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La mobilité sociale a fortement augmenté au cours de ces 25 dernières années. Ainsi, l’immobilité
sociale est passée de 50,7% en 1953 à 40% en 1970, 35,1% en 1993 et 35,3% en 2003. Pour les femmes, la
mobilité sociale augmente encore plus fortement : en 1953, elles appartenaient pour 47,6% au groupe social
de leur père ; 36,2% en 1970 ; 28% en 1993. La raison principale pour laquelle les femmes reproduisent plus
rarement le statut de leur père n’est pas la mobilité entre les générations mais la distance professionnelle
entre les genres : il existe en effet une répartition sexuelle des emplois.
La mobilité sociale des femmes est donc plus forte que celle des hommes dans la mesure où elles ont
beaucoup moins de chances d’exercer la même profession que leur père.
Enfin, on peut souligner qu’une mobilité descendante se développe depuis une trentaine d’années en
France comme dans la plupart des pays développés. En effet, la mobilité est plus ou moins intense selon le
contexte économique. La croissance économique favorise la mobilité ascendante au contraire de la récession
ou lorsque le chômage progresse. C’est pourquoi, en France, on évoque une « panne de l’ascenseur social ».
2. Les déterminants de la mobilité et de la reproduction.
L’origine sociale des individus conditionne en grande partie les possibilités d’ascension sociale des
individus. En France, l’idéal de l’école républicaine – remplacer la hiérarchisation sociale liée à la naissance
par une hiérarchisation reflétant les aptitudes et les mérites – ne se vérifie pas lorsqu’on constate l’étroitesse
sociale du recrutement des grandes écoles.
Les inégalités se perpétuent au cours du temps et elles se maintiennent au cours du temps. La
proportion des jeunes d’origine populaire (parents ouvriers ou employés) dans les quatre grandes écoles
françaises (Polytechnique, Ecole Normale Supérieure, ENA, HEC) est passée d’environ 30% dans la
première moitié des années 1950 à 9% en 1998. Selon Claude Thélot, les jeunes d’origine populaire avaient
24 fois moins de chances, au milieu des années 1950, d’intégrer une des quatre grandes écoles que les enfants
de cadres ou d’enseignants. Cette probabilité est restée quasiment inchangée (23 fois moins actuellement).
La diminution de l’inégalité des chances scolaires ne suffit pas à réduire l’inégalité des chances
sociales. En effet, on constate que le rendement du diplôme a baissé et que ce rendement, à niveau de
diplôme identique, est resté très inégal selon le milieu d’origine. Même si le niveau général d’étude
augmente, un déplacement vers le haut des inégalités s’opèrent.
L’existence d’un chômage de masse provoque une course aux diplômes qui se traduit par la
dévalorisation de ceux-ci. Alors qu’ils étaient dans le passé synonyme de compétences, les diplômes tendent
à devenir de simples passeports pour accéder à un emploi mais insuffisant pour en trouver un avec certitude.
Cette course est à l’origine de nouvelles formes d’inégalités :
Les sans diplômes apparaissent comme des parias qui n’ont plus de place dans les entreprises et
les Administrations.
Les diplômés deviennent des surdiplômés et sont obligés d’accepter des emplois inférieurs à leur
niveau d’études. Le rendement des diplômes devient alors incertain.
La surproduction de diplômes et leur dévalorisation engendre une méfiance des employeurs.
D’autres critères sont alors utilisés pour sélectionner les candidats (présentation physique, relations sociales,
proximité culturelle par rapport aux valeurs de l’employeur,…)
Sur le plan théorique, les sociologues se rattachant au courant de l’individualisme méthodologique ont
une approche différente de ceux se référant au courant holiste.
Ainsi, Raymond Boudon (1934- ) explique la mobilité et l’immobilité sur les stratégies des individus
et sur les opportunités sans toutefois nier les inégalités de départ. Les individus sont supposés rationnels et
font des choix en matière de scolarité (poursuite ou arrêt des études, diplôme visé…) et d’emploi en arbitrant
entre les coûts (temps, argent, efforts) et les avantages espérés (prestige, carrières, revenus). Les groupes
sociaux n’ont pas tous les mêmes attentes face aux études et au travail et n’y investissent pas autant car leurs
arbitrages diffèrent. Ainsi, les classes populaires disposent d’informations de moins bonne qualité et croient,
par ailleurs, moins aux avantages d’études longues face à des coûts qu’ils jugent excessifs. Cela expliquerait
que leurs enfants réussissent moins bien à l’école puis dans leur recherche d’emploi.