MORALES Fernan Dissertation d'Economie Risques et dynamiques de la conjoncture actuelle Affirmer que la conjoncture actuelle est caractérisée par une situation de crise profonde relève désormais du poncif. Pour ainsi dire, cette crise, dite des « subprime », en référence aux crédits hypothécaires accordés par les banques américaines aux ménages désireux d'acquérir un bien immobilier, s'avère, à bien des égards, être sans commune mesure avec les crises qui ont eu lieu ces 50 dernières années. Les facteurs à l'oeuvre y sont multiples mais bon nombre d'observateurs reconnaissent cependant de manière unanime que celle-ci a eu comme point de départ les Etats-Unis et, plus particulièrement, l'effondrement de la valeur des actifs dits « subprime » sur les marchés financiers, ceci à cause de la multiplication des défauts de la part des ménages sur le remboursement de leur emprunt. Au niveau des marchés, la crise se propage d'autant plus facilement que les marchés financiers et les différents acteurs qui les composent sont interdépendants et atteint, par ce biais, l'économie réelle dans sa totalité. Ce sont donc l'ensemble des acteurs de l'économie qui se retrouvent ainsi affectés par ce qui n'était, au départ qu'un événement circonscrit au seul domaine financier. Les évolutions futures de cette crise sont donc extrêmement négatives et tous reconnaissent le besoin d'une intervention directe ou indirecte des pouvoirs publics afin de pouvoir y apporter une solution. Ceci étant, comment pouvons-nous analyser le risques et les dynamiques du contexte actuel à l'aune des modèles théoriques de marché couramment utilisés, qu'ils soient Néoclassique ou Keynésien? Le constat d'une situation de déséquilibre important des marchés constitue le point de départ de notre analyse qui I) Une situation de déséquilibre. A) Les théories néoclassique comme premiers fondements de l'analyse. D'un point de vue néoclassique, les marché fonctionnent en situation de concurrence pure et parfaite dans laquelle les prix sont parfaitement flexibles. L'équilibre entre l'offre et la demande sur ce marché passe les mécanismes de fixation des prix des biens échangés et, comme le montre clairement la loi des débouchés de Say, un déséquilibre y est donc impossible. La monnaie n'est par ailleurs jamais demandée pour elle-même, son rôle se limite uniquement à faciliter les transactions sur les marchés. Dans le contexte actuel, on peut voir la crise qui affecte le marché de l'automobile comme un moment intermédiaire dans la formation de l'équilibre entre l'offre et la demande. En effet, la production trop importante de ces dernières a eu comme conséquence la diminution la demande et donc des prix, plaçant, du coup, l'ensemble des acteurs de cette industrie dans l'obligation de réduire leur production afin de faire augmenter les prix et la demande. A partir de là, comme le démontre Léon Walras, l'équilibre réalisé sur ce marché entrainera un équilibre général sur l'ensemble des marchés. Enfin, le revenu qui n'est pas destiné aux transactions sur les marchés est destiné aux marchés des capitaux (investissement) ou bien peut être épargné dans le but de bénéficier des rémunérations du taux d'intérêt. La confrontation entre ces deux éléments forme ce que l'on appelle le taux d'intérêt (r*), comme on peut le voir à travers le schéma ci-dessous: 1 L'épargne (S) est donc une fonction croissante du taux d'intérêt tandis que l'investissement (I) est 1 Source: http://www.christian-biales.net/documents/modelschema.pdf une fonction décroissante du T.I, donc plus le taux d'intérêt est élevé, moins les agents voudront placer leur revenus dans les marchés de capitaux (C). Ceux-ci confrontent simplement la productivité marginale du capital au niveaux des taux d'intérêt. Cette théorie peut nous servir de cadre d'analyse pour comprendre la crise qui touche durement le secteur financier aujourd'hui. Ces derniers mois, le déplacement de sommes considérable des marchés de capitaux en direction des épargnes de type livret A illustre bien ce choix rationnel que font les agents lorsque la productivité marginale devient inférieure au taux d'intérêt. A travers l'analyse néoclassique, la conjoncture actuelle n'est qu'une situation d'instabilité temporaire qui s'achèvera dès lors que les marchés atteindront un niveau d'offre et de salaire permettant un équilibre entre l'offre et la demande sur ces différents marchés et, donc, un investissement plus important dans les marchés de capitaux. B) La réfutation Keynésienne: une prise en compte des facteurs structurels d'instabilité. En rester aux seuls postulats néoclassiques reviendrait à nier certains mécanismes cruciaux dans la conjoncture actuelle. Ce que la crise nous montre clairement, à l'instar des autres crises survenues auparavant, c'est que le modèle de marché néoclassique ne peuvent pas s'appliquer à la réalité: D'une part, les marchés fonctionnent toujours de manière imparfaite. L'information circule difficilement et est parfois erronée et les produits ne sont pas tous homogènes (Rôle de la publicité et du marketing). A titre d'exemple, les informations sur les actifs « subprime » échangés sur les marchés de capitaux étaient incorrectes car elles ne prenaient pas en compte les conditions d'octroi des crédits. D'autre part, les prix sont considérés comme très peu flexibles et ne permettent pas de réaliser à eux seuls de réaliser l'équilibre. Ces rigidités résultent en partie du fait que les entreprises ne peuvent réduire leur coûts (salaires: présence d'un smic) de façon à pouvoir diminuer les prix si la demande est insuffisante. Pour les Keynésiens, la stabilité de l'économie est déterminée par un niveau de taux d'intérêt et de revenu permettant un équilibre simultané sur les marchés des et de la monnaie. Pourquoi? Parce que le taux d'intérêt et le niveau de revenu sont les deux éléments qui vont conduire les agents à investir ou consommer ou bien, au contraire, thésauriser, et donc faire sortir des liquidités du circuit économique. En effet, les agents expriment une préférence pour la liquidité (dans le but de réaliser des transactions ou bien de spéculer, par exemple) qui met en évidence l'impact considérable que la monnaie peut avoir sur l'économie. Comme on peut le voir sur le schéma, le raisonnement Keynésien place la demande (dite 2 «effective ») au coeur du mécanisme macroéconomique. Les entreprises anticipent celle-ci et essaient d'adapter leur niveau de production aux variations de cette demande qui ensuite définit le niveau d'embauche et peut donner lieu à l'apparition d'un chômage non-volontaire. Le déséquilibre actuel de l'économie apparaît ici à travers les écarts le niveau de production et une demande effective qui diminue comme conséquence de la dégradation de la conjoncture internationale mais aussi de l'amoindrissement des investissement et de la baisse de la consommation des ménages. Au lieu d'un retour à l'équilibre, l'économie tombe dans un cercle vicieux dans lequel la contraction de la demande effective entraîne une baisse du niveau de 2 Source:http://www.christian-biales.net/documents/modelschema.pdf production et une hausse du chômage. Ceci aura comme conséquence de diminuer assez significativement la consommation et donc, finalement, de contracter à nouveau la demande effective. C'est précisément cela même qui caractérise la récession et le ralentissement économique qui ont démarré cette année, résultat de la conjoncture très défavorable. L'enjeu est ici de trouver des solutions permettant d'en sortir et de relancer ainsi une dynamique favorable. ** Dès lors, quels moyens, concrets et théoriques, pouvons-nous envisager dans le cadre d'une remise à l'équilibre de l'économie? ** II) les dynamiques de la relance A) Les modèles Keynésiens Il est intéressant de noter que, parmi l'ensemble des plans de relance de l'économie proposés par les différents gouvernements des pays les plus industrialisés, certains comportent des éléments d'inspiration keynésienne. A titre d'exemple, le gouvernement américain a fait le choix d'une politique budgétaire expansionniste misant sur la relance de la consommation et de la croissance par l'investissement direct dans l'économie et sur l'aide aux ménages souffrant le plus de la crise à travers une politique fiscale avantageuse. D'autre part, les banques centrales adoptent une politique monétaire beaucoup plus souple et qui ne se borne plus à limiter le niveau d'inflation. Comme le prouve les baisses consécutives de taux d'intérêt effectué par la Fed (4,25% à 0,25%) et le BCE (de 5% à 2%) depuis 2007, les banques centrales cherche avant tout à relancer de la liquidité dans l'économie, sans vraiment prendre en considération le risque de trappe à liquidité. L'efficacité de ses politiques peut être appréhendée à travers le modèle IS-LM: 3 Ce modèle nous montre que l'équilibre en macroéconomie résulte de l'équilibre simultané du marché de la monnaie (LM) et du marché des bien, eux mêmes déterminés par les taux d'intérêts (i) et le niveau de revenu des agents (Y). La situation dans laquelle se trouve l'économie actuelle correspond au point 1, c'est-à-dire un excès d'offre sur le marché des biens et services et un excès de demande de monnaie sur le marché de la monnaie. On constate donc qu'une politique d'investissement résultant sur une augmentation du revenu permettrait de déplacer vers la droite coïncidant au point 1 avec la courbe LM qui aura fait un mouvement vers le bas et vers la droite grâce à l'abaissement des taux d'intérêts. A travers cela, il est théoriquement vérifié qu'une politique budgétaire expansionniste et un politique monétaire souple permet d'insuffler une dynamique positive à l'économie, lui permettant d'atteindre son niveau d'équilibre. B) Une crise qui implique un dépassement du cadre théorique. L'originalité de la crise et de la conjoncture actuelle, c'est qu'elle met en lumière le rôle 3 Source: http://concours.eco.univ-rennes1.fr/capet/Matieres/keynes.pdf qu'ont eu les banques commerciales et les marchés financiers dans le développement de l'économie ces vingt dernières années. La recherche de rentabilité de la part des établissements financiers a entrainé un relâchement général des conditions de prêt qui a eu pour conséquence un accroissement considérable des risques sur ces marchés, comme le montre le modèle suivant4: Le facteur déclencheur fut, en 2007, le retournement du marché de l'immobilier aux Etatsunis qui eu plusieurs conséquences sur banques autant que sur les marchés et l'économie: La multiplication des défauts sur les subprimes a tout d'abord causé des pertes considérables aux banques mais aussi entrainé un assèchement de la liquidité interbancaire (sous forme de crédits interbancaires et de titrisation de certains actifs). Avec l'effondrement des titres subprimes et l'assèchement des crédits, un recul général et très important des valeurs sur les marchés financiers s'amorce. Là débute la crise financière. Cette crise des marchés se répercute sur le bilan des entreprises, qui publient des pertes. Le ralentissement économique entraine une augmentation du chômage et une diminution de la consommation. L'enjeu pour les pouvoir publics est, dès lors, d'intervenir directement sur les banques et les marchés qui ont été des moteurs cruciaux de l'économie. L'éventail des solutions et des possibilités devient alors assez large et pas souvent conventionnel. Face aux propositions de rachats des actifs toxiques et de garanties sur les prêts interbancaires proposé par le plan Paulson aux Etats-unis en 2008, s'oppose la nationalisation de la banque Northern Rock par l'Etat Britannique la même année. La France pour sa part a fait le choix de prendre part au capital de certaines banques sinistrées et de soutenir les marchés financiers en y injectant massivement des liquidités. Le constat reste principalement le même: l'ensemble de ces mesures visant à porter secours au système financier ne s'inscrit pas vraiment dans un cadre théorique précis car elle partent du postulat que les établissements financiers tout comme les marchés financiers ont été le moteur principal de la croissance économique et de l'investissement dans les pays développés. Leur rôle et leur importance 4 Lemonde.fr, Des subprimes à la chute des Bourses, les mécanismes de la crise financière, article paru le 22/10/08 revêt une forme bien différente de celle établie dans les modèles classiques et keynésiens. ** La dynamique de la conjoncture serait, dans une optique néoclassique, assez simple et sans risques sérieux: le déséquilibre constaté n'est que temporaire et se résoudre dès lors que les prix feront leur travail de rééquilibrage des marchés. Ce modèle se révèle être peu utile car des limites structurelles empêche lesdits mécanismes de rééquilibrage. Comme nous le montre la théorie keynésienne, la dégradation de la conjoncture internationale ainsi que l'amoindrissement des investissement qui caractérise la situation économique actuelle a entrainé une baisse de la demande et par conséquent une hausse durable du chômage. Dans ce cas précis et à l'instar des nombreuses initiatives adoptées par les gouvernements des pays en crise, une politique budgétaire expansionniste et la baisse des taux d'intérêts s'avèrent être, théoriquement, des solutions adaptés aux problèmes auxquels ils font face, sans, toutefois, répondre à tous les problèmes posés car la crise résulte d'un traumatisme plus profond causé par les marchés financiers et les établissements de crédits et qui suppose la reconsidération de l'importance de ces acteurs. Références internet: -http://coursenligne.sciences-po.fr/economie_approfondie/travaux_conference/islm.pdf -http://www.christian-biales.net/documents/modelschema.pdf -http://concours.eco.univ-rennes1.fr/capet/Matieres/keynes.pdf -www.lemonde.fr, Des subprimes à la chute des Bourses, les mécanismes de la crise financière, article paru le 22/10/08 Ouvrages consultés: -Samuelson P., Nordhaus W., Economie, 18ème édition, Economica, 2005