En 2008, il publie chez Albin Michel L'Islam sans soumission, Pour un existentialisme
musulman. Ce livre trouve aujourd’hui une actualité et une confirmation avec les
évènements qui agitent le monde musulman depuis le Printemps arabe de 2011, raison
pour laquelle les Éditions Albin Michel l'ont réédité en livre de poche en 2012
(collection Espaces Libres). Dans l'Avant-Propos de cette nouvelle édition, Abdennour
Bidar écrit : "Lorsque j'ai écrit ce livre entre 2006 et 2008, beaucoup de musulmans et
de non-musulmans se sont étonnés que je parle d'un islam sans soumission. Il m'ont
demandé ce qui reste de l'islam quand on enlève la soumission ! Certains se sont même
indignés, et m'ont dit que cela n'avait aucun sens. Je ne les ai pas écoutés et j'ai continué
de suivre mon intuition... or à présent que quelques années se sont écoulées, que se
passe-t-il ? Comment les nouvelles générations de musulmans de par le monde, ici en
France et ailleurs, vivent-elles leur rapport à l'islam ? Elles le vivent selon une profonde
envie de liberté. Au même titre que les autres hommes de la planète, les musulmans ont
fait de cette liberté - de conscience, d'expression, de protestation, de création - leur
valeur la plus importante. Et cela commence par le rapport à leur propre religion : ils
veulent se sentir libres de vivre leur islam. Ils veulent un islam de liberté et une liberté
dans l'islam... Le plus souvent pour le meilleur - l'émancipation des esclavages de la
tradition -, et parfois pour le pire - la revendication de n'importe quelle forme radicale
d'expression religieuse. Ce désir profond de liberté, je l'ai appelé ici un "existentialisme
musulman"; parce que, pour les philosophes, l'existentialiste est celui qui veut exister
par lui-même, choisir sa vie par lui-même. Or l'actualité de ces derniers mois nous
confirme que l'islam entre bel et bien dans ce moment existentialiste de son histoire. Le
désir d'une toute nouvelle liberté est en effet le message le plus fort qui nous est envoyé
actuellement par les sociétés civiles du monde arabo-musulman"[10]. Ces évènements
montrent en effet qu’au-delà de la réaction néo conservatrice qui sévit dans ces pays, et
sur laquelle l’Occident concentre son regard, le véritable mouvement de fond de ces
sociétés est un formidable appétit de liberté, une profonde volonté d’émancipation vis-à-
vis de tous les autoritarismes politiques mais aussi religieux. C’est ce que ce livre
désigne comme émergence d’un « existentialisme musulman »".
Abdennour Bidar veut apporter la contribution du philosophe à ce mouvement. Pour
cela, il va montrer qu’il y a dans une réflexion sur le Coran lui-même le moyen de
dégager une image de liberté extrêmement puissante. Le Coran, livre de la liberté
humaine ? Cette lecture serait restée impossible jusqu’ici parce que, d'une certaine
façon, elle ne pouvait émerger qu'aujourd'hui, dans les conditions propres de notre
temps - ce qui veut dire qu'il faut relire le Coran non pas en y cherchant une vérité
originelle et perdue, mais avec ce que seule la lumière du présent peut y trouver. Ce
n'est pas le passé qui a la clé du présent, mais le présent qui a la clé du passé. Lu donc
au présent, le Coran peut apparaître enfin comme un livre qui invite l’homme à une
liberté suprême qui est la libération de sa propre toute-puissance créatrice, et non pas à
cette « soumission à Dieu » dont on a cru pendant trop longtemps qu’elle était
synonyme du mot « islam ». Pour mettre en lumière cette compréhension du texte que la
tradition ne pouvait pas voir(pour des raisons qu’il analyse longuement), Abdennour
Bidar entreprend un exercice de relecture du groupe de versets(sourate II, versets 30 à
34) qui a joué un rôle central dans la formation de l’anthropologie et de la théologie
islamiques. Ce passage serait ainsi la clé d'une lecture du Coran pour notre temps. Que
dit-il ? Dieu prend ici la parole devant les anges rassemblés, et leur désigne Adam en
prononçant cette phrase : "Je vais établir un khâlif sur la terre"[11]. Or Abdennour Bidar
montre que la tradition de lecture a toujours sous-estimé le sens du terme khâlif. Elle
comprit par là, ou voulu comprendre, que l’homme se trouvait nommé ici « lieutenant »