Gwen Garnier-Duguy, la prière devenue Vie par la chair du souffle, par Matthieu Gosztola. Pour atteindre le cœur de la parole poétique de Gwen Garnier-Duguy, il nous faut emprunter la barque de l'éblouissement. Ce à quoi cette parole nous invite. Et si la barque atteint sa destination sans nul besoin d'un homme pour la diriger (au moyen de la pulsation précise du bout de la rame contre la vase d'or), malgré cela, si la nécessité d'un guide se fait sentir, alors deux poèmes suffisent. Deux poèmes que l'on n'explicitera pas, tant ils invitent la main du regard à prendre leur soleil, et le soleil dans lequel ils s'enracinent, sans qu'il soit besoin, pour cela, d'un détour, si judicieux soitil, par l'analyse. Le premier texte est déjà audible, dans l'air du matin, dans l'air du soir, dans l'air de ce matin et de ce soir mêlés qu'est le présent (naissance à soi et mort pour renaissance, et ce à jamais) lorsque vraiment entendu comme tel, lorsque saisi comme Présence (ce que s'attache à faire précisément ce poète, poème après poème) : « Seule doit être choisie dans la terreur et le désastre la parole qui allume des constellations dans la nuit les pores de la vie appellent la pensée sémaphore comme la femme étendue aimante l'avenir de rose en son sein. » Le second poème déchire doucement les voiles de la brume : « La nuit fermente Elle sécrète les sucs à l'intérieur de la vie des aspirations héliotropes Quand les terres nocturnes seront retournées montera à nos lèvres le pollen de la parole Il conjurera le désastre un moment Alors le fleuve dansera sur le monde » Maintenant que le cœur de la parole est abordé, cœur d'une quête de Joie devenue poèmes (l'on connaît l'importance, extrême, de Patrice de La Tour du Pin pour Garnier-Duguy), devenue, – palpable dans le Verbe, par sa chair, par son rythme –, grand soleil dansant de tout ce qui dans la nature est certitude d'un devenir-éblouissement qui soit la destinée de chacune, de chacun, de chaque être (c’est-à-dire de Tout), il est temps de saisir combien la poésie de Garnier-Duguy est Verbe devenu Vie par l'inflexion de la Foi, elle-même soleil. C'est-à-dire Verbe devenu Vie pour que s'y lisent les traits de la Grâce. Et par conséquent pour que s'y lisent vraiment les traits de la Vie, trop souvent oublieuse d'elle-même, – lorsque contenue dans les hommes –, du fait de leur distraction. Cet ensemble de poèmes inédits que l'on donne à lire aujourd'hui (extraits de La Roseraie sauvage) vient naturellement accompagner l'entretien publié dans ce même numéro. [mettre le lien hypertexte] * ** Notre-Dame-des-Etoiles la trame du firmament fait votre manteau nuptial tissé du chiffre verbal où va boire la présence pour apparaître en nos vies C'est par vous que l'Univers révèle en creux son visage par vos mains que nos prières remontent le cours du Temps pour atteindre à l'origine mouvement en Permanence dans sa volonté sauvage désirante de sa forme Notre-Dame-des-Etoiles que votre voie en mon ombre anime mon nombre diurne afin que mon corps nocturne dans la nuit dévisagée où mille yeux invisibles scrutent le masque de Dieu lève un plis de votre robe et par ce baiser stellaire trace une marche sur terre où s'inscrit dans la poussière en miroir du firmament l'éclat des constellations * ** Notre-Dame-aux-Doigts-de-Rose que l'aurore qui s'annonce dilue l'encre du néant par ta pensée digitale sur les êtres sur les choses où tes empreintes se posent Que fleurisse en cœur massif l'évidence scintillante de ta fidèle présence Notre-Dame-aux-Doigts-de-Rose tu as ton lieu dans mon torse Que par ton nom que j'invoque en épines de murmures mon cœur en puissance éclose ouvert aux vents de ta voix qui fait un ciel infini en ogive dans mon torse * ** Notre-Dame-de-la-Grâce les vents contraires tournoient enveloppant notre terre comme une momie sans corps Toi tu veilles en silence le visage comme un phare tourné vers la nuit du large Les tempêtes hauturières menacent le bord du monde où tu te tiens en rempart Montent dans les embruns vifs dans les paquets de mer brute les prières boréales des femmes défigurées par l'appel qui les regarde Les hommes perclus d'espoir aux yeux délavés d'amour d'avoir tant scruté l'azur sous l'obscurité de l'âme reviennent les lèvres closes Ont-ils reçu dans leur bouche au plus fort de la nuit d'encre une parole qui sauve ? Ont-ils peur en descellant leurs lèvres au cœur du siècle que du temple de leur gorge choie le paradis reçu ? Notre-Dame-de-la-Grâce donnez à ces hommes d'armes de partager en secret leur trésor illuminant l'avenir certain du monde * ** Notre-Dame-au-pas-de-Colombe entrouvres donc le manteau lourd du siècle assourdissant et te glisses dans le bruit des gorges contradictoires Tout doucement pose-toi sur le front de l'homme-amer et fais-y dégouliner à voix basse ta parole Qu'importe qu'aucune oreille ne saisisse ton murmure Tu y déposes l'empreinte des floraisons d'avenir Le soleil se lève à l'Est de la tempe occidentale aimanté en son couchant par la nuit germinatrice Il n'y a pas de non-être Tout veut son surgissement et ta langue maternelle dit son nom secret à l'homme C'est inscrit au firmament de la voûte de son crâne sous la poussée bourgeonnante infiniment formulée de la racine du monde qu'est ta Parole stellaire calme au-dessus de la mer Ainsi dévoile ton nom à la limite des terres L'avenir sûr de la vie procède du Cœur ouvert aux traces de vérité semées par tes pas de souffle * ** Notre-Dame-de-la-Peinture les images merveilleuses se meuvent dans l'invisible et fécondent la matière La surface de la vie est maculée de nos peurs et l'épiderme du monde attaqué de toutes parts ne laisse plus entrevoir que le versant insalubre de la pensée trop humaine Mais la trame du vivant voilée de masses obscures est tissée à son plus vif de fils d'or étincelants au contact d'un regard clair A ces yeux qui savent voir jusqu'à la chair nue du Temps tu as donné des mains d'aigle liées à l'esprit-jaguar dont le cœur pour le visible ne bat que par la beauté Notre-Dame-des-Images en plus d'avoir revêtu du manteau de l'avenir celui qui peint maintenant le pan armé des prières place dans la vie aimante d'El Pintor y su Mujer un miracle de lumière, accorde de ta douceur à l'existence guerrière du chef des Hommes debout Lui qui reçu sans faiblir le devoir de révéler en s'affrontant au danger l'un des visages de l'Etre sous la forme de Mintak que ton souffle délicieux dans les plis duquel renaît incessamment la présence l'enveloppe maintenant attisant l'écorce rare des sérénités sublimes par où l'action de Mangù pèsera bleue sur le monde allègera sa vie d'homme en éblouissant la terre. Repères (bibliographie) : Livres ° NOX, éditons du Grand Souffle, 2006. ° Danse sur le territoire, amorce de la parole, éditions de l'Atlantique, 2011. Préfacé par Michel Host, prix Goncourt 1986. Publications en revues ° Collaboration à la revue Supérieur Inconnu, de 1996 à 2005, dirigée par Sarane Alexandrian. Publication de : Les forgeurs d'étoiles, Sainteté je marche vers toi, Amnios, divers poèmes en prose. ° Revue Sarrazine dirigée par Paul de Brancion. Publication du poème Polaris Vox dans le n° Ours. ° Revue POESIEDirecte. ° Revue La Soeur de l'Ange : publication de Le Vœu de Thanatos dans "à quoi bon mourir ?", et La boule de cristal dans "à quoi bon la lune ?" ° Revue Les cahiers du sens, dirigée par Jean-Luc Maxence. Publication du poème inaugural consacré à l'alphabet : A ; publication du poème Polaris Vox. ° Revue Le Bateau fantôme, n°10. déc 2011. Publication du poème Pensées pariétales. ° Revue NUNC, n°27, juin 2012 ° Revue La main millénaire, dirigée par Jean-Pierre Védrine, n°3, été 2012 ° Revue Népenthès, dirigée par Bernard J. Lherbier, n°3, décembre 2011 ° Revue Polja, Serbie, n°477