Des tables rondes, des rencontres dans la France entière… tout avait été fait pour éviter que la
réforme du lycée version Luc Chatel ne connaisse le même sort que celle de son prédécesseur. Et
les pièges semblaient évités, le mauvais sort conjuré. Jusqu'à la fronde des historiens.
Dans une pétition relayée par Le Journal du dimanche, les grands noms de l'histoire en France,
auxquels se sont adjoints des politiques et des artistes, dénoncent la suppression de l'histoire-
géographie des enseignements de tronc commun de terminale S et son remplacement par un
enseignement optionnel. Une «décision inspirée par un utilitarisme à courte vue» accuse le texte,
qui y voit une contradiction avec l'intérêt de Nicolas Sarkozy pour les références à l'histoire, de Guy
Môquet au débat sur l'identité nationale.
Niche élitiste
L'objectif de la réforme est en fait de rééquilibrer les filières générales en les spécialisant
davantage. Une façon de limiter la suprématie de la filière S (scientifique), actuellement filière
généraliste d'élite, qui donne accès aussi bien aux prépas scientifiques qu'à Sciences Po ou aux
prépas littéraires, alors que la filière L (littéraire) joue comme une orientation par défaut. D'où le
fait que les syndicats considérés comme les plus férus de pédagogies innovantes, le SE-Unsa et le
Sgen, militent pour la suppression de l'option histoire-géographie annoncée par Luc Chatel.
Pour Richard Descoings, directeur de Sciences Po et auteur du rapport qui sert de base à la
réforme, la pétition - qu'ont signée nombre de ses professeurs - relève du malentendu. «Je
comprends la crainte exprimée, concède-t-il, et je connais la sincérité des signataires, mais je ne
crois pas que la défense des humanités soit en jeu. En revanche, cette réforme est la dernière
chance pour la filière L, qui accueillera bientôt moins de 10 % des élèves de bac général.» Pour le
directeur de Sciences Po, le maintien d'une filière S généraliste perpétue une niche élitiste à usage
des nostalgiques de l'avant collège unique. Ce qu'une terminale S plus spécialisée pourrait éviter.
Du côté de l'Association des professeurs d'histoire-géographie (APHG), qui fut la première à alerter
l'opinion par une pétition en ligne, on insiste surtout sur le fait que des élèves qui se destinent à
l'enseignement supérieur, et pas seulement scientifique, pourraient ne pas faire d'histoire pendant
un an. «80 % des élèves de Sciences Po ont fait un bac scientifique, rappelle Sylvie Rachet,