Position commune Caritas-Cidse sur la "gouvernance mondiale"

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POSITION COMMUNE CARITAS-CIDSE
SUR LA "GOUVERNANCE MONDIALE"
(Extrait d'un document de position de décembre 2001)
3ème Partie : Redistribution du pouvoir
Gouvernance mondiale
Comme la doctrine sociale de l’Église catholique reconnaît un bien commun mondial, elle met
l’accent sur la nécessité de structures pouvant en garantir la promotion. Il y a plusieurs années,
Jean XXIII observait dans « Paix sur la Terre » (1963) que les structures économiques avaient
dépassé les structures politiques nécessaires pour assurer le bien commun dans un monde de
plus en plus interdépendant. La participation doit être l’élément central de ces structures politiques,
car elle correspond à un droit humain fondamental voulant que les populations prennent elles-
mêmes les décisions qui les concernent. Cet argument devient très convaincant devant l’influence
croissante de bureaucraties « anonymes » telles que l’OMC. La subsidiarité, qui met en exergue
les décisions pouvant être prise à l’échelon local, est un principe concomitant à la participation.
3.1. Vers une gouvernance mondiale
Le débat sur l’avenir du financement du développement ne porte pas uniquement sur
la façon de mobiliser les ressources nécessaires. Les principales questions récemment
soulevées ont trait au choix des institutions internationales qui auraient le pouvoir décisionnel
sur les instruments de financement appropriés, la quantité et la qualité des flux financiers, et
les modalités du cadre politique.
D’une part, il existe déjà un réseau serré d’instances et d’organisations
internationales traitant des questions de financement et de développement. D’autre part,
depuis les crises financières des dernières années, on a critiqué l’absence d’organismes
d’orientation, de contrôle et de décision efficaces et transparentes dans le système financier
international. Depuis lors, politiques, experts et commissions internationales étudient d’un
autre œil différents aspects d’une nouvelle architecture financière.
Depuis des années, gouvernements du Sud, organisations de la société civile et
experts réclament la « démocratisation » des institutions de Bretton Woods, la réforme des
instances économiques et sociales des Nations Unies et la création de nouvelles institutions,
d’un Conseil de sécurité économique à une Banque centrale mondiale. Jusqu’à maintenant,
la définition de nouvelles « structures de gouvernance » pour le système économique et
financier international est restée particulièrement infructueux, surtout pour n’avoir pas pris en
compte les intérêts et les structures de pouvoir nationaux et internationaux.
3.2. Gouvernance économique mondiale
L’impasse du débat sur l’Accord multilatéral sur les investissements (AMI) ainsi que la
confusion et le mécontentement qu’il engendre, de même que l’échec de la réunion
ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) de Seattle ont démontré la
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nécessité d’une approche nouvelle et inclusive de la gestion économique mondiale. Le
fonctionnement de l’économie mondiale ne peut plus dépendre uniquement des décisions
prises de façon opaque par des fonctionnaires et des négociateurs commerciaux
professionnels. En outre, à Seattle, les gouvernements du Sud ont montré ne plus accepter
d’être traités comme des enfants dans les instances internationales, c’est-à-dire laissés dans
le noir jusqu’à la dernière minute, puis contraints de signer des accords conçus par les
nations riches.
La restauration de la légitimité du système de gouvernance économique mondiale
n’est pas tâche aisée. Elle exigera un nouveau style de débat et de négociation plus inclusif
faisant intervenir gouvernements du Nord et du Sud ainsi que leurs sociétés civiles. Selon
CARITAS INTERNATIONALIS et CIDSE, la restauration de la légitimité implique aussi la
restauration des Nations Unies à la place qui leur revient à la tête du système multilatéral
ainsi que la réforme et le renforcement des structures de l’ONU en conséquence. Le
système des Nations Unies, qui a fait l’objet de nombreuses attaques ces dernières années,
doit être réformé et renforcé pour en assurer l’efficacité et la légitimité.
Il est crucial que les agences de développement s’efforcent de soulever les
préoccupations des collectivités pauvres affectées par les forces de la mondialisation et
qu’elles leur permettent de faire elles-mêmes entendre leur voix. CIDSE et CARITAS
INTERNATIONALIS pressent les institutions internationales de faire participer autant que
possible des représentants de groupes de la société civile aux processus et institutions
mondiaux, et de veiller à ce que ces processus soient aussi participatifs et responsabilisants
que possible. En particulier, les consultations doivent être organisées de façon à assurer la
participation populaire la plus large possible dans l’élaboration des politiques. Cela pourrait
exiger des consultations plus nombreuses dans les pays en développement, en-dehors des
capitales et dans différentes langues locales. Par ailleurs, les décideurs doivent approfondir
leur compréhension des contraintes qui s’exercent sur les femmes et de leur influence sur le
fonctionnement des institutions ainsi que des répercussions des politiques sur les femmes et
la société en général.
Pour arriver à traduire leurs stratégies nationales de réduction de la pauvreté en
action efficace sur la scène mondiale, les gouvernements des pays en développement
doivent également participer plus efficacement aux institutions existantes. D’autres réformes
du FMI, de la Banque mondiale et de l’OMC s’imposent pour représenter adéquatement les
intérêts des pays en développement.
3.3. Coordination et cohérence
Des mesures coordonnées et cohérentes à l’échelle internationale s’imposent pour
que l’économie mondiale soit gérée dans l’intérêt de tous et que se concrétisent les objectifs
internationaux de développement, notamment la réduction de moitié de la pauvreté d’ici à
2015. Les institutions internationales et les gouvernements nationaux devraient être jugés à
l’aune de la réduction de la pauvreté. La Banque mondiale et le FMI se sont publiquement
engagés à œuvrer pour réduire la pauvreté. L’OMC joue un rôle plus pratique, celui
d’instance permettant aux gouvernements de négocier des accords commerciaux. Pour
améliorer la cohérence, toutes les institutions internationales doivent d’abord élargir leurs
perspectives et évaluer les répercussions de leurs politiques sur les autres secteurs,
particulièrement sur la réduction de la pauvreté.
L’OMC devrait déclarer publiquement que son travail vise explicitement la réduction
de la pauvreté et la réalisation des objectifs internationaux de développement. Pour y arriver,
les institutions devront s’écarter des modèles actuels de gestion économique, fondés sur
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l’hypothèse que la libéralisation entraîne inéluctablement une réduction de la pauvreté. Avant
tout, on devra privilégier davantage l’équité et la redistribution.
Si toutes les institutions et les accords internationaux tendaient vers des objectifs
communs, la résolution des conflits sur la justification des accords internationaux actuels
serait moins difficile. Les objectifs internationaux de développement deviendraient les
critères de comparaison et de discussion des différents accords et processus ; mais, pour
cela, il faudrait évaluer avec plus de soin les répercussions sociales et environnementales et
analyser empiriquement les répercussions des accords et processus existants.
La cohérence entre actions nationale et internationale est nécessaire pour que les
pays en développement bénéficient pleinement de leur intégration à l’économie mondiale. Le
soutien accru aux processus de réforme authentiquement nationaux devrait s’accompagner
de mesures internationales axées sur les problèmes impossibles à résoudre au niveau
national. Par exemple, on pourrait éviter d’affaiblir la position concurrentielle d’un pays en
coordonnant au niveau régional incitatifs fiscaux, politique sur la concurrence ou législation
du salaire minimum, plutôt qu’en prenant des mesures unilatérales qui pourraient faire fuir
les investissements. Des mesures internationales pourraient également être sollicitées afin
d’imposer les flux de capitaux à court terme ou dissuader le recours aux prix de transfert
entre sociétés et autres méthodes d’évasion fiscale utilisées par certaines sociétés
transnationales.
Il faudra aussi réfléchir davantage à la hiérarchie des accords, et en particulier à la
relation entre les accords de l’OMC et ceux d’autres organisations internationales, dont le
manque de cohérence pose de plus en plus problème. L’Agenda 21 et nombre d’autres
accords internationaux dans le domaine social et environnemental ont fait évoluer la
perspective sur la gouvernance du système économique mondiale. À contre-courant de ces
objectifs, le point central de l’OMC et des institutions financières internationales est
l’accomplissement de la libéralisation du commerce et des marchés financiers. C’est
pourquoi, conformément aux accords de la Session extraordinaire des Nations Unies
Copenhague + 5, tenue à Genève en juin 2000, la Banque mondiale, le FMI et l’OMC doivent
développer leur capacité à évaluer ex ante l’impact des politiques macroéconomiques et
structurelles sur les groupes vulnérables. De telles études d’impact sur la pauvreté et
l’environnement devraient plus particulièrement être intégrées de façon standard aux
programmes du FMI et de la Banque mondiale soutenant les stratégies de réduction de la
pauvreté.
3.4. Recommandations
Rapport du Secrétaire général des Nations Unies au Comité préparatoire
sur le financement du développement :
« Ainsi que cela a été noté, le Conseil économique et social a progressivement émergé en tant que
forum stratégique pour aider à élaborer des directives générales et faciliter la coordination des
politiques au sein du système des Nations unies. Il offre un lieu naturel de rencontre et de dialogue
constructif entre entités, secteurs et institutions, où les diverses composantes intéressées du système
mondial peuvent se communiquer leurs préoccupations mutuelles et ainsi communiquer avec le reste
du monde en l’écoutant et s’adressant à lui. Lors du Sommet du Millénaire, les dirigeants du monde
entier ont d’ailleurs décidé « de renforcer encore le Conseil économique et social, en faisant fond sur
ses récents succès, afin qu’il puisse être en mesure de remplir le rôle qui lui est attribué par la Charte »
(§ 171).
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Pour combler les lacunes du système économique international et supprimer les
causes structurelles des crises récentes, il est urgent d’accroître la transparence des
transactions et le contrôle démocratique aux niveaux national et international, en faisant
intervenir la société civile. Toutefois, ces conditions à elles seules sont loin d’être suffisantes.
D’autres éléments importants seraient à porter dans la discussion sur la réforme :
Il faut renforcer le contrôle démocratique des institutions financières internationales et
exiger leur transparence systématique à légard des organisations de la société civile.
Une première étape en serait une évaluation externe indépendante portant sur les
résultats des institutions financières internationales, en réponse aux demandes des États
membres et de la société civile, et en particulier des groupes de femmes.
Une représentation et un participation de tous les États, spécialement des pays en
développement, est nécessaire aux décisions et aux instances dirigeantes des institutions
financières internationales. Les droits de vote doivent être davantage représentatifs et
moins inégaux.
Les réformes économiques doivent compléter les politiques nationales en améliorant
l’accès des femmes aux ressources telle que la terre, l’information, la connaissance et la
technologie. Les femmes ont besoin d’avoir accès à l’économie salariale et d’y participer
sans discrimination.
Les pouvoirs décisionnels économiques et financiers doivent être retirés aux groupes et
organes ad hoc restreints (comme par exemple le G8 ou le Club de Paris), pour être
transférés à des organismes dotés dun mandat intergouvernemental clair, d’une
représentation plus universelle et de processus décisionnels participatifs. Comme point de
départ, il faut élaborer des modalités imposant aux organismes restreints (tels que. G8,
G20, Forum de stabilité financière) des processus pleinement inclusifs, participatifs,
responsables et transparents.
Les institutions économiques et financières internationales doivent veiller à la cohérence
de leurs politiques, coopérer davantage avec les Nations unies et ses agences et tendre
systématiquement à donner la primauté à l’élimination de la pauvreté et au
développement durable, c’est-à-dire respectueux de l’environnement et socialement juste.
Les institutions financières internationales, l’OMC et les agences des Nations unies
doivent assurer un suivi économique ainsi que des évaluations d’impact social de leurs
politiques.
À cet égard, l’Assemblée générale des Nations unies et le Conseil économique et social
(ECOSOC) doivent coordonner leurs politiques afin d’améliorer la cohérence des
systèmes financier et commercial internationaux. Il y aurait lieu de convoquer des tables
rondes à intervalle régulier dans le cadre des sessions de l’Assemblée générale des
Nations unies pour traiter des questions de politique économique et financière mondiales.
Les institutions internationales intéressées ainsi que les groupes de la société civile
devraient participer à ces réunions.
Un Conseil de sécurité économique et sociale devrait être établi, selon la proposition de la
Commission de gouvernance globale des Nations Unies, en 1995 ; ce Conseil jouirait de
la même autorité sur les affaires économiques internationales que le Conseil de sécurité
sur les questions de paix et de sécurité. Dans une première étape, l’ECOSOC devrait être
renforcé. Il devrait se réunir plus souvent, pour de courtes rencontres centrées en tant
que de besoin sur les sujets prioritaires, de façon à être un lieu de dialogue plus efficace
permettant d’uniformiser et de coordonner les politiques adoptées. Avec la participation
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de la société civile, l’ECOSOC devrait aussi examiner à intervalle régulier les questions
suivantes :
1. la mise en œuvre des décisions prises à la Conférence internationale sur le
financement du développement ;
2. la réalisation des objectifs internationaux de développement et le renforcement de la
coopération régionale en tenant compte des divers points de vue culturels et
économiques sur le développement, et notamment de l’enjeu de la parité entre les
sexes ; et
3. l’impact des politiques financières et commerciales sur le développement durable et
socialement juste ainsi que les progrès accomplis en matière d’harmonisation des
politiques.
Comme l’a proposé le Comité de haut niveau sur le financement du développement dans
le rapport que lui a commandé le Secrétaire général des Nations unies, l’étape suivante
consisterait à créer un Conseil mondial au sein des Nations unies, qui aurait pour mandat
d’exercer le leadership en matière de gouvernance mondiale. Selon le Comité, la tenue
d’un Sommet sur la mondialisation largement ouvert à la participation pourrait préparer le
terrain à la création d’un tel Conseil.
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