« Comment un Dieu d’amour peut-il permettre la souffrance, la maladie et la guerre ? »
« Dieu a-t-il créé le Mal ? N’a-t-il pas dit : « Je façonne la lumière et crée les ténèbres, je fais le bien et
crée le mal. C’est moi, le Seigneur, qui fais tout cela ! » (Is 45,7).
« Quel est ce Dieu qui endurcit le coeur du Pharaon ? »
2.
Sur la tentation
« Peut-on penser que Jésus ait pu être tenté. N’est-il pas le Fils de Dieu ? »
« Jésus fut un homme comme nous, n’a-t-il pas les mêmes désirs que nous ? »
« Que penser de la traduction française du Notre Père : ne nous soumets pas à la tentation ? »
3.
Sur le diable ?
« Matthieu 4,1 dit que Jésus fut conduit au désert par l’Esprit Saint pour être tenté par le diable. Drôle
d’Esprit Saint qui joue l’entremetteur entre Jésus et Satan ? »
« Le diable existe-t-il, n’est-ce pas une invention des sectes ? »
« Si Dieu existe, le diable n’existe-t-il pas nécessairement ? »
4.
Sur la liberté
« La liberté n’est-elle pas le cadeau empoisonné qu’un Dieu pervers agite pour nous punir ? »
C.
Répondre aux questions
Avant de répondre à une question, il convient de se demander à quel niveau de parole la question est
posée. C’est ce que nous allons essayer de faire.
8 juin 2017
748918657
12 sur 106
1.
« Comment un Dieu d’amour peut-il permettre la souffrance, la maladie et la
guerre ? »
La question exprime au moins un illogisme puisque l’image de l’amour heurte l’idée de la souffrance.
Si la question déplore du dehors une contradiction logique, elle s’énonce sur le seul plan de la logique
formelle (dans le « vert »). Ce « vert » formel justifie peut-être ou tente de justifier un athéisme en
recherche d’arguments. A ce niveau de réflexion et de parole, Dieu est réduit à l’idée que l’on s’en
fait... du dehors. Nous sommes alors enfermés dans la discussion d’idées.
La question peut venir aussi d’une souffrance personnelle qui a remis en cause une foi d’enfant. La
question s’enracine dans le coeur, prend de la profondeur. Elle est alors de l’ordre de l’expérience, et
énonce un « rouge » existentiel. Si c’est cela, aucune information extérieure, ni aucune logique
formelle, ne peut répondre à ce niveau d’interrogation. Seul Dieu peut agir... et la prière.
2.
« Dieu a-t-il créé le Mal ?
N’a-t-il pas dit : Je façonne la lumière et crée16 les ténèbres, je fais le bien et crée le mal. C’est moi, le
Seigneur, qui fais tout cela ! (Is 45,7).
Cette question diffère de la précédente parce qu’elle est posée par quelqu’un qui lit la Bible. Le lecteur
demande une explication sur un texte jugé à juste titre inacceptable. C’est vrai : Dieu ne peut pas être
ce diable. Pourtant, la Bible le dit. La parole critique a donc sa raison d’être, la question est « rouge »
mais l’émoi que produit le texte vient de la foi et non de la vie. Toute la différence est là. La Bible est
en question et non plus la foi. Dieu n’est pas touché, mais le texte. Il faut donc comprendre la raison du
texte, et non pas prendre au pied de la « lettre » ce que dit le prophète.
L’analyse du contexte est éclairant puisque Dieu lui-même s’explique : « puisque vous m’ignorez,
semble-t-il dire, puisque je ne suis rien à vos yeux, probablement une idée sans consistance, je vais agir
et vous montrer que tout est néant sauf moi » (Is 45,6). Autrement dit « comme vous ne prenez pas la
Révélation au sérieux, je m’en dégage ». Que ne ferait pas le Créateur pour sauver sa créature : même
proférer des menaces. En fait, Dieu rappelle le premier principe de la Bible, que la vie vient de Lui et
de Lui seul. Tout le reste est néant. Se couper de Dieu, c’est mourir, c’est cultiver en soi les ténèbres et
le Mal. Que Dieu se retire, et voilà l’homme plongé dans la nuit noire. Ainsi chante le psalmiste : Tu
caches ta face, ils s’épouvantent (Ps 104,29); mais il chante aussi : Tu ouvres la main et rassasie tout
vivant à plaisir (Ps 145,16). Ces deux chants peuvent éclairer du dedans et dans la foi le « rouge »
produit par le texte.17 Ce « rouge », éclairé et discuté, peut être alors reconstruit de l’intérieur.
3.
« Quel est ce Dieu qui endurcit le coeur du Pharaon ? »
Cette nouvelle question ressemble à la précédente. C’est encore le texte biblique qui n’est pas
conforme à la foi : Dieu dit à Moïse : Rends-toi chez Pharaon, car c’est Moi qui les ai fait s’entêter lui
et ses courtisans (Ex 10,1). La Bible ne fonctionne pas comme un texte publicitaire destiné à justifier
l’idée, tout compte fait normale, d’un Dieu d’amour. La Bible peut même malmener Dieu, comme si
elle refusait une publicité trop facile (du « bleu » apologétique), elle préfère aborder la question de
Dieu à partir d’une énormité qu’elle lâche sans rougir. La finalité pédagogique du texte biblique n’est
16
Le verbe hébreu « créer », deux fois répété, est employé à contre-sens par rapport au texte de Genèse 1. Dans ce récit
essentiel, les ténèbres ne sont d’ailleurs pas créées mais voilent seulement l’abîme. On retrouve la même provocation en
Amos 4, 13 : c’est le Seigneur qui change l’aurore en ténèbres
17
Procédure : « rouge-vert-jaune ».
8 juin 2017
748918657
13 sur 106
donc pas de justifier les idées que tout le monde a sur Dieu, mais de faire réfléchir chacun sur une
information que la foi refuse18. Le récit biblique commence par produire du « rouge » sur Dieu : ce
Dieu est-il pervers ? Mais la Bible ne s’arrête pas à cette affirmation irrecevable. Le pavé lâché dans la
marre, elle poursuit : afin d’accomplir au milieu d’eux des prodiges. Pour que tu puisses raconter...
afin que vous sachiez que JE SUIS le Seigneur (Ex 10, 2). Si Dieu endurcit le coeur du Pharaon c’est
pour que des miracles divins soient racontés. Le paradigme de la pédagogie biblique est un récit où
Dieu se comporte étrangement, et ce récit doit être raconté, sans doute pour être discuté. Nous
sommes dans une pédagogie de la parole.
Un fait divers se raconte facilement, et peut aussi se prouver. Un fait divin doit se raconter mais il ne
peut pas être prouvé. Le fait divers est au dehors, le fait divin est au dedans. Une expérience de Dieu
commence par être dite dans le récit biblique. Celui-ci, éclairé par l’Esprit, devient alors Parole de
Dieu. Sans récit, pas de Parole de Dieu. Sans Esprit non-plus.19
Comment amorcer une parole d’intériorité ? Le questionnement critique (rouge) a précisément la
fonction de faire creuser le texte. Du coup, la parole échangée sur le récit biblique est une parole
référée à l’expérience spirituelle et non aux choses du dehors. Le texte étrange fait parler du Dieu
vivant et ne s’évapore pas dans l’idée générale, il s’ancre dans la foi de chacun. Par la parole des uns et
des autres, la Bible est introduite dans le registre de la parole : on l’appelle alors « Parole de Dieu » et
non plus texte. Comme la conversation sollicitée par le récit biblique n’est pas fixée à l’extérieur, en
parlant de Dieu, elle quitte le registre anecdotique du fait divers. Voilà chacun renvoyé à sa propre
intériorité, à sa vérité de vie, à son expérience de Dieu, à sa foi. La parole humaine s’enracine dans
l’être, dans l’Être qui est au fond de l’être : pour que tu puisses raconter... afin que vous sachiez que
JE SUIS le Seigneur.
L’Église le sait qui réfère la sortie d’Égypte à la catéchèse baptismale (1 Cor 10,1-4) et à la liturgie
pascale. Le samedi saint, nous nous souvenons du « Pharaon d’Égypte » qui fut noyé le jour de notre
baptême, avec ses chars et ses chevaux, avec toute son armée de diables. Voilà le prodige divin
qu’accomplit la puissance de Dieu : notre propre libération, notre sortie d’Égypte. L’expression
traditionnelle « d’Égypte intérieure » a été récemment rappelée par Annick de Souzenelle. Le SatanPharaon, qui fait de nous des esclaves, est une puissance redoutable, mais Dieu est encore plus fort.
« Je crois au Dieu tout-puissant, Créateur... »
Comme pour la question précédente, le « rouge » pédagogique de la Bible suppose un débat sur le récit.
Mais cette « homélie »20 ne peut déboucher qu’éclairée par d’autres textes bibliques (« vert ») qui
alimentent le débat et permettent la reconstruction (« jaune »). Ces « perches vertes » peuvent être la
suite du texte étrange de l’Exode, des passages de la Bible tirés de la catéchèse baptismale ou de notre
propre méditation.
Tandis que le « rouge » existentiel, qui vient des souffrances de la vie, réduit en poussières les belles
idées sur Dieu, le « rouge » (la question critique) qui vient de la Bible permet, s’il est convenablement
animé, de sortir des généralités (le dieu des philosophes) et de parler du Vivant de la Bible et de ses
prodiges. Seuls ces prodiges spirituels peuvent contrebalancer « la mort ».
18
Cette information contredit la foi, mais correspond peut-être à une réalité.
Nous ne pouvons aller au Père que par l’action conjuguée du Fils (qui se voit au dehors) et de l’Esprit (qui éclaire la
chair du dedans).
20
Homélie traduit le terme grec « homilia » qui signifie conversation et qui renvoie à la « deracha » araméenne.
19
8 juin 2017
748918657
14 sur 106
4.
« Non, le diable n’existe pas ! » « Si, bien sûr, il existe ! »
Dans l’animation des groupes, quand ces questions arrivent, elles se présentent souvent comme des
affirmations tranchées. Telle personne quitte la salle en pleurs parce qu’elle entend du groupe que le
diable existe. Telle autre défend « bec et ongles » l’existence du diable. La dimension affective est
souvent forte quand le Malin habite la parole.
Des raisons opposées peuvent justifier le refus du diable :

La peur des sectes sataniques qui font de Satan un « dieu du mal » inverse de celui « du bien ».
Derrière cette peur (« rouge » existentiel), se profile la crainte des pratiques magiques qui vont de
l’appel aux esprits dont nos adolescents raffolent, jusqu’à la sorcellerie. Le dualisme logique
(« vert ») est assorti d’expériences, et la forte affectivité que véhicule la question du diable
s’explique bien. Notons que le dualisme n’est pas directement en cause mais plutôt ses
conséquences existentielles.

Le diable est parfois refusé au profit d’une catéchèse de l’amour : « on ne parle jamais assez de
l’amour de Dieu aux enfants ». Dans cette phrase, c’est la foi qui s’exprime mais nullement le
combat spirituel... comme si l’amour divin était seulement un sentiment (voire un mot) qu’il fallait
aimer. Le désir du croyant est de communiquer directement sa foi affective à l’enfant sans passer
par la descente en soi ni l’affrontement avec la Parole : désir de la mère qui veut nourrir21. Dans
cette perspective (un « bleu » affectif), tout dualisme a disparu : ni dualisme, ni résistance non plus,
ni même conversion. La publicité d’une idéologie a pris la place de Dieu : l’ange de lumière n’est-il
pas diabolique ?
5.
« Le Fils de Dieu a-t-il pu être tenté par le diable ? »
Pour bien des gens, « tentation » et « mal » sont synonymes. Ainsi la tentation serait-elle un désir
mauvais, et ce désir est déjà le Mal. Cette position est d’ailleurs justifiée par la phrase de Jésus :
quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son coeur l’adultère avec elle (Mt
5,28) ? Jésus fut un coeur pur et le coeur pur (Mt 5,8) n’a pas de désir mauvais, Nous entendons cela.
La distinction des « niveaux de parole » est ici utile. Ou bien l’on se situe comme l’enfant dans une
logique purement abstraite (parole, niveau « vert »), ou bien l’on parle de l’expérience du désir (parole,
niveau critique « rouge »). La tentation touche en effet au désir, elle renvoie bien à l’expérience adulte
du désir sexuel que l’on refuse au coeur pur que fut Jésus. Mais si le « Sacré Coeur » était ainsi « pur »
a-t-il pu être tenté, ou bien était-il totalement asexué et insensible ? La question se pose alors dans le
« rouge existentiel » c’est-à-dire dans l’humanité charnelle, et pas dans la pure logique mécanique :
Jésus était totalement homme, il avait bien un corps.
L’amour de Dieu est, à juste titre, qualifié « d’intellectuel ». Dieu est spirituel : à la différence de
l’amour animal, son amour anime l’esprit, lui fait concevoir mentalement un bon projet. Ainsi Jésus
était-il touché au plus profond de lui-même par le malheur des autres. Sans aucun paternalisme, il
« prenait pitié ». Dés qu’il a vu le lépreux, saint François d’Assise a aussitôt conçu le projet de
l’embrasser. L’amour divin vient de l’esprit qui oriente l’affectivité vers l’oeuvre bonne.
Quand, sur le Mont des Béatitudes, le Seigneur s’écrie : Quiconque regarde une femme pour la désirer
a déjà commis dans son coeur l’adultère avec elle, il évoque là aussi un projet de l’intelligence.
L’esprit humain est mauvais parce qu’il conçoit intellectuellement des choses mauvaises.
21
C’est le thème biblique du « lait » destiné aux enfants (1 Cor 3,2; Hé 5,12).
8 juin 2017
748918657
15 sur 106
Mais, comme dit Origène, « le diable n’est pas la cause de la faim ni de la soif, il ne l’est pas non plus
du désir sexuel »22. Le péché provient de ce que l’esprit humain imagine pour combler les manques de
son corps, pour éteindre ses besoins charnels.
L’esprit de Jésus était tout imprégné de l’Esprit d’amour, et malgré son corps sexué, il n’a conçu aucun
projet d’adultère. Peut-on dire alors que le fils de Marie a été tenté ? Si la tentation est l’épreuve du
manque, le cri du besoin23 : oui, il a été tenté. Mais si la tentation est l’élaboration d’un scénario
mauvais qui lèse autrui, alors non, il n’a pas été tenté. Jésus avait bien un corps, mais son esprit était
illuminé par l’amour de Dieu, il a toujours dit « non » à la tentation : son esprit n’imaginait pas le
péché, il n’a pas succombé à la tentation.
6.
Que penser du ne nous soumets pas à la tentation du Notre Père ?
Si soumettre à la tentation signifie « ne pas être tenté », la traduction est évidemment mauvaise. Mais
si la phrase veut dire « sombrer dans la tentation », la traduction devient acceptable. Certes, elle prête à
confusion pour ceux qui confondent Mal et tentation, le Tentateur et sa réussite. Le récit des tentations
de Jésus au désert (Mt 4) nous invite à approfondir la fonction du diable.
7.
Le diable est-il bien nécessaire à la foi ?
« Avec tout ce que l’on raconte sur le diable, faut-il encore en parler aux enfants ? » Oui mais si nous
n’en parlons pas aux enfants, eux nous en parleront. L’image du diable fait partie de la culture, elle est
passée dans le langage courant, et nous n’en sommes pas maîtres. Les publicités s’en emparent. Si
l’enfant lit « Tintin au Tibet » (p.22), il imagine aussitôt le dialogue entre le diable et l’ange divin. Si
l’enfant va à la messe, le premier dimanche de carême, il entend le récit des tentations de Jésus au
désert. L’image du diable, si dérangeante, voire si dangereuse soit-elle, vient de la Bible, et nous ne
pouvons pas la passer sous silence.
Le diable est spontanément associé à Dieu. On entend des réflexions du genre : « si Dieu existe, le
diable aussi ». La logique dualiste enfantine (« vert ») fait du diable un autre dieu, bien que la foi
chrétienne infirme cette perception manichéenne : « Je crois en un seul Dieu » et non pas en ou plutôt à
plusieurs. 24
Que dit Matthieu au début de son récit : Jésus fut conduit au désert par l’Esprit Saint pour être tenté
par le diable (Mt 4,1). C’est étrange : l’Esprit Saint semble jouer le rôle d’un entremetteur entre Jésus
et Satan, il semble pousser Jésus dans les bras du diable. On retrouve le thème pédagogique du « Dieu
pervers » (« rouge » du texte). Non seulement Jésus est tenté par le diable, mais Dieu lui-même
organise cette tentation.
La tentation est l’épreuve du combat spirituel. Le « premier Adam » qui nous habite, et qui habitait
Jésus au même titre que nous, a tendance à dire « oui » au Serpent. Jésus de Nazareth lui a dit « non »,
et ce « Second Adam » qui nous habite aussi nous pousse à dire « non ». Les deux Adam se chamaillent
22
Dossier, texte II,C.
A moins que Jésus n’ait pas eu un corps semblable au nôtre. Ainsi, il n’aurait pas eu faim, ni ressenti d’émotions, il aurait
fait semblant de pleurer devant la mort de son ami Lazare... Ce que pensaient les gnostiques de l’antiquité; ils le savaient :
Jésus est un « vrai Dieu » et un « faux homme ». Certes, dans le récit des Tentations au désert, on lit Jésus jeûna quarante
jours et quarante nuits, et après il eut faim : quel estomac d’acier ! Les gnostiques jubilent : ce n’était pas un vrai homme.
La preuve !
24
La perception manichéenne se fait en extériorité : du coup, je crois « à ». La foi « en » évoque une intériorité mutuelle :
« en » Dieu qui est en moi », « en » Dieu qui m’unifie.
23
8 juin 2017
748918657
16 sur 106
en nous.
Jésus Christ résiste au diable en nous comme il a su le faire durant sa vie terrestre. Pourquoi Dieu n’at-il pas carrément supprimé l’horrible démon ? Pourquoi laisser agir cette affreuse créature ? Sans elle,
tout aurait été si simple : le diable disparu, nous aurions pu aimer Dieu sans limite et sans difficulté.
Oui, mais la limaille de fer aime l’aimant et ne peut plus s’en distinguer. Oui, mais la guêpe adore la
confiture, et ne peut plus s’en décoller.
La difficulté vient de l’origine de l’amour. La Charité que notre esprit conçoit vient de Dieu. Nous
sommes donc liés au Créateur, et notre liberté est compromise; non seulement notre liberté, notre
personnalité propre aussi.
L’ange diabolique divise, il crée une séparation entre Dieu et nous. Cette coupure est bénéfique car elle
nous évite d’être collé à Dieu25. Grâce au diable, nous pouvons bénéficier de la puissance d’Amour
sans pour autant disparaître. Dieu n’est pour nous ni l’aimant dévoreur de limaille, ni la confiture où
l’on étouffe. Notre personnalité est respectée parce que notre liberté n’est pas supprimée. Par la
résistance qu’il oppose en nous à l’amour, le diable garantit notre liberté.
8.
La liberté n’est-elle pas le cadeau empoisonné qu’un Dieu pervers agite pour nous
punir ?
Enfant, on m’avait dit que Dieu nous a fait le cadeau de la liberté afin que nous puissions choisir le
bien et refuser le mal. Cette affirmation m’a toujours gêné sans que je sache au juste pourquoi. Les
« niveaux de parole » vont nous aider à y voir plus clair.
a)
Un dualisme vécu en extériorité
Pour la morale, deux pôles antinomiques organisent la vie : le bien et le mal. C’est de la logique, c’est
du « vert ». Ces deux pôles son immédiatement repérables (« bleu ») : le bien est manifesté par la Loi et
le mal par la transgression de cette Loi. L’univers mental de l’approche morale est le « bleu-vert »
concret et logique, c’est l’approche de l’enfant qui réduit le « péché » à la « faute ».
b)
La Loi est extérieure, elle multiplie les fautes.
Mais en fait, le bien et le mal ne sont pas deux réalités extérieures à moi, posées en face de moi. Le
texte de Loi ne fait que manifester en extériorité ce que je vais vivre à son ombre, mais qui vient de
moi, soit le bien si je le respecte, soit le mal si je le transgresse. Mes fautes viennent de moi, même si
j’imagine que la Loi en est la cause. En fait le texte de Loi permet d’introduire une relecture en bien et
en mal de mes actions. Comme dit Paul, la Loi est intervenue, pour que se multipliât la faute
(Rm 5,20) ou encore quand la règle est arrivée, le péché a pris vie (Rm 7,8). C’est la règle écrite qui
permet de dire « ceci est bien » ou « ceci est mal ». Sans le règlement, il y aurait aveuglement ; sans un
texte fixé, aucune faute ni aucun péché ne seraient perçus, nos actions ne seraient ni bonnes ni
mauvaises, elles seraient neutres. Nous serions des animaux. C’est l’interdiction qui rend le Mal
visible, et l’on pourrait penser qu’interdire l’interdiction serait une planche de salut. En fait, la Loi
révèle, mais ne sauve pas, elle se contente de mettre au jour un dysfonctionnement (Cf. Rm 7,8). Tout
En langue hébraïque, la Création est une coupure. Le verbe hébreu « créer » se dit « bara » et l’Alliance « berit » : c’est la
même racine mise à la forme intensive. Dieu crée l’homme en se séparant d’abord de lui pour que l’homme existe en tant
que tel. Puis il revient à la créature de se tourner vers son Créateur, et de lui réclamer la vie de l’intérieur, l’amour divin. La
liberté n’est donc pas aliénée par Dieu parce que l’acte de Création est double : Dieu coupe puis l’homme demande à être
relié. La « bérit » hébraïque est bien intensive.
25
8 juin 2017
748918657
17 sur 106
Juif qu’il est, Paul s’adresse à des Romains à l’esprit juridique pour qui, même la Loi de Moïse, est
extérieure. On pourrait dire la même chose des « Béatitudes ».
c)
Les deux voies de la Bible
Quand la Bible (Dt 30,15 ss et Ps 1,1) et l’Évangile (Mt 7,13-14) parlent de « deux voies », ils évitent
l’extériorité logique du monde mental « bleu-vert ». Les « deux voies » sont deux directions inverses,
l’une qui mène à la mort et l’autre à la vie. La direction est un choix intime d’ordre existentiel
(« rouge »), un choix de coeur26. Il n’y a aucun dualisme logique dans la présentation biblique car le
chemin de la foi n’est pas une chose fixe, mais la longue route de la vie dont l’orientation varie au
cours du voyage. Le choix de l’orientation vient bien de l’intérieur. Ce n’est plus du « bleu-vert », mais
du « rouge-jaune » existentiel.
d)
Faute ou péché ?
Pour la Bible, le mal n’est pas une réalité « en soi », c’est une absence de Dieu en nous, un manque
d’amour jamais comblé. Je peux être un parfait honnête homme et ne pas aimer les autres comme Dieu
aime, je suis alors pécheur. Je ne commets aucune faute, je suis quand même pécheur car l’amour de
Dieu ne m’imprègne pas totalement. Faute et péché ne se recouvrent pas, ils ne sont pas synonymes. La
faute est une transgression de la règle extérieure, le péché est ce manque d’amour qui me rend toujours
débiteur de Dieu. Dans la foi, je reconnais en moi ce manque d’amour, je me reconnais pécheur même
si je ne commets aucune faute : je peux toujours me donner plus aux autres.
e)
L’erreur du moralisme
Pour le moralisme athée qui a envahi la foi chrétienne quand la Bible fut réduite27 à une Histoire Sainte
du passé, l’esprit s’est détaché du corps pour s’attacher à la science. Le corps devint lui aussi objet de
science, et non plus lieu du sens. Quand la raison occulte la mort, les catégories logiques reprennent le
dessus. La raison morale s’identifie au règlement, et l’amour s’appauvrit en « contrat social ». Si je suis
le règlement, je suis parfait. L’autre ne m’intéresse pas, même si je respecte son territoire. Humanité
sans corps, je deviens un homme sans voisin, individualiste, égoïste, légaliste. Je suis fort, j’ai la loi
avec moi, la règle pour bien, et la règle pour Dieu. Le « rouge-jaune » biblique disparaît, le « bleuvert » rationaliste et païen réapparaît.
f)
Une tête sans corps est un homme sans Dieu.
Dans le rationalisme moral, la règle se confond avec la raison, et ma raison devient ma règle absolue.
Le rationalisme n’a pas besoin de Dieu. La Loi lui sert de dieu, mais ce dieu n’est pas le Seigneur de
l’Alliance, il n’est pas l’Esprit qui veut descendre en moi communiquer l’amour à mon esprit (Cf.
Rm 8,16). Le Dieu vivant est mis à mort ! Pourquoi aurais-je besoin de Dieu si la règle me comble ? Et
pourquoi la règle me suffit-elle ? Parce que ni le corps fragile ni la mort commune ne me posent
question, mon esprit est occupé ailleurs. Ma tête savante a réponse à tout. Tête sans corps, je n’ai nul
Le Talmud de Babylone (berakot 61a) à partir d’un jeu de mots sur Gn 2,7, qui dit que Dieu « forma » (yetser) Adam,
qu’il existe deux penchants (yetser) dans l’être humain le yetser tov (penchant au bien) et le yetser har’a (penchant au mal).
Ces deux penchants sont bien intérieurs à l’être humain et ils sont tous les deux importants. Sans le penchant au mal
(l’affectif ou la libido ?), nous ne pourrions plus nous relier aux autres, mais le yetser tov doit commander. Encore une fois,
pas de dualisme dans le Judaïsme.
26
8 juin 2017
748918657
18 sur 106
besoin de Dieu, parce que mon corps ne parle plus. Au mieux, m’imaginant chrétien, je dis aux passifs
qui m’entourent cette formule passe-partout : « aide-toi et le ciel t’aidera ». Je crois à ce ciel anonyme
qui ne me fait ni chaud ni froid. Je peux, à la limite, imaginer une vie éternelle pour mon âme, mais je
ris de la « résurrection de la chair ». Je n’en ai que faire : j’ai une grosse tête, mais je n’ai pas de corps !
g)
Pas de corps, pas d’amour !
L’absence de corps conduit à l’absence d’amour. Quand je me fatigue pour les autres, quand je donne
de mon temps, quand je partage, quand j’offre ma vie charnelle, je deviens une hostie vivante, sainte,
agréable à Dieu (Rm 12,1), j’aime alors de l’amour même de Dieu. Sans le corps, comment pourrais-je
aimer ? Les autres autour de moi sont des esprits, voire des fantômes. Je peux parler d’amour mais je
ne peux en vivre. Un amour sans corps est un amour sans poids, un amour en idée, un amour faux.
Sans le corps, Dieu ne pourrait pas nous donner sa vie pour que nous en vivions les uns les autres.
h)
L’individualisme
Dans le rationalisme, où le corps mortel est seulement vécu comme une contrainte, plus l’homme se
coupe des autres, plus il est libre. La liberté est l’autonomie, voire l’indépendance absolue. En
mécanique, quand aucune force ne s’applique sur le point matériel inerte, il est « libre ». Le rationaliste
aussi. Dans ces conditions, « l’Enfer, c’est les autres »... et Dieu c’est le diable. En effet, dans cette
philosophie, moins Dieu est là, plus l’homme est libre.
La Bible révèle l’inverse : plus je m’unis aux autres, plus je suis capable d’aimer, et plus je suis libre.
Et pourquoi serais-je libre ? Parce que la liberté, c’est l’amour que Dieu donne. D’où le cri de saint
Augustin adressé au moine Pélage : « La liberté, c’est Dieu ».
Le volontariste Pélage plaçait la liberté du côté de l’homme et la grâce du côté de Dieu. Le Créateur et
la créature n’avaient plus aucun point commun, ils se gênaient plutôt l’un l’autre. C’était tout l’inverse
de l’Alliance biblique ! Quand la liberté se réduit au choix cérébral d’une règle, si cette libre contrainte
est le don que Dieu me fait pour que je choisisse le bien et refuse le mal, alors ce cadeau qui me juge,
ne peut provenir que d’un Dieu pervers.
D.
PRESENTATION DU DOSSIER DES PERES
Six chapitres scandent ce dossier :
1. L’intériorité
2. Ce Mal étrange qui nous habite
3. Le Salut
4. Baptême
5. Le Baptême de Jésus
6. La Pêche miraculeuse
27
En fait, le monde mental a changé à la Renaissance. Le retour aux Grecs, qui fait son apparition au XIII° siècle, conduisit
peu à peu à l’abandon des catégories mentales bibliques et au redéploiement de l’humanisme hellène et du rationalisme
moral.
8 juin 2017
748918657
19 sur 106
1.
L’intériorité
Le Mal commence lorsqu’on situe Dieu dans l’espace extérieur, quand on l’imagine hors de l’homme.
La Bible fustige l’idolâtrie, cette adoration de dieux extérieurs, de dieux étrangers. Saint Augustin
situe le ciel en nous (I,A), c’est en ce ciel que la lumière de l’Esprit vient nous illuminer28, cierge
pascal, lumière baptismale (I,B). C’est aussi en ce ciel intérieur que les images bibliques référées à
l’Image du Dieu invisible, sont éclairées, nous rendant capables d’imaginer les scénarios inspirés par
l’amour (I,C).
2.
Ce Mal étrange qui nous habite
Les images du monde nous attirent (II,A) Quelle est cette étrange attirance qui nous attache à
l’extérieur29, et pourtant qui nous vient du dedans (II,B) ? Comme si l’on éprouvait un manque ou bien
une peur (II,C). Ayons conscience de ce péché si inscrit en nous qu’il est devenu « habitude », méfionsnous du diable qui fait miroiter des images dans le vide (II,D). Le péché (originel) nous est transmis
dans le berceau du monde, nos actes l’actualisent, et notre faiblesse le constate (II,E). Les idées de
Dieu ne sont pas les nôtres, et nous sommes souvent choqués par le spectacle d’un monde injuste que
la Bible souligne (II,F). La tentation, qui nous vient dans l’épreuve, nous incite à choisir. Mais n’ayons
rien à craindre : là où le péché abonde, la grâce surabonde (Rm 5,20). Alors, croyons ! (II,G). Nous
voilà entraînés malgré nous dans un combat qui nous dépasse dans l’état de péché où nous sommes
tous tombés, mais le Seigneur est avec nous (II,H).
3.
Le Salut
Heureux diable qui nous permet de choisir Dieu et le Salut : toute l’Écriture en témoigne (III,A). Même
tombés et faibles, nous pouvons quand même résister au Mal en demandant son aide à Dieu : la prière
nous introduit dans le Salut (III,B et C). Non seulement la prière, mais aussi le don de soi. Paradoxe du
Mystère pascal : le Christ en nous offre sa mort et nous bénéficions de sa vie (III,D). Mais qu’il est
difficile de voir ce chemin de Salut que je proclame pourtant (III,E), et que je devine quand je
recherche le visage de Dieu (III,F), quand je mange la Parole faite chair (III,G).
4.
Baptême
Comme au jour de Noé, le monde est plongé dans les eaux de la mort, et « le Juste » nous propose son
arche, elle ressemble à un tombeau, mais de ce tombeau, nous ressuscitons (IV,A). Noé est une figure
du Christ (IV,B). Chacun a sa place dans l’arche de Noé qui nous conduit au repos de l’amour (IV,C).
L’arche est l’Église dont la porte a été ouverte sur le monde (IV,D). Du récit du Déluge, nous
comprenons notre Baptême (IV,E), et la colombe de Noé vole vers nous pour habiter en nous (IV,F).La
colombe nous fait « retourner », mais le corbeau reste dehors dans la mort (IV,G). Un jour, fini le
Déluge de mort, finies les épines, seul restera l’amour (IV,H). Quarante jours de Déluge, quarante jours
de carême qui nous conduisent à Pâques (IV,I). Alors l’arc en ciel brille sur les eaux de la mort (IV,J).
Le Père impose ses mains sur les baptisés, la colombe plane sur les eaux qui deviennent « feu » dans
les coeurs tout brûlants d’amour (IV,K).
Dans l’antiquité, le Baptême se nommait « l’illumination », et les baptisés des « illuminés ». Qualificatif pas facile à
porter.
28
29
Catéchèse et prière, Equipe Cana – Liège, Editions Publi-Art 2000
8 juin 2017
748918657
20 sur 106
5.
Le Baptême de Jésus
L’histoire de Josué l’annonçait : Jésus, le nouveau Josué, passe le Jourdain, le ciel s’ouvre et la Trinité
se révèle (V,A). La colombe vole (V,B). Jean Baptiste est une voix en nous (V,C). Méditons sur ce
Baptiste, sur ses vêtements et sur sa nourriture (V,D). Méditons sur l’Esprit Saint et l’antique colombe
(V,E).
6.
La Pêche miraculeuse
Les apôtres ont jeté dans les eaux profondes du monde le grand filet de la foi (VI,A). Tout être humain
est un poisson prisonnier de ces eaux de mort (VI,B), mais les baptisés, petits poissons de Dieu, sont
appelés à naître de ces eaux de mort, bonnes malgré tout car, en elles, nous apprenons à aimer (VI,C).
8 juin 2017
748918657
21 sur 106
II. DOSSIER : LE PRIMAT DE L’INTÉRIORITÉ
A.
SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 30
1.
Le ciel intérieur.
Commençons à comprendre toute la vérité de la parole écrite par l'autorité divine de n'appeler
personne notre maître sur la terre, parce que le seul Maître de tous est au ciel (Mt 23,10)
Mais ce que veut dire « au ciel » ? Il nous l'enseignera lui-même, lui qui nous fait donner par les
hommes l'avertissement des signes à l’extérieur, afin que nous retournant à l’intérieur vers lui31, nous
recevions ses leçons. Son amour et sa connaissance constituent la vie heureuse, cette vie que tous
affirment chercher, mais combien peu se réjouissent de l'avoir vraiment trouvée.
B.
SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 32
1.
Le Maître intérieur qui illumine.
Mais au sujet de toutes les réalités dont nous avons l'intelligence, ce n'est pas une parole qui résonne au
dehors, c'est la Vérité33 qui préside intérieurement à l'esprit lui-même que nous consultons, avertis
peut-être par les mots pour consulter la Vérité34. Or Celui que nous consultons est celui qui enseigne,
le Christ dont il est dit qu'il habite dans l'homme intérieur, c'est-à-dire la Sagesse de Dieu immuable et
éternelle; c'est elle que consulte toute âme raisonnable; mais elle ne s'ouvre à chacune que selon sa
capacité, en raison de sa volonté bonne ou mauvaise35.
Et si parfois l'une se trompe, ce n'est pas la faute de la Vérité consultée, comme ce n'est pas la faute de
la lumière extérieure si nos yeux corporels se trompent souvent, lumière dont nous disons bien que
nous la consultons au sujet des choses visibles, pour qu'elle nous les montre dans la mesure où nous
sommes capables de les voir.
30
Le Maître, E.A.N°6, p.153
Nous entrons dans l’anthropologie biblique : le « ciel » est en nous. Jésus monte au « ciel » en montant en nous « à la
droite de Dieu », selon une formule du Symbole que l’évêque d’Hippone faisait apprendre à ses catécumènes. Le « ciel »
biblique n’est pas à confondre avec les nuages ni avec la stratosphère. Ainsi, ne cherchons pas Dieu ni le mal au dehors de
nous, mais cherchons Jésus-Christ en nous.
32
Le Maître, E.A.N°6, p.137
33
Les réalités intérieures (les « dogmes) s’inscrivent dans la Vérité. « Qu’ est-ce que la « Vérité » ? » demandait Pilate à
Jésus. Le Seigneur ne répondit pas : il se trouvait en face du procurateur romain. Comment ce haut fonctionnaire aurait-il pu
imaginer de l’extérieur que ce Juif était lui-même la Vérité incarnée ? Comment un homme du peuple comme Jésus aurait-il
pu être assimilé à la Sagesse divine ? C’était vrai pour Pilate. n’est-ce pas vrai pour tout le monde ?
34
Le s mots sont dehors, la Vérité habite en nous. Le mot ne dit rien par lui-même, il parle par ce qui anime la parole.
Autrement dit, il faut briser l’écorce du texte (rouge) pour accéder à la lumière (jaune existentiel).
35
Le péché empêche de comprendre, il rend aveugle et inintelligent selon le point de vue de la logique divine de l’amour.
L’intelligence intérieure s’acquiert peu à peu. Alors le mal recule...
31
8 juin 2017
748918657
22 sur 106
C.
PSEUDO-MACAIRE (V°S)36
1.
L’âme imagine
Si l'esprit des pécheurs qui gisent dans leurs ténèbres, si leurs pensées peuvent si aisément quitter le
corps, s'en aller loin de lui et gagner en rien de temps de lointaines contrées, si le corps est souvent rivé
à la terre, tandis que le cœur s'envole en d'autres régions, vers celui ou celle qu'il aime et croit vivre làbas, si, dis-je, l'âme du pécheur est mobile et légère au point d'abolir les distances, que dire de l'âme37 ?
La puissance de l'Esprit-Saint a déchiré son voile de ténèbres, ses yeux morts ont été illuminés par la
clarté du « ciel »; elle a été délivrée de toutes les passions qui l'ont déshonorée, purifiée par la grâce;
entière dans les cieux, elle sert dans l'Esprit le Seigneur, et entière dans la chair, elle le sert encore. Par
la pensée, elle s'élargit au point d'être partout, au point de servir le Christ où et quand il lui plaît.
36
Les chemins vers Dieu, Lettres chrétiennes N°11, p.160
D’une âme qui conserve les mêmes capacités imaginatives mais les oriente selon l’éclairage donné par l’Esprit-Saint. Les
images bibliques sont essentielles en catéchèse.
37
8 juin 2017
748918657
23 sur 106
III. DOSSIER : CE MAL ÉTRANGE QUI NOUS HABITE
A.
SAINT AUGUSTIN (fin IV°s). 38
1.
Ces images qui nous attirent,
La volonté n'est sollicitée à un acte quelconque que par une représentation; et, si chacun a le pouvoir de
choisir ce qu'il prend ou rejette, il n'a nullement le pouvoir de déterminer la représentation qui le
frapperait. I1 faut donc le reconnaître, l'âme est frappée par des représentations, soit supérieures soit
inférieures, de sorte que le sujet raisonnable prend des unes et des autres ce qu'il veut; et la
conséquence du mérite de ce choix, c'est ou le malheur ou le bonheur.39
Ainsi, dans le Paradis, il y avait comme représentations, du côté supérieur, le commandement de Dieu,
du côté inférieur, la suggestion du serpent (Gn 3, 1-5); car ni ce que le Seigneur lui prescrirait ni ce que
le serpent lui suggérerait n'était au pouvoir de l'homme.
Mais à quel point il était libre de résister aux représentations inférieures de la séduction, à quel point il
était affranchi de tous les liens de la difficulté, cet homme établi dans la pleine santé de la sagesse ? On
peut le comprendre du seul fait que les sots eux-mêmes triomphent de ces attraits quand ils se
disposent à passer à la sagesse, alors même qu’il leur est pénible de se priver de la douceur
empoisonnée de leurs funestes habitudes.
B.
SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).40
1.
Le mal est intérieur.
Est-ce la passion qui est le mal dans l'adultère ? Mais toi, tandis que tu cherches le mal à l'extérieur,
dans le fait lui-même qui peut déjà être constaté, tu te trouves dans une impasse. Un exemple pour te
faire comprendre que c'est la passion qui est le mal dans l’adultère : un homme qui n'a pas trouvé le
moyen de coucher avec la femme d'autrui, mais dont on sait pertinemment, d'une façon ou d'une autre,
38
Le Libre Arbitre, E.A.N°6, p.523-524.
La Bible voit le coeur de l’homme tapissé d’images. L’imaginaire est comme la paroi des coeurs. Les images ne sont pas
passives, elles sont affectives et touchent donc aux choix personnels de l’être humain. Cette association intime de l’image et
de l’affect introduit la vie intérieure et le combat spirituel. Certaines images sont néfastes et tournent l’homme vers
l’extérieur; d’autres sont fastes et orientent l’homme vers Dieu. Aux premières, correspond l’idolâtrie; aux secondes, la
prière biblique. D’où l’importance des images et des récits bibliques en catéchèse. L’affectivité s’en nourrit, et la parole les
interprète.
40
Augustin, avant même sa conversion, discute avec les manichéens. Qui sont-ils ? Des gens positifs qui sont totalement en
extériorité. Pour eux, Dieu et le Mal sont des entités extérieures qui sont comme deux « dieux » se faisant continuellement
la guerre. Dieu et le Mal sont comme deux principes antinomiques qui sont répandus dans la nature, et qui poussent l’être
humain dans un sens ou dans l’autre. Dans cette conception dualiste et mécanique du bien et du mal, l’homme n’a pas de
liberté : il est tiré dans un sens ou dans un autre selon les événements. L’homme ne décide rien, il est conditionné par ces
« dieux » dont il est l’incessante marionnette. Depuis notre petite enfance, nous sommes naturellement « manichéens »,
persuadés d’être tiraillés entre deux forces contradictoires. C’est logique, et l’adolescent conserve très souvent encore cette
logique extérieure, où le Diable est le « dieu du mal » opposé à un « dieu du bien ». Ainsi, comme les manichéens, nous
situons Dieu et le diable dans un « espace » situé au dessus de nous, le domaine « surnaturel ». On voit combien le
manichéïsme est une structure mentale naturelle de l’être humain, que la Révélation biblique combat en affirmant le
monothéïsme. Cette structure mentale commande la pensée, elle rend peu efficaces les discours qui ne la remettent pas en
question. En revanche, les chocs de la vie mortelle (ce que nous appelons « le rouge existentiel ») font avancer vers Dieu.
La « mort » est souvent le chemin de la solidatité des coeurs et de l’amour divin.
39
8 juin 2017
748918657
24 sur 106
qu'il désire coucher et qu'il le ferait si la possibilité lui en était donnée, cet homme n'est pas moins
coupable que s'il était pris en flagrant délit41.
C.
ORIGENE (III°s)42
1.
La faim et la soif ne sont pas des péchés
Faut-il penser que c'est le diable qui est en nous la cause de la faim et de la soif ? Personne, à mon avis,
n'oserait affirmer cela. S'il n'est pas pour nous la cause de la faim et de la soif, qu'en est-il quand
chacun, avançant en âge, parvient au temps de la virilité et est livré aux stimulations qu'excite l'ardeur
de la nature ?
2.
La pulsion sexuelle n’est pas un péché
Il est logique sans aucun doute de dire que, de même que le diable n'est pas la cause de la faim et de la
soif, il ne l'est pas non plus des impulsions qu'apporte naturellement l'âge adulte, c'est-à-dire du désir
de rechercher l'union sexuelle. Il est certain assurément que ce n'est pas toujours le diable qui soulève
une telle cause : autrement on pourrait penser que si le diable n'existait pas, les corps n'éprouveraient
pas le désir d'une telle union.
3.
Garder la mesure
Si, comme cela a été montré plus haut, l'appétit de nourriture qu'ont les hommes ne vient pas du diable
mais d'une tendance naturelle, poussons notre réflexion plus loin : pourrait-il se faire, si le diable
n'existait pas, que l'expérience humaine s'imposerait en ce qui concerne la nourriture assez de
discipline pour ne jamais dépasser du tout la mesure, c'est-à-dire pour ne pas en prendre autrement que
la situation ne le demande, ni davantage que la raison ne le permet, et pour qu'il n'arrive jamais aux
hommes de pécher en ce qui concerne la quantité et la mesure de nourriture qui est à garder ?
4.
L’intempérance, semence de mal
Quant à moi je ne pense pas que, même s'il n'y avait pas d'incitation du diable pour provoquer
l'homme, elles puissent être si bien gardées qu'en prenant de la nourriture personne ne dépasse la
mesure et la discipline, avant de l'avoir appris d'une longue habitude et d'une grande expérience. Qu'en
est-il donc ? En matière de nourriture et de boisson, il nous serait possible de pécher même sans y être
incités par le diable, simplement parce que nous serions insuffisamment tempérants et attentifs; dans le
désir de 1'union sexuelle et le gouvernement des tendances de la nature faut-il penser que nous ne
subirions rien de semblable ? Je crois que l'on peut appliquer le même raisonnement à tous les autres
mouvements naturels, qu'il s'agisse de la cupidité, de la colère ou de la tristesse, et absolument de tout
ce qui, par le vice de l'intempérance, dépasse la proportion et la mesure qu'impose la nature.
Le désir mal orienté est déjà péché. Ce n’est pas l’acte lui-même qui est péché mais bien le désir vicié. Le péché vient
d’un affect mal orienté par l’esprit et la volonté.
42
Traité des Principes III, p. 159 ss
41
8 juin 2017
748918657
25 sur 106
5.
Le diable exploite l’intempérance
La raison en est claire : en ce qui concerne le bien, le propos humain à lui tout seul est insuffisant pour
l'accomplir — c'est l'aide divine qui mène toute chose a sa perfection—; de même, en ce qui concerne
son opposé, nous recevons le début et pour ainsi dire la semence du péché de ce que nous utilisons
naturellement. Si nous nous y complaisons plus qu'il ne faut et si nous ne résistons pas aux premiers
mouvements d'intempérance, alors la puissance ennemie, prenant occasion de ce premier manquement,
nous excite et nous presse, s'efforçant de toute manière de multiplier à profusion les péchés : c'est nous,
les hommes, qui fournissons les occasions et les débuts des péchés, mais ce sont les puissances
ennemies qui les propagent en long et en large et, si cela peut se faire, sans aucune limite.
D.
SAINT BASILE DE CÉSARÉE (IV°s)43
1.
Le diable, un ange qui « roule » pour lui.
Vient à présent, selon la progression de la réflexion, la question du diable44. D'où vient le diable, si les
maux ne viennent pas de Dieu ? Que dire ? Que pour notre recherche sur lui, la même raison que nous
avons donnée à la présence du vice dans les hommes nous suffit. Pourquoi l'homme est-il mauvais ? A
cause de son propre choix. Pourquoi le diable est-il mauvais ? Pour la même raison : il possède lui
aussi une vie dotée du libre arbitre, et détient le pouvoir soit de rester au service de Dieu soit de
s'éloigner du bien. Gabriel est un ange, et il est resté sans discontinuer auprès de Dieu. Satan est un
ange, et il est tombé complètement de son propre rang. Son propre choix a conservé le premier dans les
hauteurs, et le libre arbitre de sa volonté a fait tomber le second. Le premier [Gabriel] pouvait aussi se
dévoyer, et le second [Satan] ne pas tomber. Mais l'insatiabilité de son amour pour Dieu a sauvé le
premier, tandis que son éloignement de Dieu a désigné l'autre à l'opprobre. Tel est le mal : le fait d'être
éloigné de Dieu45.
2.
Le diable n’est pas le Dieu du mal.
Une petite rotation de l'œil fait que nous sommes soit au soleil, soit dans l'ombre de notre corps; ainsi,
celui qui a levé les yeux se trouve en pleine lumière, celui qui se penche vers l'ombre se trouve
nécessairement plongé dans les ténèbres. De même, le diable est mauvais, parce qu'il tire le mal de sa
volonté46, et non parce qu'il serait par nature l'antithèse du bien47.
43
Dieu et le mal. Les Pères dans la foi, N°69, p.56-57
Le mot « diable » vient du grec, il signifie « celui qui divise ». Cette division est double : séparation d’avec Dieu et
fracture sociale. Le mot grec « Satan » désigne plutôt l’Adversaire du combat spirituel.
45
Cette définition biblique est essentielle, elle dépasse infiniment l’existence morale. Le mal est le fait d’installer sa vie
dans « l’horizontal », de parler le monde sans le référer à une « verticalité, à une « transcendance », de n’accepter que le
monde visible à l’exclusion de la Réalité invisible, de chercher la logique de la vie dans la science et non dans la méditation
de la Parole intérieure, de ne savoir parler l’existence humaine que dans le « bleu-vert ». Telle est la langue du serpent qui
épouse la terre, et qui en a plein la gorge (Gn 3). La morale n’empêche pas le péché, si c’est une morale sans Dieu.
L’humanisme athée est une impasse.
46
Le mal c’est se couper de Dieu, source de toute lumière ? le mal n’existe pas en soi. Dieu n’a pas pu créer un mal qui
n’existe pas comme tel.
47
Ceci, contre la logique manichéenne.
44
8 juin 2017
748918657
26 sur 106
3.
La nature du diable est la jalousie
D'où vient donc sa guerre contre nous ? Comme il est le réceptacle de toute iniquité, il a reçu aussi la
maladie de la jalousie48, et il nous a envié l'honneur qui nous est fait. Il n'a pas supporté la vie que nous
menions au paradis, exempte de tout chagrin. Il a totalement abusé l'homme par ses ruses et ses
machinations, il a utilisé pour le tromper le désir de l'homme d'être semblable à Dieu, il lui a montré
« l'arbre » et a promis que celui qui le mangerait deviendrait semblable à Dieu. En effet, dit-il, si vous
en mangez, vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal (Gn 3, 5).
Il n'a donc pas été constitué comme notre ennemi, mais il en est venu à nous considérer comme des
ennemis par jalousie envers nous. Se voyant lui-même rejeté d'entre les anges, il n'a pas supporté de
voir l'homme fait de terre élevé progressivement à la dignité des anges.
4.
Conscience salutaire
Puisqu'il est devenu notre ennemi, Dieu a sauvegardé en nous une opposition contre lui, c'est pourquoi
il a dit au serpent qui l'a assisté, reportant sur le diable ses menaces : Je poserai une inimitié entre toi et
sa semence (Gn 3, 15). En effet, le commerce avec le Malin est réellement nuisible, car la loi de
l'amitié49 existe par une certaine ressemblance en ceux qui sont unis. C'est pourquoi il est écrit à juste
titre : Les relations mauvaises détruisent les mœurs honnêtes (1 Co 15, 33).
5.
Le serpent, ce sont nos mauvaises habitudes
Dans les lieux propices aux maladies, l'air respiré peu à peu dépose chez ceux qui les habitent une
maladie latente50; de la même façon, l'habitude de ce qui est vil introduit de grands maux dans les
âmes, même si ce qui est funeste échappe à la perception immédiate. Pour cette raison, l'aversion pour
le serpent est irréconciliable51. Mais si l'instrument 52est digne d'une telle haine, combien devons-nous
haïr celui qui manie cet instrument53 ?
6.
Le mirage de l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal
Mais pourquoi, dit l'impie, y avait-il au paradis « l'arbre » par lequel le diable devait réussir son attaque
contre nous ? Car si l'amorce de la ruse n'avait pas existé, comment nous aurait-il conduits à la mort
par notre désobéissance 54 ? C'est qu'il fallait qu'il y eût un commandement pour éprouver notre
obéissance. Pour cette raison, il y avait une plante porteuse de beaux fruits afin que, en nous abstenant
Le principe du « mal » est le fait de se comparer aux autres (du « vert »), au lieu de se référer à Dieu d’où naissent toutes
les vocations. Mais le « vert » est une parole nécessaire pour appréhender les choses. Vu de l’extérieur, l’être humain peut
être pris pour une chose mais, reconnu de l’intérieur, il devient « Image de Dieu ». Une parole « bleu-vert » demeure dans
les apparences, une parole « rouge-vert-jaune » se redresse vers Dieu. La parole critique (« rouge ») introduit dans la
verticalité de l’existence humaine (sens de l’existence). Le diable, en revanche est une « langue » qui prend tout au pied de
la « lettre »... L’intégrisme religieux et les sectes font de même... Du coup, les mots de la foi sont « sacralisés » et
deviennent des idoles qui justifient la violence religieuse.
49
L’ami n’est pas jaloux, sa langue n’est pas celle réductrice du serpent.
50
La maladie de jalousie est naturelle : le jeune enfant se compare très vite aux autres. Cette maladie est si « normale »
qu’on ne la voit pas.
51
L’intolérance face au Mal doit être totale; on ne négocie pas avec ce qui tue Dieu en nous.
52
L’instrument, autrement dit la créature qu’est le serpent, « moteur » qui communique à la langue et à la parole cette
mystérieuse jalousie.
53
En nous.
54
Seule l’épreuve et la tentation qui y est liée nous placent dans une situation de vérité : la vie ou la mort, Dieu ou rien (Ps
1).
48
8 juin 2017
748918657
27 sur 106
du plaisir, nous montrions la beauté de la tempérance et méritions justement les couronnes réservées à
la persévérance55.
7.
Cette nourriture conduit au vide
Mais l'ingestion du fruit n'eut pas seulement pour conséquence la transgression du commandement,
mais la connaissance de la nudité : Ils mangèrent, dit l'Ecriture, leurs yeux s'ouvrirent et ils connurent
qu'ils étaient nus (Gn 3,7).56
E.
SAINT AELRED DE RIEVAULX (XII° s)57
1.
La première impureté : naturelle
Il y a plusieurs sortes d'impuretés. L'une provient de la nature, une autre de la volonté, une autre encore
de la faiblesse.
L'impureté de nature58 est celle qui nous vient en naissant et qui fait dire à saint Job : Nul n'est pur de
souillure, pas même l'enfant qui n'a qu'un seul jour de vie sur la terre (Jb 14,4). C'est pourquoi David
dit : J'ai été conçu dans l'iniquité, ma mère m'a conçu dans le péché (Ps 51,7). Saint Job avait en vue
cette impureté quand il a dit : Qui peut faire que soit pur ce qui a été conçu à partir d'un germe59
impur (Jb 14,4). A cause de cette impureté, tous les êtres humains, à leur naissance, sont fils de la
géhenne, fils de colère (Ep 2,3). C'est en raison de cette impureté que, sous l'ancienne Loi, il y avait la
circoncision qui purifiait l'homme de l'impureté60, parce qu'elle symbolisait la foi en notre Seigneur
Jésus-Christ61. A elle seule, cette impureté était suffisante pour vouer l'être humain à la damnation.
Mais qui n'a encore ajouté une autre impureté, celle qui provient de la volonté personnelle ?62 A propos
de cette impureté, l'Écriture dit : Il n'y a pas sur terre de juste qui fasse le bien et ne pèche pas
(Qo 7,20). Si déjà le juste en rajoute à l'impureté de nature, combien plus les adultères, les fornicateurs,
les homicides et les voleurs ! Et cependant, tous sont purifiés de ces impuretés par le Baptême puis par
la pénitence, et cela le huitième jour63, dans la foi en la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ.
L’Arbre de la Vie, l’autre arbre, n’est pas placé sur le même plan que celui du « savoir », il est invisible, ne s’impose pas
et doit se chercher. Cette invisibilité est l’inverse d’un mirage que l’on voit mais qui n’existe pas. L’Arbre de la Vie est
invisible mais existe. Dieu est au centre de notre « jardin » intérieur, on ne le voit pas, on ne sait rien de lui, mais il parle à
celui qui l’écoute.
56
La conséquence fut bien un « savoir », et quel savoir ! celui du vide, la prise de conscience désagréable de n’être rien.
Dieu est tout ! Hors de Lui, c’est le néant ! « Ils connurent qu’ils étaient... nuls ».
57
Sermons pour l’année, Pain de Citeaux N°11, p.100-102.
58
Ce qu’on appelle « le Péché Originel ».
59
Le diable est la mauvaise graine, l’ivraie dans le champ des relations humaines où nous naissons (Mt 13). Les parents
transmettent à leurs enfants le péché originel, sans le vouloir, par leurs comportements spontanés, parce qu’ils ne sont pas
des saints.
60
La Loi mettait des limites à l’impureté naturelle de l’homme. Pour les Juifs, la circoncision qui fut donnée à Abraham (Gn
17), anticipe et résume à elle-seule, les Dix Paroles de Dieu.
61
Seul le Christ est sauveur, seul il est capable de circoncire les coeurs. La circoncision tient sa valeur de Celui qui a été
circoncis « le huitième jour », et dont le coeur était totalement pur (Lc 2). Pour nous, le rite juif a bien une valeur mais qui
se fonde dans le Mystère pascal de Jésus Christ. En Jésus Christ, la femme, symbole de l’intériorité, peut, elle-aussi, être
circoncise.
62
La seconde étape est le péché personnel qui confirme la précédente.
63
Le « huitième jour », celui de la circonscision de Jésus, évoque la Résurrection (Cf. le récit de Thomas, en Jn 20). Le
chiffre « huit », qui est au delà du chiffre 7 de la semaine terrestre, évoque la vie divine. Le « huitième jour » est la
transcendance de chaque jour. Certains baptistères du Moyen-Age étaient octogonaux.
55
8 juin 2017
748918657
28 sur 106
2.
Impureté due à la faiblesse
Il y a encore une impureté, celle qui provient de la faiblesse. L'Apôtre dit à son sujet : je vois dans mes
membres une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit et m'enchaîne à la loi du péché qui est
dans mes membres (Rm 7,23). Qui donc, frères, peut se glorifier de ne pas avoir cette impureté en luimême (Pr 20,9) ? De là, viennent les mauvais désirs et les mauvais plaisirs, les mouvements
désordonnés de nos membres, les pensées vaines et les divagations du cœur humain.
3.
Une vie pour remonter là-haut
Voyez frères, déjà vous êtes purifiés des impuretés graves, des vices détestables. Tels des fils circoncis
« le huitième jour »64, vos œuvres sont purifiées. Pouvez-vous pour autant entrer aussitôt dans le
Temple, je veux dire celui d'en haut, celui qui est dans la Jérusalem céleste (Ga 4,26) ? Qui peut, tant
qu'il demeure en cette chair, entrer dans ce Temple ? Je passerai, dit David, dans le lieu de la tente
admirable, jusqu'à la demeure de Dieu (Ps 42,5). On pourrait penser qu'il a dit cela pour le futur, pour
après la mort, mais écoute ce qui suit : Pourquoi es-tu triste, ô mon âme, pourquoi me troubles-tu (Ps
42,6). Pourquoi son âme était-elle triste sinon parce qu'elle était redescendue du Temple vers ellemême, où elle avait retrouvé la misère et la souffrance ? Écoutez quelqu'un d'autre, qui demeurait sans
cesse dans ce Temple : notre vie se trouve dans les cieux (Ph 3,20). Ainsi donc, frères, ce n'est pas
aussitôt après avoir été purifiés de nos péchés, grâce au Baptême ou à la Confession, que nous pouvons
monter dans ce Temple. Pourquoi cela ? Certainement à cause de certaines impuretés qui nous suivent.
4.
Vers un cœur pur : l'ascèse des quarante jours
En effet, qui peut se glorifier d'avoir un cœur pur ?65 De fait, lorsque nous voulons élever notre cœur
vers le haut et que nous nous efforçons de pouvoir monter vers ce Temple, toutes sortes de pensées
arrivent en notre cœur, qui proviennent des fautes que nous avons commises et des vanités que nous
avons suivies; elles ne sont pas encore effacées de notre mémoire et elles entraînent notre cœur vers le
bas, de sorte que nous ne parvenons pas à monter vers ce Temple. Il nous est donc nécessaire de
patienter pendant « quarante jours » et de chercher un sacrifice qui puisse nous purifier et nous
permettre d'entrer dans le Temple dont nous parlons (Lv 12, 4-6).
5.
Quarante jours
Ce chiffre de « quarante » symbolise les choses pénibles et les tentations que nous devons patiemment
supporter tant que nous sommes en cette vie. En raison de ce symbolisme, les fils d'Israël restèrent
pendant quarante ans dans le désert (Dt 8,2), où ils eurent à supporter bien des tentations et bien des
choses pénibles; c'est ainsi qu'ils arrivèrent dans la Terre de la Promesse. En raison de ce symbolisme
également, Élie jeûna durant quarante jours et parvint ainsi à la montagne de Dieu (1 R 19,8). Il ne fait
pas de doute en effet que celui qui désire entrer dans le Temple céleste — que symbolise la terre de la
promesse — celui qui désire monter à la « montagne » du Seigneur et se tenir dans son lieu saint (Ps
24,4), doit jeûner, peiner, endurer les tentations et les tribulations de cette vie afin de pouvoir par là
être purifié de toute souillure de la chair et de l'esprit (2 Cor 7,2) et être parmi ceux dont il est écrit :
Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu (Mt 5,8).
64
Évocation du Baptême qui est une participation à la mort et à la Résurrection de Jésus, une participation à sa vie divine,
au coeur de la mort.
65
D’après les Béatitudes, « coeur pur » signifie « voir Dieu ».
8 juin 2017
748918657
29 sur 106
F.
***SAINT GRÉGOIRE DE NYSSE (IV°s)66
1.
« Pourquoi Dieu laisse-t-il vivre les méchants ? »
A ceux qui nous interrogent ainsi nous ne répondrons pas moins que même en cela l'économie
providentielle de Dieu est manifestée. En effet, d'une part, [la Providence] peut rendre à la plénitude
des sauvés celui67 qui s'est aventuré jusqu'à ce point de malice pendant de longues révolutions de
temps, grâce à la purification éternelle68 : c'est une évidence pour celui qui considère la puissance
divine. En effet, qui pourrait être peu attentif à la nature divine, au point de considérer toutes les autres
merveilles de Dieu, qu'il a accomplies par la surabondance de sa puissance, par un simple mouvement
de sa volonté, et de penser que sur ce point seulement il serait impuissant ? Car si l'on voulait examiner
de façon humaine, on trouverait qu'il est plus difficile de faire venir du néant à l'être le ciel et la terre et
toute la merveille qui est en eux, que de ramener une âme égarée par le mal vers la vie selon la nature,
de sorte que la volonté amie des hommes en cela aussi ne soit pas stérile69.
2.
Le mal ne vient pas de Dieu
Mais, d'autre part, la persistance de la vie dans le mal pour celui-là [l'homme qui vieillit dans le mal]
ne tire pas son origine de Dieu70. En effet, il a reçu du Créateur de la vie la faculté de vivre, mais le fait
de vivre mal c'est sa propre liberté qui en est l'initiatrice, cette liberté qui n'avait pas reçu son élan pour
cela, de sorte que l'homme n'était pas fait pour le mal. Car rien n'est mauvais de par sa propre
consistance71, rien n'a été créé pour choisir de vivre dans le mal. Si donc Dieu n'est pas responsable du
mal qui se trouve en quelqu'un, on ne peut pas non plus raisonnablement lui imputer la cause de la vie
mauvaise des méchants.
3.
Pourquoi les uns et pas les autres ?
Pourquoi, vas-tu certainement objecter, Dieu, en sa providence, arrache-t-il l'un à la vie avant qu'il ne
réalise son choix dans le mal, alors qu'il laisse l'autre devenir tel qu'il eût mieux valu pour lui ne pas
être né du tout ?
(...)
Que rien n'arrive sans l'aide de Dieu, nous le savons de bien des manières; inversement, que ce que
Dieu organise n'est ni fortuit ni irrationnel, tout un chacun l'admet, sachant que Dieu est Verbe,
sagesse, toute forme de vertu, vérité, que rien de ce que fait le Verbe n'est dénué de raison72, rien de ce
que fait le sage n'est sans sagesse, et que celui qui est la vertu et la vérité ne saurait accepter ce qui n'est
ni vertu ni vérité.
Ainsi, que certains disparaissent prématurément pour les raisons indiquées ou pour une cause
différente de celle que nous avons présentée, il faut bien reconnaître que tout cela advient en vue d'un
66
Dieu et le mal. Les Pères dans la foi, N°69, p. 91-95
Adam
68
La lassitude de faire le mal conduit le plus souvent au bien. Ainsi s’opère une certaine purification pendant laquelle Dieu
reste patient.
69
La puissance créatrice de Dieu dépasse infiniment nos « manques à être » individuels.
70
Dieu n’a pas créé le mal.
71
Le mal en soi n’existe pas, il ne peut donc être créé par Dieu.
72
En grec, parole et raison se disent avec le même mot « logos »
67
8 juin 2017
748918657
30 sur 106
but qui est le meilleur73.
Je connais une autre raison aussi, enseignée par la sagesse de l'Apôtre : certains de ceux qui l'emportent
dans le mal ont le droit de vivre selon leur propre choix. Il traite plus longuement de cette idée dans
son épître aux Romains (cf. Rm 9, 14. 19), et il répond par avance aux objections argumentées qu'on
lui présente : le mauvais, dit-on, ne peut plus être justement accusé si le fait qu'il soit mauvais vient de
Dieu; il ne serait nullement devenu tel contre la volonté de celui qui commande aux êtres. 74 L'Apôtre
s'oppose alors à cet argument, en résolvant cette difficulté par un examen plus approfondi. Dieu, dit-il,
distribue à chacun selon son mérite et il arrive qu'il laisse une place au mal avec, pour but, le bien.75
4.
L’endurcissement du Pharaon
S'il a laissé naître et devenir ce que fut le tyran d'Égypte, c'était pour que, sous ses coups, fût instruit
Israël, ce peuple nombreux, innombrable même. Tout révèle pareillement la puissance divine, et elle
est capable de faire du bien à ceux qui le méritent. Comme il fallait donc absolument que ce peuple fût
chassé d'Égypte afin qu'il ne connût pas davantage les malheurs égyptiens attachés à l'errance de cette
vie, voici pourquoi cet homme luttant contre Dieu, ce Pharaon connu pour toute sorte de vice, est
apparu et s'est développé en même temps que la vie des hommes de bien76. (Pourquoi ?) afin que, le
double pouvoir de Dieu77 se répartissant de part et d'autre, Israël fût justement instruit des deux
caractères. Il apprenait ainsi le bien en lui-même78, alors qu'il voyait le côté plus sombre chez ceux que
le mal fouettait. (...)
5.
Le bonheur des méchants ?
Mais, va-t-on objecter, quelques-uns profitent de leur perversité durant cette vie, et, en même temps,
ceux qui mènent une existence vertueuse ici-bas ne tirent aucun bénéfice de la sueur de leur vertu. A
quoi bon alors, dit-on, cette sueur (des vertueux) quand les autres vivent impunément dans le mal ?79
Je vais répondre à cette objection, vois-tu, par un argument qui transcende les raisonnements humains.
73
Grégoire de Nysse est un grand croyant, totalement plongé en Dieu. Toute son existence semble orientée vers le « but
meilleur ». Nous dirions aujourd’hui que Dieu n’est pas dans les causes, mais dans ce qui advient à l’occasion des
événements, dans le sens qui leur est donné. Ces événements sont humains et ne peuvent être vécus que de l’intérieur; nul ne
peut donner une signifivcation immédiate à ce que l’autre vit douloureusement. Face à la douleur, le silence est requis. Une
intrusion dans l’intériorité de l’autre serait un viol de l’âme. Le cardinal Veuillot ledit bien : « Nous savons faire de belles
phrases sur la souffrance. Moi-même j’en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n’en rien dire. Nous ignorons ce qu’elle
est ». La relecture de la peine avancera avec le temps. Il faut en effet du temps pour comprendre, du temps pour recevoir du
dedans la lumière qui vient d’ailleurs.
La méchanceté ne peut pas venir de Dieu. Vient-elle pour autant de l’individu ? Nous savons aujourd’hui les choses plus complexes :
le mal vient des relations humaines, nous nous en partageons la responsabilité : solidaires en Adam, solidaires dans la mort...
74
Dans une perspective purement individualiste, il n’existe pas de solution, mais dans celle du Royaume où joue la
solidarité humaine, la souffrance du juste peut aider l’injuste. La vérité nous atteint plus sûrement par l’autre que par nousmême. La solidarité humaine est à la racine de la Bible car elle suppose l’amour : nous sommes tous issus du même Adam
parce qu’enfants du même Père.
76
Le bon grain et l’ivraie poussent dans le même champ. Dieu a endurci le coeur du Pharaon pour permettre la sortie
d’Égypte, dont le récit est un « message » pour toute l’humanité. Grégoire n’insiste pas assez sur le récit, sur la « relecture »
de l’histoire qui véhicule la vérité. A moins, que pour lui, nous soyons Israël.
77
Il percevait le Pharaon à travers ce que l’injustice du roi d’Égypte lui faisait endurer, et il « se comprenait » par contraste.
Sa relation au Créateur s’appuyait sur l’expériencede la relation. Ainsi Dieu agissait-il simultanément sur le Pharaon et sur
Israël : double action simultanée, liée l’une à l’autre, qui permettait la réflexion. La lumière ne se saisit bien que dans les
ténèbres d’une tension. La vérité ne se saisit pas en chambre.
78
« Le bien en lui-même » ? Serait-ce l’expérience de Dieu ?
79
Au moins « apparemment » : toujours ces deux mêmes niveaux de perception. Le « monde visible » ne peut être coupé du
« monde invisible » qui l’éclaire de l’intérieur, et dans la foi.
75
8 juin 2017
748918657
31 sur 106
Le sublime David déclare, quelque part dans sa prophétie80, que les gens vertueux éprouvent une partie
de leur joie précisément lorsqu'ils comparent avec leurs propres biens la chute des condamnés. « Le
juste se réjouira, dit-il, quand il verra la punition de l'impie, il se lavera les mains dans le sang du
pécheur » (cf. Ps 58,11). Non pas que le juste se réjouisse des souffrances des châtiés, mais parce qu'il
connaît parfaitement alors ce que la vertu réserve à ceux qui le méritent. A travers ces paroles, David
indique que, pour les gens vertueux, la comparaison établie avec le sort opposé constitue un surcroît de
joie, plus intense81. Dire en effet : « Il se lave les mains dans le sang du pécheur » invite à penser que
c'est sa propre purification durant sa vie qui est manifestée par la perte des pécheurs. Le terme « laver »
présente bien le sens de la pureté. Or on ne se lave pas dans du sang, on se souille. Aussi est-il clair,
par là, que c'est la comparaison établie avec une condition plus funeste qui révèle la félicité de la vertu.
G.
SAINT CÉSAIRE D’ARLES (VI°s)82
1.
Le diable vient de Dieu83
Avant tout, sachez, frères, que le diable ne peut nuire ni à vous, ni à qui vous appartient, ni à vos bêtes
ni au reste de votre bien, même dans de petites choses, sauf dans la mesure où il en a reçu de Dieu la
puissance. C'est ainsi qu'il n'a pas osé détruire les richesses du saint Job sans la permission de Dieu. Et
nous lisons de même dans l'Évangile (Lc 8,32) que, lorsque des démons ont été chassés des hommes,
ils ont demandé s'il leur était du moins permis d'aller dans des porcs. Réfléchissez, je vous en prie,
frères, si les démons n'ont pas osé entrer dans les porcs sans en avoir reçu la permission du Seigneur,
qui sera assez incrédule pour croire qu'ils puissent nuire en quelque chose à de bons chrétiens sans que
Dieu l'ait permis selon son plan ?
2.
Le diable, une épreuve pour être libre
Mais Dieu permet cela pour deux raisons : soit pour nous éprouver, si nous sommes bons, soit pour
nous châtier si nous sommes pécheurs. Mais celui qui accepte patiemment la volonté du Seigneur et
qui, comme je l'ai déjà dit, lorsqu'il a perdu quelque chose, dit : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a
repris; comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait; que le nom du Seigneur soit béni » (Jb 1,21),
celui-là recevra pour cette patience agréable à Dieu, soit la couronne, s'il est juste, soit le pardon, s'il
est pécheur.
Et faites attention à ceci, frères : alors que le diable avait détruit toute la richesse du bienheureux Job,
Job n'a pas dit : « Le Seigneur a donné, le diable a repris », mais : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a
La Bible en général, et les psaumes de David en particulier, sont une « prophétie du Christ », puisqu’ils font « briller » le
Christ en nous.
81
Plusieurs idées semblent s’additionner ici : d’une part, c’est la manifestation de la Vérité qui produit la joie, et non la
souffrance de l’autre. D’autre part, le juste est « lavé » des accusations qui étaient portées contre lui par l’impie : la vérité
devient manifeste ! Enfin, la souffrance produite par les effets de l’injustice, ont pu purifier le juste de son péché. Le
pécheur participe donc au Salut du juste, et des justes. C’est en ce sens que « l’eau » du Baptême nous « lave » : l’eau
symbolise notre existence mortelle, et les difficultés de cette existence, bénie par Dieu (l’eau du Baptême est bénie), nous
mènent peu à peu à l’essentiel : la vraie vie qui vient de Dieu.
82
Sermons au peuple, Tome 2, p. 457-459
83
Grégoire de Nysse affirmait que le mal ne venait pas de Dieu, et il avait raison. Césaire affirme que le diable vient de
Dieu, et il a aussi raison, puisque le diable, par l’épreuve, nous permet d’exercer notre liberté. Sans l’action du Tentateur,
nous serions « collés » à Dieu, et nous n’existerions pas en tant que personne autonome.
80
8 juin 2017
748918657
32 sur 106
repris ».84 Car le saint homme n'a pas voulu donner cette gloire au diable qui aurait pu lui prendre une
chose que le Seigneur ne lui aurait pas permis d'emporter. En effet, alors que le diable n'aurait pu nuire
ni aux enfants, ni aux serviteurs, ni aux chameaux, ni aux ânes, ni aux brebis du bienheureux Job avant
que le Seigneur ne l'ait permis, pourquoi croyons-nous qu'il fasse à des chrétiens plus que ce que la
divine puissance a permis par un juste jugement secret ?
3.
Croire !
C’est pourquoi, croyant avec une absolue certitude que nous ne pouvons rien perdre, si ce n’est dans la
mesure où Dieu permet que cela nous soit enlevé, tenons-nous en de tout cœur à sa miséricorde, et
laissant fidèlement les observances sacrilèges, ayons toujours confiance en son aide.
H.
**SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).85
1.
Ce mal moral : une force qui nous dépasse,86
- Certains actes commis « par ignorance » sont désapprouvés et jugés dignes de correction, comme
nous le lisons dans les autorités divines87 : l’Apôtre dit en effet : « j'ai obtenu miséricorde, parce que
j'ai agi en ignorant » (1 Tm 1,13); le prophète dit aussi : « des fautes de ma jeunesse et de mon
ignorance ne te souviens pas » (Ps 25,7).88
- Il y a aussi des actes commis « par nécessité »89 qu'il faut désapprouver, quand l'homme veut agir bien
et ne le peut; car d'où viennent ces paroles : en effet je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que
je hais, je le fais (Rm 7,19); et celles-ci : vouloir est à ma portée, mais accomplir le bien, je n'en trouve
pas le moyen » (Rm 7,18); et celles-ci : la chair a des convoitises contraires à celles de l'esprit et
l'esprit en a de contraires à celles de la chair; car ils sont contraires 1'un à 1'autre, de sorte que vous
ne faites pas ce que vous voulez (Gal 5,17).90
Tout cela est le fait des hommes qui proviennent de la première condamnation à mort91; car si ce n'est
L’existence biblique ne se situe pas dans l’instant présent, mais dans la mémoire intérieure d’une histoire personnelle où
se joue la relation d’Alliance. Sans mémoire, pas de foi
85
Le Libre Arbitre, E.A.N°6, p. 477-478
86
Augustin répond à Pélage, chrétien rigoriste, puritain et volontariste. Pélage affirme que l’homme est libre, et donc
responsable à part entière de toutes ses fautes. Dieu lui a donné une volonté, qu’il s’en serve ! S’il pèche, il sera puni ! Par
ailleurs, Pélage s’en prend à Augustin à qui il reproche son illogisme : le péché est le péché, et le coupable coupable, et il ne
faut pas atténuer la rigueur sous peine de laxisme. Pélage voit d’un côté le péché - c’est le mal ! - et de l’autre la liberté et la
responsabilité pleine et entière de l’être humain. Il lie ensemble ces deux entités, au point qu’atténuer le liberté serait
atténuer le péché, et donc offenser Dieu. Augustin répond à Pélage que la liberté n’est pas seulement le fait de la décision
humaine. La liberté dépend aussi de la grâce. Sans la grâce active de Dieu (sanctifiante), la liberté pleine et entière ne
pourrait pas exister. Mais Pélage oppose la liberté et la grâce, l’homme et Dieu.
87
Ce qu’Augustin avait déjà développé dans son « De natura et gratia », 67,81 (BA 21, p.402)
88
Ces actions sont de nature mauvaise, mais la personne qui n’en pas consciente, n’est pas coupable. Par exemple, certaines
fautes commises par des enfants ou des jeunes. L’acte est en lui-même répréhensible, mais l’inconscience de celui qui l’a
commis, est une circonstance plus qu’atténuante.
89
L’acte est également répréhensible (il faut aussi le désapprouver), mais les circonstances font que la personne n’est pas
totalement responsable.
90
Pélage confond la nature mauvaise de l’acte avec la culpabilité de celui qui le commet. L’évêque excuse l’homme pour
deux raisons, soit parce qu’il est inconscient, soit parce qu’il est trop faible pour résister. La « nature humaine » a en effet
été amputée de sa relation à Dieu, qui lui confère « lumière » et « force », deux dons du Saint-Esprit. On dit aussi que
« l’Image de Dieu » présente en tout homme, a été ternie par le Péché Originel.
91
La nature humaine, telle que nous en avons l’expérience, a été viciée par la chute. Ce qu’elle est actuellement n’est pas ce
que Dieu voulait et continue de vouloir.
84
8 juin 2017
748918657
33 sur 106
là une peine qui frappe l'homme, si c'était sa « nature », il n'y aurait là aucun péché92.
2.
Nos deux manques actuels
En effet, si l'homme ne s'écarte pas de la condition dans laquelle il a été créé « naturellement »93, de
sorte qu'il ne peut accéder à l'état meilleur, il fait ce qu'il doit quand il fait cela94.
Au contraire, si l'homme avait été bon, il aurait été autre.95 Mais maintenant, puisqu'il est ainsi, il n'est
pas bon et il n'a pas en son pouvoir d'être bon96, soit qu'il ne voie pas en quel état il devrait être97, soit
qu'il voie mais ne soit pas capable de se mettre dans l'état où il voit qu'il devrait être98.
3.
La conséquence logique du péché d’Adam
Que ce soit là une peine, qui peut en douter ? Or toute peine, si elle est juste, est peine du péché et
s'appelle châtiment.
Si, en revanche, cela était une peine injuste, - puisque personne n'hésite à y voir une peine - elle aurait
été imposée à l'homme par quelque injuste dominateur. Mais, puisque ce serait folie de douter de la
Toute-puissance et de la Justice de Dieu, cette peine est donc juste, et elle est (bien) infligée pour
quelque péché. 99
En effet, aucun injuste dominateur n'a pu soustraire l'homme à Dieu100, comme à son insu, ni le lui
arracher malgré lui, comme à un adversaire moins fort, par la terreur ou de haute lutte, pour tourmenter
l'homme d'une peine injuste. Il reste donc que cette peine juste vient de la condamnation de
92
Mais cet état dans lequel nous sommes actuellement, qui « débranche » en nous la « nature divine » au profit de la seule
« nature charnelle » n’est pas celui que le Créateur avait voulu à l’origine. Si c’était le cas, nous serions en effet « sans
péché », tout comme les animaux sont sans péché. Ce n’est pas le cas, car nous avons été créés « à l’Image et à la
Ressemblance de Dieu ». Il suffit de « réactiver » Dieu en nous. Dans le « De libero arbitrio » III,28,51 (BA 6, p 421-422),
Augustin souligne la priorité du rapport à Dieu - l’Etre même qui fait être - sur le rapport à la faute : « Si tu veux fuir le
malheur, aime en toi ce « Vouloir être » même, car si tu veux être de plus en plus, tu t’approcheras de Celui qui est
suprêmement ». Une volonté ignorante de l’amour de Dieu est inopérante. Dieu est déjà au coeur de la volonté. Le Vivant
est bien présent à l’homme, et sa grâce, son pardon (ce don parfait) est seul efficace !
Pélage confondait notre état actuel avec celui d’avant la Chute. Notre volonté et notre liberté sont trop « malades », trop
« coupées de Dieu » pour que nous puissions être considérés comme « coupables » du péché. Nous devons accepter d’être
« enfants du Père » pour recevoir du Créateur, cette lumière et cette force d’amour qui nous font « adultes » dans la foi.
93
... « dans laquelle il est né », dans cet état de « nature déchue » que nous recevons tous à la naissance.
94
...et ne fait que cela de l’extérieur. Le respect de la règle morale, si ce n’est que cela, ne fait pas avancer vers Dieu, mais
maintient la condition de pécheur, maintient la mort.
95
Dans l’hypothèse d’école où il n’y aurait pas eu de « chute ».
96
Il n’en est pas capable tout seul.
97
Il est « aveugle » sur ce qu’il est et sur ce qu’il devrait être. Il lui manque la « lumière » intérieure de l’Esprit.
98
Il n’a pas la force. Il lui manque la puissance de l’Esprit.
99
Même s’il n’y a pas « culpabilité », il y a bien péché.
100
Comme le pensent les manichéens de tous les temps.
8 juin 2017
748918657
34 sur 106
l’homme101.
101
A la fin de sa vie, le vieil évêque révise tous ses livres antérieurs et écrits les « Retractationes » (les Révisions). Voici ce
qu’il ajoute à ce qu’il avait déjà dit : « ô. Voilà comment, bien longtemps avant l'apparition de l'hérésie pélagienne, nous
nous sommes exprimés comme si nous discutions déjà contre elle. Nous avons dit en effet que tous les biens viennent de
Dieu, les grands, les moyens et les moindres; parmi les biens moyens, se trouve le libre arbitre de la volonté, parce que nous
pouvons nous en servir mal; pourtant il est tel que sans lui nous ne pouvons faire le bien. Son bon usage est déjà la vertu,
qui figure parmi les grands biens dont il n'est pas possible de mal user. Et parce que tous les biens, ainsi qu'il a été dit, les
grands, les moyens et les moindres, viennent de Dieu, il suit que de Dieu également vient le bon usage de la volonté libre,
c'est-à-dire la vertu qu'on compte parmi les grands biens. Ensuite, nous avons dit de quelle condition misérable, très
justement infligée aux pécheurs, délivre la grâce de Dieu : de lui-même en effet, c'est-à-dire librement, I'homme a pu
tomber, mais il ne peut pas se relever. A la misère de cette juste condamnation appartiennent l'ignorance et l'impuissance
dont souffrent tous les hommes dès le début de leur existence : sans la grâce de Dieu, personne n'est délivré de ces maux.
Cette misère, les Pélagiens ne veulent pas qu'elle provienne d'une juste condamnation, car ils nient le péché originel.
Pourtant l'ignorance et l'impuissance, même si elles appartenaient à la nature primitive de l'homme, il ne faudrait pas en
accuser Dieu, mais le louer. » (BA 12, p 325)
8 juin 2017
748918657
35 sur 106
IV. DOSSIER : LE SALUT
A.
ORIGENE (III°s). 102
1.
De l’utilité de la malice humaine
Nous disons que, par les bienfaits de la Sagesse de Dieu, tout est disposé dans le monde, en sorte que
rien ne soit inutile devant Lui, mal ou bien. Mais expliquons-nous plus clairement. Dieu n'a pas créé la
malice, ce sont d'autres qui l'ont inventée; il aurait pu l'empêcher, il ne le fait pas avec les méchants, Il
se sert de la malice pour des fins nécessaires. Par l’action des méchants, il illustre et aguerrit ceux qui
tendent à la gloire des vertus. Si la malice était supprimée, les vertus ne rencontreraient plus
d'opposition. Sans opposition, la vertu ne brillerait pas, il lui manquerait la gloire et l'épreuve. Or une
vertu, qui n'est ni aguerrie ni éprouvée, n’est plus une vertu.
2.
Le témoignage de l’Écriture
Mais tout cela, avancé sans le témoignage des divines paroles, semblera plutôt raffinements et
inventions humaines que vérités incontestables. Cherchons donc si les divins Livres renferment
quelque pensée analogue. Prenons Joseph (Gn 37, 20-28). Qu'on supprime la malice de ses frères, leur
jalousie, tout le plan parricide qu'ils dressèrent contre leur frère jusqu'à le vendre enfin. Cela supprimé,
qu'on voie ce qui tombe des bienfaits de Dieu. On en retranchera en même temps toutes les actions
accomplies par Joseph en Égypte pour le Salut universel. Le songe de Pharaon n'aurait pas été
interprété (Gn 41, 25 ss), si par la jalousie de ses frères Joseph n'avait pas été vendu et n'était pas venu
en Égypte, personne n'aurait compris ce que Dieu avait révélé au roi, on n'aurait pas amassé de blé en
Égypte, ni remédié à la famine par une sage prévoyance. L'Égypte serait morte, mais les pays
limitrophes seraient aussi morts de faim, et, avec eux, Israël; sa descendance ne serait pas entrée en
Égypte en quête de pain et les fils d'Israël n'en seraient pas sortis au milieu des miracles du Seigneur.
Plus de plaies d'Égypte, plus de prodiges de Dieu accomplis par Moïse et Aaron. On n'eût point passé
la Mer Rouge à pied sec. La vie mortelle ne connaîtrait pas l'aliment de la manne. Les torrents d'eau
n'auraient pas jailli de la pierre qui suivait le peuple (Ex 17,6). La Loi n'aurait pas été donnée par Dieu
aux hommes. Tout le contenu de l'Exode, du Lévitique, des Nombres même et du Deutéronome ne
serait pas venu à la connaissance des hommes. Personne ne serait entré dans l'héritage paternel et dans
la Terre Promise. Pour prendre ce passage que nous avons en mains103, qu'on supprime la malice de ce
mauvais roi Balac, et son désir de maudire Israël, qu'on supprime l'astuce qui le faisait inviter Balaam à
anéantir le peuple, on supprimera en même temps les bienfaits de Dieu en faveur d'Israël et les
bienfaits de sa Providence; plus de ces prophéties qui par la bouche de Balaam s'adressent à la fois aux
fils d'Israël et aux Nations.
3.
Témoignage du Nouveau Testament
On veut aussi des témoignages du Nouveau Testament à l'appui de ceci ? Si l'on supprime la malice de
Judas, si l'on enlève sa trahison, on supprimera en même temps la Croix du Christ et Sa Passion, et s’il
n'y a plus de Croix, « Les Principautés et les Puissances ne sont plus dépouillées et vaincues par le
102
103
Homélies sur les Nombres, Sources Chrétiennes N°29, p. 282-285
L’histoire du mage Balaam.
8 juin 2017
748918657
36 sur 106
bois de la Croix. » (Col 2,15) Si 1a mort du Christ n'avait pas eu lieu, Sa Résurrection n'aurait pas eu
lieu non plus; il ne se serait pas levé « un Premier-né d’entre les morts » (Col 1,18). Et sans ce
« Premier-né d'entre les morts », nous n'aurions pas l'espérance de la Résurrection.
4.
Sans diable, pas de liberté humaine
De la même manière, supposons que le Diable même ait été privé par quelque contrainte de la
possibilité de pécher, ou qu'après le péché la volonté de mal faire lui ait été ôtée; par le fait même nous
aurions perdu l'occasion de lutter contre ces assauts, il n'y aurait plus à attendre « la couronne de la
victoire pour celui qui a lutté selon les règles » (2 Tim 2,5). Si nous n'avions pas d'adversaires, il n'y
aurait pas de combat ni de récompense décernée aux vainqueurs, et le Royaume du ciel ne leur serait
pas offert; « ce léger fardeau de notre tribulation présente ne produirait pas avec usure son poids de
gloire dans l'avenir » (2 Cor 4,17); et personne d'entre nous n'espérerait, pour sa patience dans les
tribulations supportées, la gloire immense de la vie future.104
B.
SAINT AUGUSTIN (V°s) : Contre Pélage ! 105
1.
On peut résister au Mal.
« De même, dit Pélage106, l'évêque Augustin dans son livre sur le libre arbitre, écrit : quelle que soit la
cause qui agit sur la volonté, s'il était impossible de lui résister, nous lui céderions sans péché; mais si
cela est possible, ne lui cédons pas et nous ne pécherons pas. Abuse-t-elle, par hasard, l'imprudent ?
Qu'il prenne donc garde pour n'être pas induit en erreur. Sa force mensongère est-elle donc si grande
qu'il soit absolument impossible de s'en garder ? Alors, il n'est plus de péché107. Qui pèche, en effet, en
un point sur lequel il ne peut aucunement se garder ? Mais nous péchons : c'est donc qu'il est possible
de se garder ? »
Je le reconnais, ce sont mes paroles : mais que notre auteur veuille également prendre acte de toutes
celles qui ont été dites auparavant, car il y est question de la grâce de Dieu108, remède qui, à travers le
104
Le combat spirituel est une nécessité pour accéder à la Résurrection.
« De la nature et de la grâce », p. 401 à 407. Au début de sa vie d’évêque, Augustin a lutté contre les manichéens, ces
gens qui se meuvent dans une univers mental totalement physique et matérialiste, structuré en deux pôles opposés : le bien
et le mal. Dans la seconde partie de sa vie, Augustin luttera contre différents pélagiens, des gens pour qui la volonté et la
grâce sont totalement séparées. Le pélagien est d’abord un volontariste qui « doit » accéder à Dieu par sa propre volonté :
c’est un stoïcien, un homme de devoir. Alors que le manichéen évolue dans un monde minéral, le pélagien a une approche
plutôt psychologique de l’homme : c’est un « psychique », comme on le disait dans l’antiquité (1 Cor 15,46). Le
« psychique » s’oppose au « spirituel » car il réduit l’âme humaine au psychisme visible, à l’expérience psychologique telle
que tout un chacun peut la faire. L’intériorité que revendique ce « psychique » n’est pas celle de la foi, c’est une intériorité
sans Dieu. D’une certaine façon, les deux courants, le manichéïsme et le pélagianisme, sont inverses l’un de l’autre : pour le
manichéen, la liberté n’existe pas; pour le pélagien, au contraire, l’homme est totalement libre, et sa conscience est
souveraine : d’où son refus, par exemple, du baptême des petits enfants. Augustin va se battre sur ces deux fronts. Ces deux
courants se rencontrent fréquemment aujourd’hui, d’où l’intérêt de la réflexion d’Augustin.
106
Pélage comprend Augustin de travers, il défend une position moraliste, celle d’une volonté maîtresse d’elle-même. Les
enfants et les adolescents pensent souvent cela.
107
Ce qui est inconcevable.
108
Le débat entre Augustin et Pélage touche à la relation entre la grâce et la liberté. Pélage les sépare radicalement : pour
lui, la liberté se trouve du côté de l’homme, et la grâce du côté de Dieu. Pélage construit une séparation radicale entre
l’homme et Dieu, entre la liberté et la grâce. Cette coupure s’oppose à l’Alliance, elle n’est pas biblique : pour l’Écriture, en
effet, l’homme créé à l’Image de Dieu, a toujours déjà en lui quelque grâce. Il n’y a donc pas la « nature » au « rez de
chaussée », et la « surnature » au « premier étage », comme certains modernes l’imaginent aussi parfois en survalorisant la
conscience et la volonté. Pélage semble très moderne.
105
8 juin 2017
748918657
37 sur 106
Médiateur, vient à notre aide, et non pas de l'impossibilité de la justice109. I1 est donc possible de
résister à cette cause... quelle qu'elle soit : c’est parfaitement possible !110 Car, à ce sujet, nous
demandons du secours en disant : « Ne nous soumets pas à la tentation 111 ». Or, nous ne
demanderions pas secours si nous pensions qu'il est absolument impossible de résister. Le péché peut
être évité, mais avec l'aide de celui qui ne peut tromper, car si nous disons en vérité cette prière :
« Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes nous les remettons à nos débiteurs »112, elle tend
précisément à nous garder du péché. En effet, même quand il s'agit du corps, on se garde du mal par
deux moyens : soit en faisant qu'il n'arrive pas, soit en faisant que, s'il est arrivé, il soit vite guéri. Pour
qu'il ne survienne pas, nous pourvoirons en disant : « Ne nous soumets pas à la tentation »; pour qu'il
soit vite guéri, nous pourvoirons en demandant : « Remets-nous nos dettes ». Que la tentation nous
menace ou bien qu'elle nous atteigne, il est donc possible de nous en garder113.
(...)
2.
L’erreur fatale est de penser l’homme sans Dieu114
En effet, peut-être se plaindraient-ils à bon droit, si aucun homme ne restait vainqueur de l'erreur et de
la passion; mais partout est présent celui qui, de mille manières, par l'entremise de la Création vouée au
service de son maître, rappelle l'homme qui se détourne, instruit celui qui croit, console qui espère,
encourage qui aime, soutient qui fait effort, exauce qui supplie115. Aussi n'es-tu pas tenu pour coupable
de ce que tu ignores malgré toi, mais de ce que tu négliges de chercher ce que tu ignores116; non pas de
ce que tu ne réussis pas à bander tes membres blessés117, mais de ce que tu méprises Celui qui veut les
guérir...
Pélage, concret et réaliste, ne saisit pas la pensée fine d’Augustin : défendant à tout prix la conscience et la volonté de
l’homme, le moine volontariste croit que l’évêque d’Hippone minimise l’action de l’homme, mais Augustin ne pose pas
d’abord le problème moral en terme d’action. Augustin rappelle seulement la Bible, les limites de la volonté de l’homme
déchu, ce qui est la postion de l’Apôtre. Pour l’évêque d’Hippone, l’échec de l’homme vient d’une volonté et d’une liberté
qui se coupent de Dieu... volontairement ou involontairement d’ailleurs. En revanche, par la prière et la reconnaissance du
péché, la grâce grandirait au coeur de la volonté... L’anthropologie des deux hommes n’est pas la même, d’où
l’incompréhension de Pélage qui est moraliste et non philosophe.
110
Dans la perspective d’Augustin : avec la grâce de Dieu qui sera d’autant plus active qu’il y aura prière.
111
Mt 6,13
112
Mt 6,12
113
Et, toujours, en se référant à la grâce de Dieu. Pour Augustin, la « pure nature » (« nature » sans Dieu, imaginée au
XVI°-XVII° siècle par l’humanisme), est inconcevable. Le rationalisme a repris ce pélagianisme pur et dur qui a donné
l’humanisme athée. Il existe aussi un « semi-pélagianisme » qui subordonne la grâce à la volonté : « aide-toi, et le ciel
t’aidera ».
114
C’est la tentation des « psychiques » de tous les temps.
115
Mais comment « voir » tout cela si l’on est aveugle, et si l’on n’a pas appris à le voir. Ni le matérialiste positif ni le
« psychique » psychologisant ou moralisant ne sont capables d’entrer dans cette vision hautement spirituelle, toute marquée
par « l’intelligence de la foi ».
116
Encore une fois, ignorance d’un « monde invisible » lié au « monde visible ».
117
Il ne s’agit pas, comme le pense le stoïcien ou le moraliste, qui campe sur sa volonté, d’arriver à vaincre le mal en
décidant de faire le bien, mais de se tourner vers Dieu qui donne la lumière et la force. Le débat éducatif entre chrétiens et
pélagiens est là, il n’est pas nouveau, il était déjà celui des Grecs et des Juifs d’avant Jésus Christ. Il a été confirmé par
Jésus.
109
8 juin 2017
748918657
38 sur 106
C.
SAINT AUGUSTIN (V° s) 118
1.
Nécessité de s’adresser à Dieu pour vaincre le péché.
Revenons donc à la pensée de l'Apôtre : « la charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs l’Esprit
Saint qui nous a été donné » —Par qui ? sinon par celui « qui est monté au ciel, a enchaîné la captivité
et a départi ses dons aux hommes ? » Mais du fait qu'il existe, en raison des vices de notre nature et
non en raison de sa constitution, une certaine « nécessité » de pécher119, il faut que l'homme prête
l'oreille, et pour anéantir cette « nécessité », il lui faut apprendre à dire à Dieu : « A mes nécessités,
arrache-moi ». Car, dans une prière de ce genre, est impliqué un combat contre le tentateur120, lequel
lutte contre nous en vertu de cette nécessité même, combat au cours duquel, avec l'aide de la grâce
transmise par Jésus-Christ Notre Seigneur, non seulement la nécessité mauvaise se trouvera écartée,
mais l'entière liberté nous sera accordée121.
D.
SAINT AELRED DE RIEVAULX (XII° s)122
1.
Dieu, force de Salut
L'œuvre de miséricorde est proprement l’œuvre de Dieu, mais comment faire cette œuvre sinon en
sauvant les miséreux ? C'est la raison pour laquelle l'œuvre de notre Salut est l'œuvre de sa
miséricorde. C'est proprement son œuvre à Lui. Qu'y a-t-il de plus approprié au Sauveur, c'est-à-dire à
Jésus, que de sauver ? Mais que dit le prophète ? « Pour accomplir son œuvre, il a fait une œuvre
étrangère » (Is 28, 21). Comme vous le savez, frères, notre Seigneur Jésus Christ est Sagesse (1 Cor
1,30). Il est Force, il est Vie (Jn 14,6). Qu'est-ce qui est contraire et, pour ainsi dire, étranger à la
sagesse ? Certainement la folie. Et qu'est-ce qui est contraire à la force ? La faiblesse évidemment. De
même, rien n'est plus contraire à la mort que la vie.123
118
De natura et gratia, N°21, p.399.
On retrouve l’anthropologie biblique de Saint Augustin.
120
La parabole du Juge injuste (Lc 18), qui semble être Dieu, traite de cela. Une veuve (l’âme) a un adversaire (Satan :
l’adversaire) qui l’opprime. La veuve se tourne vers le Juge... Nous comprenons maintenant pourquoi la parabole se termine
par la phrase sybilline : Le fils de l’homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? Seule la prière adressée à
un Juge qui n’est pas inique peut vaincre l’Adversaire et mener à la foi. C’est ce que dit Augustin contre les réductions
volontaristes.
121
La liberté vient avec la prière, elle n’est pas « naturelle » pour une nature déchue comme la nôtre. Ce point est capital
pour saisir les limites du volontarisme que combat Augustin dans ses écrits contre Pélage, dont ce texte fait partie.
122
Sermons pour l’année, Pain de Citeaux N°11, p.187-188.
123
Pourquoi l’oeuvre de Jésus est-elle « étrangère » ? parce qu’elle est le paradoxe de sa divinité. Le « tout puissant »
devient le « tout faible ». Le « Vivant » connaît la mort. Le « pur » accepte de cotoyer l’impureté des pécheurs que nous
sommes. Dieu s’unit à l’humanité pécheresse,, à la « brebis perdue » que nous sommes. Il s’est uni à elle dans son
Incarnation, il continue de le faire dans l’Eucharistie. Ce paradoxe de l’amour semble illogique à ceux qui séparent
spontanément l’homme et Dieu. Mais refuser ce paradoxe, c’est refuser la Croix et sa « folie » au nom d’une logique
« extérieure » (étrangère !) qui est celle de l’homme trop humain, mais qui n’est pas celle de Dieu. Le thème de l’extériorité
de Dieu par rapport à la Création traverse la mystique juive et fonde le « ex nihilo » qui caractérise la Création biblique.
Dans la conception juive, qui n’est pas à confondre avec l’approche prométhéenne des Grecs, Dieu n’est pas dans la
Création comme l’est toute créature, on ne le déduit pas du cosmos, ni de la psychè humaine, il est seulement proche de
celui qui l’invoque. Pour les Grecs, Prométhée met en ordre un chaos initial... Mais le « tohu-wabohu » de la Bible n’est pas
cela.... Ce débat existait déjà entre Juifs et Grecs avant Jésus-Christ, comme le Talmud l’évoque.
119
8 juin 2017
748918657
39 sur 106
2.
Le paradoxe du Mystère pascal : la mort offerte apporte la vie124
Réfléchissez maintenant à la manière dont notre Seigneur a pris sur lui une œuvre qui lui était
étrangère afin de pouvoir accomplir son œuvre propre, c'est-à-dire son œuvre de miséricorde. Lui qui
était la Sagesse, il a voulu être comme fou; lui qui était la Force, il a voulu être faible. C'est pourquoi
l'Apôtre a dit : « Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, ce qui est faiblesse de Dieu est
plus fort que les hommes » (1 Cor 1,25). « Pour accomplir son œuvre, il a fait une œuvre qui lui est
étrangère » (Is 28,1) : le Pain a faim, la Source a soif, la Force est fatiguée, la Vie meurt. Comment
donc accomplit-il son œuvre à lui par le moyen de cette œuvre étrangère ? Sa faim nous nourrit, sa soif
nous enivre, sa fatigue nous revigore, sa mort nous vivifie. Nous sommes rassasiés spirituellement,
enivrés, revigorés, vivifiés spirituellement : tout cela est l'œuvre de sa miséricorde. Il a accompli tout
cela par le moyen d'une œuvre étrangère. La Sagesse fait cela par le moyen de la folie, comme le dit
l'Apôtre : « Puisque le monde n'a pas reconnu Dieu par le moyen de la sagesse, il a plu à Dieu de
sauver les croyants par la folie du message » (1 Cor 1,21). Ainsi donc, comme nous l'avons dit, la
Sagesse a accompli son œuvre par le moyen de la folie, la Force l'a accomplie par le moyen de la
faiblesse. Le Pain l'a accomplie en ayant faim, la Source en ayant soif, la Puissance en étant fatiguée.
La Vie l'a accomplie par le moyen de la mort. « Pour accomplir son œuvre, il a fait une œuvre
étrangère; pour accomplir son œuvre, il a fait une œuvre qui est éloignée de lui » (Is 28,21). Pour qu'il
accomplisse l'œuvre de sa miséricorde, voici que l'œuvre de sa sagesse s'est éloignée de lui, ainsi que
l'œuvre de sa justice.125
E.
PSEUDO-MACAIRE (II°s)126
1.
Le péché rend aveugle
« Mais, diras-tu, montre-moi ton Dieu. » Montre-moi, te répondrai-je, l'homme que tu es, et je te
montrerai mon Dieu. Prouve-moi que les yeux de ton âme voient et que les oreilles de ton cœur
entendent. Les yeux du corps nous permettent d'apercevoir ce qui se passe en notre vie et sur la terre;
nous sommes sensibles aux oppositions, comme la lumière et les ténèbres, le blanc et le noir,
l'harmonie, la mesure, son excès et son défaut; de même pour tout ce qui touche l'oreille : les sons
aigus, graves, agréables. On peut également dire des oreilles du cœur et des yeux de l'esprit qu'ils ont la
faculté de voir Dieu. Car on voit Dieu lorsqu'on sait le voir et qu'on tient ouverts les yeux de l'esprit.
Tous les hommes ont des yeux, mais quelques-uns, atteints de cataracte, n'aperçoivent plus la lumière
du jour. Et si les aveugles ne voient pas, est-ce à dire que le soleil ne brille plus ? C'est à eux-mêmes
qu'ils doivent s'en prendre, et à leurs yeux.
Mais en toi aussi, mon ami, les yeux de l'esprit sont aveuglés par les fautes et les désordres.127
L'homme doit posséder une âme aussi pure qu'un miroir étincelant. Le miroir vient-il à se ternir ? On
ne peut plus contempler son visage. L'homme se livre-t-il au mal ? Il devient incapable de contempler
La logique de l’amour est la suivante : offrir la fatigue du corps pour recevoir en échange la vie définitive. Ce corps
n’est-il pas de toute façon condamné à la corruption ? Tel est le Mytère de la Croix qui fonde la vie sacramentelle
chrétienne.
125
Une tension existe entre la justice de Dieu et son amour. Pour les Juifs, les deux noms de Dieu, Adonaï et Elohim,
évoquent son amour (Adonaï) et sa justice (Elohim) : ces deux attributs de Dieu sont représentés par les deux anges de
l’arche d’Alliance, qui se font face. Comment aimer tout le monde en étant juste, comment être juste en pardonnant à tous ?
Mystère d’un Dieu qui, en Jésus Christ, semble avoir privilégié l’amour à la justice ?
126
Les chemins vers Dieu, Lettres chrétiennes N°11, p. 33-34
127
Même idée qu’Augustin sur l’aveuglement normal de l’homme pécheur. L’enfer est pavé de bonnes intentions.
124
8 juin 2017
748918657
40 sur 106
Dieu. Montre-toi donc toi-même : n'es-tu pas adultère ? N'es-tu pas sensuel ? N'es-tu pas un fripon, un
escroc, un voleur ? N'es-tu pas homosexuel ? N'es-tu pas brutal, grossier, coléreux ? N'es-tu pas
envieux, vantard, hautain, querelleur ? N'es-tu pas insolent avec tes parents ? N'es-tu pas de ceux qui
vendent leurs enfants ? A de telles gens, Dieu ne se manifeste pas, avant qu'ils ne se soient purifiés de
toute souillure. Ainsi tous ces vices sèment l'obscurité devant toi, comme une taie qui se forme sur l'œil
et l'empêche de regarder la lumière du jour. Oui, mon ami, tes impiétés te jettent dans les ténèbres et tu
n'es plus capable de voir Dieu.
2.
Je dis Dieu, et il existe pour moi.
Alors tu me diras : « toi qui vois, décris-moi Dieu128. » Ecoute, cher : rien ne peut donner une idée ou
une notion de Dieu. Les yeux de chair ne savent pas le voir. Sa gloire, nul ne la mesure. Sa grandeur,
nul ne l'étreint. Sa hauteur, nul ne la conçoit. Rien ne se compare à sa force, rien n'égale sa sagesse. Sa
bonté est sans pareille, sa munificence sans exemple.
Le dis-je « lumière » ? Je parle de son œuvre. Le dis-je « parole » ? Je parle de son commencement. Le
dis-je « esprit » ? Je parle de son intelligence. Le dis-je « souffle » ? Je parle de son haleine. Le dis-je
« sagesse » ? Je parle de sa descendance. Le dis-je « force » ? Je parle de son empire. Le dis-je
« puissance » ? Je parle de son activité. Le dis-je « providence » ? Je parle de sa bonté. Le dis-je
« souveraineté » ? Je parle de sa gloire. Le dis-je « Seigneur » ? Je nomme le juge. Le dis-je « juge » ?
C'est le dire juste. Le dis-je « père » ? C'est dire qu'il est tout. Le dis-je « feu » ? Je nomme sa colère.
Quoi, diras-tu, Dieu se met en colère ? Eh oui ! I1 se courrouce contre les méchants mais il est bon,
doux et miséricordieux pour ceux qui l'aiment et le craignent. I1 est le maître des croyants, le père des
justes, le juge et le punisseur des impies.
F.
SAINT AUGUSTIN (V°S)129
1.
Regarder Dieu et non soi-même
Ton péché est devant toi, pour ne pas se dresser devant Dieu130. Et toi, ne te tiens pas en ta présence
pour te tenir en présence de Dieu.
Comment désirer que Dieu n'éloigne pas de nous son visage, et désirer en même temps qu'il écarte ses
yeux de nos péchés ? Car nous demandons l'un et l'autre dans les psaumes. N'écarte pas ton visage de
moi (Ps 26,9).
La voix du psaume est notre voix. Et celui qui dit : n'écarte pas ton visage de moi dit ailleurs : écarte
ton visage de mes péchés (Ps 51,11). Si tu veux qu'il détourne son visage de tes péchés, cesse de te
regarder, mais ne cesse pas de voir tes péchés. Si tu n'en détournes pas ton visage, tu finiras par t'irriter
contre ces fautes.131
Ne pas détourner son visage de ses fautes, pour toi c'est les reconnaître, pour lui les pardonner.
« Décris-moi Dieu » comme une chose, comme une réalitée vue de l’extérieur et non comme une expérience intime La
parole logique serait alors descriptive (« bleue », et d’une logique toute extérieure (« verte »)...et Dieu serait assimilé à
quelqu’un du « cosmos » ou de la « psychè ». On le chercherait là où il n’est pas.
129
Les chemins vers Dieu; lettres chrétiennes N°11, p.279
128
130
A force de voir son péché en ignorant Dieu, on dresse ce péché contre Dieu.
La fixation sur le péché conduit à l’univers morbide de la faute et de la culpabilité. Reconnaître son péché d’accord, mais le
reconnaître à la lumière de la face aimante de Dieu.
131
8 juin 2017
748918657
41 sur 106
G.
SAINT AUGUSTIN (fin IV°s).
1.
Le Christ, nourriture intérieure,132
C’est pourquoi la Parole de Dieu, par qui tout à été fait (Jn 1,3), et qui accomplit tout le bonheur des
anges, a étendu sa clémence jusqu'à notre misère, et la Parole s'est faite chair et elle a habité parmi
nous (Jn 1,14). Ainsi, en effet, l'homme pourrait manger le pain des anges (Ps 78,25), sans être encore
l'égal des anges, si le pain des anges lui-même daignait s'égaler aux hommes.
132
Le Libre Arbitre, E.A.N°6, p.442-443
8 juin 2017
748918657
42 sur 106
V. BAPTEME
A.
ROMANOS LE MÉLODE (V°s).133
1.
Le Seigneur veut notre conversion134
Quand je contemple la menace suspendue sur les coupables au temps de Noé, je tremble, moi qui suis
coupable aussi de péchés abominables, lourds de condamnation. Les hommes d’alors, le Créateur les
menaça d’avance d’extermination, car il attendait le temps de leur conversion. Pour nous aussi, il y
aura l’heure de la fin135, inconnue de nous et même cachée aux anges. En ce dernier jour, le Christ, le
Seigneur d’avant les siècles, viendra, chevauchant les nuées, pour juger la terre136, comme l’a vu
Daniel. Avant que cette heure dernière ne tombe sur nous, supplions le Christ en lui criant : « Sauve
tous les hommes de la colère par l’amour que tu nous portes, Rédempteur de l’univers. »
2.
Seul le Juste peut sauver
Pour connaître l’histoire de Noé, écoutons les paroles de l’Écriture. Voici ce que dit au juste l’Ami137
des hommes, en voyant la méchanceté qui régnait alors : « La fin de tout homme est venue devant moi,
car la terre est remplie d’injustices sans nombre. (...) Toi, parmi cette génération, tu es vraiment le seul
juste agréable à mes yeux ; tu as fleuri comme une rose au milieu des épines (...) Allons, prends des
poutres de bois imputrescible et fabrique-toi une arche selon ma volonté, aux dimensions que je vais te
montrer : elle sera comme une matrice portant les semences des espèces futures. Tu la feras comme
une maison, en figure de l’Église. Tu l’ajusteras selon mes indications (...) ; en elle je te garderai, toi
qui me cries avec foi : « Sauve tous les hommes de la colère, par l’amour que tu nous portes,
Rédempteur de l’univers. » (...)
3.
Le peuple endurci ne comprend pas
Avec intelligence, l’élu accomplit son ouvrage ; mais le peuple sans intelligence, en regardant à
l’intérieur, connut138 ce qu’il faisait là139. On écouta ses explications, mais tout cela parut une chimère.
Le Juste pourtant criait avec foi aux hommes sans foi : « Mettez fin maintenant à la colère de Dieu, car
elle va venir rapidement. Pas de pardon pour l’incrédulité des vivants, à moins que vous ne vous
convertissiez sans tarder ! Un terrible cataclysme va s’abattre soudain : ces montagnes que vous voyez,
les eaux les recouvriront, elles détruiront la terre que vous perdez vous-mêmes par vos méfaits. (...) La
133
Isabelle de la Source, Genèse, p.37-38, Hymne sur Noé, strophes 1...10 Années paires, semaine 1, vendredi (Gn. 6, 5-22;
7,17-24)
134
Entrons dans « la tradition » par un texte qui actualise d’emblée le récit du Déluge : nous sommes semblables aux
hommes de l’Ancien-Testament : la Bible révèle notre vie de pécheurs. Le Nouveau Testament ne prend sens que si nous
assumons l’Ancien en nous.
135
La fin donne sens à l’histoire. Parce qu’un jour le temps s’arrête, nous nous interrogeons sur nos raisons d’être. Le
Déluge n’est pas une légende du passé, le récit évoque la mort de toute l’humanité, notre mort à tous. D’où la gravité de
cette histoire.
136
Car il y a une justice, même si elle est souvent bafouée. Sans justice pas de Juste, et pas de Salut, pas de sens à la vie
mortelle.
137
Jésus est l’ami de tout homme, même de Judas à qui il dit « mon ami » (Mt 28,50).
138
Au lieu de « reconnut » comme traduit Isabelle de la Source, il me semble qu’il vaut mieux traduire par « connut » au
sens biblique de « sut », car le peuple inintelligent voit bien mais reste extérieur au sens.
139
Il le sut, mais n’e n comprenait pas la raison.
8 juin 2017
748918657
43 sur 106
souillure de vos âmes, purifiez-la dans les larmes, conciliez-vous par la foi la puissance de notre Dieu.
Avant que ne se jette sur vous, pour votre perte, la subite fureur de la colère de Dieu, criez-lui :
« Sauve tous les hommes de la colère, par l’amour que tu nous portes, Rédempteur de l’univers ».
(...)140
4.
L’arche fut un tombeau
Mais ces fils de rébellion ne se convertirent pas. A leur perversité, ils ajoutèrent encore ce péché ; ils
persistèrent dans leur endurcissement, les misérables. (...) Dés lors, Noé méprisa ces fous et leur
conduite insensée. Songeant à l’avenir, il implora Dieu avec des larmes : « Tu m’as fait sortir autrefois
du sein de ma mère, ô mon Dieu, sauve-moi encore dans cette arche secourable, car je vais m’enfermer
dans cette sorte de tombeau, mais quand tu m’appelleras, j’en sortirai par ta puissance comme d’une
tombe141 ! En elle, je vais préfigurer dés maintenant la résurrection universelle, quand tu sauveras tes
justes du feu142, comme tu me sauveras dans les flots du mal en m’arrachant du milieu des impies, moi
qui te crie avec foi, à toi le Juge compatissant : ‘Sauve tous les hommes de la colère, par l’amour que
tu nous portes, Rédempteur de l’univers’. »
B.
SAINT JUSTIN (II°s)143
1.
Noé, figure du Christ
Vous savez donc, amis, poursuivais-je, que dans Isaïe (54,9), il est dit par Dieu à Jérusalem : Lors du
Déluge de Noé, j’ai sauvé. Or ce que disait Dieu, c’est qu’au Déluge s’opéra le mystère du Salut des
hommes.
Le juste Noé avec les autres hommes au Déluge, c’est-à-dire sa femme, ses trois fils et les femmes de
ses fils formaient le nombre huit et offraient le symbole du « huitième jour »144 auquel notre Christ
apparut, ressuscité des morts, et qui se trouve comme implicitement toujours le premier (2 P. 2,5).
Or, le Christ, premier-né de toute la Création (Col 1,15), est devenu en un nouveau sens, le chef d’une
autre race, de celle qui a été régénérée par lui, par l’eau, la foi et le bois qui contenait le mystère de la
Croix, de même que Noé fut sauvé dans le bois de l’arche porté sur les eaux avec les siens. Lors donc
que le prophète dit : Au temps de Noé, je t’ai sauvé, comme j’ai déjà dit, il parle pareillement au peuple
L’intensité du cri dépend de la conscience du péché. Mais qu’il est difficile de se reconnaître pécheur. Heureusement
peut-être.
141
L’arche est vue par le poète comme un tombeau au milieu de la mort universelle. Un tombeau duquel sortira toute la
Création nouvelle... Est-ce une allusion à celui de Jésus, une sorte de préfiguration ? Le baptistère chrétien est considéré
comme le « tombeau » du Christ, où le catéchumène se plonge avec Jésus pour ressortir avec Lui dans la gloire du Père, tout
rempli du feu de l’amour divin (Rm 6, 1-4).
142
Le Déluge d’eau annonce un autre Déluge : le Déluge de feu que met en scène le récit de Sodome et Gomorrhe. La vie
sacramentelle associé les deux images de l’eau et du feu : de l’eau d’abord, du feu ensuite. Curieusement, le feu va
« éteindre » l’eau... Il faudra comprendre ce passage de l’eau au feu qui aura lieu à la Pentecôte... Voir plus bas.
143
Justin a subi le martyre en 165 à Rome. Nous avons donc un témoignage très ancien de la pratique baptismale de l’Église
ancienne, et de ses rapports avec le récit du Déluge.
144
La figure du huitième « jour », ou du huitième « temps » : le huitième jour est le jour de tous les jours, dit quelque part
saint Augustin. C’est l’éternité au coeur du temps. De même le « huitième millénaire (un jour est comme mille ans et mille
ans comme un jour). Les Juifs attendent la Résurrection des morts qui succédera aux « jours du messie », le huitième
millénaire qui succédera au septième. Le temps du Christ correspond au septième millénaire juif auquel succédera la
Résurrection définitive.
140
8 juin 2017
748918657
44 sur 106
fidèle à Dieu, au peuple qui possède ces symboles145.
Moïse, avec un bâton à la main fit traverser la mer à votre peuple146. Vous, vous pensez qu’il a parlé
seulement à votre race ou à la terre. Car comme toute la terre, suivant l’Ecriture, fut inondée, que l’eau
monta au dessus de toutes les montagnes à quinze coudées, ce n’est pas à la terre manifestement que
Dieu a parlé, mais au peuple qui lui obéissait, auquel il avait préparé un lieu de repos à Jérusalem,
comme il a été démontré à l’avance par tous les symboles du temps du Déluge ; et j’entends ceci que
ceux qui se sont préparés par l’eau, la foi, le bois147, et se sont repentis de leurs péchés, échapperont au
jugement de Dieu qui doit venir148.
C.
ORIGENE (III°s)149
1.
Du juste Noé au juste Jésus
Prions maintenant Celui qui seul peut ôter le voile de la lettre du Vieux Testament, et tentons de
chercher quel genre d'éducation spirituelle contient cette magnifique construction de l'arche.
Autant que la petitesse de mon esprit me le permet, je pense que le Déluge, qui mit alors, pour ainsi
dire, un terme au monde, figure la véritable fin du monde. Le Seigneur lui-même l'a proclamé quand il
a dit : « Aux jours de Noé les hommes achetaient, vendaient, bâtissaient, se mariaient, mariaient leurs
filles, et le Déluge vint qui les perdit tous : ainsi en sera-t-il à l'avènement du fils de l'homme » (Lc 17,
26-27).
Dans ce texte, il apparaît bien que le Seigneur décrit d'une seule et même façon le Déluge qui est passé
et la fin du monde qu'il annonce. Jadis, il fut dit à l'antique Noé de faire une arche et d'y introduire avec
lui non seulement ses fils et ses proches mais des animaux de toute espèce; à la consommation des
siècles, il a été dit par le Père au Seigneur Jésus-Christ, notre Noé, qui est véritablement le seul Juste et
le seul Parfait, de se faire une arche de bois équarris et de lui donner des mesures pleines de mystères
célestes. C'est ce qui est indiqué dans le Psaume qui dit : « Demande et je te donnerai les nations pour
héritage et pour domaine les extrémités de la terre. » (Ps 2,8)
2.
L’arche et ses différents logements
Il construit donc une arche et il y fait des cellules, c'est-à-dire des logements pour recevoir les
différentes espèces d'animaux. Ce sont ces logements que vise le prophète quand il dit : Va, mon
peuple, entre dans tes logements, cache-toi pour quelques instants jusqu'à ce que ma colère ait passé
(Is 26,20). La comparaison s'impose donc entre ce peuple qui est sauvé dans l'Église, et tous ces êtres,
hommes et animaux, qui ont été sauvés dans l'arche.
Mais ni la récompense ni les progrès dans la foi ne sont les mêmes pour tous; c'est pourquoi cette arche
L’Église, comme peuple rénové par Dieu.
Justin est censé dialoguer avec le rabbin Tryphon : il s’agit du peuple juif.
147
L’eau, la foi, le bois font ensemble qu’il y a « sacrement du Salut ». L’eau, c’est notre vie mortelle commune, cette vie
qui est le domaine du Dragon; la foi, c’est le don que Dieu donne à l’intérieur des coeurs; le bois, c’est la Croix. Par la
Croix, Jésus est descendu aux enfers, c’est-à-dire dans les profondeurs de la mort où le Dragon tient Adam prisonnier. Pour
Justin, l’arche qui flotte sur les eaux de mort, préfigure la Croix qui a vaincu la mort. Un peu plus tard, elle préfigurera
l’ Église.
148
L’épreuve du feu qui est celle de l’amour divin ne pourra être supporté que celui qui s’y est préparé.
149
« Les Écritures, océan de mystères », Foi vivante N°399, p.55-56
145
146
8 juin 2017
748918657
45 sur 106
ne renferme pas pour tous le même appartement, mais le bas en est à « double voûte », le haut à « triple
voûte » et il y a diverses cellules. Cela montre que dans l'Église, bien que tous soient contenus à
l'intérieur d'une même foi et baignés dans un seul baptême, tous ne progressent pas autant ni de la
même façon, mais chacun en son rang (1 Cor 15,23).
Ceux qui ont pour règle de vie la connaissance raisonnable et qui sont capables de se conduire euxmêmes tout autant que d'enseigner les autres, sont en très petit nombre : ils reproduisent le petit
nombre de ceux qui sont sauvés avec Noé et qui lui sont associés à cause de leur étroite parenté. Ainsi
notre Seigneur, véritable Noé, le Christ Jésus, possède-t-il peu de très proches amis, peu de fils et de
parents, qui partagent sa parole et reçoivent sa sagesse. Ceux-là toutefois ont atteint le degré le plus
haut, ils sont placés au sommet de l'arche.
Les autres, cette foule d'animaux et de bêtes sans raison, se tiennent en bas : ce sont ceux surtout chez
qui la douceur de la foi n'a pas atténué la méchanceté ni la sauvagerie.
Quelque peu au-dessus d'eux il y a encore ceux qui, sans être entièrement raisonnables, font néanmoins
amplement preuve de simplicité et d'innocence.
3.
Noé « le repos »
C'est ainsi qu'en montant à travers les différents étages d'appartements, on arrive à Noé lui-même,—
Noé veut dire « le repos » ou « le juste » — Noé qui est le Christ Jésus. Car ce n'est pas à l'antique Noé
que conviennent ces paroles de Lamech son père : Celui-ci nous reposera de nos fatigues, du travail
pénible de nos mains et de la terre que le Seigneur a maudite. Comment, en effet, l'antique Noé auraitil pu en toute vérité « reposer » Lamech et le peuple qui se trouvait alors sur la terre, comment la
fatigue et le travail pénible auraient-ils pu cesser à l'époque de Noé, comment aurait pu être supprimée
la malédiction divine de la terre, quand on nous montre que c'est plutôt la colère divine qui s’accrut et
que Dieu dit, selon le texte de l'Écriture : Je me repens d'avoir fait l'homme sur la terre (Gn 6,7) et Je
détruirai toute chair sur la terre, et surtout quand la destruction des vivants témoigne d'une souveraine
disgrâce ?
Mais considérez Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il est dit de lui : Voici l'agneau de Dieu, voici celui qui
ôte le péché du monde (Jn 1,29), et ailleurs : I1 s'est fait pour nous malédiction, pour nous racheter de
la malédiction de la Loi (Ga 3,13), et ailleurs encore : Venez à moi, vous qui êtes fatigués et qui ployez
sous le fardeau, et je vous referai et vous trouverez le repos de vos âmes (Ga 3,13).Vous voyez que
c'est lui qui donne vraiment le repos aux hommes et qui délivre la terre de la malédiction portée contre
elle par le Seigneur Dieu.
C'est donc bien à ce Noé spirituel qui donne le repos aux hommes et qui ôte le péché du monde qu’il
est dit : Tu te feras une arche de bois équarris.
D.
SAINT AUGUSTIN (V°s)150
1.
Noé-Jésus ; l’arche-l’Église
Noé fut un homme juste et, au témoignage véridique de l’Écriture, parmi ceux de sa génération, un
homme parfait (non certes comme le seront les citoyens de la cité de Dieu en cette immortalité où ils
150
La Cité de Dieu, XV, 27. B.A. N°36, p.155
8 juin 2017
748918657
46 sur 106
seront les égaux des anges, mais comme ils peuvent l’être en terre d’exil). Dieu lui commande de faire
une arche, afin d’échapper par elle au désastre du Déluge, lui et les siens, c’est-à-dire son épouse, ses
fils, ses brus, ainsi que les animaux qui sont entrés dans l’arche sur l’ordre donné à Noé par Dieu. Tout
cela est sans nul doute une figure de la cité de Dieu séjournant comme à l’étranger en ce siècle, c’est-àdire de l’Église sauvée par le bois où fut suspendu le Médiateur entre Dieu et les hommes, l’Homme
Jésus Christ (1 Tm 2,5).
2.
Une croix allongée sur le sol151
Les mesures mêmes de sa longueur, de sa hauteur, de sa largeur figurent le corps humain dans la réalité
duquel on a annoncé qu’il viendrait chez les hommes et qu’il est venu. La longueur du corps humain en
effet, de la tête aux pieds, vaut six fois sa largeur qui va d’un côté à l’autre, et dix fois son épaisseur
mesurée du dos au ventre. L’homme étant couché sur le dos ou le ventre, sa longueur de la tête aux
pieds égale six fois sa largeur de droite à gauche ou inversement et dix fois son épaisseur au dessus du
sol. C’est pourquoi on donna à l’arche trois cents coudées de long, cinquante de large et trente de haut.
3.
La porte ouverte
Et la porte que l’arche reçut sur le côté152, c’est assurément la blessure qu’ouvrit la lance dans le côté
du Crucifié (Jn 19,34) : par là, certainement, entrent ceux qui viennent à lui, car de là découlèrent les
sacrements par lesquels les croyants sont initiés153. Si Dieu commande qu’elle soit faite de bois
équarri154, c’est pour figurer la parfaite stabilité de la vie des saints, car en quelque sens qu’on tourne
un bois équarri, il reste en équilibre. Et tout ce qui est encore décrit dans la construction de cette arche
est un signe des réalités de l’Église.
4.
Les trois étages
(...) les choses qui sont dites se rapportent toutes à cette cité de Dieu, dont nous parlons, qui voyage en
ce siècle mauvais comme dans un « déluge », si celui qui explique ne veut pas s’égarer loin du sens
voulu par celui qui a écrit ces choses155. Par exemple, quelqu’un ne veut-il pas que le texte qui se
trouve ici : tu feras un rez-de-chaussée, un second et un troisième étage (Gn 6,16), signifie (...) que
parce que l’Église est rassemblée de toutes les nations, elle est dite avec deux étages à cause des deux
catégories d’hommes, les circoncis et les incirconcis, que l’Apôtre appelle encore les Juifs et les
Grecs ; et « avec trois étages » parce que tous les peuples furent reconstitués après le Déluge par les
trois fils de Noé, libre à lui d’en parler autrement, sans s’écarter néanmoins de la règle de foi. Car,
parce qu’il a voulu que l’arche ait non seulement les pièces d’habitation dans les parties inférieures,
L’homme allongé fait penser au Crucifié (« voici l’Homme ! »). Ainsi les cathédrales du Moyen-Age, avec la nef et le
transept, inscrivent sur le sol la trace du Crucifié. Certaines, comme Tours, décallent l’axe du choeur vers la droite car, à sa
mort, la tête de Jésus penchait. C’est une exégèse connue de la mystique juive, qu’Augustin a sans doute trouvé chez Philon
d’Alexandrie (In genesi Quaest. II,5).
152
La Bible (Gn 7,42) dit que c’est le Seigneur qui ferma la porte sur Noé. Curieux détail qu’il faut interpréter. De quelle
porte s’agit-il ? Qui est « la porte » de « l’arche » (de l’Église) sinon Jésus qui nous fait entrer dans la Résurrection ? La vie
sort de Jésus en Croix pour nous permettre de nous en nourrir afin de pénétrer dans le Temple céleste.
153
Lecture traditionnelle souvent reprise par les Pères.
154
Évocation de la Croix qui maintient l’équilibre intérieur du baptisé. Pour les Pères, le navire de Noé, comme la barque
de Jésus, sont en bois. Ces embarcations évoquent le « bateau » qui nous porte et nous fait traverser les eaux de la vie
mortelle.
155
Après avoir parlé du sens allégorique (la Prophétie du Christ), Augustin évoque rapidement le « sens moral » ou
existentiel (la Bible pour nous aujourd’hui).
151
8 juin 2017
748918657
47 sur 106
mais aussi dans les parties supérieures (ce qui est appelé avec deux étages), et dans les plus élevées des
supérieures (ce qui est appelé « avec trois étages »), de sorte que la troisième habitation s’élève d’un
bloc du bas en remontant : on peut aussi comprendre ici les trois vertus recommandées par l’Apôtre :
foi, espérance, charité ; ou, de manière plus appropriée encore, les trois degrés de fécondité dont parle
l’Évangile : trente, soixante, cent pour un (Mc 4) (...)
E.
SAINT CYRILLE DE JÉRUSALEM (IV°s) 156
1.
Déluge, figure du Baptême
Certains disent que, de même que le Salut vint au temps de Noé par le bois et l’eau157, et que le
commencement d’une nouvelle Création eut lieu, et que la colombe revint vers lui, le soir, avec un
rameau d’olivier158, ainsi, disent-ils, l’Esprit-Saint est descendu sur le vrai Noé, l’auteur de la nouvelle
Création, quand la colombe spirituelle est descendue sur lui au Baptême pour montrer qu’il est celui
par qui le bois de la Croix confère le Salut aux croyants et qui avait, vers le soir159, par sa mort, fait au
monde la grâce du Salut160.
F.
SAINT HILAIRE DE POITIERS (IV°S)161
1.
Le Christ, notre « repos »
Tous ces événements... préfigurent largement l'avenir... Nous comparerons à Noé notre Seigneur, le
Verbe fait chair, lui qui a dit dans l'Evangile : Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et accablés, et
moi je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug et devenez mes disciples, car je suis doux et humble
de coeur, et vous trouverez le repos pour vos âmes. Oui, mon joug est facile et mon fardeau léger (Mt
11, 28-30). C'est donc lui qui fait reposer et qui procure le « repos »162 aux âmes; à cause du jugement
tout proche, il abrite, dans l'arche de sa doctrine et de son Eglise, ses fils par le sang et par le Nom. Il
leur donne l'Esprit-Saint, il meurt, on se moque de lui, il ressuscite, et il institue châtiment et
sanctification pour les actes justes ou pervers des hommes.
Dans l'ordre que Noé reçoit d'entrer dans l'arche puis d'en sortir, il faut voir la figure de la
sanctification de l'Eglise (1 P. 3, 20-21). Car il est écrit : Tu entreras dans l'arche, toi et tes fils, ta
156
Sacramentum Futuri. Noé et le Déluge, p.81. Daniélou commente : « Ce passage est bien dans la ligne de Cyrille de
Jérusalem qui s'attache à retrouver, dans les événernents de l'Ancien Testament, la figure des événements de la vie du
Christ. Mais ce qui nous importe, c'est qu'il nous donne le chaînon intermédiaire entre le Déluge et le Baptême. Le Déluge
est une figure du Baptême du Christ, lequel est, à son tour, une figure du Baptême du chrétien, si bien que la colombe du
Déluge apparaît comme figurant la venue du Saint-Esprit au Baptême.
157
Pour qu’il y ait sacrement, il y a forcément combinaison de deux images. Ici le bois qui sauve, et l’eau, domaine où vit le
Serpent des profondeurs,et où l’on meurt.
158
L’huile d’olive fait partie de la composition du Saint-Chrême. (Combien de baptisés s’appellent « Olivier ». L’Église,
jardin des baptisés, est comme le « jardin des oliviers » ou comme le « Mont des oliviers ».)
159
Le « soir » du Golgotha : ainsi le psaume : Au soir des larmes, au matin des cris de joie.
160
Trois récits bibliques sont associés, « symbolisés », pourrait-on dire : (1) le Déluge où la colombe est envoyée par Noé,
(2) le baptême de Jésus par Jean Baptiste où se manifeste encore la colombe, et (3) le Golgotha où l’Esprit, Colombe
invisible, conduit Jésus à la Résurrection. Il faut y ajouter la liturgie baptismale où l’Esprit - la Colombe invisible - descend
définitivement du « ciel » sur la « terre » (le catéchumène) pour le faire sortir de la mort (la cuve baptismale).
161
Thèmes et figures liturgiques, Les Pères dans la foi, N°28-29, p.36
162
Jeu de mots entre « Noé » (celui qui s’endort ou qui se repose) et « le repos ».
8 juin 2017
748918657
48 sur 106
femme et les femmes de tes fils (Gn 6,18). Et la seconde fois : Le Seigneur dit à Noé : Sors de l'arche,
toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils (8,16). A l'entrée dans l'arche, les sexes sont séparés, les
hommes avec les hommes, les femmes avec les femmes : cela signifie clairement que ceux qui veulent
entrer dans l'Eglise doivent pratiquer la continence163. Par la suite, chacun recevra la possibilité de se
marier.
2.
La colombe de l'arche
Ce que préfigure le second envoi de la colombe est parfaitement clair. Elle revient avec un rameau
d'olivier couvert de feuilles, et il n'est plus nécessaire de la prendre avec la main, elle revient en volant.
Cela s'est réalisé quand les soixante-dix disciples envoyés en mission pour prêcher l'Evangile, après
avoir reçu 1'Esprit-Saint, sont revenus avec la gloire de s'être soumis les esprits impurs (Lc 10, 1-20) :
l'Esprit-Saint rapportait le fruit de la miséricorde divine, symbolisée par l’olivier, et l'abandon ultérieur
du Seigneur par les disciples, l'empêchait déjà de trouver un lieu de repos.
Le troisième envoi sans retour de la colombe préfigure l'habitation dans le croyant du Saint-Esprit qui,
une fois envoyé, demeure éternellement dans l'âme des fidèles164.
G.
SAINT AMBROISE DE MILAN (IV°s)165
1.
Un « témoignage » de l’Écriture
Voici un autre témoignage : toute chair avait été corrompue à cause de ses iniquités. Mon Esprit, dit
Dieu, ne restera pas dans les hommes, parce qu’ils sont chair (Gn 6,3)166. Dieu montre par là que
l’impureté de la chair et la souillure d’une faute assez grave détournent la grâce spirituelle. Aussi Dieu,
voulant restaurer ce qu’il avait donné, fit le Déluge et ordonna au juste Noé de monter dans l’arche.
2.
La colombe remplace le corbeau
Celui-ci, quand le Déluge se retirait, lâcha tout d’abord un corbeau qui ne revint pas. Puis il lâcha une
colombe qui, lit-on, revint avec un rameau d’olivier (Gn 8, 6-11). Tu vois l’eau, tu vois le bois, tu
Il s’agit sans doute de ce qui était demandé aux jeunes avant le Baptême contrairement au concubinage habituel de la
société ambiante. Il ne s’agit donc pas d’une continence systématique, mais plutôt d’une maîtrise de la sexualité. La
continence était demandée par exemple pendant le carême.
164
Si la colombe ne revient pas vers Celui qui l’envoie, c’est qu’elle a trouvé un lieu d’habitation : l’âme purifiée du
baptisé.
165
Traité des Mystères. Sources chrétiennes N°25 bis, p.161
166
L’Esprit divin vivifie la chair. Sans l’action de Dieu, la nature humaine se pervertit.
163
8 juin 2017
748918657
49 sur 106
aperçois la colombe, et tu doutes du mystère ? 167
3.
Le sacrement du Salut
C’est l’eau où la chair est plongée pour effacer tout péché de la chair168. Tout forfait y est enseveli.
C’est le bois auquel fut attaché le Seigneur Jésus quand il souffrit pour nous.
C’est la colombe, sous l’aspect de laquelle descendit l’Esprit-Saint, comme tu l’as appris dans le
Nouveau Testament, c’est lui qui t’inspire la paix de l’âme, la tranquillité de l’esprit.
4.
Le corbeau qui se nourrit des épaves
Le corbeau est l’image du péché qui s’en va et ne revient pas, pourvu qu’en toi persévèrent
l’observance et l’exemple du juste.
H.
SAINT JEAN CHRYSOSTOME (IV°s) 169
1.
« Je ne maudirai plus », dit Dieu.
Admire l’immense bonté du Seigneur, ami des hommes, telle qu’elle ressort du texte de la Genèse :
« Le Seigneur Dieu se dit en lui-même : « Je ne maudirai plus jamais la terre à cause des œuvres des
hommes, car le cœur de l’homme est fortement porté au mal dés sa jeunesse. Plus jamais, tant que
durera la terre, je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait. » (Gn 8,1)
2.
Pourquoi se multiplier dans les épines de la vie ?
O poids infini de la bienveillance divine ! Incommensurable grandeur de son amour pour l’homme !
Patience qui dépasse toute expression ! (...) Quand le premier homme eut commis sa faute, Dieu l’avait
maudit en disant : La terre produira pour toi des ronces et des épines. Caïn à son tour fut pareillement
maudit. Et maintenant, après avoir tout détruit par le Déluge, Dieu veut consoler le juste et lui rendre
Le doute dont il est question ici, n’est pas de l’ordre du savoir mais de la foi. Une synthèse intérieure, qui est l’attestation
de l’Esprit saint fait jaillir une lumière dans le coeur du croyant. Alors, l’eau, le bois (la Croix) et la colombe composent
ensemble, et à l’intérieur du coeur, le sacrement du Salut. Une seule image (extérieure) serait insuffisante pour préfigurer le
sacrement chrétien. Voilà ce qu’écrit Daniélou dans Sacramentum futuri, p.76 : « Il y a entre le Déluge et le Baptême, la
ressemblance de l'eau, qui rentre dans la typologie illustrative. Elle ne suffirait pas par elle-même à fonder la typologie, et
ce sera l'erreur de certains exégètes de vouloir reconnaître le baptême partout ou on rencontre l'eau dans l'Ancien
Testament. Mais ces illustrations prennent un sens, là où elles sont des signes qui permettent de reconnaître les analogies
théologiques. La typologie recherche dans l'Ancien Testament non seulement la figure des réalités du Nouveau, mais aussi
la figure des « sacramenta » sur lesquels cette réalité s'exprime et qui sont eux mêmes les sacrements des réalités de
l'Ancienne Loi : si Dieu, en effet, a choisi ces signes plutôt que d'autres, comme le remarque saint Hilaire (Traité des
Mystères I, 33), c'est qu'ils constituent un système de « correspondances » à travers l'histoire entre les diverses alliances, qui
soulignent qu'elles font partie d'un même plan. Le groupe « eau et bois », pour signifier le Baptême dans l'Ancien
Testaınent, constitue l'un des plus antiques parmi ces « sacramenta ». On le retrouve dans l'arche du Déluge, dans le bois qui
adoucit les eaux de Mara, dans la hache d'Élisée flottant sur les eaux... »
168
Qu’entendre par là ? Serait-ce magique ? Certes non : nous sommes plongés dans les eaux du Baptême parce que nous le
sommes chaque jour dans les eaux mortelles de nos existences humaines. La finitude (fatigue, difficultés, souffrances...)
purifie et nous conduit à l’essentiel qui est le Christ. C’est en ce sens que « la mort » purifie. Voilà pourquoi les eaux du
Baptême sont bénies : parce que « la mort » est bénie : n’est-elle pas le lieu où doit se révéler l’amour dans la solidarité
humaine ?
169
Isabelle de la Source. Lire la Bible avec les Pères. La Genèse, p.41-42. Années paires, semaine 1, samedi. Homélie 27
sur la Genèse, n° 34
167
8 juin 2017
748918657
50 sur 106
confiance, pour qu’il ne se dise pas en lui-même : « Quel résultat a donc produit la bénédiction
originelle ? Pourquoi nous avoir ordonné de croître et de multiplier, si, devenus multitude, nous devons
tous périr ? » (...)
3.
Que chacun puisse choisir Dieu
Admire donc l’amour du Seigneur pour l’homme. I1 ne veut pas le voir tourner et retourner dans son
cœur de perpétuelles angoisses. Aussi déclare-t-il : Plus jamais je ne maudirai la terre à cause des
œuvres des hommes. (...) Et pour que nous ne puissions pas attribuer cet engagement de Dieu à la
conversion des hommes, il ajoute : car le cœur de l’homme est porté au mal dés sa jeunesse. Preuve
étonnante de son amour ! C’est parce que le cœur de l’homme est porté au mal dés sa jeunesse que je
ne maudirai plus la terre. J’ai fait, moi, sans me lasser, ce que je pouvais faire, mais puisque je vois
leur méchanceté augmenter sans cesse, je m’engage à ne plus maudire la terre, (...) je ne consentirai
plus, tant que durera la terre, à frapper tous les vivants comme je l’ai fait. (...)
4.
La patience de Dieu en vue du don de l’amour
C’est dire clairement qu’un tel cataclysme n’aura plus jamais lieu, qu’une telle destruction n’atteindra
plus jamais la terre des hommes170. (...) Je m’engage, dit-il, pour toute la suite des siècles, à ne plus
faire éclater ainsi ma colère, à ne plus bouleverser le cours des saisons et l’ordonnance des éléments.
(...) L’ordre établi restera inébranlable ; la terre ne cessera pas de pourvoir aux besoins de l’homme, en
échange de ses labeurs et de ses fatigues ; les saisons ne seront pas interverties ; le froid et la chaleur,
l’été et le printemps garderont leur place dans le cycle de l’année. (...) Le jour et la nuit poursuivront
leur ronde sans faillir, ils rempliront leur ministère sans interruption jusqu’à la consommation des
siècles.
I.
SAINT MAXIME DE TURIN (V°s)171
1.
Le Déluge, figure du Carême
Le nombre de quarante, frères très chers, a une valeur symbolique, liée au mystère de notre Salut. En
effet, lorsque dans les premiers temps, la méchanceté des hommes eut envahi la surface du sol, c’est
pendant quarante jours que Dieu fit tomber les eaux du ciel et inonda la terre entière sous les pluies du
Déluge. Dés cette époque, l’économie du Salut était donc annoncée en figure : pendant quarante jours,
la pluie tomba pour purifier le monde ; et maintenant, c’est aussi pendant les quarante jours du Carême
que la miséricorde est offerte aux hommes pour qu’ils se purifient.
2.
Le Déluge, figure du Baptême
Le Déluge, d’ailleurs, ne pourrait-il être appelé, lui aussi, une miséricorde de Dieu ? Grâce à lui, le mal
Pas de punition collective, mais appel à la liberté de chacun. Dieu n’a plus de solution de rechange car le Salut ne peut
venir que de l’intérieur des coeurs. Alors Dieu viendra lui-même, en personne, pour montrer le chemin qui nous fait sortir
de la mort. Il sera l’Image en personne; Alors, quiconque imitera l’Image, recevra en lui l’Esprit qui donne l’amour de Dieu
et la vie éternelle, l’Esprit qui nous intègre à la Trinité divine.
171
Isabelle de la Source, Genèse, p.39-40 : Sermon pour le Carême, n° 2-4, Années paires, semaine 1, vendredi (Gn. 6, 522; 7,17-24).
170
8 juin 2017
748918657
51 sur 106
fut anéanti et la justice sauvegardée ; le juste échappa et les péchés des méchants eurent un terme ; la
face de la terre se trouva renouvelée par les eaux comme par un baptême, et le monde qui, souillé par
les crimes des hommes pervertis, s’enfonçait dans le mal, donna un fruit de grâce, en portant l’arche du
juste Noé. De repaire d’iniquités, la terre devint maison de sainteté.
Oui, le Déluge est la figure du Baptême 172 Ce qui se produisit alors s’accomplit encore aujourd’hui :
quand les vices furent détruits par les sources des eaux jaillissantes, la justice régna, souveraine ; quand
les péchés disparurent, noyés au fond de l’abîme, la sainteté pût s’élever tout prés du ciel : voilà ce qui
se réalise maintenant aussi dans l’Église du Christ. (...) Portée par l’eau du Baptême, elle s’élève prés
du ciel ; les superstitions et les idoles sont englouties, et sur terre se répand la foi, jaillie de l’arche du
Sauveur. (...)
3.
L’arche, c’est l’Église
Certes, nous-mêmes sommes pécheurs. Cependant, à la suite du juste Noé, nous vous annonçons que
ce monde sera détruit. Seuls échapperont à la ruine ceux que l’arche portera enfermés en son sein.
Cette arche, c’est l’Église. (...) Oui, nous vous l’annonçons, ce monde fera naufrage ; c’est pourquoi
nous vous exhortons, vous, tous les hommes, à vous réfugier dans ce sanctuaire. Tel Noé qui accueillit
ses enfants dans l’arche, nous voudrions, nous aussi, ouvrir à tous nos fils l’unique arche spirituelle.
J.
SAINT EPHREM (V°s)173
1.
L’arc en ciel brille sur les eaux
Refrain : Les flots de la terre battent sur nos murailles, Seigneur,
ton arc-en-ciel est notre lumière
Dieu de bonté, tu as donné la joie à Noé
A ta miséricorde, il a été agréable
Par ses sacrifices, le déluge s'est arrêté,
Par ses offrandes, il a obtenu tes promesses
Et sont montés vers toi les parfums et les prières
de lui, Seigneur, tu as pris pitié.
Tu as fait serment
et voici qu'apparaît l'arc-en-ciel
Si jamais le déluge devait anéantir la terre
alors l'arc-en-ciel se déploierait
et le déluge irait loin
et la terre réconfortée
que ton serment maintienne la paix
que ton arc-en-ciel abatte la colère
Nous savons par toi, Seigneur,
par l'évidence qui le murmure,
que le sang pauvre de Noé
172
173
Le Baptême accomplit la Prophétie biblique.
Chants pour la Nativité. L’harmattan, 1996, chant N°1, p.19-21.
8 juin 2017
748918657
52 sur 106
répandu sur la terre
a écarté toute colère de sa descendance.
O combien la
puissance, le sang de l'être unique
arrêtera ainsi les flots du déluge !
Par ses sacrifices, Noé t'a offert sa faiblesse.
Ils sont devenus force pour te préfigurer,
et soudain s'est calmée ta colère.
De mon autel, est montée vers toi mon offrande,
et mon offrande t'a apaisé.
Eloigne de ma vie l'inondation !
Que ces deux signes nous protégent :
pour moi la Croix, pour Noé l'arc-en-ciel,
que ta Croix domine les eaux
comme ton arc-en-ciel arrêta le déluge.
Tu as ordonné aux tempêtes
de se lever contre moi.
C'est alors que mon cri
s'est élevé vers toi et j'ai dit :
ô l'arche bienheureuse,
tu n'étais cernée que par les eaux.
Or, pour moi, voici que m'assaillent
remparts, flèches et flots
Et si pour toi l'arche fut pleine de trésors
mon amphore à moi n'est qu'une urne de péchés
Mais voici que dans ton amour
l'arche a dominé les flots
Or je n'ai mérité que ta colère
Tes flèches m'ont aveuglé
et ton fleuve m'a troublé
Tandis que les flots ont conduit doucement l'arche
à cause de ton amour
Ainsi, comme pour l'arche, le notonnier,
conduis-moi vers les rivages tranquilles.
Dépose-moi comme elle au havre
de la montagne,
Afin, qu'avec ta paix,
Tu puisses m'établir dans mes remparts.
8 juin 2017
748918657
53 sur 106
K.
TERTULLIEN (II°s). 174
1.
L’imposition des mains
Ce rite se rattache à cet antique sacrement où Jacob bénit ses petits-fils Ephraïm et Manassé, fils de
Joseph (Gn 48,14) ; il posa sur leurs têtes ses mains entrecroisées. Il mit ainsi en forme de croix dans
l’idée qu’en formant sur eux l’image du Christ, elles annonceraient dés maintenant que la bénédiction
nous viendrait par le Christ.
2.
L’Esprit plane sur les eaux
Alors cet Esprit très saint, sortant du Père, descend avec complaisance sur ces corps purifiés et bénis ;
il se repose sur les eaux du baptême comme s’il reconnaissait là son ancien trône (Gn 1,2), lui qui sous
la forme d’une colombe est descendu sur le Seigneur. Par là, l’Esprit Saint manifestait sa nature, car la
colombe qui, jusque dans son corps, est privée de fiel est toute en simplicité et en innocence.
3.
La colombe
C’est pourquoi il nous est dit : soyez simples comme des colombes (Mt 10,16), et cela n’est pas sans
rapport avec une figure antérieure : après que les eaux du Déluge eurent purifié l’antique souillure,
après le baptême du monde, si j’ose dire, c’est la colombe lâchée de l’arche et revenant avec un rameau
d’olivier, symbole de paix même pour les païens, qui vint en messagère annoncer à la terre
l’apaisement de la colère du « ciel ». Ainsi, selon une disposition semblable, mais dont l’effet est tout
spirituel, la colombe qui est l’Esprit Saint, vole vers « la terre », c’est-à-dire notre chair, cette chair
sortant du bain, lavée de ses anciens péchés. Elle apporte la paix de Dieu, en messagère du ciel où se
tient l’Eglise dont l’arche est la figure.
4.
De l’eau au feu
Mais, dira-t-on, le monde retourna à son péché : le parallèle entre le Baptême et le Déluge est donc
assez mal venu ! Oui, c’est pourquoi le monde est destiné au feu175, comme tout homme qui après le
Baptême retourne à ses péchés. Cela aussi, il faut donc le comprendre symboliquement, comme un
avertissement qui nous concerne.
174
Du Baptême, VIII. Le Baptême, premier traité chrétien. Foi vivante, p.88-89.
Le feu de l’amour de Dieu, qui brûle tout ce qui n’est pas amour. Ce feu de Dieu est symbolisé par la flamme du cierge
pascal et du cierge baptismal.
175
8 juin 2017
748918657
54 sur 106
VI. DOSSIER : LE BAPTÊME DE JÉSUS
A.
Chromace d’AQUILÉE (V°S)176
1.
Le mystère de la Trinité
En ce jour (l’Épiphanie), comme nous venons de l'entendre lorsqu'on nous lisait la divine lecture, notre
Seigneur et Sauveur a été baptisé par Jean dans le Jourdain; aussi n'est-ce pas une petite solennité, mais
une grande, voire une très grande. Car lorsque notre Seigneur a daigné recevoir le baptême, l'EspritSaint est venu sur lui sous la forme d'une colombe, et on entendit la voix du Père qui disait : Celui-ci
est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur (Mt 3,17).
2.
Le Baptême purifie
Oh ! quel grand mystère dans ce Baptême céleste ! Des cieux, le Père se fait entendre, le Fils paraît sur
la terre, l'Esprit-Saint se montre sous la forme d'une colombe; il n'y a pas, en effet, de vrai Baptême, ni
de vraie rémission des péchés où n'est pas la vérité de la Trinité, et la rémission des péchés ne peut se
donner où l'on ne croit pas à la Trinité parfaite. Mais le Baptême que donne l'Église est l'unique et le
vrai; il n'est donné qu'une fois. Que quelqu'un s'y plonge une seule fois, le voici pur et renouvelé; pur
parce qu'il s'est débarrassé de la souillure des péchés; renouvelé parce qu'il ressuscite à une vie
nouvelle, après s'être débarrassé de la vieillerie du péché. Car ce bain du Baptême rend l'homme plus
blanc que neige, non dans la peau de son corps, mais dans la splendeur de son esprit et la pureté de son
âme.
3.
Le « ciel » s’ouvre
Donc, les cieux s'ouvrirent lors du Baptême du Seigneur, pour montrer que, par le bain de la nouvelle
naissance, le royaume des cieux s'ouvrait aux croyants, selon cette sentence du Seigneur : Si l'on ne
renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint, on n'entrera pas dans le royaume des cieux (Jn 3,5). Y entre donc
celui qui renaît, et qui ne néglige pas de garder la grâce de son Baptême; mais, de même, celui qui n'est
pas rené n'y entre pas.
Notre Seigneur étant venu donner un nouveau baptême pour le Salut du genre humain et la rémission
de tous les péchés, il a daigné d'abord recevoir lui-même le baptême, non pour se débarrasser de ses
péchés, lui qui n'avait pas commis de péchés, mais pour sanctifier les eaux du baptême dans le but
d'effacer les péchés de tous les croyants par le baptême des « renés ». (...) Le Baptême du Christ nous
lave donc de nos fautes et nous renouvelle pour la vie du Salut. Écoute l'Apôtre le déclarer en ces
termes : Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ (Gal 3,27). Et
encore : « vous avez été ensevelis avec lui par le Baptême en sa mort, afin que, de même que le Christ
est ressuscité des morts, vous aussi vous marchiez dans une vie nouvelle (Rm 6,4), Ainsi, par le
Baptême, nous mourons au péché et nous partageons la vie du Christ; nous mourons à notre vie
ancienne et nous ressuscitons en une vie nouvelle, nous dépouillons les égarements du vieil homme et
nous prenons le vêtement de l'homme nouveau. Même dans son baptême, le Seigneur a donc accompli
toute justice. S'il a voulu, en effet, être baptisé, c'est pour que nous-mêmes recevions le Baptême; s'il a
176
Sermons, Tome II, Sources chrétiennes N°164, p.183-185
8 juin 2017
748918657
55 sur 106
reçu le bain de la régénération, c'est pour que nous renaissions pour la vraie vie.
Certes Jean baptisa notre Seigneur et Sauveur; pourtant ce fut plutôt lui qui fut baptisé par le Christ,
car Jésus sanctifia les eaux, alors que Jean fut sanctifié par elles. Jésus donna la grâce, Jean la reçut;
Jean se dépouilla de ses péchés, Jésus les remit. Jean, en effet, était un homme et Jésus était Dieu. Or il
appartient à Dieu de remettre les péchés, comme il est écrit : Qui peut remettre les péchés, si ce n'est
Dieu seul ? (Mc 2,7; Lc 5,21). C'est pourquoi Jean dit au Christ : C’est moi qui ai besoin d'être baptisé
par toi, et c'est toi qui viens à moi ! (Mt 3,14) Jean devait être baptisé, car il ne pouvait être sans péché.
Le Christ, lui, n'avait pas besoin d'être baptisé, puisqu'il n'avait pas péché. Dans ce baptême qu'il reçoit,
notre Seigneur et Sauveur a donc d'abord lavé les péchés de Jean, et ensuite ceux du monde entier; d'où
ses paroles : Laisse faire présentement; ainsi convient-il que nous accomplissions toute justice (Mt
3,15).
4.
Josué figure le « Passeur » de la Terre Promise
La grâce du baptême de Jésus fut jadis mystique ment préfigurée, lorsque le peuple (élu) fut introduit,
en passant par le Jourdain dans la Terre promise, De même, qu'alors, au peuple (élu) suivant le
Seigneur, une voie fut ouverte qui l'introduisit dans la terre de la promesse, de même maintenant, grâce
aux eaux du même fleuve du Jourdain, un chemin est ouvert pour la première fois, qui nous introduit
en cette bienheureuse Terre de la promesse, c'est-à-dire en ce royaume céleste qui nous a été promis.
Pour le peuple (élu), Jésus, fils de Navé177, fut le guide à travers le Jourdain (Cf. Jos 3); pour nous,
c'est Jésus, le Christ Seigneur, qui, par son Baptême, est le guide du Salut éternel, lui, le Fils unique de
Dieu, qui est béni aux siècles des siècles. Amen.
B.
MAXIME DE TURIN (V°s)178
1.
La Trinité est présente
Dieu le Père est donc présent au baptême du Seigneur, l'Esprit également. Voyez la bienveillance du
Sauveur : au cours de la passion, il est voué seul aux outrages; au baptême, il n'a pas cherché sa gloire
à lui seul et ne veut pas être seul à y avoir part. Comme je l'ai déjà dit : Père et Esprit y sont présents.
Comme le Père est invisible, l'Esprit descend sous la forme d'une colombe, le Père par sa voix, pour
affermir la foi des hommes et désigner clairement le Sauveur.
A dire vrai, notre foi se fonde sur la vue et sur l'ouïe. C'est la raison pour laquelle l'Esprit apparaît aux
yeux sous la forme d'une colombe, le Père se manifeste à nos oreilles comme une voix. Cela est dû à la
faiblesse de notre foi. Sinon, Père et Esprit, en divinité invisible, auraient pu descendre sur le Verbe, le
Fils en demeurant invisibles. Pour nous ouvrir à la foi, le ciel s'est ouvert, l'Esprit est descendu vers le
Christ, le Père vers le Fils, la voix vers le Verbe. En effet, le Christ est le Verbe, au sujet duquel il est
écrit : Au commencement était le Verbe (Jn 1,1). C'est à juste titre, dis-je, que le Père est appelé
« Voix » et le Fils « Verbe », puisque le verbe ne fait que procéder de la voix. La Voix et le Verbe
s'accordent donc pour veiller au salut des hommes, en s'associant dans ce mystère.
177
178
Il s’agit de Josué. Le nom hébreu est « Josué », et le même nom en grec est « Jésus ».
L’année liturgique. Les Pères dans la foi, N°65, p.61-62.
8 juin 2017
748918657
56 sur 106
2.
Le Seigneur est une colombe
Voyons à présent pourquoi l'Esprit est descendu sur le Christ sous forme de colombe. Existe-t-il une
ressemblance entre la colombe et le Seigneur, entre la « voix » et le « verbe » ? Il en existe une et non
des moindres. Je dirais, en effet, que le Seigneur lui-même est une colombe, agile, douce et candide.
C'est une colombe, puisqu'il a demandé à ses disciples : Soyez simples comme des colombes (Mt
10,16). Le prophète l'insinue également quand il lui prête ces mots, après sa passion, à son retour au
ciel : Qui me donnera des ailes comme à la colombe, que je m'envole et me pose ? (Ps 55,7).
Au moment d'inaugurer les sacrements de l'Eglise, une colombe descend du ciel. Je cerne le mystère, je
reconnais la valeur symbolique. La colombe qui vient à l'Eglise, au baptême de Jésus, est la même qui
autrefois s'est hâtée vers l'arche de Noé, lors du Déluge (Gn 8, 11). Elle annonçait alors à Noé la
sécurité avec la branche d'olivier, à présent elle vient affirmer sa divinité et son éternité; elle portait
alors le symbole de la paix, à présent, elle répand cette paix elle-même, le Christ.
C.
MAXIME DE TURIN (V°s) 179
1.
Jean Baptiste est une voix en nous
Nous avons dit, dimanche dernier, en demandant pardon pour notre silence, que même si les prêtres se
taisent, pour le Salut de tous, I’enseignement de l’Évangile ne se tait pas, la parole de Dieu pallie le
silence. L’Écriture divine, en effet, parle et crie toujours, comme il est écrit à propos de Jean : Je suis
la voix de celui qui crie dans le désert. (Jn 1,23). Jean n’a pas seulement parlé en son temps, en
annonçant le Seigneur aux Pharisiens, en disant : Préparez le chemin au Seigneur, rendez droits ses
sentiers (Mt 3,3). Aujourd’hui, il crie en nous, et le tonnerre de sa voix ébranle le désert de nos
péchés ; même enseveli dans le sommeil du martyre, sa voix retentit encore. Il nous dit aujourd’hui :
Préparez les chemins du Seigneur, rendez droits ses chemins.
D.
SAINT AMBROISE DE MILAN (IV°s)180
1.
La Parole vient vers Jean
Donc la parole « se fit »181 pour que la terre, auparavant déserte182, nous produisît son fruit; le Verbe se
fit, la voix suivit : car le Verbe opère d'abord au dedans, puis la voix fait son office183. Aussi David ditil J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé (Ps. 116,1) : il a d'abord cru pour pouvoir parler184.
Donc « le Verbe se fit », pour que Saint Jean Baptiste prêchât la pénitence. Et de ce fait beaucoup
appliquent à Saint Jean la figure de la Loi, parce que la Loi a pu dénoncer le péché185, elle n'a pu le
pardonner; car quiconque suivait la voie des Gentils est, par la Loi, ramené de son égarement, détourné
du crime, exhorté à la pénitence pour obtenir grâce. Or la Loi et les prophètes ont duré jusqu'à Jean
L’année liturgique. Les Pères dans la foi, N°65, p.33.
Traité sur l’évangile de saint Luc. Tome I, Sources chrétiennes N°45, p.102-104
181
Allusion théologique : le Créateur se fait créature
182
La scène se passe dans un désert. Le peuple hébreu avait déjà été créé dans un désert.
183
Trois étapes successives : la grâce de Dieu précède l’écoute de la voix (ici, la possibilité d’écouter l’Ancien-Testament),
qui précède elle-même la parole articulée : Jésus-Christ.
184
David, l’homme des psaumes, l’homme de prière, auquel nous devons ressembler.
179
180
8 juin 2017
748918657
57 sur 106
(Lc, 16,16), et Jean est le précurseur du Christ : de même la Loi annonce l'Église, comme la pénitence,
la grâce186. Saint Luc a donc bien fait d'user de brièveté pour proclamer Jean prophète, en disant que
sur lui descendit la parole de Dieu, sans rien ajouter d'autre; car on n'a pas besoin de faire ses preuves
quand on est rempli de la parole de Dieu. Il n'a dit qu'un mot187, qui explique tout.
2.
Le vêtement de Jean Baptiste
Par contre, Saint Matthieu et Saint Marc ont voulu le montrer prophète en son vêtement, sa ceinture, sa
nourriture, puisqu'il eut un vêtement de poils de chameau et une ceinture de cuir sur les reins et qu’il
mangeait des sauterelles et du miel sauvage.
Le Précurseur du Christ ne supportait pas de laisser perdre les dépouilles des bêtes immondes188 et, par
le signe de son vêtement même, il présageait la venue du Christ, qui, prenant sur lui la monstruosité,
imprégnée des souillures de nos actions ignobles, des péchés de la gentilité immonde, il se
dépouillerait sur le trophée de la Croix du vêtement de notre chair.
Mais que veut dire ce pagne, cette ceinture de cuir, sinon que cette chair, qui jusque-là avait coutume
d'alourdir l'âme, a commencé après la venue du Christ à être non plus une gêne mais un baudrier ? Car,
selon David, nous avons suspendu nos lyres aux saules (Ps.137,2)189, et selon l'Apôtre nous n'avons
pas confiance dans la chair et nous avons confiance dans le corps190 (Phil.3,3); nous ne l'avons pas
dans les plaisirs, nous l'avons dans les souffrances, animés que nous sommes par un sentiment de
ferveur spirituelle et ceints pour exécuter tous les commandements du ciel, l'âme dévouée et en éveil,
le corps équipé et dégagé.
3.
Sauterelles et miel sauvage
La nourriture même du prophète indique sa mission, annonce le mystère. Est-il chose aussi vaine et
inutile pour l'homme que la récolte des sauterelles, et chose si féconde quant au mystère du prophète ?
Plus les sauterelles sont dépourvues d'utilité, impropres à tout usage, se dérobant au toucher, sautant çà
et là, rauques dans leur cri, plus elles conviennent et sont aptes à figurer le peuple des nations, qui, sans
labeur utile, sans œuvre fructueuse, sans pondération, émettant le son inarticulé de ses murmures,
ignorait la parole de vie. Ce peuple est donc la nourriture des prophètes; car plus nombreux est le
peuple qui se rassemble, plus s'accroît et abonde la récolte de la bouche des prophètes.
La suavité de l'Église est également préfigurée dans le miel sauvage qui ne se trouve pas dans la ruche
de la Loi comme produit par le peuple juif, mais est éparpillé dans les champs et sous le feuillage des
forêts par l'égarement des Gentils191, selon la parole : Nous l'avons trouvée dans les champs de la
185
Thème paulinien : la Loi (la Bible) ne sauve pas mais la grâce du Christ.
Seul celui qui a bien conscience de son péché peut être pardonné. La grâce agit déjà dans cette difficile reconnaissance.
187
La parole de Dieu est au fondemant de la vie sacramentelle chrétienne.
188
Thème courant chez les Pères : le chameau est un animal impur et monstrueux... Rappelons-nous cette parole : il est plus
difficile à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu, qu’à un chameau...
189
L’image de la lyre se mêle à celle du saule. Les branches du saule sont flexibles; on en fait des liens. Lien et ceinture
servent à attacher. Le corps de l’instrument de musique symbolise notre corps, ses cordes, une capacité d’harmonie. La lyre
bien accordée, fait vibrer ses cordes (ses liens) sur le bois : harmonie du corps lié et crucifié avec le Christ, et de l’âme qui
résonne au vent de l’amour divin. Ainsi, suspendre nos lyres aux saules, signiferait peut-être : lier nos corps, crucifiés et liés
avec le Christ, à la discipline de l’amour qui n’est pas simple esclavage.
186
190
Pour Paul, la chair semble négative, associée au désir, tandis que le corps personnel que l’on offrir par amour est l’occasion du Salut.
191
Du mal du monde, du péché des nations, est sorti un bien. Le miel des Écritures, sorti de la ruche juive, est partout goûté
dans le monde.
8 juin 2017
748918657
58 sur 106
forêt192 (Ps.132,6). Et celui-ci mangeait du miel sauvage pour annoncer que les peuples se
rassasieraient du miel du rocher193, ainsi qu'il est écrit : Et il les a rassasiés du miel du rocher (Ps.
81,17).
Ainsi encore, les corbeaux nourrirent Élie au désert d'aliments qu'ils apportèrent (1 R 17) et d'un
breuvage qu'ils lui procurèrent, signe que les peuples des nations, hideux par la noirceur de leur
conduite, qui, jusque-là, demandaient leur nourriture aux cadavres fétides, offriraient maintenant en
eux-mêmes, et apporteraient aux prophètes leurs aliments; car la nourriture des Prophètes, c'est
l'accomplissement de la volonté divine, comme le Seigneur lui-même l'a déclaré en ces termes : Ma
nourriture, c'est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé 194(Jn,4,34).
E.
*** SAINT THOMAS D’AQUIN (XIII°s) 195
1.
L’Esprit Saint a-t-il pris un corps ?
Mais parce que l’Esprit Saint ne peut être vu dans sa nature même — comme il est dit plus loin
(Jn 3,8) : [L’Esprit] souffle où il veut, tu entends sa voix, mais tu ne sais d’où il vient ni où il va - et
que, de plus, le propre de l’Esprit n’est pas de descendre mais de monter 196 — L’Esprit me
souleva197,— voilà pourquoi l’Evangéliste expose le mode de sa vision et de la descente de l’Esprit
Saint en disant que l’Esprit Saint ne fut pas ici selon sa nature, mais sous la forme d’une colombe,
forme sous laquelle i1 apparut ; et c’est pourquoi il dit comme une colombe ». I1 convenait certes que
le Fils de Dieu, rendu visible par la chair, fût manifesté par l’Esprit Saint sous la forme visible d’une
colombe. Cependant l’Esprit Saint n’assuma pas cette colombe dans l’unité de sa personne198, comme
le Fils de Dieu assuma la nature humaine. C’est que le Fils n’apparut pas seulement pour manifester,
mais pour sauver. Aussi fallait-il, dit saint Léon, qu’i1 fût Dieu et homme : Dieu pour apporter la
guérison, homme pour donner l’exemple199. Mais l’Esprit Saint apparut seulement pour manifester : or,
pour manifester, il suffisait qu’i1 assume une forme corporelle destinée seulement à être un symbole.
2.
Était-ce une « vraie » colombe ?
La colombe était-elle un véritable animal ? Existait-elle avant l’apparition ? A vrai dire, il est plus
conforme à la raison d’affirmer que ce fut une vraie colombe. Car l’Esprit Saint vint pour manifester le
Christ qui, étant la vérité, ne devait être manifesté que par la vérité.
La Paradis est un jardin cultivé; la forêt est une zone sauvage « plantée » d’hommes pécheurs.
Le « rocher » est une image de Dieu. Le miel du « rocher » est donc un miel divin, le « miel des Saintes Écritures », et
non celui des philosophes païens.
194
Dans le récit de la Samaritaine, Jésus refuse de manger la nourriture achetée par les apôtres dans la ville de Samarie,
parce qu’il des nourrir d’une autre nourriture. A la messe, nous mangeons la « volonté » de Dieu, en nous nourrissant de sa
Parole faite chair.
195
Commentaire sur l’Évangile de Jean, Tome 1, p. 274-277. Saint Thomas commente l’épisode du baptême de Jésus en
reprenant de manière claire, comme à son habitude, ce que les Pères de l’antiquité avaient dit avant lui.
196
Le corps charnel est pesant, la grâce divine allège et fait monter. La symbolique de « la pesanteur et de la grâce » reprend
celle de « la terre » (qui est en bas) et celle du « ciel » qui est en haut. Manière de parler, car il s’agit évidemment d’une
expérience spirituelle que les croyants vivent en eux. Quand Dieu prend un corps, il descend forcément : c’est l’Incarnation.
Quand Dieu communique son Esprit à l’homme, il fait monter... c’est « l’assomption » de l’Église... dans le corps des
baptisés, que préfigure celle de Marie.
197
Réminiscence biblique proche du psaume 102,11
198
L’Esprit Saint ne s’est pas incarné dans une colombe. Seul Jésus est l’Image corporelle du Père invisible, pas l’EspritSaint !
199
Les deux composantes du sacrement.
192
193
8 juin 2017
748918657
59 sur 106
A la seconde question — existait-elle avant l’apparition ? — il faut répondre : non, elle fut formée
alors par la puissance divine sans l’accouplement d’un mâle et d’une femelle, comme le corps du
Christ fut conçu par la puissance de l’Esprit, et non à partir de la semence de l’homme. Cependant, ce
fut une « vraie » colombe car, dit Augustin200, « Au Dieu tout-puissant qui a fait de rien toutes les
créatures, il n’était pas difficile de former un vrai corps de colombe sans le concours d’autres
colombes, comme il ne Lui fut pas difficile de façonner un vrai corps dans le sein de la bienheureuse
Vierge sans une semence naturelle ». Et saint Cyprien écrit 201 : « L’Esprit Saint vint sous la forme
d’une colombe parce que cet oiseau est simple et pur, sans colères amères, sans morsures cruelles, qu’il
ne fait de mal ni du bec ni de l’ongle ; il aime la demeure des hommes et se plaît à demeurer dans une
seule maison. Quand ils engendrent des petits, ils les élèvent de compagnie ; rassemblés, ils volent en
bande ; ils passent leur vie en commerce familier ; les baisers de leurs becs montrent leur paix
harmonieuse et ils observent en tout point la loi de la concorde ».
Pourquoi l’Esprit Saint apparut-i1 sous la forme d’une colombe, plutôt que sous une autre forme ? A
cela on peut assigner de multiples raisons.
Premièrement, à cause de la simplicité de la colombe, car la colombe est simple : Soyez prudents
comme des serpents et simples comme des colombes (Mt 10,16). Or l’Esprit Saint, parce qu’i1 fait
regarder l’Un, c’est-à-dire Dieu, rend simple ; c’est pourquoi i1 apparut sous la forme d’une colombe.
3.
Colombe et feu202
Selon Augustin203, i1 apparut encore sous forme de feu au-dessus des disciples réunis parce que
certains sont simples mais tièdes, et d’autres fervents mais fourbes. Aussi, pour que ceux que sanctifie
l’Esprit Saint fuient toute duplicité, celui-ci se montre sous la forme d’une colombe ; et, afin que la
simplicité n’engendre pas la froideur, i1 se montre sous la forme du feu.
Deuxièmement, à cause de l’unité de la charité, car la colombe brûle d’un grand amour : Unique est ma
colombe (Ct 6,9). Afin donc de montrer l’unité de l’Eglise, l’Esprit Saint apparaît sous la forme d’une
colombe. Aussi, ne te trouble pas de ce qu’à la descente du Saint Esprit sur chacun des disciples soient
apparues des langues de feu qui se partagèrent (Ac 2,3) entre eux, parce que l’Esprit se montre partagé
selon les divers ministères, et cependant i1 unit par la charité ; et c’est pourquoi i1 apparaît d’une part
sous forme de langues divisées — Il y a certes répartition des dons —, et d’autre part sous la forme
d’une colombe — mais c’est le même Esprit (1 Cor 12,4).
4.
Une évocation de la prière
Troisièmement, à cause du gémissement. En effet la colombe a pour chant un gémissement. Ainsi
l’Esprit Saint, comme le dit saint Paul, intercède pour nous en des gémissements ineffables (Rm 8,26) ;
et, comme le dit le prophète : Ses servantes gémissent, telle la voix de la colombe (Nah 2,8).
De agone christiano, Ch 22, 24.PL 4, 40, col.303. Augustin défend la « lettre » du texte évangélique, qu’il justifie par la
toute puissance du Créateur. Saint Cyprien, un siècle plus tôt, ne s’est pas placé dans cette problématique positive, mais a
aussitôt glissé sur la signification spirituelle de la colombe.
201
De unitate Ecclesiae 9. PL 4, col. 506 B.
202
Le Baptême de Jésus a souvent été rapproché de la Pentecôte. La colombe qui descend est la « Pentecôte de Jésus ».
Cepenant, comme Jésus a déjà en lui l’Esprit en plénitude. Ce peut être une manière de nous faire comprendre que l’activité
publique de Jésus, qui va commencer avec cet événement, est entreprise par la Trinité divine, comme tout acte de Dieu vécu
en Jésus Christ ? Est-ce, selon une lecture plus psychologique, la prise de conscience par Jésus de sa mission ?
203
Tract in Jo., 6,3
200
8 juin 2017
748918657
60 sur 106
5.
L’efficacité de l’Esprit
Quatrièmement, à cause de la fécondité. La colombe en effet est un animal très fécond ; c’est pourquoi
l’Esprit Saint apparut sous la forme d’une colombe, pour désigner la fécondité de la grâce spirituelle
dans l’Eglise. Voilà pourquoi, dans l’Ancien Testament, le Seigneur commanda qu’on lui offrît les
petits des colombes (Lv 5,7).
6.
Les yeux de la colombe
Cinquièmement, à cause du caractère avisé de la colombe : car elle siége aux bords des eaux, elle y
regarde, aperçoit le vol du faucon et se met à l’abri — Ses yeux sont des colombes au bord des
ruisseaux (Ct 5,12). Puisque, dans le baptême, l’Esprit Saint est notre garde et notre défense, il
convient qu’i1 apparaisse sous la forme d’une colombe.
7.
La colombe de Noé
(Que l’Esprit Saint soit descendu du ciel comme une colombe) cela répond enfin à une figure de
l’Ancien Testament 204. En effet, de même que la colombe, en rapportant un rameau d’olivier, donna
un signe de la clémence de Dieu à ceux qui avaient été préservés des eaux du Déluge, de même l’Esprit
Saint, venant sous la forme d’une colombe lors du Baptême du Christ, donne un signe de la clémence
divine qui remet les péchés et confère la grâce aux baptisés.
204
Précisément le Déluge : Gn 8,11.
8 juin 2017
748918657
61 sur 106
VII. DOSSIER : LA PÊCHE MIRACULEUSE
A.
Maxime de Turin (V°s)205
1.
La pêche des apôtres
Le temps est venu, frères, d'expliquer l'épisode évangélique lu récemment, où le Seigneur, toujours
présent dans la barque de Pierre, lui dit : Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu feras
vivre (Lc 5, 10). La conclusion nous livre le sens du passage. Les disciples étaient dans l'admiration à
voir les barques chargées de poissons. Au lieu de promettre à Pierre ce qu'il lui enseignerait, il se
portait garant d'une chose que l'apôtre ignorait complètement : dans cette même barque, au lieu de
poissons frétillants, remuerait une foule d'hommes auxquels il redonnerait vie.
Dans une barque, les hommes n'ont assurément pas l'habitude d'être ressuscités, mais transportés : la
navigation, loin de les réconforter, les fait trembler206.
Prenons garde : cette barque, confiée à la conduite de Pierre, n'est autre que l'Eglise : elle a mission de
donner non la mort, mais la vie, à ceux qui échappent aux tourbillons du monde, comparables aux
flots. Un frêle esquif retient les poissons projetés en l'air et arrachés aux gouffres. C'est ainsi que le
navire de l'Eglise rend la vie aux hommes, ceux qui menaient auparavant une vie qui meurt. Voilà ce
que signifie « redonner la vie » : on ne peut redonner la vie qu'à ceux qui auparavant en étaient privés.
Pierre va donc redonner vie aux hommes meurtris par les tourbillons du monde, étouffés par les flots
du siècle : ainsi, celui qui admirait la barque pleine à ras bord de poissons palpitants admirera
davantage l'Eglise chargée d'une foule d'hommes vivants.
2.
L’eau profonde
Tout ce chapitre renferme donc une signification symbolique : car plus haut également, lorsque le
Seigneur, assis dans la barque, dit à Pierre : Avance en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche
(Lc 5, 4), il lui conseille moins de jeter dans les profondeurs de l'eau les instruments de la pêche, que
de répandre au fond des cœurs les paroles de la prédication. Cet abîme des coeurs, Paul lui-même l'a
pénétré en y lançant la parole : O abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu !
(Rm 11, 33).
3.
Le filet de la foi
Non, il ne lui conseille pas d'attraper de petits poissons dans un filet, mais de rassembler les hommes
par la foi; la foi accomplit sur la terre ce que le filet accomplit sur les flots. Le filet ne permet pas que
se répande ce qu'il contient, la foi, de même, ne laisse pas errer ceux qu'elle rassemble; comme le filet
amène dans ses replis vers le navire les poissons qu'il a pris, la foi conduit dans son sein, vers le repos,
ceux qu'elle a rassemblés.
Toujours pour faire comprendre que le Seigneur parlait de la pêche spirituelle, Pierre dit : Maître, nous
avons peiné toute une nuit sans rien prendre, mais sur ta parole je vais jeter mes filets (Lc 5, 5).
Comme s'il avait dit : puisque nous avons travaillé en vain toute la nuit et que notre pêche ne nous a
205
L’année liturgique, p.174-176
8 juin 2017
748918657
62 sur 106
rien rapporté, je pêcherai désormais non pas avec un instrument, mais avec la grâce, non pas en artisan
appliqué, mais en fidèle zélé. Sur ta parole, dit-il, je vais jeter mes filets. Nous avons lu que le Verbe
est le Seigneur, notre Sauveur, comme le dit l'évangéliste : Au commencement était le Verbe, et le
Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu (Jn 1, 1). Puisque Pierre lance son filet selon le Verbe, il
répand partout son éloquence selon le Christ. Il déploie les filets ourdis et tissés selon les prescriptions
de son maître, il lance au nom du Seigneur des paroles plus claires et plus efficaces qui permettent de
sauver, non pas des animaux, mais des hommes. Nous avons peiné, dit-il, toute la nuit sans rien
prendre. Oui, Pierre avait bien peiné toute la nuit : auparavant, gêné par l'obscurité, il ne pouvait voir
ses proies; lorsque la lumière du Sauveur a brillé, les ténèbres se sont dissipées, et sa foi lui a permis de
distinguer, au plus profond des flots, ce que ses yeux ne pouvaient voir. Pierre a effectivement souffert
de la nuit, jusqu'à ce que le jour, qui est le Christ, vienne à son secours. C'est ce qui fait dire à l'apôtre
Paul : La nuit est avancée. Le jour est arrivé (Rm 13, 12)207.
Jésus Christ, notre Seigneur, qui vit et règne dans les siècles des siècles, amen.
B.
ORIGÉNE (III°s)208
1.
Tout homme est un poisson sans liberté
Dans ce passage »le royaume des cieux est semblable à un filet jeté dans la mer (est à interpréter) non
pas dans le sens où l'entendent certains209 qui prétendent découvrir, sous ces mots, l'existence de
natures différentes de méchants et de justes capturés dans le filet, au point de croire qu'à cause du
passage où il est dit qu’il rassemble toute espèce de poissons (Mt 13,47), il y aurait des natures
nombreuses et différentes de justes aussi bien que de méchants; car une telle interprétation est
contredite par toutes les Écritures qui révèlent le libre arbitre et qui accusent les pécheurs, tandis
qu'elles approuvent ceux qui se conduisent bien, et il serait injuste que le blâme accompagnât les uns, à
cause de leur espèce mauvaise qui se trouverait telle par nature, ou la louange les autres à cause de leur
espèce supérieure.
2.
La création au fond des eaux
Car s'il y a de mauvais et de bons poissons, la cause n'en est pas dans leur âme de poisson ? mais dans
le fait que connaît la Parole quand elle dit : Que les eaux produisent des reptiles vivants ! (Gn 1,20) et
aussi Dieu fit les monstres marins et tous les êtres rampants que les eaux produisirent selon leur
espèce (Gn 1,21). Donc, à ce moment-là, tous les êtres rampants, ce sont « les eaux qui les produisirent
selon leur espèce », sans que leur âme y fût pour rien.
Maintenant, au contraire, nous sommes nous-mêmes responsables, si nous appartenons à une espèce
C’est donc une chose étrange qu’il va falloir expliquer (« rouge »).
Le passage du sens littéral du texte biblique, aux sens spirituels est du même ordre : un passage des ténèbres intérieures à
la Lumère de l’Esprit. Les récits bibliques, et d’abord ceux des évangiles, n’accèdent à leur pleine clarté que référés à la
mort et à la Résurrection de Jésus, notre Seigneur, qui nous envoie sa lumière.
208
Commentaire sur l’évangile de Matthieu, Sources chrétiennes N°162, p.179-181
209
Les gnostiques ou autres manichéens qui nient la liberté et pensent qu’il existe une race d’hommes « culturellement »
supérieurs et automatiquement sauvés (les bons poissons) tandis que les autres seraient naturellement inférieurs, mauvais et
jetés.
206
207
8 juin 2017
748918657
63 sur 106
bonne et digne d'entrer dans les corbeilles dont parle le texte210, ou bien des espèces mauvaises qui
méritent d'être jetées au loin ; car ce n'est pas notre nature qui, en nous, est cause du mal, mais notre
libre arbitre qui fait le mal sans contrainte. De même, ce n'est pas non plus notre nature qui est cause de
notre justice, comme si elle était incapable de péché, mais c'est la parole (divine) que nous avons reçue
qui façonne les justes, et, de fait, quand il s'agit des espèces aquatiques, il n'est pas possible de les voir
passer d'une mauvaise qualité, en tant qu'espèce de poissons, à une qualité supérieure ni, de meilleurs
qu'ils étaient, devenir plus mauvais, tandis que, lorsqu'il est question des hommes, on peut toujours
voir les justes ou les méchants faire effort pour passer du mal à la vertu, ou bien se laisser glisser du
progrès vers la vertu à la déchéance vers le mal.211
C.
TERTULLIEN (II°s)212
1.
Nous, les petits poissons
Vipères, aspics, basilics, recherchent d’habitude des lieux arides et sans eau, mais nous petits poissons,
qui tenons notre nom de notre « ichthus » (Jésus-Christ)213, nous naissons dans l'eau et ce n'est qu'en
demeurant en elle que nous sommes sauvés. C'est pourquoi ce monstre de femme, qui normalement
n'avait même pas le droit d'enseigner (1 Cor 14,34; 1 Tm 2,12), a trouvé le meilleur moyen de faire
mourir ces petits poissons : les sortir de l'eau.214
210
... de la parabole du Filet. Que ce soient les poissons ou les morceaux de pain des corbeilles de la Multiplication des
pains, il s’agit toujours d’êtres humains.
211
La prédestination des âmes n’existe pas : à nous de vouloir être recueilli dans la corbeille eucharistique.
212
Traité du Baptême, Foi vivante N°176, p.73.
213
« ichthus » veut dire « poisson » en grec, mais c’est aussi l’anagramme de « Jésus (I) Christ (CH), Dieu (Th) - Fils (U),
Sauveur (S). C’est donc une profession de foi en « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur ».
214
Quiconque prêche une autre « eau » que la foi de l’Église, fait mourir les baptisés les plus fragiles.
8 juin 2017
748918657
64 sur 106
VIII. PARTIE PÉDAGOGIQUE
A.
La catéchèse des 4- 8 ans
Cinq années se déroulent entre la Moyenne Section de Maternelle et le CE 2. L’âge des enfants varie
entre 4 et 8 ans. Certes, les « niveaux de parole » sont assez homogènes durant cette tranche d’âge : ils
oscillent entre le « bleu » et le « vert ». Un « rouge » ponctuel et fugitif s’exprime de temps à autre,
surtout en CE 2, mais ce « rouge » ne peut pas être pris en compte pour être reconstruit : c’est trop tôt !
On peut,et on doit même l’accueillir, mais on ne peut guère faire mieux.
Toutefois, le CE 2 fait partie du cycle III, et la législation scolaire française fait travailler cette classe
avec les plus grands. L’esprit critique (le « rouge ») se développe donc plus facilement qu’il y a
quelques années. Sachons-le, et ne développons pas trop vite la parole critique des enfants, qui resterait
alors dans le vide car la reconstruction est impossible à cet âge. Ce sera, un an plus tard, la visée
principale de la classe de CM1 (9 ans).
Certains récits bibliques qui jetteraient trop vite les enfants dans le « rouge », ne conviennent pas en
CE 2. Il vaut mieux raconter le Déluge en CP (6 ans) ou en Maternelles (4-5 ans) plutôt qu’en CE 2 (8
ans). Ce beau récit convient au contraire très bien en CM 1, mais avec le projet de développer l’esprit
critique en vue d’une vue future reconstruction intérieure qui ne s’amorcera vraiment qu’en CM2.
La visée pédagogique de la petite enfance n’est pas l’intériorité, mais au contraire l’extériorité. Cette
visée est double : à la fois la parole « bleue » (mémoire) et la parole « verte » (rapprochements) car
l’une ne va pas sans l’autre. Il s’agit d’une structure mentale provisoire où le récit biblique et le monde
sont perçus en totale extériorité : l’enfant se croit spectateur de ce qu’il entend, et il réfléchit comme
s’il était en face de choses qui se dérouleraient devant lui. C’est le spectacle de son imagination, et le
pédagogue travaille sur la structure de cette imagination,terreau de toute créativité et de toute vie
spirituelle.
Le monde mental « bleu-vert » est imaginaire parce que le spectacle est en images. Piaget a forgé
l’expression bien connue de « pensée concrète ». L’image est une représentation affective du monde, ce
qui fait souvent penser que l’enfant a une vie intérieure. Il faudrait plutôt dire que l’enfant a ses
émotions à fleur de peau, car ces émotions ne sont pas encore « descendues » dans son esprit,
encadrées par l’esprit. La vie affective n’est pas la vie intérieure de l’être humain. Ainsi ses caprices,
par exemple, ne sont pas de l’ordre du spirituel mais de l’ordre de l’affectif. La confusion entre vie
affective et vie spirituelle est assez courante.
La vie affective a toutefois une très grande importance. L’homme « froid » ne peut pas aimer, mais
l’homme trop « chaud » n’aime pas plus. La vie affective doit être développée de concert avec la
réflexion. L’éducation qui séparerait les deux serait catastrophique : l’intelligence serait par exemple
réservée au monde scientifique, et la vie affective serait enfermée dans le « tout tout de suite » de
l’instant présent. Aucune logique de vie n’existerait, aucune intelligence des relations, aucun sens de
l’existence. Suivant ses activités, l’être humain aurait ou bien une grosse tête et un petit coeur, ou bien
une petite tête et un grand coeur.
Le récit en images unit l’affect et l’intellect. L’enfant commence par inscrire affectivement les images
du récit biblique dans sa mémoire (parole « bleue »), puis, en discutant, il y associe une logique, celle
que le récit met en scène (parole « verte »). Comme la Bible raconte l’Alliance avec Dieu, aussi bien
l’affect (le corps) que l’intellect (l’esprit) sont associés à Dieu et à la prière.
8 juin 2017
748918657
65 sur 106
B.
CATECHESE A MINIMA POUR LE CYCLE III
Janvier :
Baptême de Jésus (Mt 3)
Traversée de la mer (Ex 14)
Février :
Tentation de Jésus (Mt 4)
Tentation d'Adam (Gn 3)
C.
Les séquences de ce dossier
4 - 7 ans : TRAVERSER L’EAU. Cette séquence, (avec son introduction théologique et patristique),
est proposée par l’équipe de Jeanne d’Arc de Gisors.
8 ans : Une séquence sur les Tentations de Jésus au désert.
9 -10 ans : La séquence N° 13 a été revue et améliorée par l’équipe d’Asnières.
11 ans : Le Mystère du Mal est la séquence N°29 qui a aussi été revue et améliorée.
8 juin 2017
748918657
66 sur 106
IX. LA SÉQUENCE DES 4 -7 ANS
TRAVERSER L’EAU
Bleu-vert, de 4 à 7 ans
Baptême
Références bibliques :



A.
La traversée de la mer
Ex 13,17 - 14,31.
La tempête apaisée Mc 4, 35 - 41
Le Déluge Gn 6 à 9
ÉLÉMENTS THÉOLOGIQUES et patristiques
1.
SAINT GREGOIRE DE NYSSE (IV°S)215
Au sortir de l'eau baptismale, laissons derrière nous tous le bataillon des vices
a)
La traversée de l’eau216
L’Exode nous rapporte le déroulement d’événements passés; l’interprétation spirituelle nous les montre
en train de s'accomplir encore. (...) En entendant cette histoire, en effet, comment ne pas songer au
mystère de l'eau dans laquelle on descend avec toute l'armée des ennemis et d'où l'on sort seul, tandis
que les troupes adverses sont englouties dans les flots : (...) cette eau qui devient principe de vie pour
ceux qui y cherchent refuge, et occasion de mort pour leurs poursuivants ? Le récit nous enseigne donc
qu'après être passés à travers l'eau, ceux qui en sortent ne doivent rien traîner derrière eux de l'armée
ennemie. Si, en effet, l'ennemi remonte avec eux, ils demeurent dans l'esclavage, même au sortir de
l'eau, puisqu'ils ont fait remonter avec eux le tyran217, au lieu de l'enfoncer dans l'abîme.
b)
Noyer nos mauvais diables
Dévoilons maintenant le sens de ces événements, caché sous le symbole218 : tous ceux qui, dans le
baptême, traversent l'eau mystique, doivent faire mourir dans les eaux tous les bataillons du mal, tels
que la convoitise, la concupiscence, l'avidité à piller, les sentiments de vanité et d'arrogance, les élans
de violence, la colère, le ressentiment, l'envie et la haine. Toutes les passions de ce genre
accompagnent presque spontanément notre nature; elles suscitent dans notre cœur de mauvais
mouvements et produisent les actes qui en découlent.
215
La vie de Moïse
L’eau baptismale évoque notre vie mortelle. Jadis, le Baptême se faisait toujours par immersion : la plongée baptismale
rappelle notre condition d’homme mortel (nous sommes plongés dans la réalité de cette vie-là). Pour nos anciens, le rituel
était clair : le baptistère représente le tombeau d’où le Christ est sorti. Par l’Incarnation, Dieu est venu se plonger dans notre
humanité pour nous faire sortir de la mort et du péché. A Pâques, Jésus est sorti des « eaux de la mort », au Baptême nous
désirons nous associer à sa Résurrection, en acceptant de vivre notre condition mortelle au service de l’amour. La mort et
ses soufffrances nous font douter de l’amour de Dieu, et c’est le péché. La mort et ses souffrances produisent en nous la
peur, l’enfermement sur soi, l’égoïsme, la jalousie la violence, le péché sous toutes ses formes. Tel est « l’ancien Adam »
que nous sommes. Mais au Baptême nous nous lions au Christ (nouveau Moïse). Durant toute son existence, le baptisé
cherche à passer de la mort d’ici bas à la Vie éternelle qui est le Christ en nous, une nouvelle manière de vivre l’humanité
mortelle, on dit : un « nouvel Adam ».
216
217
Satan
Autrement dit, lisons le récit en intériorité, en le référant au combat spirituel qui met en oeuvre l’union intime de l’homme intérieur et
de la Parole. Tel est le « Symbole » !
218
8 juin 2017
748918657
67 sur 106
c)
Tous plongés dans la même eau, pour noyer le mauvais levain
Dans le Mystère de la Pâque, il est aussi prescrit de manger du pain azyme avec la victime pascale,
cette victime dont le sang préserve de la mort ceux qui l'utilisent. Le pain azyme, c'est du pain auquel
n'est pas mélangé le ferment d'un vieux levain. Par cette prescription, la loi nous donne à entendre
qu'aucun reste de perversité ne doit se mêler à la vie nouvelle (I cor 5, 7-8), mais qu'il faut donner à
cette vie un commencement vraiment neuf, en brisant l'engrenage ininterrompu du mal, par la
conversion au bien. Ainsi faut-il engloutir dans le baptême sauveur, comme dans un abîme, tous les
Egyptiens, c'est-à-dire toutes les formes du péché, pour en émerger, seul, ne traînant derrière soi, dans
sa conduite, rien d'étranger. Tel est le sens de ce récit qui nous montre dans la même eau les sorts si
différents de l'ami et de l'ennemi : pour l'un, elle est mort; pour l'autre, elle est vie.
d)
Le Baptême n’est pas une simple formule, mais un choix de vie
Par ignorance des commandements de la Loi, beaucoup de ceux qui ont reçu le sacrement du Baptême
mêlent le vieux levain du péché à leur vie nouvelle; même après le passage de l'eau, ils traînent derrière
eux, dans leur manière de vivre, une armée égyptienne toujours bien vivante. En effet, celui qui, avant
la grâce du baptême, s'est enrichi par le vol ou l'injustice, celui qui a acquis par faux serment une
propriété, qui vit avec une concubine, qui a osé faire quelque action défendue, celui-là, s'il continue à
vivre après le Baptême dans la jouissance de ce qu'il a mal acquis, pense-t-il être délivré de l'esclavage
du péché ? Ne voit-il pas qu'il reste courbé sous le joug de ses tyrans ? Car c'est un tyran cruel et
furieux que la concupiscence; par les voluptés, comme par des fouets, elle violente l'âme qui lui est
asservie. Autre tyran du même genre, l'avarice : elle ne laisse aucun répit à son esclave; il aura beau
travailler pour obéir aux ordres de son tyran, s'il veut acquérir à la mesure de son désir, il sera entraîné
toujours plus loin. Faire le compte de toutes les autres pulsions des vices, c'est énumérer autant de
despotes et de tyrans. Leur rester asservi même après avoir traversé l'eau, c'est, à mon avis, comme si
l'on n'avait pas touché l'eau du sacrement, puisque son œuvre propre est l'anéantissement des
puissances du mal.
2.
SAINT AUGUSTIN (V°S)
Comment apaiser les tempêtes du cœur ?
Je vais, avec la grâce du Seigneur, vous entretenir de l'évangile de ce jour. Je veux aussi, avec l'aide de
Dieu, vous encourager à ne pas laisser la foi dormir dans vos cœurs au milieu des tempêtes et des
houles de ce monde.
a)
Réveiller le Christ en nous219
Le Seigneur Jésus Christ exerçait sans aucun doute son pouvoir sur le sommeil non moins que sur la
mort, et quand il naviguait sur le lac, le Tout-Puissant n'a pas pu succomber au sommeil sans le
vouloir. Si vous le pensez, c'est que le Christ dort en vous. Si, au contraire, le Christ est éveillé en
vous, votre foi aussi est éveillée. L'Apôtre dit : Que le Christ habite en vos cœurs par la foi (Ep 3,17).
Donc le sommeil du Christ est le signe d'un mystère. Les occupants de la barque représenterait les
âmes qui traversent la vie de ce monde sur le bois de la croix.
219
Autres réveils bibliques : Le sommeil, celui d'Adam d'où sortira une nouvelle créature, Eve. Le sommeil d'Abraham Gen
15 (12) et Dieu parle, et Dieu agit. Elie s'endort et est nourrie par le corbeau I Rois 19 (S)... Mort et Résurrection... On
plonge et on ressort... On dort et on s'éveille... On dort et on se réveille...
8 juin 2017
748918657
68 sur 106
b)
La barque de Pierre est l’Église
En outre, la barque est la fıgure de l'Eglise. Oui, vraiment, tous les fidèles sont des temples où Dieu
habite, et le cœur de chacun d'eux est une barque naviguant sur la mer : elle ne peut sombrer si l'esprit
entretient de bonnes pensées.
c)
Tu sèmes le vent, tu récoltes la tempête
On t'a fait injure : c'est le vent qui te fouette ; tu t'es mis en colère : c'est le flot qui monte. Ainsi, quand
le vent souffle et que monte le flot, la barque est en péril. Ton cœur est en péril, ton cœur est secoué
par les flots. L'outrage a suscité en toi le désir de la vengeance. Et voici : tu t'es vengé, cédant ainsi
sous la faute d'autrui, et tu as fait naufrage. Pourquoi ? Parce que le Christ s'est endormi en toi, c'est-àdire que tu as oublié le Christ. Réveille donc le Christ, souviens-toi du Christ, que le Christ s'éveille en
toi. Pense à lui.
d)
Fais mémoire de Lui
Que voulais-tu ? Te venger. As-tu oublié la parole qu'il a dite sur la Croix : Père, pardonne leur : ils ne
savent pas ce qu'ils font (Lc 23,34) ? Celui qui s'était endormi dans ton cœur a refusé de se venger.
Réveille-le, rappelle toi son souvenir. Son souvenir, c'est sa parole; son souvenir, c'est son
commandement. Et quand tu auras éveillé le Christ en toi, tu te diras à toi-même : Quel homme suis-je
pour vouloir me venger ? Qui suis-je pour user de menaces contre un homme ? Peut-être serai-je mort
avant d'avoir pu me venger ? Et quand viendra pour moi le moment de guider ce corps, si j'expire
brûlant de haine et assoiffé de vengeance, celui qui n'a pas voulu se venger ne m'accueillera pas. Celui
qui a dit : Donnez et vous recevrez; pardonnez et vous serez pardonnés (Lc 6,37) ne m'accueillera pas.
Je réprimerai donc ma colère, et mon cœur trouvera à nouveau le repos. Le Christ a commandé à la
mer, et elle s'est calmée (cf Mt 8,26).
e)
Le vent de la tentation
Ce que je viens de vous dire au sujet des mouvements de colère doit devenir votre règle de conduite
dans toutes vos tentations. La tentation surgit : c'est le vent qui souffle ; ton âme est troublée, c'est le
flot qui monte. Réveille le Christ, laisse-le te parler. Qui donc est celui-ci, pour que même les vents et
la mer lui obéissent (Mt 8,27)220 ? Quel est celui à qui la mer obéit ? A lui la mer, c'est lui qui l'a faite
(Ps 94,5). Par lui, tout s 'est fait (Jn 1,3) ?221 Imite plutôt les vents et la mer : obéis au Créateur. La mer
entend l'ordre du Christ, vas-tu rester sourd ? La mer obéit, le vent s'apaise, vas-tu continuer souffler ?
f)
Être pacifié
Que voulons-nous dire par là ? Parler, agir, ourdir des machinations, n'est-ce pas souffler, et refuser de
s'apaiser au commandement du Christ ? Quand votre cœur est troublé, ne vous laissez pas submerger
par les vagues. Si pourtant le vent nous renverse - car nous ne sommes que des hommes - et qu'il excite
les passions mauvaises de notre cœur, ne désespérons pas. Réveillons le Christ, afın de poursuivre
notre voyage sur une mer paisible et de parvenir à la patrie.
220
On pourrait ajouter le psaume 65,8 : I1 apaise le mugissement des mers, le mugissement de leurs flots.
Alllusion à la Création (Gn 1,6) et à l’ouverture de la Mer Rouge (Ex 14,21). Ne pas oublier que le Baptême est une
« nouvelle Création ». Augustin parle en ayant bien en tête que l’Évangile est avant tout une catéchèse baptismale.
221
8 juin 2017
748918657
69 sur 106
B.
ÉLÉMENTS PÉDAGOGIQUES
Les trois récits : « Le Déluge », « la Traversée de la Mer » et « La tempête apaisée » peuvent être
racontés en Maternelle, en CP et en CE 1. En CP et CE1 : une histoire tous les quinze jours.
Le travail de création peut différer. Pour remplacer le dessin habituel, on peut préférer un coloriage en
Maternelle et un mime en CP-CE1.
Pour le Déluge, reportez-vous à la séquence 56, Tome II, p70 (à partir de 4 ans, « bleu ») ou à la
séquence 105 (6-7ans), Tome III, p. 92. Mais le Baptême de Jésus, associé au Déluge, est peut-être un
peu difficile pour les petits, car ce n’est pas un vrai récit.
1.
La traversée de la Mer
a)
Information
Pour bien raconter aux enfants, commencer par bien se mettre en tête toutes les images du récit, les
lieux, le temps, le déroulement des actions, les personnages. Supprimer Aaron, car trois personnages
suffisent pour les enfants : Dieu, Moïse et le roi d’Égypte. Moïse berger, moutons, voix de Dieu,
malheur du peuple, roi d'Egypte, méchanceté du roi, garçons premiers-nés, maisons marquées de sang,
vieux pain, fête, bâton à la main, mer à traverser, lever du soleil, cavaliers, grande fête...en vue de faire
un récit vivant imagé et bien rythmé qui tiendra les enfants en haleine. Il sera important de mettre
l'intonation (peur, colère, joie) et même d’accompagner l’histoire par quelques gestes expressifs.
b)
Un récit possible de la traversée de la Mer.
« Moïse vivait au désert loin de son peuple qui était en Égypte. Mais, là-bas, en Égypte, le peuple était
malheureux car le roi d'Égypte le faisait trop, trop, trop travailler.
Moïse était un bon berger et s’occupait très bien de ses moutons. Un jour, son troupeau broutait prés
de la montagne, quand, soudain, il entendit la voix de Dieu. Il s'arrêta, se mit à genoux, se prosterna et
écouta une drôle de voix : « Moïse, Moïse, j'ai entendu la prière de ton peuple, j'ai vu son malheur. Va
voir le roi d‘Égypte et dis lui, de ma part, de laisser partir mon peuple. »
Moïse eut très peur, car il pensait que le roi d'Egypte allait le tuer. Mais Dieu lui dit : « Ne t'en fais
pas, n’aie pas peur, je suis avec toi. «
Moïse partit en Égypte trouver le roi d'Égypte, il était plein de courage car il savait Dieu avec lui.
Mais le roi lui dit : « Je ne connais pas ton Dieu. Le peuple restera car j'ai besoin de travailleurs pour
construire mes villes, mes forteresses, mes palais et mes maisons. »
Moïse était triste, très triste. Mais Dieu n’oubliait pas Moïse, et il envoya beaucoup de malheurs dans
le pays d'Égypte. Malgré tous ces malheurs, le roi d'Égypte ne voulait toujours pas laisser partir le
peuple de Dieu. Alors Dieu parla de nouveau à Moïse : « Moïse ! Écoute moi, Moïse. Cette nuit, je
vais envoyer un dernier malheur sur le pays d 'Égypte,et ce sera un très grand malheur pour le roi
d’Égypte. Mais, vous, vous ferez une fête et vous mangerez l’agneau.
« Que va être ce malheur ? », demanda Moïse. Dieu lui dit : « Je vais tuer les garçons premiers nés
des Égyptiens, même le fils du roi. »
Moïse dit à Dieu : « Mais il ne faudra pas tuer nos garçons à nous. » « Bien sûr que non, dit Dieu. Sur
la porte de vos maisons à vous, vous dessinerez une grande croix rouge avec le sang de l’agneau que
8 juin 2017
748918657
70 sur 106
vous mangerez pendant la fête. Quand je verrai la Croix sur la porte,je dirai cette maison est une
maison vivante, et il n’y aura pas de mort dans cette maison, car la croix c’est la vie... »
La suite de l’histoire est dans « L’Ancien Testament raconté aux enfants » p.38-39.
c)
Création et apprentissage de l’histoire
Permettre à tous les enfants d’acquérir la mémoire de la chronologie de ce long récit.
Organiser un mime en reprenant les différentes étapes :

Le berger Moïse fait paître son troupeau sur la montagne.

Moïse devant le Roi d'Egypte qui interdit le départ du peuple de Dieu.

Plusieurs enfants dans plusieurs maisons. Les croix sont dessinées sur les portes. (carton +
peinture)

Le peuple de Dieu fait la fête dans chaque maison (agneau, pain sans levain, vin), debout, la
ceinture bouclée, le bâton à la main.

Départ : représenter la longue route

Mer figurée par du papier crépon déroulé.

Passage de la mer

Arrivée des cavaliers, noyés dans la mer

Fête du peuple de Dieu
d)
Voix de Dieu : enseignante
Temps de parole et rapprochements multiples
Huit jours plus tard, et ce délai est nécessaire, vient le temps de parole. Les enfants ont déjà acquis le
récit, sa chronologie, il leur reste à ouvrir l’histoire biblique sur tout ce qu’ils ont en eux, que ce
soit la Bible, que ce soit leur vie. Ce sont les multiples rapprochements faits sur les images qui vont
donner une ouverture à ce récit biblique.
Ce moment pédagogique est essentiel dans notre pédagogie de la parole. L’adulte anime ces vingt
minutes de parole pour que les enfants expriment en vérité ce qu’ils ont dans la tête et dans le coeur.
Ce temps de parole doit être guidé par l’adulte qui interpelle les enfants sur telle puis telle image de
l’histoire, que les enfants connaissent par ailleurs, qui résonnent affectivement en eux d’une façon
positive ou négative. La Bible devient l’occasion de parler la vie, une vie d’enfant éclairée par la
Parole.
La parole des enfants servira à la formuler la prière.
e)
Célébration et chant :
« Chantons le Seigneur, car il a fait éclater sa gloire, il a jeté à l'eau chevaux et cavaliers »
8 juin 2017
748918657
71 sur 106
2.
La tempête apaisée
a)
Information : p. 48-49
Pour bien préparer le récit, rechercher les images : Jésus, apôtres, foule, vagues, vent, tempête...
Rechercher aussi les sentiments : peur devant la noyade, colère devant l’attitude du Pharaon,
étonnement devant le miracle, calme après la tempête, joie de la fête...
b)
Création pour mémoriser
Dessins de bandes dessinées (5) - Replacer les dessins dans le bon ordre - Chercher une phrase ou
remplir les bulles (voir P.J.) - Travail collectif ou en petits groupes.
c)
Temps de parole et rapprochements
Faire redire le récit. Puis donner la parole aux enfants pour qu'avec toutes les images dont ils disposent,
ils puissent établir des liens entre ces récits et d'autres déjà connus.
Que les images bien acquises par les enfants puissent aussi être liées à des expériences de leur vie, et
même à des scènes de télévision. Ceci est capital : la Bible n’est pas faite pour être enfermée dans la
Bible mais pour devenir une Parole de Dieu qui vient éclairer la vie.
d)
Célébration et chant
Adaptation du chant de l'Exode :
« Chantons le Seigneur, car il a dit à la mer, silence tu vas te taire »
« Il a dit aux apôtres : Pourquoi cette peur ? Qui est donc celui-là ? la mer lui obéit !
La célébration sera la préparation d'une prière qui pourra être la reprise de rapprochements faits
pendant le temps de parole et adressés à Dieu.
« Seigneur, tu as sauvé le peuple de Dieu, tu as sauvé les apôtres, viens sauver tous ceux qui ont peur »
8 juin 2017
748918657
72 sur 106
X. FICHE DES CE 2
TRAVERSER L’EAU
Références bibliques :
Bleu-Vert 7-8 ans
Baptême
Le Baptême de Jésus et les Tentations au désert, Mt 3,1-4, 11.
La marche sur les eaux, Mt 14, 22-36.
Pour une méditation de ces récits et la préparation de la séquence de catéchèse se reporter à la « Grille
catéchétique » dans le livre ‘Catéchèse Biblique Symbolique, séquences’ pages 149 à 156 à propos du
Baptême et des Tentations, et dans le tome 2, page 85 à propos de la Marche sur les eaux.
Dans le Grille catéchétique, le trajet de la réflexion proposée, après lecture du texte évangélique
(premier niveau de parole) va des questions du texte (troisième niveau de parole : rouge) à la
confession de foi (niveau de parole : jaune), en passant par les rapprochements bibliques (second
niveau de parole : vert).
Dans la séquence 60 « Il faut traverser », l’ensemble de la méditation est à lire, même si les récits
bibliques proposés sont différents de ceux de la présente séquence.
A.
PÉDAGOGIE
Les enfants de 7 à 8 ans sont tout à fait capables de bien apprendre ces deux récits sans les mélanger
(niveau de parole bleu), de faire de nombreux rapprochements bibliques, avec leur vie de tous les jours
et leur pratique sacramentelle (niveau de parole vert). Les plus âgés sont susceptibles de poser des
questions pertinentes sur certaines difficultés logiques des récits (des cieux qui s’ouvrent, un diable
qu’on rencontre, de l’eau sur laquelle on peut marcher...) cependant la ‘sortie’ des bizarreries décelées
ne peut généralement pas se faire vers la confession de foi (niveau de parole jaune), mais seulement
vers une « logique » de la foi : ‘C’est Jésus, il peut le faire !’ ou ‘Dieu l’aide’ ou bien ‘C’est la foi en
Dieu’... Réponses très respectables, mais qui restent au premier niveau de parole (celui de ce que l’on a
appris et que l’on peut redire). Cela ne suffira plus très longtemps aux enfants croyants qui se posent
vraiment ces questions.
La solution momentanée est un accueil et une valorisation des questions, pour que l’enfant reste
chercheur de sens autre que logique222; jusqu’au moment où il devient capable de balbutier puis
d’énoncer un ‘autre sens’, un autre niveau de parole.
Le Baptême de Jésus et les Tentations de Jésus au désert sont peut-être connus des enfants, mais
souvent comme deux récits différents. Cette année, nous leur proposerons de les lier comme ils le sont
par les évangélistes Matthieu et Luc. Marc évoque cette scène de manière beaucoup moins détaillée.
C’est le texte de Matthieu que nous utiliserons, c’est celui de la liturgie pour le Baptême du Seigneur,
le 10 janvier 1999 et le 21 février pour les Tentations de Jésus au désert.
Vous trouverez ces récits évangéliques dans le livre ‘Jésus Christ raconté aux enfants’ pages 43 et 44
La nécessité de la recherche traverse le texte de référence de la catéchèse française : « Dieu est un Dieu caché, et l’homme est un
chercheur de Dieu » (N°2222). le Symbole de foi trace un chemin où la foi se découvre, se dit et se cherche encore » (N°212). « L’enfant
fait route avec Jésus-Christ... cherchant à découvrir qui est cet homme » (N°2111). Et dès le premier chapitre du document, nos évêques
écrivent : « Les questions mêmes de Dieu, de la religion, du sens de la vie n’ont plus de signification au point même de ne plus se poser »
(N°124). N’écrasons pas les enfants de savoirs, mais ouvront les à ce Sens qui est le Christ.
222
8 juin 2017
748918657
73 sur 106
avec des notes pour les adultes pages 101 et 102.
La Marche sur les eaux de Jésus et de Pierre, avec la plongée de Pierre et sa sortie de l’eau par Jésus
sera associée au récit qui le précède comme le font les évangélistes. La liturgie le propose le 8 août
1999 - après la Multiplication des pains donnée le dimanche d’avant.
Ces récits se trouvent également dans ‘Jésus Christ raconté aux enfants’ page 18, avec des notes pour
les adultes, page 90.
1.
Première séance
La première semaine, vous raconterez le baptême de Jésus avec l’enchaînement que donne l’évangile :
« Alors l’Esprit de Dieu mena Jésus au désert pour y être tenté par le diable... »
Il est possible que certains enfants connaissent cette seconde partie et soient capables de la redire.
Laissez faire, soyez attentif à ce qu’ils disent pour, après coup, raconter de nouveau vous-même en
ayant soin de n’oublier aucune image, aucune parole du récit. Que tout soit bien ‘remis en place’.
Il s’agit d’un long récit. Vous pourriez, en guise de temps de création et d’intériorisation, proposer la
réalisation d’une bande dessinée. Chacun des enfants du groupe, prenant en charge une ou deux des
images de la séquence.
Le découpage est à décider avec eux comme l’attribution des images à chacun223. Quand chacun a fait
sa part de dessins et l’a mise à sa place dans la séquence, on pourrait faire une photocopie de
l’ensemble (en format réduit peut-être) pour que tous puissent l’avoir dans leur cahier.
2.
Seconde séance
La semaine suivante, vous donnez la parole aux enfants pour qu’ils racontent ce récit à leur tour.
Bien entendu, cela se fait sans l’aide de leur bande dessinée sinon le travail de recherche dans la
mémoire n’existerait pas et la mémoire à long terme ne s’installerait pas en eux.
Ensuite, avec ou sans l’aide de la bande dessinée, et après avoir demandé aux enfants à quoi leur fait
penser ce récit (niveau de parole vert), vous pouvez aussi ouvrir leur parole à des questions sur la
logique ou les illogismes rencontrés. Tous les enfants ne sont pas à ce niveau de parole (début du
« rouge »). Vous pourriez le vérifier par l’une ou l’autre de ces questions, ou d’autres du même genre :
 Jean dit que Jésus va baptiser dans le feu. Comment va-t-il faire ?
 A votre avis, comment voit-on les cieux s’ouvrir ?
 Que peut être une voix du ciel ?
 Jésus dit ‘L’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche
de Dieu.’ Et toi (ou vous) de quoi te nourris-tu, de pain ou d’autre chose ?
 A votre avis, comment les anges pourraient-ils porter Jésus dans leurs bras ?
 Quand les anges s’approchent de Jésus pour le servir, à votre avis : qu’est-ce qu’ils lui servent ?
Bien entendu, ne posez pas toutes ces questions, l’une ou l’autre seulement, celle que tel enfant aurait
éventuellement amorcée. Il s’agit pour vous de vérifier le niveau de parole des enfants, et pour eux
d’apprendre qu’on a le droit de se poser des questions : ce n’est pas un péché.
223
Ne pas oublier : Les foules qui viennent se faire baptiser; qui écoutent Jean; Jésus qui demande le baptême au Baptiste réticent; la
remontée de l’eau avec cieux ouverts, colombe, parole; la poussée au désert de Jésus; le long temps qui passe; les trois tentations du
diable avec les dialogues; la finale avec les anges.
8 juin 2017
748918657
74 sur 106
3.
Troisième séance
Vous raconterez la Marche sur les eaux en « l’accrochant » à la Multiplication des pains qu’ils doivent
connaître. Mais c’est cette seconde partie du récit que nous allons surtout déployer. L’enchaînement
avec la Multiplication des pains est importante : Aussitôt après Jésus obligea ses disciples... Tout
comme est indispensable la finale : la traversée s’achève de l’autre côté de la mer, Jésus est reconnu et
va guérir les malades à Génézareth224 (Mt 14, 34-36).
Vous pouvez de nouveau, si le travail de création a plu à votre équipe, proposer la confection d’une
autre bande dessinée. Cela permet de vérifier si le déroulement de cette longue histoire est bien acquis
pour tous en décidant ensemble du découpage de la séquence.225
Il y aura sans doute au moins deux images à réaliser par chacun. Que tous participent à celles de la
seconde partie du récit.
4.
Quatrième séance
Après avoir donné la parole à votre équipe pour que les enfants racontent (niveau de parole bleu) puis,
pour qu’ils fassent des rapprochements (niveau de parole vert). Tous doivent y exceller, vous pouvez, à
8 ans, poser des questions difficiles « auxquelles tout le monde ne peut pas répondre, bien sûr » comme celles-ci :
A votre avis, comment Jésus pouvait-il arriver à marcher sur la mer ? D’habitude, on s’enfonce !
(Mt 14,24)
Ou bien, plus difficile encore : - Est-ce qu’on pourrait dire que Pierre a été baptisé cette nuit-là, quand
il a été plongé dans l’eau ? (Mt 14,30). Les enfants vont sans doute répondre au second niveau de
parole (vert) par des rapprochements et des comparaisons encore extérieures.
Remarques :

Le « on pourrait dire », introduit dans la question, induit qu’il y a une autre manière de dire. Les
enfants de 9-10 ans commencent à pouvoir utiliser cette expression pour répondre à des questions
‘rouges’ (troisième niveau de parole : déceler et exprimer des illogismes et des bizarreries) qu’ils
ont eux-mêmes posées. C’est généralement trop tôt à 8 ans.

ATTENTION, toutes ces questions proposées n’ont pas une réponse. Elles suscitent la recherche et
la réflexion. Vous n’avez pas plus « la » bonne réponse que les enfants. C’est ainsi en catéchèse et
c’est nécessaire que les enfants apprennent de vous-même que toute la vie on reste ‘chercheurs de
Dieu’, chercheurs de sens, comme nos évêques le souhaitent. La catéchèse donne l’information et
les moyens de comprendre qui passent par un acte personnel. Les « niveaux de parole » sont des
repères pour aider les adultes dans cet accompagnement. Vous-même pouvez dire à un enfant
chercheur : « Je suis comme toi, je cherche, je réfléchis et quand je ne trouve pas, c’est dans la
prière que je demande à Dieu de m’aider à comprendre.

Encore une fois, tous les enfants de 8 ans ne sont pas encore dans ce niveau de parole, ils vont y
venir peu à peu vers 9 ans ou 10. L’important est qu’ils y soient accompagnés quand ils y arrivent
En Hébreu : « gan-issar » évoque le Jardin (gan). Jésus débarque dans le Jardin de l’origine qui a été envahi par les épines.
Ne pas oublier : Les foules qui viennent avec leurs infirmes; qui écoutent Jésus; qui sont nourries de 5 pains et de 2 poissons; les
restes ramassés; l’obligation de monter dans la barque seuls sans Jésus; Jésus seul priant sur la montagne ;la tempête déchaînée ; la nuit ;
la venue de Jésus au petit matin ; la peur des disciples ;la demande de Pierre ; sa venue ; son plongeon ; son » sauvetage » par Jésus (avec
les dialogues) ; la tempête calmée ; l’arrivée sur l’autre rive.
224
225
8 juin 2017
748918657
75 sur 106
pour apprendre de vous que c’est une avancée dans la foi et non pas un recul comme certains le
pensent. Une telle perception serait catastrophique pour l’avenir de leur foi.
5.
Prière
La prière en équipe (ou une célébration à plusieurs équipes) va ponctuer la catéchèse. Elle prendra en
compte la parole des enfants comme elles s’est dite, particulièrement les seconde et quatrième
semaines.
En équipe repartira des récits appris, retenus, dessinés, comparés, questionnés...pour maintenant
s’adresser au Seigneur qui a voulu être baptisé, qui a accepté de rencontrer le diable, qui a jeûné et prié,
qui a dit non à Satan et ses tentations. Que lui demander à ce sujet ? Que lui dire ? Et à propos des
foules nourries, de Pierre qui met le Seigneur au défi, qui marche et puis s’enfonce, des apôtres qui ont
peur et qui finalement disent ‘je crois, tu es vraiment le Fils de Dieu’, de tous ces gens qui se font
guérir par Jésus... Que dire à Dieu ?
Ces prières sont écrites dans le cahier et signées peut-être. Chacun lira la sienne pendant la célébration
de l’équipe. On pourra en revanche n’en garder qu’une ou deux si la célébration rassemble plus de
deux ou trois équipes. On choisira alors un refrain approprié pour chanter entre chacune des
invocations. On choisira l’ordre de ces prières en mettant, par exemple, en premier celles de demandes
pour terminer par celles de louange ou de remerciement. Le refrain peut ne pas être le même pour ces
différentes sortes de prière.
Les « bandes dessinées » réalisées sont apportées en procession ou bien ont été mises en place avant la
célébration, qui peut se dérouler prés du baptistère et se terminer autour de l’autel. Si l’église possède
une peinture du baptême de Jésus, un vitrail de la multiplication des pains, une représentation de la
marche sur les eaux ou de la tempête apaisée, ne pas manquer de s’en ‘servir’ pour la célébration.
Choisir une lecture parmi celles qui ont été travaillées. C’est un adulte qui la lira, les enfants, ensuite
liront les prières préparées. On termine la prière des enfants par celle ‘que Jésus nous a apprise’, le
Notre Père. Un geste comme celui du signe de croix après avoir plongé sa main dans le bénitier, s’il est
expliqué, peut très bien terminer la célébration. On quitte le lieu de la célébration en chantant.
8 juin 2017
748918657
76 sur 106
XI. FICHE DES COURS MOYENS
LE JEU DU BAPTÊME
Nouvelle séquence n°13
« Bleu-vert » puis « Rouge-vert-amorce de jaune »
A.
INTRODUCTION
1.
Objectifs

Apprendre quatre récits bibliques :
o le Déluge (Gn 6,5 à 8,22)
o le Baptême de Jésus (Mt 3),
o la Pêche miraculeuse (Lc 5, 1-11)
o Jésus marche sur les eaux (Mt 14, 22-33).

Etablir des correspondances entre ces récits au cours d'un jeu.

Apprendre à formuler (si possible par écrit) des questions rouges sur les bizarreries des récits.
 Susciter une parole de « recherche de sens » à partir de 2 ou 3 questions rouges
en utilisant les cartes « Paroles de Dieu » du jeu comme « perches vertes ».

Continuer la catéchèse du Baptême amorcée dans les récits de guérison de lépreux.
2.
Une difficulté
La bonne connaissance des quatre récits est essentielle. Les enfants doivent bien connaître les images
exprimées et l’ordre de leur apparition dans la séquence narrative.
Les enfants qui ont pratiqué la Catéchèse Biblique Symbolique depuis le début du Primaire doivent
déjà connaître telle ou/et telle(s) histoire(s), au moins dans les grandes lignes. De plus, ils ont
l’habitude de mémoriser.
Dans la précédente séquence 13, la mémorisation était commencée par des mimes ou des sketches (La
création, p.165). Il est possible que ce soit nécessaire : cela demande une séance de plus.
B.
déroulement
1.
Première séance : information (en grand groupe)
L'information est un moment capital de la séquence puisqu'elle permet d'acquérir le premier niveau de
parole. Avant de pouvoir jouer avec les récits, les enfants doivent les connaître sans les mélanger. Ils
devront avoir mémorisé la succession des images, le scénario c'est à dire l'histoire dans sa globalité
mais sans en négliger les détails.
Racontez donc les quatre récits en vous appuyant sur les images. C'est leur enchaînement qui assure la
8 juin 2017
748918657
77 sur 106
logique du récit. Un enfant entraîné est capable de retenir trois ou quatre récits.

Le Déluge. Vous pouvez vous aider du récit du Tome III des Séquences p. 109-111.

Le Baptême de Jésus. Récit dans Jésus Christ raconté aux enfants p. 43-44 notes p. 101.

Jésus marche sur les eaux. Récit dans Jésus Christ raconté aux enfants p.18 notes p. 91.

La Pêche miraculeuse en Luc n'est pas dans Jésus-Christ raconté aux enfants, vous avez en
annexe un récit possible.
2.
Deuxième séance : mémoire et création (en équipe)

Faites raconter les récits sans les mélanger. C'est un exercice difficile si vous n’avez pas eu recours
au sketch ou au mime. Soyez exigeant sur la qualité de la restitution c'est elle qui évitera les
confusions et favorisera la structuration de l'imaginaire, nourri des récits bibliques.

Sur une grande feuille de papier Canson commencez à réaliser au crayon de couleur un dessin
collectif où apparaîtront les grandes images des récits. L'organisation du tableau se discutera en
équipe. Fait-on plusieurs bateaux ? Où place-t-on l'arc en ciel ? Est-ce la même colombe qui sort de
l'arche et qui descend sur Jésus ? etc.. Ce travail n’est possible que si personne ne fait de
confusions entre les récits.

Faire dessiner au crayon de couleur avec si possible des couleurs claires car le dessin constituera le
fond du jeu qui suivra et sur lequel on superposera un quadrillage.
3.
Troisième et quatrième séances : jeu d’équipe
a)
Construction du jeu.

Quand le dessin est fini, tracer dessus un quadrillage de 49 cases de 6cm de côté.

Des cartes en bristol blanc de 6 cm de côté auront été découpées par 1'animateur et seront préparées
par les enfants comme suit :
o
o
o
o
o
o

24 cartes animaux (12 mâles et 12 femelles) à dessiner, mais ni colombe, ni serpent.
3 cartes « grand serpent » ou « dragon » à dessiner
3 cartes « Colombe de la paix » à dessiner
7 cartes la mention : « Tempête »
3 cartes avec la mention : « Rejouez, Dieu est avec vous. »
Sur les 9 cartes restantes, mettre un point d'interrogation.
L'animateur aura préparé 20 cartes « Parole de Dieu » (cf annexe 2) et quelques cartes (5 ou 6)
« point d'interrogation » en plus.
b)
Disposition initiale du jeu

Au hasard, disposez à l'envers, sur la grille du jeu, les 49 cartes qui auront été battues. La grille est
ainsi totalement recouverte.

Distribuez à chaque joueur une carte « Parole de Dieu »

Expliquez le jeu en disant : « C'est le Déluge. La pluie commence à tomber et les animaux ont déjà
8 juin 2017
748918657
78 sur 106
les pieds dans l'eau. Il faut faire vite pour les sauver en les faisant monter sur un bateau afin qu'ils
ne se noient pas. »
c)
Déroulement du jeu

Construire le bateau : chaque joueur doit avoir une barque pour aller chercher les animaux. Il faut
donc la construire le plus rapidement possible en gagnant 2 poutres (allumettes) que l'on obtient en
faisant 7 avec 2 dés. On les attache alors en forme de croix avec un bout de fil. Cette croix
représente le bateau et le pion qui permettra d'aller sauver les animaux.

Quand un joueur a fabriqué son bateau, il doit partir à la pêche aux animaux. Pour cela il lance les
2 dés dont il peut additionner ou soustraire les chiffres. Exemple : 4 et 2 donnent 6 (4+2) ou 2 (42). Le chiffre choisi permet de se déplacer sur la grille du jeu. On peut partir de l'un des 4 côtés de
la grille. Les déplacements ne se font pas en diagonale mais horizontalement ou verticalement. Le
joueur retourne la carte sur laquelle arrive son bateau.

S'il tombe sur un animal, mâle ou femelle, celui-ci est sauvé. Il est placé devant le joueur.

S'il tombe sur une carte « Rejouez », il rejoue.

S'il tombe sur une carte « Point d'interrogation », il la garde elle sera utilisée à la fin du jeu.

S'il tombe sur une carte « Tempête », sa vie est en danger. Pour être sauvé, il doit donner une carte
« Parole de Dieu ». Il la lit tout haut. S'il n'en possède pas, il a perdu et reçoit une carte « Point
d'interrogation » s'il n'en a pas encore.

S'il tombe sur une carte « Colombe de la Paix », il gagne une carte « Parole de Dieu ».

S'il tombe sur une carte « grand serpent », il reste sur place jusqu'à ce qu'il fasse 3 avec les dés. Il
reçoit alors une carte « Parole de Dieu », Dieu l'a sauvé. Pour éviter de rester trop longtemps sans
bouger, on peut décider qu'au 3° tour sans 3, Dieu le sauve et il reçoit aussi une carte « Parole de
Dieu ».

Le jeu s'arrête soit par élimination des joueurs, soit parce qu'il n'y a plus de cartes sur la grille, soit
parce qu'on a limité le temps de jeu. Si et seulement si la question : « Qui a gagné ? » est posée, on
pourra compter combien chacun a de cartes d'animal sauvé, ou compter uniquement les couples
sauvés par chacun ou sauvés par l'équipe (dans ce cas tout le monde gagne). Le gagnant pourrait
être aussi celui qui a été le plus souvent sauvé de la tempête par la Parole de Dieu.
d)
Propositions pour l 'animation de la parole pendant le jeu
Comment utiliser les cartes « Parole de Dieu » pour annuler l'effet d'une carte « Tempête » ?

Dans un premier temps : je joue, je cherche un mode d'emploi.
o se sortir d'une situation périlleuse « je risque d'être éliminé du jeu » : je joue !
o se demander comment une carte « Parole de Dieu » évite d'être éliminé : « faut-il la
montrer, la lire, la donner... ? » : je cherche un mode d'emploi !
Souvent, les enfants de CM savent déjà utiliser ce type de cartes. Ils redonnent spontanément la règle :
« il faut dire pourquoi cette carte sauve de la tempête ». En cas de contestation, l'animateur donne la
règle.

Dans un deuxième temps : je veux comprendre le jeu, le jeu me demande de penser.
8 juin 2017
748918657
79 sur 106
o se demander ce qu'une tempête et la Parole de Dieu viennent faire dans ce jeu (je veux
comprendre le jeu).
o se demander quel(s) rapport(s) existe(nt) entre la Parole de Dieu et la Tempête (je cherche à
faire des liens), et éventuellement les animaux, le déluge et le baptême... (le jeu me
demande de penser).226
Remarque importante : L'utilisation des cartes « Parole de Dieu » est une phase du jeu qui a besoin
d'être animée en fonction de ce que l'adulte souhaite pour son groupe, mais surtout à partir des
interventions des enfants.
Exemples d’animation possible :
1. Le joueur lit sa carte à voix haute.
o le joueur explique lui-même pourquoi, à son avis, cette Parole de Dieu le sauve de la
Tempête.
o Les autres joueurs disent si le joueur est sauvé (expliquer, argumenter en cas de
contestation).
2. Le joueur lit sa carte à voix haute.
o le joueur explique lui-même pourquoi, à son avis, cette Parole de Dieu le sauve de la
Tempête.
o s'il ne trouve pas d'explication, il peut demander de l'aide à quelqu'un.
o dans ce cas, le joueur prend à son compte l'aide qui lui est apportée, ou la refuse et demande
une autre aide.
o Les autres joueurs disent si le joueur est sauvé (expliquer, argumenter en cas de
contestation).
3. Le joueur lit sa carte à voix haute.
o chacun peut demander la parole pour dire pourquoi cette Parole sauve de la Tempête ou
non. Le joueur concerné a la priorité et peut aussi intervenir après chaque prise de parole,
car c’est son avenir immédiat qui se joue...
o L'adulte clôt le débat quand il semble épuisé (le débat !), et arbitre la décision.
Ces animations sont complémentaires et interchangeables en cours de partie. D'autres peuvent être
imaginées. Il s'agit moins de faire respecter des règles que de favoriser les prises de parole sans pour
autant se sentir débordé. L'adulte évitera donc de fixer de façon trop précise un mode de prise de
parole, mais aura à l'esprit différents scénarios et favorisera ceux qui lui semblent les plus adaptés à
son équipe et au moment.
e)
Rédaction des questions « rouges »
A la fin du jeu prévoir un moment pour faire écrire les bizarreries des récits sous forme de question.
On peut utiliser les cartes « Point d'interrogation », elles serviront de point de départ pour le débat de la
semaine suivante.
226
Ces questions peuvent être posées par les enfants au cours du jeu. Ce jeu est fait pour cela. Si elles ne viennent pas,
I'adulte peut les susciter mais en respectant toujours le niveau de parole où se trouve l'enfant. Le jeu est au service de la
parole des enfants et non le contraire.
8 juin 2017
748918657
80 sur 106
4.
Cinquième séance : débat à trois ou quatre équipes
Les animateurs d'équipe auront préparé ensemble ce temps de débat même s'il est toujours préférable
qu'un seul l'anime avec les enfants. Ce temps de préparation consistera à choisir les questions les plus
importantes et à élaborer en partie (car tout n'est pas prévisible) les procédures de reconstruction. Si
l'objectif n'est pas de leur donner des réponses toutes faites, il n'est pas non plus de laisser les enfants
dans le « rouge ». Il s'agit de les mettre sur un chemin de sens, de leur donner à penser.
Dans cette séquence, 4 textes se font échos et ils ont été repris et manipulés durant le jeu sous forme de
cartes « Parole de Dieu ». Pendant le débat, les équipes devront avoir sous les yeux ces cartes qui
pourront éclairer les questions. L'art de l'animateur consistera à déplacer les images d'un récit à l'autre
pour faire progresser la recherche de sens.
Par exemple dans un débat qui tournerait autour de l'expression bizarre « pêcheur d'homme » on
pourrait poser cette question : « Est-ce qu'on pourrait dire que Noé est un pêcheur d'hommes ? », ou
bien « Est-ce qu'on peut dire que Pierre a été repêché ? »
Durant le débat il pourrait être intéressant de demander aux enfants ce qu'ils pensent du titre choisi
pour le jeu.
5.
Célébration
a)
Préparation
La célébration reprend toujours le travail de la catéchèse en l'orientant vers Dieu. L'animateur pourra
avec les enfants construire une prière en s'appuyant sur les rapprochements, les questions, les
significations exprimés pendant le débat.
b) Déroulement

Les tableaux de jeu seront affichés dans le lieu de la célébration.

Une icône du Baptême de Jésus pourrait être disposée sur l'autel.

Chaque équipe lira sa prière et viendra déposer devant l'icône une petite bougie rouge. La Parole
priée est une lampe qui s'allume en nos coeurs. On choisira un chant adapté entre chaque prière.

Cette célébration pourrait être l'occasion d'une étape de Baptême dans les lieux où des enfants de
Cours Moyen s'y préparent.
C. ANNEXE 1
La Pêche miraculeuse (d'après Lc 5)
« Quel monde, ce matin-là, au bord du lac ! Le soleil venait de se lever et déjà la foule arrivait de
partout pour écouter Jésus. Il était là, debout prés de l'eau et la foule se pressait autour de lui. Il y
avait aussi, posées sur la plage, deux petites barques vides : celle de Pierre et André et celle de
Jacques et Jean. Ces pauvres pêcheurs avaient travaillé toute la nuit mais ils n'avaient pris aucun
poisson, pas le moindre petit poisson ! Fatigués et découragés par cette nuit de travail sans aucun
résultat, ils avaient regagné le bord. Descendus à terre, ils lavaient tristement leurs filets de pêche.
Alors Jésus monta dans la barque de Simon Pierre. Il lui demanda de s'éloigner du rivage pour
8 juin 2017
748918657
81 sur 106
pouvoir parler à la foule. Jésus s'assit dans la barque et parla longtemps, il enseignait la Parole de
Dieu. Quand il eut fini de parler, il dit à Simon : « Va vers le large, avance en eau profonde et
maintenant jetez vos filets pour la pêche. » Simon répondit : « Maître, nous avons peiné toute la nuit
sans rien prendre. Ce n'est plus l'heure de pêcher, les poissons se prennent la nuit, pas le jour quand
le soleil est levé. » Comme Jésus le regardait Pierre lui dit : « Sur ta parole, je vais quand même
lancer les filets bien que la nuit soit passée et que le soleil commence à briller. »
Aussitôt dans l'eau, les filets se remplirent d'une quantité innombrable de poissons. Ils étaient
tellement nombreux que les filets se déchiraient de partout. Alors Pierre et André demandèrent de
l'aide à leurs camarades de pêche : « Eh les gars ! Vite ! Venez nous aider, les filets débordent et nous
allons perdre du poisson ! » Ils arrivèrent et ils remplirent tant les deux barques qu'elles
s’enfonçaient.
Voyant cela, Simon Pierre fut effrayé et il tomba aux pieds de Jésus en disant : « Éloigne-toi de moi,
Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » Pierre, André, Jacques et Jean et tous les autres étaient
stupéfaits car jamais on n'avait vu une pareille pêche. C'était une pêche miraculeuse ! Jésus dit à
Simon : « N'aie pas peur ! A partir de maintenant vous pêcherez des hommes vivants, vous serez
pêcheurs d'hommes ! »
Aussitôt, ils abandonnèrent leur barque et leurs filets et ils suivirent Jésus. »
D. ANNEXE 2
1.
« Jésus dit à la mer ‘Silence ! Tais-toi !’ » (Mc 4, 39)
2.
« La troisième fois, la colombe ne revint pas. » (Gn 8, 12)
3. Il y eut le Déluge pendant 40 jours sur la terre... Alors tout ce qui était vivant mourut. (Gn 7,17-22)
4.
« Jonas resta 3 jours et 3 nuits dans le ventre du grand poisson. » (Jon 2,1)
5. Il y eut une grande tempête sur la mer, à tel point que le bateau allait se briser. Jonas dormait au
fond du bateau. (Jon 1, 4-5)
6.
« C'est moi, Je Suis, n'ayez pas peur. » (Mt 14)
7.
« Le matin de bonne heure, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer. » (Mt 14, 25)
8. Pierre prit peur et, commençant à couler, s'écria : « Seigneur, sauve-moi ». (Mt 14, 30)
9.
« Hommes de peu de foi, pourquoi avez-vous peur ? " (Mt 8, 26)
10. « Il monta dans la barque suivi de ses disciples. » (Mt 8, 23)
11. « Ils le réveillèrent en disant : ‘Au secours, Seigneur, nous périssons !’ » (Mt 8,25)
12. « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Mt 14, 32)
13. « Jésus vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. » (Mt 3, 16)
14. « L'esprit de Dieu planait sur les eaux. » (Gn 1, 2)
15. « Vous serez pêcheurs d'hommes. » (Mc 1,17)
16. « Qui est-il celui-là que même les vents et la mer lui obéissent ? » (Mt 8, 27)
17. « Ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. » (Lc 5,6)
8 juin 2017
748918657
82 sur 106
18. « Naaman descendit dans l'eau et se plongea 7 fois dans le Jourdain et sa chair devint comme celle
d'un petit enfant. » (2R 5, 14)
8 juin 2017
748918657
83 sur 106
XII. FICHE DOUBLE POUR LES SIXIEMES
A. première partie : LE SCANDALE DU MAL
La séquence 29 de Catéchèse Biblique Symbolique, Tome 1 (Le Mystère du mal) est proposée à
partir de dix ans (CM2, 6°). Les objectifs annoncés s’étalent du VERT (correspondances) au JAUNE
(sens spirituel); la séquence vise en effet un second degré : le serpent de la Genèse est le tentateur dont
on peut faire aujourd’hui encore l’expérience.
Cette séquence est longue, elle est proposée en six ou sept séances, et se termine par une célébration du
Salut. Le récit de la Genèse (3,15), qui était lu jadis avant Noël, annonce la venue d’un Messie (Noël !)
qui réparera les dégâts du péché d’Adam. Jésus est reconnu comme étant ce Christ (Messie) : par sa
Croix, il a écrasé la tête du serpent (Satan). Le Jardin d’Eden est ré-ouvert : Jésus est ressuscité, la
pierre du tombeau a roulé, les portes de la mort que les anges gardent toujours (Jn 20,12) se sont
ouvertes, et le jardin est de nouveau accessible. Marie Madeleine, la pécheresse, a rencontré le
Seigneur dans le Jardin (Jn 20,14), elle est pardonnée. Nous pouvons, à notre tour, retrouver le chemin
perdu (Gn 3,23) du Jardin d’Eden et de son centre vivifiant, l’Arbre de la vie.
1. OBJECTIFS DE LA SÉQUENCE
a) Les enfants au départ.
Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas (Rm 7,15). Comment les enfants
comprennent-ils cette célèbre phrase de Saint Paul ? Certains ne la comprennent pas, en tout cas pas
dans les premières séances.

Des enfants (la moitié de l’équipe ?) sont en extériorité; ils prennent tous les mots au premier degré
(BLEU) et ne sont donc pas capables de les intérioriser : le serpent est le reptile des champs, pas le
Tentateur. Ces enfants cherchent la cause du mal (dont parle l’apôtre) dans la nature, et lient ce mal
à une circonstance extérieure ou à un objet (c’est la faute de la boite de chocolat ou de la télé). Ce
comportement magique bloque l’accès à l’intériorité. La Bible nomme idolâtrie une telle attitude
d’extériorité qui interdit la conversion (le retour au Jardin). L’idolâtrie est le péché des péchés, une
position intellectuelle (BLEU-VERT) qui gêne l’interpellation de la Parole et freine le creusement
de l’intériorité que permet l’intelligence poétique de la foi (ROUGE, puis VERT-JAUNE).

D’autres enfants associent la faute à une idée morale ou psychologique, ils procèdent par
étiquetage : c’est la gourmandise, c’est la curiosité... Ces enfants savent et leur science
« fonctionne » par correspondances (VERT) les situe en dehors d’une quelconque intériorisation.
Ils ont le plus grand mal à « réfléchir » sur leurs comportements, leur tolérance vis à vis des
« étiquettes » qu’on leur met ou qu’ils se donnent, leur évite toute idée de changement.

Certains enfants, non habitués à vivre dans des règles, prétendent ne jamais faire de mal; de leur
point de vue, ils sont toujours bien. L’absence de règles dans les familles en est peut-être la cause.
Ces enfants, aveugles sur eux-mêmes, attribuent forcément les fautes à des boucs émissaires, les
autres qu’ils désignent; ils sont incapables de se mettre en cause. Le ROUGE, critique qui les aurait
engagés, n’est pas possible du fait de leur rapport au langage (BLEU-VERT). La transgression
d’une loi permet en effet à l’enfant de faire l’expérience existentielle de ses limites et de prendre
conscience de la puissance de son affectivité (l’esprit est fort, la chair est faible). L’enfant apprend
8 juin 2017
748918657
84 sur 106
ainsi à se connaître du dedans. Dans l’épître qui nous occupe, Paul écrit : La loi est intervenue pour
que se multipliât la faute (Rm 5,20 et 7,7).

D’autres enfants, au contraire très encadrés chez eux, veulent placer le bien à côté du mal. Ils se
représentent la réalité du bien et du mal comme un système de forces antagonistes mais formelles et
équivalentes (VERT) comme dans la scène bien connue de la tentation de Milou dans Tintin au
Tibet (p.22). Tantôt, nous faisons l’expérience du bien, tantôt celle du mal. Cet individualisme
psycho-théologique est constitué de deux sollicitations opposées dont l’homme, privé de liberté, est
la victime innocente. Le Credo chrétien refuse cette dualité formelle et anonyme : nous croyons en
un seul Dieu (bon), Créateur... du monde visible et invisible. Certes, le combat spirituel ressemble
de l’extérieur à une opposition de forces contraires (VERT), mais la réalité théologique chrétienne
est plus profonde (ROUGE-JAUNE). La voie du bien s’oppose à celle du mal, comme nous le
révèle le psaume 1, mais cette opposition n’est ni théorique ni formelle ni indépendante de
l’homme. La représentation dualiste, si claire soit-elle, ne doit pas empêcher l’enfant de pouvoir
nommer en lui-même la tentation et la difficulté de sortir de cette sollicitation négative (on refait
toujours les mêmes fautes sans aucun Salut possible). Le combat spirituel n’est pas un vain mot
quand l’être humain est embarqué dans la voie du mal. Attention donc que l’évidence de la
représentation (les deux forces antagonistes) ne laisse pas l’enfant à l’extérieur de cette expérience
intime hors de laquelle la Croix (qui sauve) n’aurait aucun sens.
La séquence vise à faire dépasser ces positions d’extériorité qui limitent la vérité à ce qui se voit.
L’enfant doit pouvoir verbaliser ce qu’est pour lui (en lui) la force du mal, il doit arriver à la nommer,
la désigner dans un jeu de langage (par exemple : le serpent de la Genèse cache et révèle à la fois un
sens spirituel, l’expérience intime de la tentation). Ainsi l’enfant pourra-t-il prendre conscience de cette
réalité invisible que la résonance de l’image évoque en nous; il rejoindra là la vie spirituelle et le texte
évangélique. L’être humain, quel qu’il soit, est « baladé » par le mal (c’est la perception chrétienne de
la vie marquée par le péché). Jésus lui-même, homme véritable, le fut (Mt 4) dans le « désert » du
monde (l’envers du Jardin) jusque sur la montagne ultime, celle de l’Ascension. Mais, à l’inverse
d’Adam, le Seigneur sut résister car il était habité par l’amour.
Le mal semble étrangement actif, et même plus puissant que notre volonté. Pour exprimer ce caractère
actif, on a pris l’habitude de le représenter par un diable, par un serpent ou par un visage grimaçant. La
reconnaissance douloureuse de la faiblesse humaine devant cette force intérieure négative appelle la
prière et la grâce. Là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé (Rm 5,20). L’expérience
profonde et prégnante de la grâce de Dieu (du pardon) est alors perçue comme supérieure au mal, mais
seulement après l’épreuve. Dieu est plus fort que le diable, sa créature, dont la fonction est de nous
tenter pour éprouver notre liberté. Sans « l’Adversaire », nous serions « collés » à Dieu, et sans liberté.
Tandis que le manichéisme propose une image dualiste des deux forces (le bien et le mal), la catéchèse
chrétienne ne s’enferme pas dans une telle représentation qui « court-circuiterait » l’expérience
personnelle et réelle de la « chute » suivie de celle du pardon (aussi personnelle et aussi réelle).
Jésus, vrai homme, fit, en lui-même, l’expérience difficile de la tentation. L’évangéliste Matthieu (4,1)
montre l’Esprit Saint actif dans la rencontre du Seigneur avec le diable, comme si la mission du
Seigneur avait justement été le combat spirituel. Jésus a donc été continuellement tenté au cours de sa
vie jusqu’à l’épreuve ultime de la Croix, mais il fut le plus fort. Non seulement la foi chrétienne n’est
pas dualiste malgré ses apparences (le bien et le mal), mais le diable, qui nous incite à la transgression,
a été vaincu par la Croix. En Jésus Christ, notre seul « bien », nous vaincrons l’Adversaire qui est là
pour cela.
8 juin 2017
748918657
85 sur 106
Au plan de la pédagogie. Ce discours théologique traditionnel est JAUNE : il suppose, pour être
compris de l’intérieur, que les mots (et les mots de la foi) aient acquis une capacité d’abstraction (sens
propre - sens figuré) suivie d’une possibilité de résonance interne au sujet, qui est de l’ordre de
l’expérience. Il faudra alors une mise en cause critique de soi-même (une double expérience : celle de
l’épreuve, puis celle du salut), un JAUNE existentiel qui donne son poids d’humanité au jeu formel du
langage, puis le reconnaissance du don (ce JAUNE consistant qui est la lumière même de Dieu). Où en
sont les enfants dans ce chemin qui mène à la réconciliation avec Dieu : au « degré zéro » du langage
(BLEU-VERT), au premier stade (ROUGE formel), ou au second (ROUGE existentiel) ? Ils ont à
parcourir ces trois étapes.
Le but visé par cette séquence, est de faire découvrir à l’enfant l’existence d’un second degré des
mots, et éventuellement de le conduire à la perception d’une certaine dualité en lui (je veux le
bien mais pourtant je fais le mal). A cause du jeune âge, cette perception restera sans doute floue; en
tout cas, elle mettra du temps à s’imposer. Qu’il y ait en moi plus que moi, voilà bien de quoi me
surprendre.
2. DÉROULEMENT DU TRAVAIL
a) Première séance
* Chaque enfant écrit une petite histoire « vraie » (vécue par lui ou à la rigueur par un proche) qui
illustre la phrase de Paul Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, telle qu’il la
comprend. L’animateur reprend chacune des histoires écrites par les enfants, et « on » en discute. Y a-til perception d’une « force intérieure » (c’était plus fort que moi) ou bien non ? A chaque histoire, la
même interrogation revient, et, à la fin du tour de table, on peut espérer que l’idée d’une force
intérieure sera saisie par quelques uns.
b) Deuxième séance.
Rappel de la séance précédente, puis choix de la meilleure histoire. En fait, l’histoire demandée devrait
être composée de six scènes :
1. Une « situation » de départ bien claire : les acteurs en présence.
2. Le désir de bien faire, de respecter une règle choisie (qui sera transgressée).
3. La tentation ou épreuve intérieure de la liberté.
4. La chute dans le mal, ou faute : transgression qui n’est pas forcément « péché ».227
5. La prise de conscience de la faute (il faut un choc).
6. Le triomphe du Tentateur.
La meilleure histoire de l’équipe devra sans doute être complétée. Pour ce faire, l’animateur demandera
au champion des renseignements complémentaires qui enrichiront le récit et permettront de voir
apparaître nettement les six aspects de l’anecdote. Il faudra ensuite rédiger l’histoire complète sur une
grande feuille pour que l’équipe ne l’oublie pas.
L’histoire choisie et complétée sera ensuite allégorisée terme à terme comme une fable de La Fontaine
(surtout pas comme un récit d’extra-terrestres qui placerait la vérité humaine (et religieuse) dans les
galaxies). La force intérieure est elle-même codée par un animal négatif (pas forcément par un serpent
8 juin 2017
748918657
86 sur 106
ni par un diable) : toute la stratégie pédagogique réside dans ce codage de la force invisible qui prend
ainsi réalité dans le récit parabolique. LeTentateur devient partenaire des humains : on peut en parler.
L’histoire allégorisée est enfin racontée dans ses détails (les six scènes) et, à son tour, inscrite sur une
grande feuille posée à côté du récit initial dont elle est le décalque. La bête diabolique apparaît deux
fois : d’abord dans la scène de tentation, ensuite dans l’image finale, où elle part en triomphant !
c) Troisième séance.
Fabrication de six diapositives ou de six calques pour rétro-projecteur. Chacune des scènes est dessinée
en vue de la mise en commun de la séance suivante, elles accompagneront la lecture du récit (à
préparer pour qu’il soit bien lu par un enfant).
d) Quatrième séance.
Débat inter-équipes. C’est la partie la plus importante de cette catéchèse. Trois ou quatre équipes (une
classe ?) vont se rencontrer pour présenter aux autres leur oeuvre. En parlant à d’autres, les enfants
prendront conscience de la similitude de leurs histoires, et de la même question du mal que tous
partagent. Les équipes devront apprendre à s’écouter, ce qui ne sera pas facile. Attention les équipes ne
sont pas équivalentes en paroles : les plus faibles apprendront des plus fortes; les plus fortes devront se
mettre à la portée des plus faibles.
La première partie de la séance est réservée à la présentation des histoires (4 minutes par équipe, au
maximum). La seconde partie est un débat inter-équipes : les petits groupes d’enfants sont d’emblée
disposés avec leur animateur, face à l’écran. Trois, au maximum quatre questions, seront posées aux
équipes qui choisiront un rapporteur :
(1) Les questions :



Y a-t-il des choses semblables dans toutes les histoires ? (VERT). Chaque équipe donne, à son
tour, une seule réponse. Les enfants ne verront pas immédiatement les six ressemblances, mais ils
en verront peut-être d’autres.
Les animaux négatifs sont-ils « vrais » (ambivalence du mot « vrai » : à l’extérieur ou à
l’intérieur ?). Faire préciser aux enfants si ils ont rencontré cet animal. Interroger personnellement
tel, tel et tel : toi ? et toi ? et toi ?
Les histoires sont-elles « vraies » ? Les enfants sont embarrassés : elles sont à moitié vraies, ou pas
du tout... A force d’insister, ils avancent. Parfois, il faut leur rappeler la première histoire (VERT).
(2) L’animation du débat :

Ne pas passer trop vite d’une question à la question suivante : faire approfondir les réponses des
enfants en les accueillant avec bienveillance mais en faisant mine à chaque fois de ne pas bien
comprendre. Le but du débat est que les enfants se battent avec le langage codé. Ainsi entrent-ils
dans les images et prennent-ils conscience du double sens du langage, des deux « vérités », celle de
l’extérieur et celle de l’intérieur. L’animateur n’hésite pas à introduire lui-même la distinction
intérieur- extérieur pour faciliter la parole et la compréhension.
La morale prend la règle (extérieure) pour repère, et la faute est la transgression de la règle. Le péché n’est
pas forcément une faute, il est d’abord une mauvaise relation à Dieu. La morale (extérieure) fait de la Loi un
dieu en extériorité, et, pour la Bible, elle induit l’idolâtrie, cette adoration des dieux extÈéieurs (étrangers).
227
8 juin 2017
748918657
87 sur 106
e) Cinquième séance.
Le récit de la tentation d’Adam et Eve est raconté dans chaque équipe; cette parabole biblique
ressemble aux allégories fabriquées par les enfants. Qu’elle soit narrée en suivant bien l’ordre des six
scènes. S’assurer ensuite qu’elle a bien été retenue, puis poser les mêmes questions dans l’équipe que
lors de la séance précédente.
1. Les enfants perçoivent bien, en général, la structure identique (VERT).
2. Les enfants disent facilement que le serpent de la Genèse est « comme » leur animal négatif, mais
questionnés plus à fond, ils pensent parfois que ce serpent est mort depuis longtemps. Peut-être a-til fait des petits ? Ont-ils entendu parler cet étrange serpent ou ses descendants ? La question
surprend encore certains enfants.
3. En général, la troisième question n’est pas concluante : le récit biblique est difficilement
actualisable. Adam et Eve, « nos premiers parents » sont des hommes préhistoriques morts depuis
des millénaires, et l’histoire est rejetée d’emblée dans un passé lointain. L’animateur peut
demander si c’était à l’époque où les animaux parlaient (ROUGE). Alors les enfants se rappelleront
de leurs histoires (VERT) et passeront peut-être au second degré. Il faut donc résister aux réponses
des enfants : leur permettre ainsi de s’identifier à Adam et Eve et de se remémorer l’expérience de
la tentation. Mais l’image grotesque d’Adam et Eve, hommes préhistoriques, est tellement
enracinée dans la culture ambiante qu’elle empêche souvent la Parole de Dieu de faire écho
(cat-échèse) à l’intérieur des coeurs.
Il reste à conduire les enfants vers la découverte de l’autre force, celle qui sauve.
B. SECONDE PARTIE : LA CATÉCHÈSE DU SALUT
1. Première séance.
Raconter la Tentation de Jésus au désert (Mt 4).
Dans ce récit, on insistera sur les six phases :
1
Situation de départ : après son baptême, Jésus, poussé par l’Esprit est mené au désert pour y
être tenté. Comme tout le monde ?
2
Pendant quarante jours, Jésus ne mange ni ne boit. Il compte sur Dieu pour cela. Que fait-il ?
Prie-t-il toute la journée ? Se souvient-il des Ecritures, se rappelle-t-il d’Adam et Eve et de leur
sortie du jardin d’Eden ? Se remémore-t-il comment, jadis, Dieu a fait traverser la mer à son
peuple, comment il l’a mené au désert et l’a conduit jusqu’en Terre Promise ?
3 et 4 La première tentation de Jésus dans le désert, mais il résiste.
5
6
La deuxième tentation de Jésus, au sommet du Temple de Jérusalem, mais il résiste pour la
seconde fois.
La troisième tentation sur la haute montagne d’où l’on voit la terre entière, mais Jésus résiste
pour la troisième fois.
Puis, Jésus reconnaît le diable, prend conscience de l’Adversaire : c’est Satan, l’antique Serpent
qui avait tenté Adam et Eve.
Satan est mis en déroute, et le Seigneur triomphe sur « la » haute montagne qui domine la terre
entière ! (le ciel où il ressuscite ?).
8 juin 2017
748918657
88 sur 106
Le récit évangélique est ensuite mis en images :
 Le fond de tableau : un désert sans vie (l’inverse du jardin).
 Jésus, le héros de l’histoire.
 Le Tentateur dont on discutera la forme extérieure.
On peut donner en plus à chaque équipe, une représentation de la tentation de Jésus (par exemple, tirée
du plafond roman de Zillis en Suisse) qui pourra être intégrée au tableau.


2. Deuxième séance.
Raconter la Mort et la Résurrection de Jésus en Jn 19, 17 à 20,18 (Cf. Tome 1, séquence 29, p.
252).
Création : Faire faire une fresque à partir de deux représentations iconographiques fournies aux
équipes d’Adam et Eve sous l’arbre, et de Marie et Jean au pied de la Croix. Les équipes
complèteront ces gravures par un dessin qui terminera l’histoire d’Adam et Eve (le jardin fermé
avec l’ange qui garde le chemin de l’Arbre de vie) et un autre qui donnera la fin de l’histoire de la
Passion (Jn 20,11-12 : au bord du jardin, le tombeau est ouvert et deux anges sont assis de part et
d’autre de la pierre tombale). Entre ces deux pôles de la fresque, il faudra introduire un centre,
l’évocation de ce désert que le diable fréquente pour tenter les hommes qui veulent voir Dieu et se
demandent : Le Seigneur est-il ou non parmi nous ? (Ex 17,7). La fresque associe donc les trois
récits bibliques en tableaux successifs : La Chute d’Adam, la victoire de Jésus au désert, et la scène
du jardin du Golgotha.
Chaque équipe prépare aussi une question difficile (ROUGE) qui a été soulevée lors de la réalisation de
la fresque : à propos des jardins, de la présence ou de l’absence du serpent dans le désert ou au
Golgotha,... Cette question peut être écrite sous la fresque et même courir d’un bout à l’autre des
tableaux afin de souligner l’importance de la recherche de sens.

3. Troisième séance.
Mise en commun du travail des équipes. Présentation des fresques, puis débat à partir des questions
posées par les équipes.
Attention : Pour préparer ce débat, les animateurs ont pris connaissance de toutes les questions, si
possible ROUGES, posées par les équipes; ils ont privilégié une ou deux particulièrement centrales
qu’il faudra animer dans le VERT pour espérer une reconstruction intérieure dans le JAUNE.... « C’est
pour faire comprendre »..., diront les jeunes.
4. Quatrième séance.
Pour préparer une célébration pénitentielle, qui pourra éventuellement inclure le sacrement du Pardon,
fournir à chaque enfant de l’équipe une reproduction du diptyque d’Adam et Eve et de Jésus en croix
(déjà présent dans la fresque) au format maximal de 15X21cm.
 Chacun est invité à se remémorer les moments où il écoute le serpent dans sa vie, et il inscrit cela
(en secret) au dos de la représentation d’Adam et Eve qui lui a été donnée.
 Puis, au dos de l’autre image (Jean et Marie au pied de la croix), chacun est invité à écrire comment
il peut, avec le secours de Jésus, être plus fort que le serpent.
Un coup de pouce est nécessaire à l’enfant pour découvrir que l’oubli de Dieu est favorable à l’écoute
du serpent, que Jésus, lui, a été plus fort que le tentateur, et qu’on peut toujours demander son aide
8 juin 2017
748918657
89 sur 106
dans la prière (le Salut) afin d’être plus fort que le serpent.
Au moment de la célébration, le prêtre (les prêtres) recevra chaque enfant qui lui lira (lui dira) quand il
écoute le serpent. Le prêtre prend alors connaissance de ce que l’enfant a écrit derrière le dessin de la
Croix. Après une parole d’encouragement, et éventuellement l’absolution, le prêtre lui rend cette partie
du papier pour qu’il le garde en mémoire, tandis qu’il déchire l’autre ostensiblement.
5. ANNEXE : une lecture possible d’Adam et Eve
Il existe plusieurs lectures du récit d’Adam et Eve, mais la plus répandue est celle des mystiques juifs,
que les premiers chrétiens connaissaient bien. Le jardin, situé à l’orient de l’Eden (de la Merveille :
Dieu, si l’on veut) (Gn 2,8), est notre jardin intérieur, autrement dit l’intériorité humaine (le « cœur »
ou bien « l’âme » ?). Au centre de ce jardin, pousse l’Arbre de Vie (Gn 2,9) : cet arbre est le repère
d’une vie toute orientée vers un Dieu merveilleux. Adam (l’humanité mâle et femelle : Gn 1,27) est
convié à manger de cet Arbre de Vie, tout comme des autres arbres du jardin succulents et entièrement
mangeables ( !) (Gn 2,9). N’est-il pas essentiel en effet de se nourrir de la Vie divine ? Que sont ces
végétaux qui poussent en nous ? Ne serait-ce pas la vie de chaque jour, l’image des autres accueillis de
l’intérieur ? Une intériorité centrée sur Dieu, imprégnée d’amour et de joie de vivre, n’est pas raciste.
Mais une ombre menace ce paradis intime que nous partageons tous : l’Arbre de la Connaissance du
bien et du mal car le manger signifie mourir (Gn 2,17). L’interdiction divine de s’en nourrir est
d’autant plus étrange que l’on ignore sa place : proche de l’Arbre de vie ou bien à la frontière de
l’extériorité ?
Il est donc interdit de « connaître » le bien et le mal, de porter un jugement définitif, sinon c’est notre
mort. Cet arbre, ne serait-il pas notre capacité de juger, de nous individualiser en projetant nos valeurs
sur tout, en risquant même de tout réduire à la mesure d’une subjectivité égoïste ? L’arbre serait ce
libre arbitre qui nous individualise, qui nous fait personne distincte et coupée des autres, personne qui
souffrira et mourra seule ? Ne nous étonnons pas alors que cet arbre ne soit pas situé dans le jardin
puisque notre jugement s’exerce en toutes les situations où notre intériorité rencontre l’extérieur. Ainsi,
d’après ce récit inaugural, les humains étaient d’abord collés les uns aux autres en une unique fusion
mâle et femelle (la foule !). Puis Dieu sépara la femme du reste de l’humanité et l’homme masculin
émit un avis sur sa moitié désormais détachée de lui (Gn 2,23). L’homme et la femme se mirent à
exister séparément, tantôt l’un avec l’autre tantôt l’un contre l’autre, tantôt dans le jardin commun
tantôt en s’excluant l’un de l’autre.
Quand le jugement des deux s’exerce en référence à l’Arbre de la vie, la communication s’établit dans
la différence des personnes. Mais si le libre-arbitre s’exerce indépendamment du Centre vivifiant, alors
l’individu se prend lui-même pour centre, et c’est la chute dans l’extériorité horizontale et mortifère, là
où règne le serpent qui rampe sur la terre. C’est sans doute ce qui se passa dans la suite du récit : Où
es-tu Adam ?, demanda Dieu à celui, apeuré, qui n’était plus dans le jardin (Gn 3,9).
Tu garderas ce jardin et tu le cultiveras (Gn 2,15), avait dit le Créateur à sa créature. Tu le garderas de
l’extériorité où habite le serpent, et tu le cultiveras en méditant les Ecritures. Pourquoi ? Pour que notre
jugement soit « greffé »sur Dieu, centre de nos vies.
8 juin 2017
748918657
90 sur 106
XIII. POUR LES ADOS : TENTÉ AUSSI !
A. MEDITATION CATÉCHÉTIQUE
1. Dates liturgiques
La liturgie nous propose, chaque année, de fêter la Baptême du Seigneur le dimanche suivant la fête de
l’Epiphanie. Jusqu’au IV° siècle, les deux fêtes étaient célébrées le même jour : il y a comme un
certain achèvement de l’événement de la Nativité dans celui du Baptême. De plus, le texte qui suit
immédiatement le Baptême de Jésus, les Tentations au désert, est proposé chaque année, dans la
liturgie du premier dimanche de Carême.
Cette année 2002, le Baptême du Seigneur est célébré le 13 janvier, et les Tentations sont proposées à
notre méditation le 17 février. Notre catéchèse fera le lien entre les deux récits, et nous mènera jusqu’à
l’entrée en Carême.
2. Méditation
Nous allons reprendre le récit de Matthieu depuis le début du chapitre 3, même si la première partie (la
prédication de Jean) a déjà été abordée au deuxième dimanche de l’Avent.
Le baptême et les tentations de Jésus sont amorcés par le mot Nazoréen (Mt 2, 23), mot qui conclut la
fuite en Egypte. Ce qualificatif228 évoquerait-il le petit groupe des disciples de Jean baptiste, qui
devinrent les premiers “baptiseurs” chrétiens (mort et Résurrection). Ce passage qui semble se tenir en
lui-même, pourrait bien être une ancienne catéchèse du premier sacrement chrétien.
B. PREMIEREMENT SE POSER DES QUESTIONS SUR LE TEXTE
1. On peut s’étonner de l’intérêt que porte l’évangéliste aux vêtements du baptiste : manteau de poils
de chameau, pagne de peau autour des reins. Ces précisions sont-elles là seulement pour évoquer
l’ascèse vestimentaire d’un bien curieux personnage qui baptise dans un désert ?
2. Jean annonce la venue du Seigneur comme s’il était tout à fait au courant du plan de Dieu.
Mais le Messie qu’il annonce semble avoir, contrairement à Jésus, un aspect terrifiant. Nous
sommes en présence d’une véritable imagerie d’Enfer (versets 11 et 12).
3. Et puis Jésus arrive. Jean le reconnaît tout de suite comme s’il le connaissait de toujours. C’est
en contradiction totale avec sa question ultérieure : de sa prison, il fera demander à Jésus de
préciser son identité (Mt 11, 3, l’évangile lu le troisième dimanche de l’Avent).
4. Jean prêchait un baptême de pénitence pour la rémission des péchés (Lc 3,3) comme sa prédication
le montre. Cette plongée dans l’eau, rite de lustration, n’appartenait pas au judaïsme officiel du
Temple. La plongée était pratiquée par un groupe religieux important, mais marginal et critique vis
à vis de la religion officielle (les Nazoréens ?). Ce bain rituel n’est pas “sacramentel” comme l’est
notre Baptême : ici l’Esprit Saint ne descend pas. Le rite manifeste seulement une volonté de
conversion, et l’attente de la venue de Dieu. Etait-il perçu comme une purification ? Si c’était le
8 juin 2017
748918657
91 sur 106
cas, pourquoi Jésus demande-t-il le baptême de Jean ? Ne disons-nous pas Jésus « pur » et « sans
tache » ? Avec le recul, nous comprenons la réticence de Jean, mais avant la Résurrection, Jésus
était seulement perçu comme un grand prophète, un “super”Jean Baptiste”, sa filiation divine
n’était pas reconnue.
5. La réponse de Jésus est pour le moins sibylline : Il nous convient d’accomplir toute justice. JeanBaptiste semble pourtant bien la saisir puisqu’il baptise Jésus sans hésiter.
6. L’irruption de la colombe, lors de la remontée de Jésus (verset 16), est un curieux phénomène. Il
est vrai que Matthieu -à la différence de Luc- se contente d’une comparaison : « comme une
colombe ». Mais pourquoi une colombe et pas une hirondelle ? Le texte n’en est que plus étrange.
7. L’ouverture des cieux, qui correspond à la cosmologie du temps, reste une image curieuse. Des
cieux qui s’ouvrent (y en aurait-t-il plusieurs !) ? Des trappes s’abaissent et la voix de Dieu en
sort ? Le moins qu’on puisse dire est que l’évangéliste se meut dans une imagerie étrange. Il est
difficile d’y voir la simple description d’un fait.
8. Les trois interventions du diable sont, à elles seules, une sérieuse question. En catéchèse, on aurait
tendance aujourd’hui à taire ce personnage et à le laisser aux sectes sataniques. D’ailleurs, existe-til vraiment ?
9. Comme dans un scénario prévu d’avance, Jésus, après son baptême, est poussé au désert par
l’Esprit pour être tenté par le diable. Cette contrainte et l’enchaînement des tentations posent
question.
10. Le diable utilise l’Ecriture pour convaincre Jésus, ce qui n’est pas banal. La discussion ressemble
à une querelle de spécialistes.Le diable serait-il savant ?
11. Après quarante jours de jeûne, Jésus eut faim. N’a-t-il pas eu faim avant ? Tout homme
normalement constitué n’aurait pas « tenu » si longtemps.
12. Les deux voyages aériens de Jésus ressortissent, semble-t-il, à la fiction : Le diable... le place sur le
faîte du temple229... Drôle de place ! Le diable l’emmène ensuite sur une très haute montagne...
d’où il lui montre tous les royaumes du monde... bien curieuse montagne si la terre est ronde !
Bien sûr ces questions ne sont pas exhaustives, vous en avez peut-être d’autres : essayez de les
formuler, c’est ainsi qu’elles sont porteuses de recherche.
C. ENSUITE FAIRE DES RAPPROCHEMENTS BIBLIQUES
Nous pouvons faire des rapprochements en partant des questions posées précédemment et aussi à partir
des images qui, presque automatiquement, nous renvoient à d’autres images bibliques.
1. Le vêtement de Jean-Baptiste ressemble beaucoup à celui du prophète Elie : toison et pagne de peau
autour des reins230 (2 R 1, 8). Il y aurait donc peut-être un premier rapport à établir entre les deux
prophètes.
2. Le désert dans lequel Jean choisit de prêcher (encore une question d’ailleurs : prêcher dans le
C’est encore le nom araméen que donne la tradition juive aux chrétiens : les “netzorim”. Jésus est qualifié de Nazoréen
sur la Croix (Jn 19,19).
229
Le texte grec parle des petites ailes du temple. On se perd en conjectures.
230
Il s’agit d’une ceinture, dont on sait l’importance pour désigner les vertus de la foi au cours du voyage de la vie : la
vérité pour ceinture (Ep 6,4).
228
8 juin 2017
748918657
92 sur 106
désert ?) renvoie -le texte l’indique explicitement- au second prophète Isaïe (chapitres 40 à 55 du
Livre d’Isaïe). On y lit l’annonce d’un Salut que Dieu prépare, « un nouvel Exode », une nouvelle
traversée de l’eau et la naissance d’un peuple neuf dans le désert. L’image du désert évoque donc à
la fois l’errance d’lsraël pendant quarante ans et la prophétie d’Isaïe qui en est indissociable. Lire
par exemple Is 43, 16-21. Cette nouvelle création d’un peuple fait aussi penser au second récit de la
création : I’homme est façonné par Dieu sur un fond de désert et d’eau (Gn 2, 4-7).
3. Jésus va du fond de l’eau (baptiser signifie « plonger », « couler au fond de l’eau ») aux cieux qui
s’ouvrent. Le seigneur entreprend une montée, une véritable ascension avant l’heure. Le texte le
souligne d’ailleurs : Jésus remonta de l’eau. Cette ligne verticale renvoie à toutes les images de
montagne et bien sûr aussi à la descente dans la mort -aux enfers- et à la remontée aux cieux de la
Résurrection. Il y a là comme une anticipation de la mort et de la Résurrection
4. L’eau du Jourdain renvoie aussi à la traversée du Jourdain par Josué (Jos 3, 14). Ce fut l’entrée du
peuple de Dieu en terre promise. Elle rappelle aussi la guérison du païen Naaman (2 Rois 5) qui,
lui, doit se plonger sept fois dans les eaux du Jourdain pour bénéficier d’une nouvelle création :
sept plongées comme sept jours, un temps pour renaître.
5. La colombe évoque deux scènes de l’Ancien Testament : La colombe du Déluge qui annonce la vie
qui vient, la nouvelle création (Gn 8, 8-13) et aussi : L’esprit de Dieu planait sur les eaux au
moment où Dieu prononce les paroles qui crée le monde (Gn 1, 1).
6. Les cieux s’ouvrent ! L’expression se trouve au premier verset du livre d’Ezéchiel (1,1). Après un
long silence, la Parole va descendre des cieux : le prophète va parler !
7. La phrase : Celui-ci est mon fils bien-aimé a une double résonance en grec, le mot “fils” signifie à
la fois fils et serviteur. Elle renvoie aux quatre chants du serviteur souffrant d’Isaïe et en particulier
Is 42, 1 et donc, comme par ricochet, à la passion de Jésus, le véritable serviteur souffrant. L’image
de Jésus lavant les pieds de ses apôtres (Jn 13) nous vient alors à 1’esprit.
L’expression Tu es mon fils semble être reprise dans la suite de notre récit par le diable lui-même :
« Si tu es le fils de Dieu... ». Rapprochons encore cette expression du récit de Jésus en croix : Si tu
es fils de Dieu, descends de la croix !... que Dieu le délivre maintenant ! (Mt 27, 40).
Aujourd’hui, l’expression Fils de Dieu nous est familière, le Credo, le Gloria nous font dire chaque
dimanche que Jésus est le Seigneur, le Fils unique de Dieu, mais cette foi n’était pas explicitée à
l’époque où l’évangile a été écrit : I’expression biblique signifiait quelque chose comme “enfant de
Dieu” (fils du Père). Lire, par exemple, le livre des Proverbes.
8. Les quarante jours de tentation de Jésus au désert évoquent les quarante ans de l’Exode des
Hébreux et les tentations du peuple car chaque jour vaut une année (Nb 14,34). Le nombre
quarante, qu’on retrouve souvent dans la Bible, s’enrichit d’un grand nombre de scènes bibliques :
quarante jours du Déluge (Gn 8, 6), le jeûne de quarante jours et quarante nuits de Moïse sur la
montagne (Ex 34, 28), les quarante ans de repos qui rythment le Livre des Juges (Jg 3, 11-5, 31), ou
les quarante jours de jeûne des Ninivites (Jonas 3, 4)... Il rappelle aussi pour nous, deux périodes
liturgiques : le Carême et son inverse, le temps de joie qui sépare Pâques de l’Ascension.
9. Le pain évoque la manne des Hébreux dans le désert (Ex 16) et les diverses multiplications des
pains. Elisée en 2 R 5, 42. Jésus en Mt 14, 13 et 15, 32... Pour les Juifs d’abord, et pour nous
ensuite, le pain évoque la Torah, et le croyant qui se nourrit des Écritures et devient lui-même un
bon pain vivant. Jésus s’était ainsi désigné (Jn 6,51). On mange le pain vivant : du coup, on pense à
l’Eucharistie qui pourrait bien être en filigrane derrière le verset 11 : Les anges... le servaient. La
messe est à la fois repas et service de Dieu.
8 juin 2017
748918657
93 sur 106
10. Jérusalem et son Temple font penser à l’entrée de Jésus dans la ville sainte (Mt 21, 10-12), ainsi
qu’à toutes les controverses qui suivent (vendeurs chassés du Temple, destruction en Mt 24, 1-3,
discours eschatologiques). En chassant les vendeurs du Temple, Jésus met fin aux sacrifices de
l’Ancienne Alliance et donc au Temple lui-même, qui sera détruit par les légions de Titus en
l’année 70 de notre ère. Au Temple, sont donc associées des images de guerre et de destruction... la
fin du monde.
Ces controverses sur la fonction du Temple et sur la pertinence des sacrifices rappellent la grande
prédication prophétique, Amos 5, 21; Jérémie 6, 20; Malachie 1, 10... Et le premier rapprochement
qui vient à l’esprit est encore la grande diatribe du prophète Jérémie contre le Temple : Ne vous fiez
pas aux paroles mensongères : vous dites “le Temple de Dieu, le Temple de Dieu”, mais si vous
n’améliorez pas réellement vos voies et vos œuvres... je le détruirai (Jr 7, 4). Ces textes ont en
commun la mise en question du Temple comme lieu central du culte et fonction de Salut (voir aussi
He 9, 11 et 24).
11. La phrase : Si tu es le fils de Dieu, jette-toi en bas peut faire penser à cette autre phrase du même
évangile : Toi qui détruis le Temple en trois jours, sauve-toi toi-même et descends de la croix (Mt
27, 40). Dans les deux cas, Jésus refuse le spectacle de la descente, un certain pouvoir. Il restera en
haut de la croix et en haut du Temple et les anges le serviront cependant à sa Résurrection et sur la
montagne.
12. La montagne est précédée de l’article défini, elle est unique ! Ce haut lieu est annoncé par toutes
les montagnes de la Bible, il est à la fois le sommet de la vie de Jésus, le Golgotha et le Ciel réunis.
Les Pères disent que la montagne est l’Église.
D. VERS LA CONFESSION DE FOI
Nous diviserons cette méditation en deux parties : le baptême d’abord et les tentations ensuite. Mais
ces deux parties sont indissociables, elles font partie d’un même grand récit.
L’expression fils de Dieu venant du ciel et reprise par le diable, traverse l’ensemble du récit depuis la
sortie de l’eau jusqu’à la haute montagne. Jésus, en plongeant dans les eaux du Jourdain et en
traversant le désert pendant quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne, décrit un trajet de bas
en haut. Cette route est un débat avec le diable sur le sens des Ecritures. On peut attendre un certain
Messie « fils de Dieu » en lisant d’une certaine façon la Bible, mais Jésus nous introduit dans une
nouvelle interprétation de l’Ancien Testament (2 Cor 3, 12-16).
1. Catéchèse du Baptême
Le baptême de Jean ouvre sur l’attente du Messie par Israël, un Messie qui consumera au feu qui ne
s’éteint pas (Mal 3, 18-20). Puis, Jésus arrive dans ce contexte de la prédication du baptiste habillé
comme Élie. Le vêtement de Jean évoque la parole de Malachie : Voici que je vais vous envoyer Élie le
prophète avant que n’arrive mon Jour grand et redoutable (Mal 3, 23). Comme le dit Matthieu dans la
suite de son évangile (17, 10) : Jean-Baptiste est Élie revenu, Jésus peut donc être le Messie.
Jésus arrive et demande à recevoir un baptême de pénitence. Mais ce geste que le baptiste refuse
comme tel est rapproché par l’évangéliste de trois passages de l’Ancien Testament, qui vont lui
conférer une tout autre dimension :
1. les cieux s’ouvrent : Jésus est présenté comme la Parole de Dieu qui se fait entendre à nouveau;
8 juin 2017
748918657
94 sur 106
2. la colombe évoque le Déluge, récit qui décrit une nouvelle création du monde plongé pendant
quarante jours dans les eaux de la mort pour renaître à la vie;
3. le rappel du chant du serviteur d’Isaïe introduit le véritable rapport entre le baptême de Jésus - sa
plongée dans les eaux - et sa Passion.
Ainsi, l’immersion de pénitence change-t-elle totalement de sens, elle apparaît maintenant comme la
volonté de Dieu de réaliser la nouvelle création annoncée par Isaïe. Jésus Christ, en ayant été serviteur
souffrant, accomplit toute justice : il a été le Juste par excellence et il est désormais ressuscité. Nous
retrouvons derrière ces images bibliques ce que saint Paul déjà écrivait : Nous avons été ensevelis avec
lui par le baptême dans la mort... afin que nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle (Rm 6, 4).
Plonger dans l’eau signifie accepter la vie mortelle qui est aussi une “mort vitale” selon l’expression de
saint Augustin. C’est en se fatiguant pour les autres, en donnant notre vie chaque jour que l’on reçoit
l’amour. Nos limites assumées et bien orientées vers les autres et vers Dieu, transfigurent de l’intérieur
notre condition mortelle. Le baptême chrétien inaugure cette manière d’être, et exprime la volonté de
vivre en Jésus Christ, avec tous nos frères humains, pendant les quarante jours qui symbolisent le
temps d’une vie humaine. Quarante ans comme les quarante ans d’errance dans le désert qui
préparèrent Israël à entrer en Terre Promise (la Résurrection promise).
2. Catéchèse des trois tentations
Ainsi, les trois tentations semblent-elles liées à la condition de baptisé. Poussés par l’Esprit, à la suite
du Christ, nous sommes confrontés, dans le désert du monde où l’on ne voit pas Dieu, aux trois
épreuves qu’Israël avait déjà rencontrées dans le désert.
Le diable (le satan, le serpent d’Adam et Eve ?) demande d’abord à Jésus de transformer des pierres en
pain : pouvoir sur la nature, miracle de la magie et de la science sur la matière. Mais Jésus refuse,
car son identité de fils de Dieu ne se situe pas là. Il a supporté l’épreuve sans quémander de la
manne et des cailles (Ex 16). A l’inverse d’Israël, Jésus est resté homme même dans la pénurie. Il
n’a pas fui la réalité. C’est en assumant sa condition d’homme qu’il est véritablement « fils de
Dieu ».
La scène prend son sens de l’Écriture : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute
parole qui sort de la bouche de Dieu. A sa suite, nous voulons faire de même en mangeant le pain
vivant, la Parole faite chair, même si elle a un goût d’abstinence. Nous fixons ainsi une direction à
notre vie malgré la tentation de la science de réduire l’homme à l’homme. Nous nous tournons
vers Dieu, nous levons nos yeux vers le Père.
Le diable demande ensuite à Jésus de se jeter en bas du Temple pour s’assurer un pouvoir religieux
facile et spectaculaire. Mais Jésus refuse d’utiliser ce Temple fait de main d’homme (Ac 7, 48)
comme une idole qui ne donne pas le Salut. Seul Dieu est abri, rocher, refuge, bouclier, Temple.
Jésus pousse jusqu’au bout la logique de l’Alliance ancienne en mettant fin au temple et aux
sacrifices d’animaux. Il chasse les vendeurs et les acheteurs en se substituant aux victimes. Il est
l’agneau immolé puisqu’il a refusé de descendre de la croix par confiance en Dieu. Israël a
toujours eu du mal à comprendre cela. Nous aussi, ne sommes-nous pas tentés par la « magie
religieuse » qui ne conduit pas à la conversion ? Comme Israël a été tenté par ce veau d’or du
désert qui ne pouvait servir à rien !
Le diable offre enfin à Jésus le pouvoir politique. Israël y avait succombé en demandant un roi
(1 Sm 8), nous y succombons quand la référence politique devient dominante dans notre vie. Le
8 juin 2017
748918657
95 sur 106
roi des Juifs n’a été roi que sur la croix et sa couronne était d’épines. Il a été victime de ce
pouvoir. Mais sa montée à Jérusalem s’est terminée au ciel, sur la haute montagne où il nous a
précédés et où il a été intronisé « Fils de Dieu » (Ep 1, 20-21).
Le baptême appelle cette ascension de la montagne qui est une sortie des eaux de la mort, une victoire
sur les trois tentations habituelles de notre vie. Acceptons-nous de vivre ce baptême qui est bien plus
que celui de Jean ? Nous sommes recréés en Christ, couronnés de gloire, et même « divinisés”, disent
nos Pères.
3. Remarque sur l’eau du Baptême
Il est intéressant de souligner, à partir de cet exemple, comment le « symbole » est, en catéchèse,
rapporté à Jésus Christ pour exprimer le mystère pascal. C’est Lui l’eau qui devient vin. Le symbole
n’est pas une chose, mais un processus qui transforme l’approche positive, extérieure et spontanée que
nous avons du texte évangélique. Il nous fait passer du monde visible des choses, à l’intériorité de la
foi où domine la quête de Dieu, il nous fait méditer le mystère de Dieu. Il ne faudrait pas que la
catéchèse des sacrements se meuvent dans le seul monde des choses. Le sacrement deviendrait vite une
magie pour l’enfant. L’eau vive serait assimilée à un liquide magique aux propriétés bizarres, et
l’hostie réduite à un médicament. L’eau ne devient la vie divine en nous que si nous acceptons en
échange de nous offrir en Hostie vivante sainte, agréable à Dieu (Rm 12,1) Si nous disions aux enfants
que l’eau était la vie, on oublierait l’amour et le don de soi, on les laisserait à l’extérieur du sacrement.
Dans la catéchèse des sacrements, les bizarreries du texte et les rapprochements qui les éclairent,
participent les uns et les autres à la construction de l’intériorité. Pour le Baptême, on ne manquera pas
de citer des eaux qui évoquent la vie au cœur de la mort : la Samaritaine mais sans oublier que la scène
semble se passer dans un cimetière (Jn 4,5 et Jos 24,32), la source du Temple (Ez 47) sans oublier que
le prophète s’effraie de la dangereuse puissance des flots, l’eau du rocher qui jaillit dans la soif (Ex
17), le puits de Jacob qui abreuve avant l’heure (Gn 29), le puits de Moïse (Ex 2, 15 et ss) où Moïse
combattit... Mais on donnera aussi les eaux qui ne cachent pas la mort que domine le Vivant : la
marche de Jésus sur les eaux dangereuses de la nuit… (sur la mort ?) (Mc 6), le Déluge aussi universel
que notre mort actuelle (Gn 6 à 8), le passage de la Mer et sa grande noyade (Ex 14), la tempête
apaisée qui fut un sauvetage semblable à la croix231 (Mc 4)... Toutes ces images d’eau renvoient à la
mort et à la vie, elles enrichissent la catéchèse du Baptême.
Le Christ est mort et ressuscité. Il a vécu totalement la condition mortelle. En d’autres termes, par son
Incarnation, il s’est plongé dans l’eau (il n’a pas hésité “à se mouiller”). Il a risqué, il a donné sa vie
par l’amour qui le faisait vivre. C’est cet amour discret qui lui fit refuser les trois tentations. Il en est
mort assassiné, mais les épreuves de mort ont inscrit en lui la Résurrection. Pendant trois jours et trois
nuits, il est resté au fond des eaux comme Jonas (Mt 12, 39 et 16, 4). Mais les eaux de la mort - sa vie
terrestre - sont devenues eaux vives : dimension de l’homme qui surgit avec l’amour divin, dans le don
de soi-même. Mouvement qui va sans cesse de la mort à la vie, mouvement du Baptisé à éprouver en
Christ.
Voilà pourquoi l’eau du Baptême est bénie par le prêtre, car la mort si douloureuse soit-elle, est bénis
par Dieu.
Ainsi, la symbolique biblique ne peut pas s’enseigner de l’extérieur car on utiliserait alors images et
Comme au Golgotha Jésus dort sur “le bois”, et les apôtres affrontent seuls la tempête. A leur prière, le Seigneur se lève
et le Ressuscité fait revenir la paix dans la “barque de Pierre”.
231
8 juin 2017
748918657
96 sur 106
récits comme une illustration d’idées en dehors de la réalité d’un Mystère qui nous dépasse.
E. PEDAGOGIE
1. Une histoire à connaître : première séance
C’est la première étape, et elle est extrêmement importante : bien connaître le texte.
Vous avez plusieurs solutions que vous choisirez en fonction de votre équipe :
Une bonne partie des jeunes est pratiquante de la messe dominicale : vous leur demandez de raconter
l’évangile de la messe du dimanche. Bien sûr vous les laisserez chercher dans leur mémoire -c’est acte
est capital- sans leur donner de titre. Ils racontent et se corrigent jusqu’à être d’accord sur une
« version » qui semble exacte à tous. Puis vous leur posez une question très difficile : « On ne l’a pas lu
ce dimanche, mais qui sait ce que raconte l’évangile juste après ? »
S’ils ne trouvent pas, après une recherche qui serait restée infructueuse, vous ouvrez l’évangile de
Matthieu au chapitre 3, verset 5... Peut-être, sûrement, se rappelleront-ils le texte questionné avant
Noël... vous poursuivez la lecture par les versets 13 à 17, sans lire les titres que vous rencontrez puis
immédiatement à la suite le chapitre 4, versets 1 à 11.
A la suite de cette « révision », assurez-vous que le récit était déjà connu. S’ils sont pratiquants, il est
connu par la plupart.
Votre équipe n’est pratiquante qu’occasionnellement : vous pouvez essayer la même question, mais
vous animerez la parole des jeunes différemment. Votre recours au texte sera plus rapide tout en
laissant du temps pour la recherche dans la mémoire si vous pensez que l’une ou l’autre est capable de
« contenir » quelques informations dont vous pourrez tirer profit.
De toutes les façons vous recourrez au texte comme il est proposé précédemment.
Dans tous les cas, et pour que les images se fixent : vous présenterez ensuite, mais ensuite seulement,
des représentations, tirées de l’iconographie traditionnelle, de ces deux récit.
a) L’icône du baptême de Jésus.
Reportez-vous au texte en annexe pour « l’apprendre » entre adultes. Ce texte n’est évidemment pas à
donner aux jeunes.
Montrez l’icône à votre équipe et laissez la parole circuler. Ils vont décrire, s’étonner, peut-être poser
des questions. Tout cela peut être noté.
b) Les tentations au désert.
Les images du récit de Matthieu sont peut-être bien connues des enfants. Il peut alors être bon d’en
proposer d’autres. Pourquoi pas celles peintes au plafond de l’église de Zillis (Suisse); là aussi laissez
la parole circuler, notez les réflexions, les étonnements, les suppositions....232.
D’autres représentations peuvent être choisies. Cependant nous ne sommes pas dans un cours d’art religieux et les
propositions ici faites ont l’avantage de n’être pas d’abord anecdotiques, donc de surprendre et de ce fait d’ouvrir la parole.
De plus elles sont parfaitement traditionnelles.
232
8 juin 2017
748918657
97 sur 106
2. Une histoire bizarre : deuxième séance
Les textes du Baptême et des tentations de Jésus étant connus (c’était l’objet de la précédente séance),
on peut directement faire chercher les bizarreries du récit par petits groupes de deux ou trois jeunes.
Les bizarreries découvertes sont notées sur une feuille (référence précise, et explication de l’étrangeté).
Cette recherche ne doit pas excéder vingt minutes (trente à la rigueur si vous voyez que les jeunes
cherchent bien, mais arrêtez la recherche plus tôt si vous ne la sentez plus active).
Ensuite, on procède à une mise en commun : les bizarreries sont notées et regroupées quand elles sont
très proches d’une équipe à l’autre. Cependant tenez bien compte de différences qui permettraient
d’enrichir la réflexion de tous; et ne notez la bizarrerie que si elle reste une question pour les enfants.
Si vous pensez qu’il s’agit d’une question dont la réponse est évidente (niveau de parole bleu), ou
d’une réponse sans recherche (une explication entendue et répétée : qui peut être spirituelle, mais
demeurer en mémoire comme du savoir : bleu), refusez-la avec délicatesse. Ce refus de votre part ne
doit pas être perçue comme un rejet : On ne prend que les choses bizarres, qui n’ont pas de réponse
évidente, on ne prend pas les questions trop faciles ! C’est la règle du jeu.
L’exercice est intéressant parce qu’il permet de prendre conscience que les bizarreries sont normales,
qu’elles semblent même être appelées par le texte évangélique. Il déculpabilise en quelque sorte et
permet à chacun de se poser sereinement la question de la vérité du récit.
Une prière peut clore ce travail, sur le thème de « Seigneur, fais-nous comprendre. » En tout cas, ne pas
vouloir répondre immédiatement aux questions, elles doivent descendre dans les cœurs. Laisser le
temps à la réflexion de mûrir. La séance suivante prolongera cet indispensable exercice.
3. Le jeu du désert : troisième séance
Le questionnement que l’exercice précédent a produit, a mis en appétit de découvrir des clés pour
comprendre. Le jeu du désert, a pour but de favoriser un approfondissement des trois tentations dans la
foi. C’est par un jeu de rapprochements que les jeunes découvriront du sens à ce texte. On voit bien par
là, comment bizarreries et rapprochements, sont tous deux, à l’origine de la production du sens.
a) Objectifs du jeu
Devant les joueurs, sont disposées neuf cartes, trois d’un côté, les cartes « diable », et six de l’autre,
les cartes « Jésus Christ ».
(1) Les cartes “diable”
Chacune des cartes « diable » correspond à l’une des trois tentations : la première représente une
« baguette magique », la seconde un flacon dont l’étiquette porte le mot « drogue », la troisième une
« couronne d’or »
(2) Les cartes “Jésus-Christ”
Chacune d’entre elles correspond aussi à une tentation. Il y en a six, deux par tentation :
 Les deux premières correspondent à la première tentation : un pain et une autre carte avec la
mention « travail des hommes »;
 deux autres cartes correspondent à la deuxième tentation : un agneau et un calice;
 il y en a deux enfin pour la troisième tentation : une couronne d’épines et un ânon.
Ces cartes doivent être comprises par les joueurs. Ce sera le but du jeu. Il ne s’agit donc pas que
8 juin 2017
748918657
98 sur 106
l’animateur explique quoi que ce soit, mais bien que les informations données petit à petit (et non pas
toutes ensemble) permettent aux jeunes de risquer une parole personnelle en fin de jeu.
Des cartes « Parole de Dieu » (le nombre peut être augmenté) donnent un verset ou deux de la Bible
qui éclaire telle ou telle tentation. Elles sont donc divisées en trois catégories et rattachables à l’une des
trois cartes « diable ». Des cartes « vie du monde » (leur nombre peut être augmenté et leur actualité
‘rafraîchie’).Des cartes « vie quotidienne ». Celles-ci aussi sont en rapport avec l’une ou l’autre des
cartes “diable”.
b) Préparation du jeu :
Préparer : Trois (3) ou quatre (4) cartes de chaque « diable », neuf (9 ou 12) en tout, six (6) cartes
« Jésus Christ », elles sont toutes différentes;
les cartes « Parole de Dieu », il y en a sept (7) pour chacune des trois tentations,
les cartes « vie du monde », il y en a sept (7) elles peuvent être réactualisées,
les cartes « vie quotidienne », il y en a sept (7) également.
au total 36 (ou 39) cartes de jeu.




Déposer en tas sur la table les 7 cartes « vie quotidienne », et sur ce tas les 7 cartes « vie du
monde ».
Disposer sur la table, face visible, les 6 cartes « Jésus Christ ». Ne pas les expliquer : C’est le but
du jeu. Disposer aussi sur la table trois cartes “diable” différentes, face visible.
Battre les cartes « diable »; en distribuer une à chaque jeune, qui en prend connaissance mais la
garde secrète. S’il reste des cartes, les disposer sur la table, face visible comme les premières.
Battre les cartes « Parole de Dieu »; en distribuer une de la même manière à chaque joueur, qui en
prend connaissance, mais la garde secrète.Déposer les cartes restantes sur le tas des cartes « vie
quotidienne » et « vie du monde ». Toutes ces cartes forment la pioche.
c) Règle du jeu
Les joueurs ont pris connaissance de la carte « diable » qu’ils possèdent (elle reste secrète) et de la
carte « Parole de Dieu » qui l’accompagne : Ils sont confrontés à une tentation, laquelle ? La carte
qu’ils ont reçue s’y rapporte-t-elle ? Permet-elle de comprendre quelque chose ?
Le temps est laissé aux joueurs pour cette première réflexion ‘privée’ et silencieuse (pas plus de 2 à 3
minutes).
Le premier joueur (à gauche du distributeur des cartes) tire une carte sur le dessus de la pioche :
 décide de la garder, si elle lui apporte une aide à propos de sa ‘tentation’ (si elle s’y rapporte),
 décide de la remettre sous la pioche si elle ne lui est d’aucune utilité (s’il ne fait aucun
rapprochement).
Ainsi fait le second, puis le troisième et tous les joueurs.
Avant que ne commence le deuxième tour, tous les joueurs posent à l’envers devant eux la carte diable,
c’est la tentation à laquelle ils restent confrontés.
Au deuxième tour de jeu, chacun tire une carte, comme dans les précédents tours. On met sous le tas de
la pioche - si on le souhaite - une carte qui ne serait d’aucune utilité pour comprendre la tentation que
l’on a reçue.
Au troisième tour, on pioche une nouvelle carte, mais on doit en rejeter une; on ne peut en effet
8 juin 2017
748918657
99 sur 106
garder que trois cartes en main au maximum. On est donc obligé de se débarrasser d’une carte en
trop. Celle qui nous serait la moins utile (à moins qu’on l’ait déjà fait précédemment).
Ainsi des tours suivants, les joueurs ne pouvant jamais garder plus de trois cartes en main.233
Le jeu s’arrête :
 soit parce que la pioche est épuisée,
 soit parce que l’un des joueurs a en main toutes les informations utiles pour comprendre :la
tentation qu’il a dû affronter, et une des cartes Jésus Christ Sauveur posée sur la table depuis le
début du jeu.
L’animateur arrête le jeu et anime la parole du jeune (et des autres) :
 Quelle est ta tentation ?
 Quelles sont les cartes que tu as en mains ?
 Qu’as-tu compris de ce que te propose le diable ?
 Quelle carte du salut en Jésus Christ y correspond ? Pourquoi ?
d) Quelques conseils pour l’animation de la parole :
Si un autre joueur à la même carte « diable », l’associer à ce questionnement.
Bien prendre le temps de chaque question : la seconde semble simple, cependant il peut se faire qu’à ce
niveau de parole (associations, niveau de parole vert), vous soyez surpris par un des rapprochements
faits par le jeune (ou que quelqu’un du groupe le soit). Ne craignez pas de demander un
éclaircissement. Et si le groupe n’est pas d’accord, animez cette parole de désaccord. C’est important.
Bien noter ce qu’a compris le jeune de la tentation. Attention, lui demander le rapport de ce qu’il dit et
des cartes qu’il a en mains... sinon vous pourriez avoir la répétition de ce qu’il ‘savait’ avant de
commencer à jouer, sa réflexion n’aurait rien gagné à votre animation. Ce serait dommage. Il doit
s’appuyer sur les cartes qu’il a en mains pour répondre.
La quatrième question est la plus difficile, elle demande un autre niveau de parole : Jésus ne répond
pas au diable de manière anecdotique, mais par toute sa vie en étant agneau, victime du pouvoir
religieux, obéissant... alors que les enfants croient qu’il répond par un simple parole de la Bible !
e) Quelques conseils pour l’animation du jeu
…qui ne dispensent pas d’une méditation de l’évangile de Matthieu, et d’un échange entre adultes.
Ne rien expliquer à l’avance du sens des tentations, mais donner brièvement des conseils pratiques
pour le jeu.
Les trois premières séries de cartes rappellent plus ou moins explicitement telle des trois tentations de
Jésus. Les deux autres tentent ( !) de permettre le passage à la parole biblique existentielle pour les
jeunes qui le pourront
Première tentation (baguette magique). Jésus refuse de fuir la condition humaine. Il se soumet, comme
tout le monde, aux lois de la nature. Il ne prétend pas tout savoir faire, tout connaître. Il reste un
homme limité; il partage le travail et la vie de tous jusqu’au bout, jusqu’à l’issue des quarante
Veillez à ce que les joueurs ne gardent pas en main les cartes qui n’ont pas de rapport avec leur carte ‘diable’ (leur
tentation), la circulation des informations permet la réflexion. En revanche les cartes immobilisées sont des informations qui
peuvent manquer à celui qui en a besoin. Si nécessaire (avec un groupe un peu trop nombreux on peut soit doubler les
cartes, soit réduire à deux les informations que l’on peut garder, mais ceci rend le jeu plus difficile).
233
8 juin 2017
748918657
100 sur 106
jours symboliques, c’est-à-dire de mort (cf.méditation précédente).
Deuxième tentation (flacon de drogue). Jésus refuse d’utiliser la religion (l’autel, le Temple, les
sacrifices...) comme un pouvoir, comme une fuite de la condition humaine, un « opium » qui
endort et qui nous cache à nous-mêmes. A la fin des quarante jours symboliques, Jésus sera
victime du pouvoir religieux, il sera le prophète assassiné, l’agneau immolé de la religion.
Troisième tentation (couronne d’or). Jésus refuse de prendre part au pouvoir politique. Il se soumet à
César. Dés sa naissance, il obéit aux lois du pays (Lc 2, 1), il est soumis aux dangers (Mt 2, 16). Il
sera mis à mort sous un prétexte politique. Le pouvoir politique ne peut pas prendre la place de
Dieu, qu’il soit l’Empereur des anciens ou l’État des modernes. La vie nous vient de Dieu sur qui
nous devons fonder notre existence. Tel est le premier « commandement » : Tu adoreras le
Seigneur ton Dieu (Mt 4, 10).
4. La célébration
Cette réflexion va se poursuivre et se prolonger dans la prière qui pourra réunir deux ou trois équipes.
C’est dans « le lieu liturgique » que se dit le langage de foi, adressé à Dieu.
Le texte sera lu, peut-être ponctué par des temps de prières des jeunes, préparées d’avance.
L’entrée dans le temps du Carême permettra de donner un sens de passage à cette célébration (traversée
de la mer, ou du désert). Nous sommes appelés à passer à travers les eaux, comme Jésus à sa Pâque.
Ou bien un sens de purification : la vie, avec et en Christ demande une conversion, un combat intérieur
comme celui contre Amaleq dans le désert, comme celui de Jésus contre Satan dans le désert... Ou bien
un sens de…
5. LES CARTES
a) Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la première tentation
Ex 16, 2-3 et 8 : Toute la communauté des fils d’Israël se mit à murmurer contre Moïse et Aaron dans
le désert... Que ne sommes-nous morts de la main de Dieu en Egypte, quand nous étions assis
devant des marmites de viande et mangions du pain à satiété. Vous nous avez amenés dans ce
désert pour faire mourir de faim cette multitude. Moïse leur dit : Ce n’est pas contre nous que
vont vos murmures, mais contre le Seigneur.
Ex 17, 2 : Toute la communauté des fils d’Israël s’en prit à Moïse : « Donne-nous de l’eau, que nous
buvions ! » Moïse leur répondit : « Pourquoi mettez- vous Dieu à l’épreuve ? »
Gn 3, 4 : Le serpent dit à la femme qui l’écoutait : Pas du tout, vous ne mourrez pas... vous serez
comme des dieux qui connaissent (tout), le bien et le mal.
Mt 12, 38 : Quelques uns des scribes et des pharisiens s’approchèrent de Jésus et dirent : Maître, nous
désirons que tu nous fasses voir un signe.
Mt 13, 54...58 : Jésus, dans la synagogue de Nazareth (la ville de son enfance) enseignait les gens... ils
étaient choqués à son sujet : »Celui-ci n’est-il pas le fils du charpentier, sa mère, c’est Marie...
nous connaissons toute sa famille ! D’où lui vient tout ce qu’il nous dit ?... » Et il ne fit pas là
beaucoup de miracles à cause de leur manque de foi.
Mt 16, 1-3 : Les pharisiens et les sadducéens s’approchèrent de Jésus et lui demandèrent, pour le
mettre à l’épreuve, de leur faire voir un signe venant du ciel.Jésus leur répondit : « Vous savez
8 juin 2017
748918657
101 sur 106
interpréter les signes du ciel (il va faire mauvais temps car le ciel est rouge !). Mais les signes des
temps, vous n’en êtes pas capables !
Jn 6, 15 et 25-26 : Après que Jésus eut multiplié les cinq pains pour les foules, celles-ci le cherchaient
pour le faire roi. Mais Jésus s’en alla... L’ayant trouvé de l’autre côté de la mer, tous
s’étonnaient : « Quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur dit : « En vérité vous me cherchez, non pas
parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été
rassasiés. »
b) Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la deuxième tentation
Ex 32, 1 : Quand le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne... le peuple dit à Aaron :
Fais-nous un dieu qui aille devant nous... qu’on le voie !
Jr 7, 2...11 : Le prophète Jérémie se tenait à la porte du Temple et il disait, de la part de Dieu, à ceux
qui venaient se prosterner dans le temple : « Commettre toutes ces fautes, puis venir se présenter
devant moi, en ce Temple qui porte mon nom et dire : “nous voilà en sûreté.” »
Jr 31, 33 : La parole du Seigneur fut adressée à Jérémie pour qu’il la dise aux fils d’Israël qui
oubliaient Dieu : « Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je
serai leur Dieu et eux seront mon peuple. »
Lc 23, 8-9 et Is 53, 7 : On amena Jésus devant Hérode qui fut tout joyeux car il espérait lui voir faire
quelque miracle. Hérode interrogea donc Jésus avec force paroles, mais Jésus ne répondit rien.
Comme dit le prophète Isaïe : « Comme un agneau conduit à la boucherie... il n’ouvrait pas la
bouche. »
Mt 7, 21 : Jésus disait à ses disciples : « Ce n’est pas en me disant Seigneur, Seigneur, qu’on entrera
dans le Royaume des cieux... mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. »
Mt 21, 12-13 et Is 56, 7 : Jésus entra dans le Temple et chassa tous les vendeurs et acheteurs
(d’animaux nécessaires aux sacrifices). Il leur dit : « Il est écrit ‘ Ma maison sera appelée une
maison de prière’, mais vous, vous en faites un repère de brigands. »
Mt 27,38-40 : Jésus fut crucifié un vendredi à midi (la 6° heure)... et deux bandits avec lui à sa droite
et à sa gauche. Les passants l’injuriaient. Ils disaient : “Toi qui détruis le Temple et le rebâtis en
trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le fils de Dieu, saute de la croix.”
c) Liste des cartes « Parole de Dieu » éclairant la troisième tentation
Ex 17,11...16 : Quand Amaleq survint pour se battre contre Israël à Rephidim, Josué sortit pour le
combattre et Moïse, avec Aaron et Hur, monta pour prier.Tant que Moïse tenait ses mains levées,
Israël était le plus fort et quand il les laissait retomber, Amaleq l’emportait..Aaron et Hur lui
soutenaient les mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre. Ainsi jusqu’au coucher du soleil... Quand
Amaleq fut défait, Moïse bâtit un autel qu’il nomma ‘Le Seigneur est mon étendard’, car dit-il
« Le Seigneur Dieu est en guerre contre Amalek de génération en génération. »
Mt 2, 16 : Pris de peur à l’annonce de la naissance de celui que les mages nommaient « le roi des
Juifs », Hérode envoya tuer à Bethléem et dans les environs tous les enfants de moins de deux ans.
Lc 11, 1-2 : Un jour ses disciples dirent à Jésus « Apprends-nous à prier. » Jésus leur dit : « Lorsque
vous priez, dites ‘Notre Père qui es aux cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne
vienne... »
8 juin 2017
748918657
102 sur 106
Lc 19, 28...38 : Jésus partait devant, il montait à Jérusalem... Comme Jésus le leur avait dit, les
disciples détachèrent l’ânon et l’amenèrent à Jésus... Jésus s’assit dessus. La foule criait : « Béni
soit celui qui vient, le Roi au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux. »
Mt 27,27-29 : Après que Jésus eut été condamné à mort, les soldats se moquaient de lui, ils le
dévêtirent, lui mirent un manteau rouge sur les épaules, une couronne d’épines sur la tête et un
roseau dans la main. Ils s’agenouillaient devant lui et se moquaient en disant : « Salut, roi des
Juifs ! »
Mt 27, 37 : Les soldats, quand ils l’eurent crucifié, placèrent au-dessus de la tête de Jésus le motif de
sa condamnation, il était écrit : “Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs.”
Lc 23, 35-37 : Quand Jésus fut cloué à la Croix, le peuple regardait, les chefs se moquaient et les
soldats aussi. Ils disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
d) Liste des cartes « vie du monde » qui se rapportent à l’une ou l’autre des
tentations
Le Général Pinochet, ancien dictateur chilien, est accusé de centaines d’enlèvements, arrestations... et
d’atteintes aux droits de l’homme. L’homme Pinochet sera-t-il un jour jugé par les hommes ? Ou
bien peut-il être au-dessus des lois ?
Le Général Vidéla, ancien dictateur argentin est responsable du détournement (vol) d’enfants nés de
femmes emprisonnées. Les « grands-mères de la place de Mai », réclament qu’on retrouve 230
enfants volés. Peut-on se donner tous les droits, même sur les personnes ?
“Je ne suis pas un héros” déclare ce joueur de foot de Valenciennes qui a osé dire qu’on lui avait
proposé 200.000 F pour qu’il laisse gagner l’équipe adverse. La justice s’en est mêlé. A-t-il eu
raison de parler ?
Les sectes sont des groupements religieux avec beaucoup de victimes de quelques manipulateurs...
celles-ci pourraient bien entraîner certaines victimes à « célébrer » l’an 2000 de façon dramatique.
Ces gens sont-ils libres ?
Quand il s’agit de gagner de l’argent, l’intelligence des hommes n’a pas de limites : une agence de
tourisme propose un circuit “sur les pas de la Princesse Diana”... dans les magasins qu’elle
fréquentait, devant son club de gym... le long du parcours de ses funérailles. C’est ‘fun’, dit-on !
Jean Delumeau, un historien catholique dit ceci : “l’homme a tendance à camoufler son envie de
dominer les autres derrière la religion ou les idéologies... mais rien ne peut arrêter le travail des
hommes de paix qui finit toujours par aboutir.”
Le dopage, pour réussir à tout prix, vient de ce que le culte de la meilleure performance ou du meilleur
profit... envahit le coeur de l’homme.
e) Liste des cartes « vie quotidienne » qui se rapportent à l’une ou l’autre des
tentations
Il suffit de dire sa prière tous les jours, sans oublier bien sûr; il suffit d’aller à la messe tous les
dimanches... ça fait plaisir aux parents -et à Dieu, bien sûr !- et puis ça fait bien, c’est le plus
important.
Je m’inscris comme volontaire pour rendre service. c’est important... Pourquoi ?
8 juin 2017
748918657
103 sur 106
Parce que j’aime ça. Pour être bien vu ? Pour que tout le monde le sache...
C’est tellement tentant de se vanter d’avoir réussi un exploit (que l’on peut on que l’on ne peut pas
vérifier).. et de se croire si fort, si fort !...
Ce serait si facile de faire semblant de connaître les réponses de l’interro... et de copier pour avoir la
meilleure note... si facile, si facile !...
« Je ne peux pas la supporter, je ne peux pas l’encadrer... elle est tellement...
Je peux faire semblant de me réconcilier avec elle, ça m’évitera des ennuis, et même ça peut me
rapporter. Faire semblant seulement, bien sûr ! »
« Mon copain m’a invité... lui ne va pas à la messe, moi, d’habitude j’y vais.
C’est dimanche. Je m’écrase ou j’en parle ?... et s’il se moquait de moi ?
J’ai fêté Noël avec tout le monde… mais à l’intérieur, comment ai-je laissé place à Jésus pour naître
dans mon coeur ?”
f) Histoire d’une mystique célèbre234
Angèle de Foligno, disait avoir entendu du Christ : « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée »
L’évangile de ce dimanche semble avoir été rédigé par Matthieu pour illustrer une autre sentence : “Ce
n’est pas pour rire que j’ai été tenté”. Mais, si nous ne sommes guère portés à mettre en doute la
première affirmation, la seconde nous convainc moins aisément.
Un Christ tenté ? Comment y croire ? Notre étonnement démontre combien nous avons de diffıculté à
penser la liberté : celle de l’homme et du Fils de l’homme comme celle de Dieu. Lorsque ce texte de
Matthieu est rédigé, la première communauté célèbre un Christ ressuscité, confirmé dans son être et sa
mission par le Père. Pourtant, elle n’hésite pas à placer, au début de la vie publique de celui qu’elle
honore comme son Seigneur, ce moment de mise à l’épreuve. S’en étonner, c’est refuser que celui qui
« était dés le Commencement” ait assumé véritablement une chair et une vie d’homme. En JésusChrist, Dieu se risque dans le temps. Et ce n’est pas “pour rire” qu’il s’y risque. De même que Dieu
souffre et meurt dans l’humanité de son fils, de même Dieu est tenté en la personne de Jésus. Que cela
nous surprenne, nous procure même une sorte de vertige, c’est indéniable. Mais c’est ainsi.
De quelle nature est cette tentation ? Elle comporte trois propositions : le pain ou l’abondance, la
royauté ou le pouvoır; la protection angélique ou l’impunité. Jésus s’en détourne, et pourtant il
multipliera le pain, reconnaîtra devant Pilate sa royauté, et Dieu ne l’abandonnera pas à la mort. Où est
la différence ? Elle tient à cette phrase trois fois répétée : Il est écrit. En repoussant la tentation, Jésus
refuse les raccourcis du diable. Il rappelle chaque fois l’apparent détour de l’Écriture. En se comportant
ainsi, non seulement lors de la tentation au désert mais en toute sa vie, Jésus inaugure une longue
histoire. Notre histoire. L’histoire de la foi. En cette histoire, l’abondance naît du partage, non de la
magie; la royauté est une royauté de vérité, non de prestige et d’oppression; quant à l’aide de Dieu et de
ses anges, elle est accordée aux humbles, non à ceux qui le défient. Cette histoire continue. C’est
l’histoire de l’Eglise. Il suffıt d’en relire les chapitres déjà rédigés pour savoir qu’en ces trois domaines
- la richesse, le pouvoir, l’impunité - le diable a continué de proposer ses raccourcis. Et qu’ils n’ont pas
toujours été refusés. Mais, à chaque fois que notre grande et lourde institution a retrouvé la fraîcheur de
ses sources et de sa sainteté, ce fut pour s’être rappelé, envers et contre toutes les concessions, de dire :
Il est écrit.
234
Jean-Pierre Manigne. La vie du 26 février 1998. N°2739.
8 juin 2017
748918657
104 sur 106
g) L’icône du Baptême de Jésus, ou de l’Épiphanie 235
L’icône de l’Épiphanie reproduit le récit évangélique mais ajoute quelques détails pris dans la liturgie
de la fête et montre ce que Jean aurait pu raconter. En haut de l’icône un fragment d’un cercle
représente les cieux qui s’ouvrent, et parfois d’un repli qui semble la frange d’un nuage, sort la main
bénissante du Père. De ce cercle partent des rayons de lumière, attribut de l’Esprit Saint, et qui
illuminent la Colombe. Réminiscence de la parole initiale Que la Lumière soit, 1’ »énergie
manifestatrice » de 1’Esprit révèle le Dieu trinitaire : « La Trinité notre Dieu s’est manifestée à nous
sans division ». Le Christ est venu pour être la lumière du monde qui illumine ceux qui étaient assis
dans les ténèbres (Matth. 4, I6), de là le nom de Fête des lumières. Tandis que Jésus descendait dans
l’eau, le feu s’alluma dans le Jourdain, c’est la Pentecôte du Seigneur et le Verbe préfiguré par la
colonne de feu montre que le baptême est illumination, naissance de l’être à la lumière divine.
Jadis, à la veille de la fête, avait lieu le baptême des catéchumènes et le temple était inondé de lumière,
signe d’initiation à la connaissance de Dieu. Le témoin de cette lumière, saint Jean, est accordé à
l’événement car lui-même est le flambeau allumé et brillant et les gens venaient se réjouir à sa lumière
(Jn 5, 35).
La descente de l’Esprit Saint sous la forme d’une Colombe traduit le mouvement du Père qui se porte
vers son Fils. D’autre part, elle s’explique, selon les Pères, par l’analogie avec le déluge et la colombe
au rameau d’olivier, signe de la paix. L’Esprit Saint planant sur les eaux primordiales a suscité la vie,
de même planant sur les eaux du Jourdain, il suscite la seconde naissance de la nouvelle créature.
Le Christ est représenté debout contre le fond de l’eau, « recouvert par les flots du Jourdain ». Dés le
début de sa mission, Jésus affronte les éléments cosmiques qui recèlent des puissances ténébreuses :
l’eau, l’air et le désert. La traversée de la Mer Rouge est une des figures du baptême : la victoire de
Dieu sur le dragon de la mer, le monstre Rahab. Une prière de la fête fait entendre le Seigneur disant à
Jean-Baptiste : “Prophète, viens me baptiser... J’ai hâte de faire périr l’ennemi caché dans les eaux, le
prince des ténèbres, pour délivrer le monde de ses filets en lui accordant la vie éternelle.” Ainsi, en
entrant dans le Jourdain, le Seigneur purifie les eaux : “Aujourd’hui, les flots du Jourdain sont changés
en remède et toute la créature est arrosée d’ondes mystiques…” (prière de saint Sophrone). C’est tout
l’univers qui reçoit sa sanctification : « Le Christ est baptisé; il sort de l’eau et avec lui il relève le
monde » (prière de Cosmas). “Il brise la tête des dragons et il recrée Adam” c’est la re-création de
l’être humain, sa régénération dans le bain purificateur du sacrement. Didyme l’Aveugle précise :
« Dieu m’a donné pour Méré la fontaine baptismale (Église), pour Père le Très-Haut, pour frère le
Seigneur baptisé à cause de nous. »
Sur l’icône, avec sa main droite le Christ bénit les eaux et les prépare à devenir les eaux du baptême,
qu’il sanctifie par sa propre immersion. L’eau change de signification, jadis image de la mort (déluge),
elle est maintenant la source de l’eau de la vie (Apoc. 21, 6; Jn 4,14). Sacramentellement, l’eau du
baptême reçoit la valeur du sang du Christ.
Aux pieds du Seigneur, dans les eaux du Jourdain, I’icône montre deux petites figures humaines,
illustration des textes vétéro-testamentaires qui font partie de l’office : la mer vit et fuit, le Jourdain
retourna en arrière (Ps. 115,3). Le tropaire (ton 4) explique : “Le Jourdain retourna jadis en arrière par
le manteau d’Élisée, et les eaux se divisèrent, laissant un passage sec, à l’image véritable du baptême
par lequel nous traversons le cours de la vie.” Image symbolique qui parle du retournement encore
invisible de la nature cosmique, du revirement de son ontologie. La bénédiction « de la nature
235
Paul Evdokimov, L’art de l’icône, DDB, p.244-247
8 juin 2017
748918657
105 sur 106
aquatique » sanctifie le principe même de la vie terrestre. C’est pourquoi, après la divine liturgie, a lieu
la grande bénédiction des eaux (d’une rivière, d’une source ou tout simplement d’un récipient placé
dans l’église).
En parlant des eaux non sanctifiées, image de la mort-déluge, la liturgie les nomme “tombeau liquide”
En effet, l’icône montre Jésus entrant dans les eaux comme dans le tombeau liquide. Celui-ci a la
forme d’une caverne sombre (image iconographique de l’enfer) contenant tout le corps du Seigneur
(image de l’enterrement, reproduite dans le sacrement du baptême par immersion totale, figure du
triduum pascal), afin “d’arracher le chef de notre race au séjour ténébreux” Continuant le symbolisme
anticipateur de la Nativité, I’icône de l’Épiphanie montre la prédescente du Christ aux enfers : « Étant
descendu dans les eaux, il lia le fort”. Saint Jean Chrysostome commente : « L’immersion et
l’émersion sont l’image de la descente aux enfers et de la résurrection. »
Le Christ est représenté nu, il s’est habillé de la nudité adamique et ainsi il rend à l’humanité son
vêtement paradisiaque de gloire. Pour montrer sa souveraine initiative, il est souvent représenté
marchant ou faisant un pas vers saint Jean : c’est librement qu’il vient et incline la tête. Jean est
effrayé : c’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et tu viens à moi,... Jésus lui ordonne : laisse
faire. Jean étend sa main droite dans un geste rituel, dans la main gauche il tient un rouleau, texte de sa
prédication.
Les anges de l’Incarnation sont dans une attitude d’adoration, leurs mains couvertes en signe de
vénération. Ils symbolisent aussi et illustrent la parole de saint Paul (Gal. 3, 27) : Vous tous qui avez
été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ...
8 juin 2017
748918657
106 sur 106
Téléchargement