NEUROLOGIE ÉPIGÉNÉTIQUE PORTRAIT EN INDE, GUÉRIR LA CÉCITÉ ÉCLAIRE LA RECHERCHE LES LOIS DE L’HÉRÉDITÉ CHAHUTÉES SYLVAIN DELZON, JEUNE POUSSE DE L’INRA → PAGE 2 → PAGE 3 → PAGE 7 Au Kenya, l’énigme des plus vieux outils La récente découverte des plus vieilles pierres taillées connues de l’histoire humaine, datant de 3,3 millions d’années, aux abords du lac Turkana, ébranle l’hypothèse selon laquelle « Homo habilis » aurait inventé la technologie. Reportage dans ce « Far West » de l’humanité P A G E S 4 ­ 5 L’archéologue Sonia Harmand, directrice de la mission préhistorique française au Kenya et découvreuse des plus anciens outils de pierre connus à ce jour, au Muséum de Nairobi. NICHOLE SOBECKI POUR « LE MONDE » Déjouer les apparences L carte blanche Roland Lehoucq Astrophysicien, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (PHOTO: MARC CHAUMEIL) es éditions des Belles Lettres viennent de publier une version bilingue et commentée d’un livre qui marqua une étape décisive de l’histoire de l’astronomie. Dans son De revolu­ tionibus orbium coelestium (« des révolutions des orbes célestes »), publié l’année de sa mort, le chanoine ca­ tholique Nicolas Copernic (1473­1543) présentait une nouvelle doctrine cosmologique selon laquelle la Terre et les autres planètes tournent autour du Soleil. Quali­ fiée plus tard de révolutionnaire, cette proposition s’opposait frontalement à la thèse, tenue pour vraie depuis des temps immémoriaux, selon laquelle la Terre est immobile au centre du monde. Les implications cosmologiques de l’inversion des places occupées par la Terre et le Soleil sont considéra­ bles et la plus audacieuse concerne la distance des étoi­ les fixes. En effet, s’il est vrai que la Terre tourne autour du Soleil, alors la position apparente des étoiles devrait notablement changer selon la position qu’occupe notre planète sur son orbite. N’ayant pas constaté cet effet de parallaxe des étoiles, le plus grand observateur du XVIe siècle, l’astronome danois Tycho Brahe (1546­1601), Cahier du « Monde » No 22075 daté Mercredi 6 janvier 2016 ­ Ne peut être vendu séparément refusa de souscrire à l’hypothèse copernicienne. Pour échapper à cette objection et sauver la révolution an­ nuelle de la Terre, Copernic déclara que les étoiles se trouvent à une distance si considérable que la course de la Terre le long de sa trajectoire héliocentrique ne modifie en rien le paysage stellaire. Autrement dit, alors que les Anciens tenaient la dernière sphère pla­ nétaire, celle de Saturne, pour voisine de celle des étoi­ les fixes, Copernic introduit entre elles un immense espace vide de tout corps. En 1610, Galilée (1564­1642) publie le Sidereus nuncius, un traité dans lequel il révèle ce qu’il a vu grâce à sa lu­ nette astronomique : la Lune a un relief, Jupiter possède quatre satellites, les étoiles fixes sont bien plus nom­ breuses que celles vues à l’œil nu. Il proclame en même temps son ralliement à l’héliocentrisme de Copernic. La suite est connue. Galilée ayant eu l’audace de contour­ ner les interdits des théologiens en publiant en 1632 un livre prenant le parti de Copernic, la congrégation du Saint­Office lui impose d’abjurer l’héliocentrisme. Les observations qui démontreront la révolution de la Terre autour du Soleil ne viendront que bien plus tard. La mise en évidence de la parallaxe des étoiles était l’obsession des astronomes car elle apporterait la preuve directe du mouvement de la Terre autour du Soleil, validant ainsi l’hypothèse de Copernic. En cher­ chant à observer la parallaxe, l’astronome anglais Ja­ mes Bradley découvrit en 1725 un effet qui eut la même conséquence : il constata que la position apparente des étoiles variait périodiquement au cours de l’année avec une très faible amplitude de 20 secondes d’arc. Bradley interpréta cet effet comme résultant de la composition de la vitesse de la Terre sur son orbite avec la vitesse de la lumière qui parvient des étoiles, phénomène que l’on nomme aujourd’hui aberration de la lumière. La découverte de Bradley mit fin au débat sur l’héliocen­ trisme qui durait encore, presque deux siècles après les travaux de Copernic et de Galilée. Depuis la révolution copernicienne, les découvertes scientifiques ont radicalement transformé notre des­ cription du monde. C’est par une procédure rigoureuse alliant imagination, observations et expériences que les sciences ont permis de déjouer les apparences qui s’imposent à nos sens limités.