Histoire d’entreprise et histoire économique africaine et ultramarine : un
pôle-relais académique girondin
Hubert Bonin, professeur d’histoire économique à l’Institut d’études politiques de Bordeaux (UMR GRETHA-
Université Montesquieu Bordeaux 4) [www.hubertbonin.com]
L’histoire ultramarine et notamment africaine a bénéficié avec vigueur des initiatives
pionnières de ce que, rétrospectivement, l’on peut appeler l’école française d’histoire
économique africaine, voire ultramarine. Dans les années 1970-1980, Catherine Coquery-
Vidrovitch
1
, Hélène d’Almeida-Topor
2
, Daniel Hémery (parfois avec Pierre Brocheux
3
),
Jacques Marseille
4
qui s’est redéployé vers d’autres thématiques depuis les années 1990
et quelques autres ont constitué un premier corpus de méthodes, de problématiques, de
chronologies, à propos de l’histoire de ce qui est devenu « les relations Nord-Sud » et de ce
qui était plutôt alors l’histoire des impérialismes coloniaux. Leur apport a efficacement
complété les recherches menées par la solide école française des africanistes concernant
l’évolution de l’économie africaine elle-même (en particulier, les formes prises par les
échanges, le négoce, les micro-sociétés marchandes au coeur même de l’économie africaine
de part et d’autre des indépendances).
1. L’histoire économique ultramarine contemporaine négligée ?
Paradoxalement, le pôle académique girondin n’avait guère participé à ce courant de
recherches, parce que le principal acteur potentiel, Pierre Guillaume, auteur d’un manuel
remarquable
5
, avait déployé ses recherches plutôt vers l’histoire sociale et sanitaire
française. Et aucun professeur spécialisé en histoire ultramarine contemporaine n’avait été
recruté par l’Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3 pendant toutes les années 1980-
2000 le seul contemporanéiste y ayant transité, Guy Pervillé, était surtout spécialiste de
l’histoire de la Guerre d’Algérie et a dû migrer comme professeur à l’université de Nice,
puis à celle de Toulouse. De façon encore plus étonnante, les avancées effectuées par Paul
Butel et ses étudiants sur l’histoire des échanges et des maisons de négoce tant aux
Caraïbes que dans l’océan Indien (maison Faure frères) se sont étiolées après le départ en
retraite de notre collègue
6
d’autant plus que son éphémère successeur potentiel était
surtout spécialiste des relations franco-américaines au tournant du XIXe siècle et a dû
migrer vers le grand port ultramarin de Nice… D’ailleurs, dans son fameux ouvrage de
synthèse consacré aux dynasties bourgeoises bordelaises
7
, P. Butel lui-même ne s’est guère
préoccupé des entrepreneurs girondins tournés vers l’Afrique (Maurel & Prom, etc.), l’Inde
ou même les Antilles car il a surtout précisé les contours de la bourgeoisie des vins.
1
Chantal Chanson-Jabeur & Odile Goerg (dir.), « Mama Africa ». Hommage à Catherine
Coquery-Vidrovitch, Paris, L’Harmattan, 2005. Cf. aussi le numéro spécial double Revue française
d'histoire d’outre-mer, n°232-233, L'Afrique et la crise de 1930, Actes du colloque de l'Université
Paris 7 ; publié en volume distinct par la Société française d’histoire d’outre mer.
2
Hélène d’Almeida-Topor & Monique Lakroum, L’Europe et l’Afrique, un siècle d’échanges
économiques, Paris, Armand Colin, 1994.
3
Pierre Brocheux & Daniel Hémery, Indochine, la colonisation ambiguë, 1858-1954, Paris, La
Découverte, 1995, réédition en 2001.
4
Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français, histoire d'un divorce, Paris, Albin
Michel, 1984.
5
Pierre Guillaume, Le monde colonial, xixe-xxe siècles, Paris, Armand Colin, collection U, 1974 et
1994 (désormais épuisé).
6
Cf. Silvia Marzagalli & Hubert Bonin (dir.), Négoce, ports et océans. Hommages à Paul Butel,
Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2000.
7
Paul Butel, Les dynasties bordelaises, de Colbert à Chaban, Bordeaux, Perrin, 1991.
2
A contrario, la vitalité du pôle de recherches marseillais, durant les années 1980-1990,
avait permis de bâtir une véritable cathédrale de livres, tant dans le sillage de la Chambre
de commerce, qui avait construit une merveilleuse collection d’ouvrages robustes et
défricheurs
8
que dans diverses publications universitaires ; si le décès du principal
animateur de ce pôle à la CCIMP a suspendu ce mouvement, le relais a été fermement
assumé par l’université voisine, notamment autour de Colette Dubois
9
et désormais de
Xavier Daumalin. De même, en ce début du XXIe siècle, c’est à Toulouse que s’est peu à peu
cristallisé un pôle d’excellence en histoire ultramarine contemporaine, au sein de l’UMR
FRAMESPA, avec des programmes de recherche ouverts sur l’histoire du tourisme
ultramarin, sur l’histoire des « cultures coloniales »
10
, des migrations, etc. ce qui a
encore plus mis en évidence le « désert » girondin dans ces domaines.
Par chance, on le sait bien, ce sont les géographes qui avaient enraciné l’analyse de
l’évolution de multiples pans de l’économie ultramarine, notamment aux Caraïbes et en
Afrique subsaharienne, puisque, dans le sillage de la « géographie tropicale » (Guy
Lasserre, Paul Pélissier, etc.), plusieurs géographes se sont attachés à reconstituer, en
amont des parties géographiques de leur thèse, une histoire des mutations antérieures aux
faits (alors contemporains) qu’ils analysaient. L’on connaît les thèses magistrales de Jean-
Claude Maillart sur la géographie de la banane
11
et d’Yves Péhaut sur les oléagineux
africains
12
, et toutes deux contiennent d’amples considérations sur ce qui véritablement
devenu depuis lors des morceaux d’histoire économique ultramarine. Le dépouillement
des fameux Cahiers d’outre-mer livre nombre de pistes à suivre par les historiens, comme
le retrace d’ailleurs le numéro spécial
13
publié à l’occasion du cinquantième anniversaire de
cette revue en 1997. Et l’on sait qu’Y. Péhaut lui-même a entrepris une vaste recherche
pour reconstituer l’histoire de la maison de négoce girondine Maurel & Prom, de ses
origines dans les années 1830-1850 à ses crises du milieu du XXe siècle, grâce au gros fonds
d’archives cédé par les gestionnaires de la société défaillante aux Archives départementales
de la Gironde dans les années 1980, ce qui permet d’ores et déjà de disposer de réflexions
8
Par exemple : Xavier Daumalin, « Frédéric Bohn, l’Africain, 1852-1923 », in Marcel Courdurié &
Guy Durand (dir.), Entrepreneurs d’empires, Collection de l’histoire du commerce et de l’industrie
de Marseille aux XIXe et XXe siècles, tome 13, Marseille, Chambre de commerce et d’industrie
Marseille-Provence, 1998, pp. 199-268. Xavier Daumalin, « Marseille, l’Ouest africain et la crise »,
Marcel Courdurié & Jean-Louis Miège (dir.), Marseille colonial face à la crise de 1929, Collection
de l’histoire du commerce et de l’industrie de Marseille aux XIXe et XXe siècles, tome 13, Marseille,
Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence, 1991, pp. 167-244. Olivier Lambert,
Marseille entre tradition et modernité. Les espérances déçues (1919-1939), Marseille, Publications
de la Chambre de commerce & d’industrie, 2000. Olivier Lambert, Marseille et Madagascar.
Entrepreneurs et activités portuaires, stratégies économiques et mentalités coloniales (1840-
1976), Marseille, Publications de la Chambre de commerce & d’industrie, 2000.
9
Cf. Colette Dubois, L’or blanc de Djibouti. Salines et sauniers (XIXe-XXe siècles), Paris, Karthala,
2003.
10
Par exemple : Sophie Dulucq & Colette Zytnicki, Décoloniser l’histoire ? De « l’histoire
coloniale » aux histoires nationales en Amérique latine et en Afrique, Paris, Publications de la
SFHOM, 2003. Colette Zytnicki & Chantal Bordes-Benayoun, Sud-Nord. Cultures coloniales en
France (XIXe-XXe siècles), Toulouse, Privat, 2004. Habib Kazdaghli, Colette Zytnicki, Driss
Boumeggouti & Alet Valero (dir.), Pour une histoire du tourisme au Maghreb, XIXe-XXe siècles, n°
spécial de Revue Tourisme, numéro 15, juin 2006.
11
Jean-Claude Maillart, Le marché internationale de la banane, Pessac, Université Michel de
Montaigne-Bordeaux3, 1983.
12
Yves Péhaut, Les oléagineux dans les pays d’Afrique occidentale associés au Marché commun,
thèse de doctorat d’État, 1973,
13
Cf. Cahiers d’outre-mer, numéro spécial n°200, 50e année, 1997, Bordeaux & l’outre-mer, 1948-
1997. Notamment : Alain Huetz de Lemps, « Les géographes de Bordeaux & l’outre-mer », pp. 541-
573. P. Vennetier, « 50 ans de Cahiers d’outre-mer. Essai de bilan scientifique », pp. 575-605.
3
intéressantes
14
. Cela dit, de l’autre côté du campus, à l’Université Montesquieu-Bordeaux
4, il est également possible de mobiliser aujourd’hui une partie de « la littérature »
élaborée par les économistes spécialistes du « développement » pour en extraire des
éléments utiles à des réflexions historiques.
Cette brève rétrospective laisse augurer de multiples lacunes dans l’histoire de l’économie
ultramarine contemporaine tant du pôle d’échanges girondin que des économies avec
lesquelles il était en relation de domination négociante ou transitaire ou de flux d’import-
export. D’ailleurs, le manque d’intérêt de la communauté historienne explique que l’on ait
laissé les maisons de commerce détruire toutes leurs archives quand elles se sont
effondrées dans les années 1960-1970. L’histoire du rôle joué par Bordeaux (son port
15
, ses
entreprises, ses élites patronales, ses institutions représentatives
16
, ses groupes de
représentation d’intérêts) dans la colonisation économique et dans l’évolution économique
ultramarine fournit de nombreuses terrae incognitae ; et l’on se prend à rêver de la
magnificence de la recherche effectuée par Claude Malon
17
sur Le Havre. Et ce sont
souvent des « horsains », des chercheurs d’autres pôles universitaires, qui ont effectué
quelques percées historiques, mais sans ensemble structuré et durable
18
.
2. Le défrichement de quelques pistes d’histoire économique ultramarine
depuis le tournant du siècle
Sans autre prétention que d’effectuer une modeste recension dans le cadre de la mission
qui nous a été impartie, nous voudrions indiquer que le pôle académique girondin a enfin
intégré une dimension d’histoire économique ultramarine contemporaine depuis une
quinzaine d’années. Le simple fait du hasard a joué d’abord pour l’essentiel au gré des
pistes esquissées suite à des rencontres avec des entreprises, des familles ou des
chercheurs. C’est la mobilisation de notre capital de compétences en histoire d’entreprise –
celle-ci (parfois sous son nom anglo-américain de business history) s’étant érigée en
véritable sous-discipline de l’histoire, avec son corpus de problématiques, de méthodes et
de déontologie qui a servi de déclencheur pour faire de nous, qui étions jusqu’alors
cantonné strictement dans l’histoire bancaire, un amateur d’histoire économique
14
Yves Péhaut, « Géographie, colonies et commerce à Bordeaux, 1874-1939 », in Michel Bruneau &
Daniel Dory (dir.), Géographie des colonisations, Paris, L’Harmattan, 1994, pp. 77-94.
15
. Robert Chevet, Le port de Bordeaux au XXe siècle, Bordeaux, L’Horizon chimérique, 1995.
Joseph Lajugie, « Le port de Bordeaux au milieu du XXe siècle », in Problèmes de l’agglomération
bordelaise, tome 1, Bordeaux, Collections de lIERSO, Bière, 1957.
16
Paul Butel (dir.), Histoire de la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux des origines à
nos jours (1705-1985), Bordeaux, CCIB, 1987. Le livre consacre peu de lignes aux représentants du
négoce africain, asiatique ou antillais. Stéphane Boudjema, Histoire de la Chambre de commerce
et d’industrie de Bordeaux, 1945-1954. Dix ans de reconstruction, mémoire de recherche de l’IEP
de Bordeaux (H. Bonin dir.), 1995.
17
Claude Malon, Le Havre colonial de 1880 à 1960, Le Havre, Publications des Universités de
Rouen et du Havre-Presses universitaires de Caen, 2005.
18
Pierre Guillaud, Vie et mort des sociétés commerciales coloniales bordelaises de la côte
occidentale d’Afrique : Peyrissac, 1847-1963, thèse de l’Université de Paris 7, 1988 (non publiée).
Joan Droege Casey, Bordeaux Colonial Port of 19th Century France, Dissertation in European
Economies, New York, Arno Press, 1981. Régis Robin, « La Grande Dépression vue et vécue par
une société d’import-export en AOF : Peyrissac (1924-1939 », Revue française d’histoire d’outre-
mer, numéro spécial L’Afrique et la crise de 1930 (1924-1938), n°232-233, 1976, pp. 544-554. Alain
Simon, Comptoirs et villes coloniales du Sénégal. Saint-Louis, Gorée, Dakar, Paris, Karthala-
ORSTOM, 1993. Kham Vorapheth, « Troisième Partie. Denis frères », Commerce et
industrialisation en Indochine, 1860-1945, Paris, Les Indes savantes, 2004, pp. 425-515 ; l’auteur
se concentre largement sur l’étude du positionnement stratégique de la firme. Jean-Luc Angrand,
Céleste ou le temps des signares, Sarcelles, Édition Anne Pépin, 2006.
4
ultramarine. Le centenaire de la Compagnie française de l’Afrique occidentale (CFAO) en
1987 en a été le levier, puisque notre livre a ouvert la voie à la prise en considération d’une
approche « coloniale » ou ultramarine de l’histoire des banques et à une ouverture à
l’histoire du négoce.
A. Le défrichement de pistes en histoire bancaire ultramarine
L’histoire bancaire ultramarine restait largement méconnue
19
et nous avons désormais
balayé le champ des archives mobilisées pour nos recherches dans notre « majeure »
d’histoire des banques françaises (notamment la Société générale) afin de nourrir notre
« mineure ». La préparation de notre livre
20
sur l’histoire de Société bordelaise de CIC nous
a ainsi permis de consacrer des pages étoffées à la bourgeoisie du négoce ultramarin qui
accompagnait la banque dans sa croissance et bénéficiait de ses crédits d’autant plus que
le patron de la Banque dans les années 1930-1950 était aussi le président de Maurel &
Prom La construction de notre histoire de ce qui avait été la deuxième grande banque
d’affaires française, la Banque de l’union parisienne
21
, nous a révélé combien cette maison
était tournée vers les outre-mers africains tant maghrébins que subsahariens ; et nous
avons en particulier profité de cette occasion pour préciser des pans de l’histoire de la
banque qu’elle parrainait puis contrôlait, la Compagnie algérienne
22
. L’accueil par le pôle
d’archives du groupe de la Société générale d’un gros lot d’archives d’une maison dont elle
venait d’absorber le descendant a relancé notre programme de recherche
23
et nous a
permis de franchir une nouvelle étape dans notre connaissance d’un véritable système
bancaire impérial
24
. Aussi cet axe de recherche a-t-il pris de la substance au fil des années :
notre projet est de bien préciser les contours de l’engagement ultramarin des banques
françaises, à la fois en général (notre prochain objectif étant la Société générale des années
1890-1940), mais aussi en particulier dans l’aire asiatique où, après avoir dessiné un cadre
19
H. Bonin, « L’outre-mer, marché pour la banque commerciale (1876-1985) ? », in Jacques
Marseille (dir.), La France & l’outre-mer (actes du colloque de novembre 1996 ; Les relations
économiques & financières entre la France & la France d’outre-mer), Paris, Comité pour l’histoire
économique & financière de la France, 1998, pp. 437-483. H. Bonin, « Le Comptoir national
d’escompte de Paris, une banque impériale (1848-1940) », Revue française d’histoire d’outre-mer,
tome 78, n°293, 1991, pp. 477-497.
20
H. Bonin, Histoire de la Société bordelaise de CIC (1880-1990), Bordeaux, L’Horizon chimérique,
1991 (en cours de réédition complétée et remodelée, en 2008).
21
H. Bonin, La Banque de l’union parisienne. Histoire de la deuxième banque d’affaires française
(1874/1904-1974), Paris, PLAGE, 2001.
22
H. Bonin, « La Compagnie algérienne levier de la colonisation et prospère grâce à elle (1865-
1939) », Revue française d’histoire d’outre-mer, n°328-329, second semestre 2000, pp. 209-230.
H. Bonin, « Une histoire bancaire transméditerranéenne : la Compagnie algérienne, d’un ultime
apogée au repli (1945-1970) », in Daniel Lefeuvre (et alii, dir.), La Guerre d’Algérie au miroir des
décolonisations françaises (En l’honneur de Charles-Robert Ageron), éditions de la Société
française d’histoire d’outre-mer, 2000, pp. 151-176 (seconde édition en 2005).
23
H. Bonin, Un outre-mer bancaire méditerranéen. Le Crédit foncier d’Algérie & de Tunisie
(1880-1997), Paris, Publications de la Société française d’histoire d’outre-mer, 2004. H. Bonin,
« Une banque française maître d’oeuvre d’un outre-mer levantin : le Crédit foncier d’Algérie & de
Tunisie, du Maghreb à la Méditerranée orientale (1919-1970) », Outre-Mers. Revue d’histoire,
premier semestre 2004, tome 91, n°342-343, pp. 239-272. H. Bonin, « Un outre-mer bancaire en
Orient méditerranéen : des banques françaises marraines de la Banque de Salonique (de 1907 à la
Seconde Guerre mondiale) », Revue historique, CCCV/3, novembre 2003, pp. 268-302.
24
H. Bonin, « Les réseaux bancaires parisiens et l’empire : comment mesurer la capacité
d’influence des ’’banquiers impériaux” ? » in H. Bonin, Jean-François Klein et Catherine Hodeir
(dir.), L’esprit économique impérial (1830-1970). Groupes de pression & réseaux du patronat
colonial en France & dans l’empire, Paris, Publications de la SFHOM, 2007.
5
général rétrospectif
25
, nous avons enclenché un programme pluriannuel concernant Hong
Kong
26
et diverses places du Sud chinois (Canton, etc.) heureusement accompagné en
parallèle et en toute indépendance par le projet lancé en 2007 à propos de l’histoire de la
place de Shanghai par notre jeune collègue Christophe Lastécouères, qui a rejoint
l’Université de Bordeaux 3 en septembre 2007. Enfin, un projet plus ciblé sur l’Afrique
s’est dessiné au hasard des contacts avec des doctorants originaires de ce continent ; il vise
à reconstituer l’histoire des banques en Afrique subsaharienne française
27
et du système
bancaire de part et d’autre des indépendances
28
, ainsi qu’à préciser les formes nouvelles de
banque multinationale
29
ou d’exercice des métiers de la banque en fonction de la
configuration spécifique de l’environnement socio-économique
30
.
B. Le défrichement de pistes en histoire des services en Afrique
Nous étions déjà orienté fortement vers l’économie tertiaire par le biais de l’histoire
bancaire et nous avons souhaité au fil des années apporter notre pierre à la construction de
l’édifice de l’histoire des entreprises de services – tandis que l’histoire d’entreprise s’était
tournée d’abord vers les groupes industriels, symboles de puissance, des maîtres de forges
aux capitaines d’industrie. Depuis vingt ans
31
, nous scrutons l’histoire générale des
fonctions entrepreneuriales et stratégiques de la Compagnie de Suez
32
, notamment de sa
première mouture, la Compagnie du canal de Suez ; nous avons entrepris d’effectuer une
mise à jour de nos recherches originelles et d’y injecter du matériau et des problématiques
nouvelles, en tenant compte des recherches de la communauté internationale d’histoire
maritime ; et nous dirigeons une thèse
33
consacrée à un thème resté paradoxalement
méconnu, l’histoire de la gestion du canal depuis sa nationalisation par Nasser en juillet
25
« Les banquiers français en Chine (1860-1950) : Shanghai et Hong Kong, relais d’un
impérialisme bancaire ou plates-formes d’outre-mers multiformes ? », in Laurent Cesari & Denis
Varaschin (dir.), Les relations franco-chinoises au vingtième siècle et leurs antécédents, Arras,
Artois Presses Université, 2003, pp. 157-172. « Les banquiers français à Shanghai dans les années
1860-1940 », dans Le Paris de l’Orient. Présence française à Shanghai, 1849-1946, Boulogne-sur-
Seine, Musée Albert Kahn, 2002, pp. 113-119. « L’activité des banques françaises dans l’Asie du
Pacifique des années 1860 aux années 1940 », Revue française d'histoire d'outre-mer, 1994, tome
81, n°305, pp. 401-425. « The French banks in the Pacific area (1860-1945) », in Olive Checkland,
Shizuya Nishimura & Norio Tamaki (dir.), Pacific Banking (1859-1959). East Meets West (actes du
colloque de Tokyo, 1993), Londres, Macmillan, & New York, St. Martin’s Press, 1994, pp. 61-74.
26
H. Bonin, “French banks in Hong Kong (1860s-1950s): Challengers to British
banks?”, à paraître en 2008.
27
Stéphane Moulengui Moulengui, La construction et l’évolution d’un système bancaire en Afrique
centrale dans les années 1950-1970, thèse de doctorat soutenue à l’Université Michel de
Montaigne-Bordeaux 3, décembre 2006.
28
Élodie Ngouende, Naissance, évolution et rôle d’une banque d’émission : la Banque d’émission
d’Afrique centrale (1955-1972), thèse en cours.
29
Frédéric Miézan Miézan, Histoire de la Banque africaine de développement et de son
intervention en Côte-d’Ivoire, thèse de doctorat soutenue à l’Université Michel de Montaigne-
Bordeaux 3, décembre 2006..
30
Madické Mbodj Ndiaye, Micro-crédit et développement rural au Sénégal), thèse en cours,
Université Montesquieu-Bordeaux 4 (UMR GRETHA).
31
H. Bonin, Suez. Du canal à la finance (1858-1987), Paris, Économica, 1987. « Suez », in Claude
Liauzu (dir.), Dictionnaire de la colonisation française, Paris, Larousse, 2007. « The Compagnie
du canal de Suez and transit shipping, 1900-1956 », International Journal of Maritime History,
XVII, n°2, décembre 2005, pp. 87-112.
32
Une jeune collègue parisienne, Caroline Piquet, s’est attachée quant à elle depuis plusieurs
années à préciser l’implantation égyptienne de la Compagnie du canal.
33
Ahmed Ouazzani, La gestion du canal de Suez depuis sa nationalisation par l’Égypte en 1956,
thèse en cours.
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