Education - Objectif bac français

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1ère STG 2- DM type bac (à rendre le mardi 1er février).
Objet d’étude :
Texte 1 – Montaigne, Essais, livre I, chap. 26, « De L’institution des enfants », 1580.
Texte 2 – Voltaire, Jeannot et Colin, 1764.
Texte 3 – Jean-Pierre Claris de Florian, « L’éducation du Lion », Fables, 1792.
Texte 1
Pour tout ceci, je ne veux pas qu’on emprisonne ce garçon. Je ne veux pas qu’on
l’abandonne à l’humeur mélancolique d’un furieux1 maître d’école. Je ne veux pas corrompre
son esprit à le tenir à la géhenne2 et au travail, à la mode des autres, quatorze ou quinze heures
par jour, comme un portefaix3. Ni ne trouverais bon, quand par quelque complexion solitaire et
mélancolique4 on le verrait adonné d’une application trop indiscrète5 à l’étude des livres,
qu’on la lui nourrît ; cela les rend ineptes à la conversation civile6 et les détourne de meilleures
occupations. Et combien ai-je vu de mon temps d’hommes abêtis par téméraire avidité de
science ? Carnéade7 s’en trouva si affolé8, qu’il n’eut plus le loisir de se faire le poil et les ongles9.
Ni ne veux gâter ses mœurs généreuses par l’incivilité et barbarie d’autrui. La sagesse
française a été anciennement en proverbe, pour une sagesse qui prenait de bonne heure, et
n’avait guère de tenue. A la vérité, nous voyons encore qu’il n’est rien de si gentil que les petits
enfants en France ; mais ordinairement ils trompent l’espérance qu’on en a conçue, et,
hommes faits, on n’y voit aucune excellence. J’ai ouï tenir à gens d’entendement que ces collèges
où on les envoie, de quoi ils ont foison, les abrutissent ainsi.
Au nôtre, un cabinet, un jardin, la table et le lit, la solitude, la compagnie, le matin et le
vêpre, toutes heures lui seront une, toutes places lui seront étude ; car la philosophie, qui,
comme formatrice des jugements et des mœurs, sera sa principale leçon, a ce privilège de se
mêler partout. Isocrate l’orateur, étant prié en un festin de parler de son art, chacun trouve qu’il eut
raison de répondre : «Il n’est pas maintenant temps de ce que je sais faire ; et ce de quoi il est
maintenant temps, je ne le sais pas faire.» Car de présenter des harangues ou des disputes de
rhétorique à une compagnie assemblée pour rire et faire bonne chair, ce serait un mélange de trop
mauvais accord. Et autant en pourrait-on dire de toutes les autres sciences. Mais, quant à la
philosophie, en la partie où elle traîte de l’homme et de ses devoirs et offices, ç’a été le
jugement commun de tous les sages, que, pour la douceur de sa conversation, elle ne devait être
refusée ni aux festins, ni aux jeux. Et Platon l’ayant invitée à son convive, nous voyons
comme elle entretient l’assistance d’une façon molle et accommodée au temps et au lieu,
quoique ce soit de ses plus hauts discours et plus salutaires :
Æque pauperibus prodest, locupletibus æque ;
Et, neglecta, æque pueris sensibusque nocebit.
Ainsi, sans doute, il chômera moins que les autres. Mais, comme les pas que nous
employons à nous promener dans une galerie, quoiqu’il y en ait trois fois autant, ne nous lassent pas
comme ceux que nous mettons à quelque chemin desseigné, aussi notre leçon, se passant comme
par rencontre, sans obligation de temps et de lieu, et se mêlant à toutes nos actions, se coulera sans
se faire sentir. Les jeux mêmes et les exercices seront une bonne partie de l’étude : la course, la
lutte, la musique, la danse, la chasse, le maniement des chevaux et des armes. Je veux que la
bienséance extérieure, et l’entregent10, et la disposition de la personne, se façonne quant et
quant à l’âme11. Ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps qu’on dresse, c’est un homme ;
il n’en faut pas faire à deux. Et, comme dit Platon, il ne faut pas les dresser l’un sans l’autre, mais
les conduire également, comme une couple de chevaux attelés à même timon.
Montaigne, Essais, livre I, chap. 26, « De L’institution des enfants », 1580.
1
dément
torture
3
Homme qui porte des fardeaux
4
sombre
5
excessive
6
contact des autres
7
philosophe grec
8
rendu fou
9
Carnéade passait tellement de temps à l’étude qu’il ne prenait plus le temps de se laver.
10
Qualité sociale
11
en même temps que l’âme
2
1
1ère STG 2- DM type bac (à rendre le mardi 1er février).
Objet d’étude :
Texte 2
Le père et la mère donnèrent d’abord un gouverneur au jeune marquis: ce gouverneur, qui était un
homme du bel air, et qui ne savait rien, ne put rien enseigner à son pupille. Monsieur voulait que son fils
apprît le latin, madame ne le voulait pas. Ils prirent pour arbitre un auteur qui était célèbre alors par des
ouvrages agréables. Il fut prié à dîner. Le maître de la maison commença par lui dire: « Monsieur, comme
vous savez le latin, et que vous êtes un homme de la cour... — Moi! monsieur, du latin! je n’en sais pas
un mot, répondit le bel esprit, et bien m’en a pris: il est clair qu’on parle beaucoup mieux sa langue quand
on ne partage pas son application entre elle et les langues étrangères. Voyez toutes nos dames, elles ont
l’esprit plus agréable que les hommes; leurs lettres sont écrites avec cent fois plus de grâce; elles n’ont sur
nous cette supériorité que parce qu’elles ne savent pas le latin.
— Eh bien; n’avais-je pas raison? dit madame. Je veux que mon fils soit un homme d’esprit, qu’il
réussisse dans le monde; et vous voyez bien que, s’il savait le latin, il serait perdu. Joue-t-on, s’il vous
plaît, la comédie et l’opéra en latin? plaide-t-on en latin, quand on a un procès? fait-on l’amour en latin? »
Monsieur, ébloui de ces raisons, passa condamnation, et il fut conclu que le jeune marquis ne perdrait
point son temps à connaître Cicéron, Horace et Virgile. « Mais qu’apprendra-t-il donc? car encore faut-il
qu’il sache quelque chose; ne pourrait-on pas lui montrer un peu de géographie? — A quoi cela lui
servira-t-il? répondit le gouverneur. Quand M. le marquis ira dans ses terres, les postillons ne sauront-ils
pas les chemins? ils ne l’égareront certainement pas. On n’a pas besoin d’un quart de cercle pour voyager,
et on va très commodément de Paris en Auvergne sans qu’il soit besoin de savoir sous quelle latitude on
se trouve.
— Vous avez raison, répliqua le père; mais j’ai entendu parler d’une belle science, qu’on appelle,
je crois, l’astronomie. — Quelle pitié! repartit le gouverneur; se conduit-on par les astres dans ce monde?
et faudra-t-il que M. le marquis se tue à calculer une éclipse, quand il la trouve à point nommé dans
l’almanach, qui lui enseigne de plus les fêtes mobiles, l’âge de la lune et celui de toutes les princesses de
l’Europe? »
Madame fut entièrement de l’avis du gouverneur. Le petit marquis était au comble de la joie. Le
père était très indécis. « Que faudra-t-il donc apprendre à mon fils? disait-il. — A être aimable, répondit
l’ami que l’on consultait; et, s’il sait les moyens de plaire, il saura tout: c’est un art qu’il apprendra chez
Mme sa mère sans que ni l’un ni l’autre se donnent la moindre peine. »
Madame, à ce discours, embrassa le gracieux ignorant, et lui dit: « On voit bien, monsieur, que
vous êtes l’homme du monde le plus savant; mon fils vous devra toute son éducation: je m’imagine
pourtant qu’il ne serait pas mal qu’il sût un peu d’histoire. — Hélas! madame, à quoi cela est-il bon?
répondit-il. Il n’y a certainement d’agréable et d’utile que l’histoire du jour. Toutes les histoires
anciennes, comme le disait un de nos beaux esprits12, ne sont que des fables convenues; et, pour les
modernes, c’est un chaos qu’on ne peut débrouiller. Qu’importe à M. votre fils que Charlemagne ait
institué les douze pairs de France, et que son successeur ait été bègue?
— Rien n’est mieux dit! s’écria le gouverneur: on étouffe l’esprit des enfants sous un amas de
connaissances inutiles; mais de toutes les sciences la plus absurde, à mon avis et celle qui est la plus
capable d’étouffer toute espèce de génie, c’est la géométrie. Cette science ridicule a pour objet des
surfaces, des lignes et des points qui n’existent pas dans la nature. On fait passer en esprit cent mille
lignes courbes entre un cercle et une ligne droite qui le touche, quoique, dans la réalité, on n’y puisse pas
passer un fétu. La géométrie, en vérité, n’est qu’une mauvaise plaisanterie. »
Monsieur et madame n’entendaient pas trop ce que le gouverneur voulait dire; mais ils furent
entièrement de son avis.
« Un seigneur comme M. le marquis, continua-t-il, ne doit pas se dessécher le cerveau dans ces
vaines études. Si un jour il a besoin d’un géomètre sublime pour lever le plan de ses terres, il les fera
arpenter pour son argent. S’il veut débrouiller l’antiquité de sa noblesse, qui remonte aux temps les plus
reculés, il enverra chercher un bénédictin. Il en est de même de tous les arts. Un jeune seigneur
heureusement né n’est ni peintre, ni musicien, ni architecte, ni sculpteur; mais il fait fleurir tous ces arts
en les encourageant par sa magnificence: il vaut sans doute mieux les protéger que de les exercer. Il suffit
que Monsieur le marquis ait du goût; c’est aux artistes à travailler pour lui; et c’est en quoi on a très
grande raison de dire que les gens de qualité (j’entends ceux qui sont très riches) savent tout sans avoir
rien appris, parce qu’en effet, ils savent, à la longue, juger de toutes les choses qu’ils commandent et
qu’ils payent.
Voltaire, Jeannot et Colin, 1764.
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« Un de nos beaux esprits » : il s’agit de Fontenelle, auteur français, précurseur des Lumières
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1ère STG 2- DM type bac (à rendre le mardi 1er février).
Objet d’étude :
L’éducation du Lion
Enfin le roi lion venait d'avoir un fils ;
Partout dans ses états on se livrait en proie
Aux transports éclatants d'une bruyante joie :
Les rois heureux ont tant d'amis !
Sire lion, monarque sage,
Songeait à confier son enfant bien aimé
Aux soins d'un gouverneur vertueux, estimé,
Sous qui le lionceau fît son apprentissage.
Vous jugez qu'un choix pareil
Est d'assez grande importance
Pour que longtemps on y pense.
Le monarque indécis assemble son conseil :
En peu de mots il expose
Le point dont il s'agit, et supplie instamment
Chacun des conseillers de nommer franchement
Celui qu'en conscience il croit propre à la chose.
Le tigre se leva : sire, dit-il, les rois
N'ont de grandeur que par la guerre ;
Il faut que votre fils soit l'effroi de la terre :
Faites donc tomber votre choix
Sur le guerrier le plus terrible,
Le plus craint après vous des hôtes de ces bois.
Votre fils saura tout s'il sait être invincible.
L'ours fut de cet avis : il ajouta pourtant
Qu'il fallait un guerrier prudent,
Un animal de poids, de qui l'expérience
Du jeune lionceau sût régler la vaillance
Et mettre à profit ses exploits.
Après l'ours, le renard s'explique,
Et soutient que la politique
Est le premier talent des rois ;
Qu'il faut donc un mentor d'une finesse extrême
Pour instruire le prince et pour le bien former.
Ainsi chacun, sans se nommer,
Clairement s'indiqua soi-même :
De semblables conseils sont communs à la cour.
Enfin le chien parle à son tour :
Sire, dit-il, je sais qu'il faut faire la guerre,
Mais je crois qu'un bon roi ne la fait qu'à regret ;
L'art de tromper ne me plaît guère :
Je connais un plus beau secret
Pour rendre heureux l'état, pour en être le père,
Pour tenir ses sujets, sans trop les alarmer,
Dans une dépendance entière ;
Ce secret, c'est de les aimer.
Voilà pour bien régner la science suprême ;
Et, si vous désirez la voir dans votre fils,
Sire, montrez-la lui vous-même.
Tout le conseil resta muet à cet avis.
Le lion court au chien : ami, je te confie
Le bonheur de l'état et celui de ma vie ;
Prends mon fils, sois son maître, et, loin de tout flatteur,
S'il se peut, va former son coeur.
Il dit, et le chien part avec le jeune prince.
D'abord à son pupille il persuade bien
Qu'il n'est point lionceau, qu'il n'est qu'un pauvre Chien,
Son parent éloigné ; de province en province
Il le fait voyager, montrant à ses regards
Les abus du pouvoir, des peuples la misère,
Les lièvres, les lapins mangés par les renards,
Les moutons par les loups, les cerfs par la panthère,
Partout le faible terrassé,
Le boeuf travaillant sans salaire,
Et le singe récompensé.
Le jeune lionceau frémissait de colère :
Mon père, disait-il, de pareils attentats
Sont-ils connus du roi ? Comment pourraient-ils l'être ?
Disait le chien : les grands approchent seuls du maître,
Et les mangés ne parlent pas.
Ainsi, sans raisonner de vertu, de prudence,
Notre jeune lion devenait tous les jours
Vertueux et prudent ; car c'est l'expérience
Qui corrige, et non les discours.
À cette bonne école il acquit avec l'âge
Sagesse, esprit, force et raison.
Que lui fallait-il davantage ?
Il ignorait pourtant encor qu'il fût lion ;
Lorsqu'un jour qu'il parlait de sa reconnaissance
À son maître, à son bienfaiteur,
Un tigre furieux, d'une énorme grandeur,
Paraissant tout-à-coup, contre le chien s'avance.
Le lionceau plus prompt s'élance,
Il hérisse ses crins, il rugit de fureur,
Bat ses flancs de sa queue, et ses griffes sanglantes
Ont bientôt dispersé les entrailles fumantes
De son redoutable ennemi.
À peine il est vainqueur qu'il court à son ami :
Oh ! Quel bonheur pour moi d'avoir sauvé ta vie !
Mais quel est mon étonnement !
Sais-tu que l'amitié, dans cet heureux moment,
M'a donné d'un lion la force et la furie ?
Vous l'êtes, mon cher fils, oui, vous êtes mon roi,
Dit le chien tout baigné de larmes.
Le voilà donc venu, ce moment plein de charmes,
Où, vous rendant enfin tout ce que je vous dois,
Je peux vous dévoiler un important mystère !
Retournons à la cour, mes travaux sont finis.
Cher prince, malgré moi cependant je gémis,
Je pleure ; pardonnez : tout l'état trouve un père,
Et moi je vais perdre mon fils.
Jean-Pierre Claris de Florian, Fables, 1792.
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1ère STG 2- DM type bac (à rendre le mardi 1er février).
Objet d’étude :
Questions : 6 points.
1.
Montrez que les auteurs du corpus s’intéressent au même sujet, et
ont des idées assez proches.
2.
Comment chaque auteur s’y prend-il pour faire part de sa vision
des choses ? Quels moyens littéraires les auteurs utilisent-ils ?
Ecriture : 14 points.
Sujet I – Le commentaire littéraire :
Vous ferez le commentaire littéraire de la fable de Jean-Pierre Claris de
Florian, « L’éducation du Lion ».
Votre étude du texte s’organisera autour des pistes suivantes :
Le fabuliste nous propose une histoire plaisante (étudiez comment
il la rend plaisante)
-
Le fabuliste propose sa vision des choses.
Sujet II – La Dissertation :
Vous semble-t-il plus efficace d’exposer ses idées directement ou
indirectement ?
Sujet III – Invention :
Vous écrivez un essai dans lequel vous faites part de votre vision de
l’éducation des adolescents et réfléchissez particulièrement à ce que l’on
doit leur enseigner.
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