Argumentaire :
Pour la philosophie platonicienne, qui a considérablement influencée la
pensée occidentale, la désincarnation est l'aspiration ultime, le corps
n'étant que "le tombeau de l'âme". Ce dualisme corps-esprit se poursuit
avec l'apparition des sciences modernes, comme chez Descartes, où le
corps devient corps-objet, susceptible d'être "profané" par la recherche,
et s'opposant au fameux "cogito". De fait, ce clivage corps et âme induit
une hiérarchie, au risque d'une perte de la dignité du corps.
Ceci vient faire écho au clivage des patients que nous rencontrons dans les
troubles des conduites alimentaires, où le corps-tombeau de Platon est
vécu au sens quasi littéral de l'expression, corps-tombeau vide d'une âme
qui se voudrait épurée de toute contingence.
Pourtant, d'autres philosophes, d'Aristote à Spinoza, définissaient déjà
l'homme comme l'unité d'un corps et d'une âme, unité donnant sens à
l'être.
Depuis plusieurs années, cette entité « psycho-corporelle » revient au
centre des préoccupations éthiques, philosophiques et
psychothérapeutiques. La prise en compte du corps dans le champ de la
psychiatrie et le développement des soins psychocorporels soulèvent de
nouvelles questions et fantasmes face aux risques et dérives possibles de
ces pratiques: limite de l'érotisation de la rencontre, dérives sexuelles,
maltraitance corporelle... Et nous savons combien l'histoire de la
psychiatrie doit nous rendre vigilant à cet égard.
Ainsi il nous faut définir une éthique des soins à médiation corporelle, que
nous nommerons « éthique du corps »:
- Quels critères devons-nous définir pour agir sur le corps sans
entraver la liberté du patient ?
- Quels cadres thérapeutiques devons-nous poser pour que les soins
corporels soient dispensés dans le respect de soi-même et
d’autrui ?
- Quels principes moraux guident notre action dans ces thérapies ?
C’est là tout l’enjeu de réfléchir sur « une éthique du corps » que
l’actualité récente : la polémique sur le packing, la réglementation des
pratiques psychothérapiques – porte sur le devant de la scène médiatique
et politique.
L’éthique du corps sera donc le fil rouge de ces premières journées « du
corps à la rencontre » organisées à Lille par l’AFDAS – TCA.