Pratique professionnelle et appareil locomoteur : le membre supérieur

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Congrès de la WCPT 2015
Kinesither Rev 2015;15(166):28–34
Pratique professionnelle et appareil
locomoteur : le membre supérieur
Claude Pichonnaz a, Florence Nguyen Huu b, Adrien Pallot c,
Benjamin Bolla d, Aurélie Morichon c, Joëlle André-Vert e
a
Haute École de santé de Suisse occidentale (HES-SO), filière physiothérapie,
département de l'appareil locomoteur, CHU Vaudois (CHUV-UNIL), avenue de
Beaumont 21, 1011 Lausanne, Suisse
b
Physiothérapie de Cornavin, rue de Cornavin 11, 1201 Genève, Suisse
c
Service MPR, hôpital Simone-Veil, 95602 Eaubonne, France
d
Cabinet libéral, PhysioMouv'Santé, 23, rue Vasco-de-Gama, 75015 Paris, France
e
2, avenue du Stade-de-France, 93218 La Plaine Saint-Denis, France
La richesse du congrès de la WCPT,
c'est aussi de faire se côtoyer des chercheurs menant des programmes pluriannuels de recherche en laboratoire
financés par des fonds publics et des
cliniciens qui développent des études de
recherche clinique en prenant soin
d'évaluer par un suivi prospectif le devenir des patients qu'ils ont eu à traiter. Ce
sont deux modalités de l'exercice de la
recherche absolument complémentaires pour toute profession de santé.
Des études sur les méthodes d'analyse
du mouvement avec un smartphone qui
remplacera peut-être prochainement
votre bon vieux goniomètre, aux programmes d'auto-rééducation en milieu
professionnel, bonne lecture au travers
de ces sessions principalement consacrées aux pathologies de l'épaule et du
coude.
&
Validité d'une méthode
d'évaluation simple de la
fonction de l'épaule mesurée
avec un smartphone
Claude Pichonnaz, professeur à la Haute
École de santé vaudoise, a présenté en
communication orale, complétée par une
communication affichée, les travaux qu'il
a mené en collaboration avec ses coauteurs : C. Ancey, H. Jaccard de la
Haute École de santé de Vaud, C. Duc
et K. Aminian de l'École polytechnique
fédérale de Lausanne (EPFL), E. Lécureux, A. Farron et B.M. Jolles du Centre
Auteur correspondant :
J. André-Vert
2, avenue du Stade-de-France, 93218 La Plaine
Saint-Denis, France.
Adresse e-mail : [email protected]
hospitalier universitaire vaudois (CHUVUNIL) et N. Gleeson, de l'Université
Queen Margaret à Edimbourg. Cette
étude a été financée par le Fonds
National Suisse de la Recherche Scientifique – DORE 135061 et a été approuvée par la Commission cantonale
d'éthique de la recherche sur l'être
humain du Canton de Vaud (CER-VD)
205-10.
Introduction. De nombreux questionnaires de la fonction de l'épaule existent,
mais leurs propriétés métrologiques
sont débattues. Bien que l'évaluation
objective à l'aide de capteurs inertiels
embarqués puisse constituer une alternative, ils sont encore rarement utilisés
en clinique. Le développement et la validation d'une procédure de mesure
rapide en utilisant un smartphone pourrait faciliter l'utilisation de l'analyse cinématique de l'épaule en clinique. Dans ce
but, un score basé sur une mesure liée
à la puissance (produit de l'accélération
par la vitesse angulaire) durant deux
mouvements basiques (B-B Score :
main dans le dos + main au plafond
comme pour changer une ampoule) a
été conçu et une application smartphone a été développée. De précédentes recherches ont démontré que les
résultats obtenus avec un smartphone
sont reproductibles et comparables
à ceux d'un système de mesure inertiel
embarqué. Cependant, une validation
approfondie est encore nécessaire
avant le transfert en clinique.
Objectif. Cette étude vise à évaluer les
qualités métrologiques du B-B Score
mesuré avec un smartphone.
Méthode. Quatre-vingt-huit patients
(37 hommes, 51 femmes, âge 51,5
18,3 ans, 89,8 % droitiers, 53,4 %
atteints du côté dominant, 20 souffrant
d'un problème de la coiffe des rotateurs,
22 d'une capsulite rétractile, 23 d'une
fracture, 23 d'une instabilité glénohumérale) et 20 participants sains
(10 hommes et 10 femmes, âge 28,2
6,2 ans, 90 % droitiers) ont été inclus.
Le B-B score a été mesuré deux fois
à 6 mois d'intervalle à l'aide d'un smartphone (iPod®) fixé par un brassard 4 cm
au-dessus de l'olécrâne. Les mouvements ont été réalisés dans l'amplitude
non douloureuse à la vitesse spontanée
du participant. Les Quick Disabilities of
the Arm and Shoulder Score (QuickDASH), Simple Shoulder Test (SST),
Western Ontario Shoulder Instability
Index (WOSI) et score de Constant
ont aussi été remplis.
La moyenne et l'écart-type ont été calculés pour tous les résultats. Le niveau
de significativité (p < 0,05) a été testé
pour la différence entre les groupes
(Mann-Whitney) et la différence entre
les mesures dans le temps (Wilcoxon).
Les corrélations de Spearman ont été
calculées pour la relation entre le B-B
Score et les questionnaires. La sensibilité au changement d'état du patient a
été calculée à l'aide du d de Cohen. La
différence minimale cliniquement significative (DMCS) et l'état symptomatique
acceptable (ESA) ont été déterminés
en utilisant la méthode du questionnaire
ancré.
Résultats. Le B-B Score moyen était
62,1 23,4 à la mesure initiale et
81,1 19,1 à 6 mois pour les patients.
Cette différence était significative. Le BB score était 94,1 11,1 à la mesure
initiale et 96,3 8,3 à 6 mois pour les
participants sains (p = 0,26). La différence entre les groupes de patients et
http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2015.07.008
28
Pratique professionnelle et appareil locomoteur : le membre
supérieur
le groupe témoin était significative pour
chaque pathologie, sauf en cas d'instabilité (p = 0,33). La valeur absolue de la
corrélation avec les questionnaires cliniques s'étendait de 0,52 à 0,85. Le d de
Cohen était 0,93. Seul le score relatif de
Constant présentait un d de Cohen plus
élevé (0,97). La DMCS était 25,2 et
l'ESA 77,6.
Conclusion. Le B-B score discriminait
correctement le groupe de patients du
groupe témoin, sauf en cas d'instabilité
gléno-humérale. Le score était stable
dans le temps dans le groupe témoin
et évoluait dans le groupe de patients.
Les corrélations avec les questionnaires
démontraient que le B-B score est valide
pour l'évaluation de la fonction de
l'épaule. La sensibilité au changement
d'état du patient du B-B score soutenait
la comparaison avec les questionnaires.
La détermination de la DMCS et de
l'ESA a produit une information utile
pour l'interprétation des résultats.
Implications. Le B-B Score, mesuré
avec un smartphone, peut être considéré comme une méthode d'évaluation
valide de la fonction de l'épaule du fait
de ses propriétés de mesure et de sa
faisabilité. Il peut être utilisé pour évaluer la fonction de l'épaule en cas de
problème de la coiffe des rotateurs, de
fracture de l'humérus et de capsulite
rétractile.
&
La rééducation est-elle
efficace dans les ruptures
massives de la coiffe des
rotateurs ?
Florence Nguyen Huu, physiothérapeute exerçant en Suisse, a présenté
sous forme de poster une étude clinique
réalisée avec les médecins Philippe Collin et Alexandre Lädermann et Solen
Gain, physiothérapeute. Cette étude,
prospective longitudinale auprès de
patients avec ruptures de coiffe des rotateurs, a été publiée en 2015 [1].
Introduction. Les ruptures de la coiffe
des rotateurs sont fréquentes ; on parle
de rupture large ou massive lorsque plusieurs tendons sont atteints. Le retentissement de ces lésions sur les mobilités
dépend de leur localisation [2]. En cas
d'épaule pseudo-paralytique irréparable
de façon arthroscopique, l'orthopédiste
doit choisir entre proposer la mise en
place d'une prothèse inversée ou la
prescription d'une rééducation spécifique. Il n'y a pas de consensus, quant
à la prise en charge des épaules
pseudo-paralytiques, sur les modalités
du traitement conservateur, notamment
Congrès de la WCPT 2015
sur les indications, la méthode et la
durée de la rééducation. Cette étude
est donc d'observer les résultats d'un
protocole établi sur la récupération des
mobilités en cas de ruptures massives
de la coiffe des rotateurs, dans la
mesure où seules de rares études ont
été publiées [3].
Méthode.
Nous
avons
inclus
47 patients, âge moyen de 67 ans, entre
2007 et 2011. Les critères d'inclusion
sont une rupture d'au moins 2 tendons
de la coiffe des rotateurs, une infiltration
graisseuse selon Goutallier de stade
3 ou 4 en regard des tendons rompus
prouvant une unité musculo-tendineuse
non fonctionnelle, une épaule pseudoparalytique, des douleurs en deçà de
4 sur une échelle visuelle.
Afin de comparer les résultats de la
rééducation selon le type de lésion, nous
avons séparé la coiffe des rotateurs en
5 tendons en divisant le subscapulaire
(SSC) en 2 (partie haute du SSC et
SSC minor) [4] et classé les patients en
5 groupes lésionnels (Fig. 1) :
type A : rupture incomplète antérosupérieure (supra-épineux et SSCsup) ;
type B : rupture complète antérosupérieure (supra-épineux et SSC) ;
type C : rupture antéro-postérieure
(SSCsup, supra-épineux et infraépineux) ;
type D : rupture postéro-supérieure
(supra-épineux et infra-épineux) ;
Figure 1. Les différentes lésions de la coiffe
des rotateurs ; Type A : rupture incomplète
antéro-supérieure (supra-épineux et
SSCsup) ; Type B : rupture complète
antéro-supérieure (supra-épineux et SSC) ;
Type C : rupture antéro-postérieure
(SSCsup, supra-épineux et infra-épineux) ;
Type D : rupture postéro-supérieure (supraépineux et infra-épineux) ; Type E : rupture
complète postéro-supérieure (supraépineux, infra-épineux et petit rond).
type E : rupture complète postérosupérieure (supra-épineux, infra-épineux et petit rond).
Nous avons proposé un programme de
rééducation en cinq points, identique
pour chaque groupe lésionnel :
diminuer les douleurs et les tensions
musculaires des régions scapulaire et
cervicale afin de retrouver une mobilité scapulo-thoracique. Les muscles
concernés sont le petit pectoral, la
partie supérieure du trapèze et l'élévateur de l'omoplate ;
corriger les décentrages de la tête
humérale (supérieur, antérieur et en
rotation) ;
corriger ou prévenir l'éventuelle dyskinésie scapulaire, en renforçant le
trapèze inférieur et le dentelé antérieur, les muscles de la coiffe restant
et le deltoïde dans sa fonction de
coaptation en position haute ;
solliciter les muscles stabilisateurs de
l'articulation gléno-humérale par des
exercices en position haute ;
retrouver une proprioception ainsi
qu'un automatisme du mouvement,
par une rééducation neuro-motrice.
Les patients ont été examinés par le
même chirurgien et le même kinésithérapeute avec cotation des mobilités actives en élévation et en rotation externe
coude au corps (RE1). Un score de
Constant a été réalisé à l'inclusion et
au dernier suivi.
Résultats. Avant les séances de rééducation l'élévation antérieure active
moyenne était de 768. L'application du
protocole sur 5 séances a permis la
récupération d'une élévation antérieure
active de plus de 1608 au dernier recul
(recul minimum de 2 ans) chez
24 patients. La rotation externe, coude
au corps, est conservée dans les groupe
A et B (ruptures antéro-supérieures).
L'application du protocole n'a pas permis la récupération de la rotation externe
dans les groupes C, D et E (ruptures
antéro-supérieures et postéro-supérieures). Le score de Constant est passé
globalement de 43 au début de la prise
en charge à 56 au suivi à deux ans
(p < 0,05). L'amélioration pour le groupe
D (ruptures du supra et infra-épineux)
est significativement meilleure que dans
les autres groupes (41 à 66, p < 0,05).
Discussion. Une méta-analyse sur le
traitement conservateur de lésion de la
coiffe des rotateurs portant sur 10 études non randomisées a révélé un
manque cruel d'études de qualité sur
le sujet [4]. Parmi elles, seules 4 traitaient spécifiquement des ruptures
29
C. Pichonnaz et al.
Congrès de la WCPT 2015
Tableau I. Proportion de patients avec élévation > 1608 selon le type de lésion.
A
B
C
D
E
N1
5
9
7
15
9
N2
3
0
3
14
4
N1 : Répartition des 45 patients dans les 5 groupes en fonction de leurs lésions ; N2 : Nombre de patients pour chaque groupe avec une élévation antérieure supérieure
à 1608 deux années après avoir suivi le programme de réhabilitation. Groupes A à E : voir texte.
massives sans qu'aucune conclusion ne
soit possible [4]. Notre étude a mis en
évidence d'importantes variations entre
les groupes (Tableau I). Une rupture
antérieure large (SSC minor, SSC supérieur et SSN) n'est pas une indication
à la rééducation au vu des mauvais
résultats lors des dernières mesures.
A contrario, une rupture postérieure
large (SSN et ISN) doit faire discuter
en priorité l'opportunité d'un traitement
conservateur, l'application du protocole
de rééducation permettant généralement de récupérer une élévation antérieure active. Nous avons par ailleurs
observé que le nombre de tendons
atteints influence le résultat fonctionnel.
Une atteinte de 2 tendons permet une
récupération très probable (3 sur 5 dans
le groupe A et 14 sur 15 dans le groupe
D). Par contre, lorsque 3 groupes musculaires sur 5 sont touchés, la récupération est aléatoire voire impossible si
l'atteinte du SSC est complète (0 sur
9 dans le groupe B). Ceci conforte les
résultats d'études préalables sur l'importance du SSC minor dans l'élévation
antérieure active.
Nous pensons donc que le résultat
d'une rééducation
lors
d'épaule
pseudo-paralytique irréparable dépend
de la localisation et de la taille de la
rupture. Le traitement conservateur
échoue souvent lors de rupture antérieure large de la coiffe des rotateurs
ou de rupture impliquant 3 tendons ou
plus, alors qu'il s'avère souvent bénéfique, même à moyen terme, en cas de
rupture postérieure large.
&
Conflit sous-acromial
Adrien Pallot, masseur-kinésithérapeute
hospitalier en Île-de-France et membre
du comité de rédaction de la revue, vous
présente une partie du symposium
consacré aux conflits sous-acromiaux
(Shoulder Impingment syndrome). Et
oui, le tour des posters lors des intersessions peut se révéler plus long que prévu,
surtout lorsque les discussions intéressantes s'allongent et s'enchaînent,
30
provoquant malheureusement une arrivée tardive à quelques présentations,
dont celle-ci. Il sera donc rapporté seulement les deux dernières sessions. Mais
vous pouvez retrouver l'ensemble des
présentations au format pdf ici (http://
www.wcpt.org/sites/wcpt.org/files/files/
wpt15/fs/FS-22.pdf) ou en vidéo (http://
www.wcpt.org/congress/fs/26).
Le fil conducteur de ce symposium
était : How does opinion regarding aetiology influence treatment?
Ann Cools, professeur associée au
département de sciences de la rééducation et de la kinésithérapie à l'Université
de Ghent, commence sa présentation
en évoquant l'action des muscles participant aux mouvements scapulaires lors
de la scaption : la sonnette latérale et la
bascule postérieure. Elle cite ensuite
Ludewig et al. [5] en rapportant que
les conséquences d'un conflit ou d'une
pathologie de la coiffe de rotateurs sont
en relation avec une diminution de la
sonnette médiale, une diminution de la
bascule postérieure et une augmentation de la rotation médiale. Ces dyskinésies scapulaires sont présumées être
contributives d'un conflit sous-acromial
ou antéro-médial. De plus, chez les personnes avec conflit sous-acromial, il a y
un recrutement musculaire anormal
avec diminution de l'activité du trapèze
inférieur et du dentelé antérieur et augmentation de l'activité du trapèze supérieur [6]. Il y a nécessité d'un programme
de rééducation fondé sur les preuves.
Ann Cools propose un algorithme de
rééducation scapulaire (Fig. 2) [7], puis
des exemples d'exercices selon les
besoins :
augmentation de la flexibilité/souplesse avec l'étirement du petit pectoral et de la capsule postérieure [7–9] ;
amélioration du contrôle moteur local
avec des mouvements fonctionnels
à faible charge [10] ;
amélioration de la force musculaire et
l'équilibre inter- et intramusculaire
avec des exercices de renforcement
à charge élevée [11] ;
réalisation de chaîne cinétique
dans les exercices de rééducation
scapulaire en créant des diagonales
[12,13].
Il appartient au thérapeute de différencier les patients (et donc le choix des
exercices) qui ont par exemple un petit
pectoral normal ou hypoextensible, un
dentelé antérieur faible ou non, etc. Ann
Cools finit sa session en rapportant les
preuves scientifiques concernant un
programme de rééducation scapulaire
qui :
améliore l'équilibre intramusculaire du
trapèze chez les patients avec conflit
[13] ;
augmente la force isocinétique des
muscles scapulaires chez les nageurs
sains [14] ;
augmente la force isométrique des
rotateurs latéraux chez les volleyeurs
sains [15] ;
améliore la douleur et l'incapacité rapportées par les patients avec conflit
[16].
Jean-Sébastien Roy, professeur assistant au département rééducation de la
faculté de médecine de l'Université de
Laval, termine ce symposium en abordant, entre autres, les changements
neuronaux centraux. Il commence par
revenir sur l'état des connaissances
sur les différentes interventions pour
les patients avec pathologies de coiffe.
La thérapie par laser pourrait réduire la
douleur à court terme mais pas améliorer la fonction selon des preuves faibles
à modérées, les ultrasons ne donneraient pas plus de bénéfices qu'un placebo selon le même niveau de preuves,
aucune conclusion ne peut être tirée
pour le TENS, la thérapie manuelle seule n'aurait aucun bénéfice sur la douleur
et la fonction mais pourrait en avoir sur la
douleur si elle est ajoutée à un programme d'exercices selon des preuves
faibles, enfin il y a des preuves insuffisantes concernant le taping. Il rapporte
ensuite les résultats de Hanratty et al.
[17] : de fortes preuves montrent que
les exercices diminuent la douleur et
Pratique professionnelle et appareil locomoteur : le membre
supérieur
Congrès de la WCPT 2015
Figure 2. Algorithme de la rééducation scapulaire. Traduit et adapté d'après Cools [7], avec autorisation du BMJ Publishing Group Limited.
améliorent la fonction à court terme et
à long terme (preuves modérées). Il
ajoute que Toliopoulos et al. [18]
démontrent qu'il y a des preuves faibles
à modérées que l'acromioplastie n'est
pas plus efficace que des exercices.
Les preuves suggèrent donc que les
exercices sont l'intervention rééducative la plus efficace pour diminuer la
douleur et améliorer la fonction (autorapportée), ce qui n'est pas surprenant
vu les déficits décrits dans cette population. En effet, le syndrome de conflit
sous-acromial peut comprendre :
une pathologie coraco-acromiale ;
une raideur capsulo-ligamentaire et/
ou musculaire ;
une anormalité posturale ;
des déficits de performance musculaire scapulaire et de la coiffe des
rotateurs ;
une activation musculaire anormale ;
une cinématique anormale de l'acromio-claviculaire et/ou de la scapulothoracique et/ou de la gléno-humérale.
Et en regardant tous ces points, seul le
premier ne peut pas être pris en charge
via des exercices, tous les autres le
peuvent. Ce qui peut expliquer l'efficacité des programmes d'exercices. Il cite
ensuite les conséquences des activations musculaires et des cinématiques
anormales :
diminution de la bascule postérieure
de la scapula ;
diminution de la sonnette latérale de la
scapula ;
augmentation de la translation antérieure de la tête humérale ;
migration supérieure de la tête
humérale ;
diminution de l'activité musculaire du
dentelé antérieur ;
diminution de l'activité musculaire de
l'infra-épineux et du subscapulaire ;
diminution de la distance acromiohumérale.
L'adaptation à la douleur engendrerait
[19] :
une redistribution intra- et intermusculaires ;
des changements de comportement
mécanique comme des mouvements
modifiés et de la raideur ;
une protection contre douleur ou blessure futures ;
des bénéfices à court terme mais
potentiellement avec des conséquences à long terme à cause de facteurs
tels que l'augmentation de charge,
diminution de mouvements et diminution de variabilité.
Les changements centraux peuvent
expliquer ces déficits moteurs par :
la répétition de mouvements altérés
pouvant résulter en une réorganisation corticale ;
le fait qu'ils peuvent mener à un changement de programme moteur.
Cette « maladaptation apprise » pourrait
être la conséquence d'une douleur, d'une
fatigue musculaire, d'une chirurgie ou
d'un poste de travail inadéquat [20].
Ngomo et al. [21] concluent que la chronicité de la douleur, mais pas son intensité, apparaît être un facteur de la
diminution de l'excitabilité de l'infraépineux. L'organisation fonctionnelle, via
la plasticité corticale, peut changer en
réponse à l'entraînement et au réapprentissage moteur [22]. Cet entraînement
31
C. Pichonnaz et al.
Congrès de la WCPT 2015
moteur peut contribuer à l'amélioration de
la performance motrice. Il devrait être basé
sur les meilleures stratégies :
quantité (variable la plus importante
de l'apprentissage moteur) ;
implication active du patient pour
résoudre le problème moteur.
Les facteurs qui favorisent l'apprentissage moteur sont l'utilisation d'instructions, la démonstration et le rétrocontrôle extrinsèque.
Jean-Sébastien Roy présente ensuite un
programme de rééducation composé :
d'entraînement moteur (gradué au
niveau de la résistance appliquée lors
de l'élévation et l'utilisation ou non de
rétrocontrôle lors du mouvement ; utilisation de mouvements fonctionnels ;
lorsque le contrôle est approprié sous
supervision, les exercices peuvent
être effectués à domicile) ;
de renforcement de la coiffe des rotateurs et des muscles scapulaires ;
d'éducation (posture, mouvement du
corps, position préférée pour différentes activités de la vie quotidienne,
position douloureuse à éviter, etc.).
Il termine sa session par une étude
de Savoie et al. [23] montrant une
augmentation de la distance acromiohumérale après programme de rééducation chez les patients avec conflit
sous-acromial. Malheureusement, cette
étude doit être prise avec précaution
puisqu'elle est sans groupe témoin
pathologique (il n'y a donc pas possibilité de comparaison inter-groupes en
prenant en compte l'évolution spontanée de la maladie ou via une autre
thérapeutique).
En conclusion, la prise en charge du
conflit d'épaule nécessite le renforcement, l'étirement, l'entraînement moteur
et l'éducation. Lors de la discussion postprésentation, la question de la présence
de la douleur lors de la rééducation a été
posée. Jean-Sébastien Roy serait d'avis
d'éviter fortement sa présence lors du
réapprentissage moteur mais pas lors
du renforcement musculaire.
&
De l'épaule au poignet
Aurélie Morichon (Fig. 3), masseur-kinésithérapeute ayant une activité mixte,
hospitalière et libérale en Île-de-France,
nous fait part des interventions d'une
des deux sessions de communications
orales consacrées au membre supérieur. Aucune communication n'y a
concerné la main. Benjamin Bolla, kinésithérapeute libéral à Paris, développe
la conférence de Day qui l'a le plus
intéressé.
32
Figure 3. Aurélie Morichon interviewée par Simon Crompton.
Performance des muscles
scapulaires et épicondylalgie
latérale
Des évidences empiriques suggèrent
qu'un déficit des muscles scapulaires
devrait être évalué et traité chez les
patients présentant une épicondylalgie
latérale. Mais les données décrivant
ces phénomènes dans la littérature sont
limitées. Day et al. [24] ont comparé la
force, l'endurance et l'épaisseur musculaires au niveau scapulaire chez
28 patients avec épicondylalgie latérale
(EL) comparés à un groupe témoin de
28 sujets.
L'objectif principal de l'étude consistait
à déterminer la force, l'endurance et la
raideur des muscles scapulaires dans
un groupe de patients présentant une
épicondylalgie latérale et les comparer
à celles d'un groupe témoin. L'objectif
secondaire consistait à comparer le
membre atteint par une épicondylalgie
avec le membre controlatéral.
Les patients ont été sélectionnés dans
4 cliniques différentes. Pour être inclus
dans le groupe « épicondylalgie », ils
devaient avoir au moins 2 tests sur
5 positifs et un score supérieur à 10 %
au Quick DASH (http://dash.iwh.on.ca/
system/files/translations/QuickDASH_
French_Parisian.pdf). Les sujets sains
devaient avoir entre 30 et 65 ans et un
score inférieur à 10 % au Quick DASH.
Une évaluation de la force du trapèze
inférieur et moyen, et du dentelé antérieur a été réalisée avec un dynamomètre manuel. L'endurance statique des
muscles postérieurs a été testée
à 1358 d'abduction horizontale. L'épaisseur musculaire a été évaluée par
échographie.
Leurs résultats montrent pour les sujets
avec EL une force moindre du trapèze
inférieur (p = 0,002) et du dentelé antérieur (DA) (p < 0,001) ainsi qu'une plus
faible endurance des muscles scapulaires (p = 0,002) et un plus petit pourcentage de changement d'épaisseur du DA
(p = 0,016), le tout de manière significative. En comparant le membre supérieur
touché par l'EL à l'autre, seul le DA a été
trouvé comme plus faible de 2 kg par
rapport au membre sain (p = 0,02).
Day a toutefois précisé que l'interprétation de ces différences doit être faite
avec prudence, car seules 2 mesures
dépassent le changement minimum
détectable, et conclut que l'évaluation
de la force et de l'endurance scapulaires
chez les patients avec EL devraient être
réalisées, en vue d'une comparaison
des résultats aux données normatives,
qui restent à établir. De prochaines études devraient également chercher
à démontrer l'efficacité du traitement
des muscles scapulaires dans les épicondylalgies latérales.
Pratique professionnelle et appareil locomoteur : le membre
supérieur
Le syndrome du canal carpien
L'essai contrôle randomisé (ECR) de
Soon et al. a comparé l'efficacité d'une
attelle de main associée soit à une
approche kinésithérapique multimodale
(AKM) (thérapie manuelle, éducation et
exercices) soit à des ultrasons chez les
patients avec syndrome du canal carpien (SCC). Cent vingt participants ont
été suivis à 7, 12 et 52 semaines par un
évaluateur en aveugle. Les participants
ont été randomisés dans un des groupes
attelle + AKM, attelle + ultrasons, attelle
seule ou ultrasons seuls. Les résultats
obtenus permettent de constater que
l'ajout d'une attelle nocturne de la main
à un traitement par AKM ou par ultrasons
n'apporte aucune amélioration supplémentaire (sévérité des symptômes
p > 0,369, et fonction p > 0,357). Tous
les traitements ont des résultats à long
terme similaires. Seule la chirurgie a pu
complètement résoudre le SCC chez
quelques sujets.
Kinésithérapie et chirurgie de
décompression sous-acromiale
Dans leur ECR, Christiansen et al. ont
évalué l'efficacité à court terme de la
kinésithérapie comparée à un soin habituel dans le cadre d'une décompression
chirurgicale pour conflit sous-acromial
chez des patients ayant des difficultés
à reprendre leurs activités et ont pu
montrer une efficacité plus importante
de la kinésithérapie à court terme.
Thérapie laser et tendinopathie de
l'épaule
Haslerud et al. ont mené une revue systématique avec méta-analyse afin
d'évaluer l'efficacité de la thérapie laser
(TL) seule ou le bénéfice de son ajout
à un programme d'exercices, avec la
douleur pour critère de jugement principal. Ils ont inclus 17 ECR, soit
863 patients, et ont montré que la TL
permet un soulagement cliniquement
pertinent de la douleur en tant que thérapie en plus d'exercices (les différences moyennes pondérées par rapport
à un placebo lorsque la TL est utilisée
seule atteint une valeur statistiquement
significative de 12,80 mm de réduction
de douleur à l'EVA (IC95 % [1,67 ;
23,94]), le tout en précisant qu'un bon
dosage est capital [dose-dépendant]).
Épicondylalgie latérale (EL)
Bisset et al. se sont intéressés à la prolothérapie dans le cadre de l'EL. Il s'agit
d'une thérapie par injection, le plus souvent de dextrose (sucre) et de lidocaïne
(anesthésique). Alors que 4 sessions
Congrès de la WCPT 2015
de kinésithérapie (thérapie manuelle
+ taping + exercices) ont montré leur
efficacité pour soulager la douleur et
améliorer la fonction, l'ajout d'injections
de prolothérapie n'a pas apporté de
bénéfice supplémentaire. Les injections seules ont eu une efficacité
inférieure.
Programme d'auto-prise en charge
pour douleurs d'épaule, de cou ou
de bras (DECB) au travail
Hutting et al. ont travaillé sur des
employés souffrant de DECB et ont
développé un programme d'auto-prise
en charge (PEC) comportant un module
d'e-santé. Le programme a en général
satisfait les participants, malgré quelques points critiques. Certains ont
changé leur comportement ou comptent
le faire. Les auteurs conseillent le
déploiement de ce genre de programme
d'auto-PEC pour les employés avec tout
type de désordre musculo-squelettique.
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