Bonjour, et mille pardon pour ce terrible retard. La vie n'est pas toujours drôle !
Pour trouver des liens sur le "droit de rire", je vous conseille d'entrer, sur un moteur de recherche du genre
Google, "peut-on rire de tout", avec les guillemets, ou alors, pour avoir une idée de l'actualité, dieudonné rire,
sans guillemets cette fois (et vous obtiendrez plus de 8000 réponses !).
Quel est le problème ? Car il y a bien un problème, en effet : si l'on admet qu'on peut rire de tout, ne risque-t-on
pas de heurter, de blesser ? Il faudrait donc admettre des limites au droit de rire. Mais parler d'un « droit du rire »,
n'est-ce pas agiter le spectre de la censure ? Le droit en effet, c'est la législation, la réglementation : enserrer le
rire dans des règles, ne tolérer que le 'politiquement correct', est-ce souhaitable ?
On l'a bien vu avec l'affaire Dieudonné : certains ont trouvé son humour très déplacé, et n'ont pas ri du tout (!),
tandis que d'autres l'ont trouvé acceptable, et il a bien dû s'en trouver qui ont bien ri. Les premiers se sont alors
dit que – même noir ( ! ?), l'humour avait des limites, tandis que les seconds, même s'ils n'ont que moyennement
apprécié, ont tout aussi spontanément rejoint le camp de ceux qui estiment qu'il est interdit d'interdire : il n'y a que
la vérité qui blesse !
En fait, je me demande si la question est bien posée, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas si facile d'expliquer le
rire... Peut-être le rire est-il une affaire trop sérieuse pour être étudiée ?
Vous trouverez des éléments intéressants sur le rire et l'humour dans la littérature, chez les philosophes – même
chez Kant ! – et même sur internet, par exemple ici dans un mémoire de DEA sur l'humour.
Ensuite, parce que tout semble dépendre des circonstances. Ainsi, Pierre DESPROGES aurait dit : « on peut rire
de tout mais pas avec n'importe qui ! » On peut ajouter que n'importe qui ne peut pas faire rire de n'importe quoi,
dans n'importe quel contexte, de n'importe quelle façon. Ainsi, intervenant dans la discussion née de l'affaire
Dieudonné, Robert Namer (Ancien Professeur chargé de cours, Université Antilles-Guyane) rappelle l'importance
du contexte :
« Si je dis devant mes étudiants que je me fiche pas mal de savoir par quel moyen les nazis ont exécuté leur
sombre dessein de "donner une solution finale au problème juif", que ce qui m'interpelle, c'est seulement la
qualification du crime et l'appréciation de l'intention criminelle, personne ne m'accusera de considérer le procédé
utilisé comme "un détail de l'Histoire". Adoptant un point de vue exclusivement juridique, quelle importance que
l'assassin ait utilisé un 11.43, de l'arsenic ou un fil à couper le beurre? Le crime est constitué, la sanction sera
identique. Dans la bouche d'un Le Pen, c'est une toute autre affaire... »
Certaines blagues de Coluche (ou de Desproges...) mettent en scène « les juifs », « les arabes »... Les mêmes,
racontées par des frontistes, les mettent en cause ! Suffit-il donc qu'une plaisanterie implique telle ou telle
appartenance communautaire pour être cataloguée comme raciste ? Il faudrait donc se demander quelle est
l'intention du rire : se moquer, tourner en ridicule ? Ou bien dire la vérité en mettant les pieds dans le plat ? Y a-t-il
distanciation, ou bien celui qui fait rire (des juifs, des arabes, des blondes, des homosexuels, des belges)
cherche-t-il en réalité à faire partager ses préjugés, sa haine ? Est-ce philia qui l'anime, ou bien polemos ?
Lu dans le 'Journal Permanent' du Nouvel Obs :
« Il est évident que l'on ne peut rire de tout. Peut-on rire de la mort d'un enfant, qu'il soit musulman, juif, chrétien
ou autre ? Non, bien sûr ! »
...Il est évident ? Bien sûr ? En quoi est-ce évident, pourquoi bien sûr ? Qu'est-ce qui permettrait d'en être si
certain ? Lorsque cette personne évoque « un enfant », elle parle, à l'évidence, d'un enfant réel, qui serait
vraiment mort, parce qu'il aurait reçu une balle perdue. Mais les blondes des histoires blondes sont-elles les
femmes blondes réelles ? Les belges de nos histoires belges sont-ils les « vrais » belges ? On le voit bien chez
l'enfant : il manifeste de l'humour le jour où il décrit une action (en général, une bêtise) qu'il n'a pas accomplie «
en vrai de vrai » – ce dont il n'est pas d'abord capable. Il est vrai que nous rions aussi de ce qui est vrai,
justement, parce que c'est vrai, ou plutôt parce qu'une parcelle du vrai – jusque là non révélée – est tout à coup
projetée en pleine lumière. Mais dans tous les cas, l'humour n'est accessible qu'à un être ouvert à la vérité, et
c'est pourquoi le rire est le propre de l'homme.
Mais si l'humour rompt toujours avec la vérité, parfois pour la faire valoir – peut-on d'avance fixer des limites à
cette rupture ? Peut-on réglementer le rire ? On ne peut peut-être pas faire rire de tout, dans n'importe quelle