Dieu ne cache pas, non plus, le but visé par les jugements. Pour l'Egypte “ Les Egyptiens
connaîtront que je suis Yahvé ” (7 : 5 ; 14 : 4, 18).
Pour Israël,
“ C'est aussi pour que tu racontes à ton fils et au fils de ton fils comment j'ai traité les
Egyptiens, et quels signes j'ai fait éclater au milieu d'eux. Et vous saurez que je suis Yahvé ” (10 :
2).
Le dessein de Dieu est donc de se révéler aux uns et aux autres sous le nom de Yahvé (cp. 3 :
14 ss), c'est-à-dire Celui qui était, qui est et qui sera, sans début ni fin, unique, universel, immuable,
et qui, usant de ses droits, intervient dans les affaires des hommes pour être le Rédempteur des uns
et le Juge des autres. En Egypte comme ailleurs...
Le verbe “endurcir” d'ailleurs traduit trois termes hébraïques
1) “ Je rendrai son coeur ferme ” (4 : 21) pour que son attitude envers Israël ne change pas ;
2) “ Je rendrai son coeur dur ” (7 : 3), ou dépourvu de sentiment ;
3) “ J'ai rendu son coeur lourd ” (10: 1), c'est-à-dire insensible aux influences divines.
Ces trois termes expriment une progression dynamique dans l'endurcissement du coeur de
Pharaon. Mais nous sommes loin d'avoir épuisé les textes ! A trois reprises, Pharaon endurcit son
coeur (8 : 11, 28 ; 9 : 34), et six fois, son coeur s'endurcit sans que la raison soit précisée, mais où le
contexte laisse clairement entendre qu'il en porte la responsabilité (7 : 13, 14, 22 ; 8 : 15 ; 9 : 7, 35).
Enfin, comme nous l'avons déjà vu, Dieu annonce son jugement; de plus, il endurcit cinq fois le
coeur de Pharaon (9 : 12 ; 10 : 20, 27 ; 11 : 10 ; 14 : 8). Dans l'ordre des formules, c'est
“l'auto-endurcissement” de Pharaon qui a la priorité, notamment en rapport avec les cinq premiers
jugements. La première intervention effective de Dieu, pour “rendre ferme” le coeur de Pharaon, ne
se manifeste qu'après la sixième plaie (9 : 12). Pharaon continue de pécher à la suite du septième
miracle (9 : 34, 35), puis Dieu prend la relève... Il entérine en la confirmant, la décision maintes fois
réitérée de Pharaon; il endurcit ceux qui s'endurcissent eux-mêmes !
Théodoret, au 5e siècle, l'avait bien compris :
“ Le soleil, par la force de sa chaleur, fait fondre la cire et sécher l'argile, ramollissant l'une
et durcissant l'autre ; et comme la même puissance produit des effets opposés, ainsi, au travers de
la longanimité de Dieu qui atteint tout /a monde, certains reçoivent le bien, et d'autres le mal,
certains sont adoucis et d'autres endurcis ”.
Car Dieu avait fait preuve de longanimité ! Tout au long de son face-à-face avec Pharaon, il
lui avait tendu la perche, multipliant signes, annonces, menaces, avertissements et appels,
promesses même. L'homme reste sans excuse, après tant d'occasions de se repentir.
Quelques citations et réflexions en vrac
“ Pharaon fait preuve d'obstination ; il a une volonté de fer qui le rend incapable de modifier
ses habitudes de pensée et de s'adapter à des idées nouvelles. L'expression biblique “coeur
endurci” se rapporte moins aux sentiments qu'à l'entendement, à la volonté, à l'intelligence et à la
réponse ”.
“ Cet endurcissement est un fruit du péché, une conséquence de la volonté égocentrique, de la
pensée hautaine et de l'orgueil qui découle du péché ; (il est) l'abus continu et grandissant de la
Théodoret, quaest. 12 in Ex.
Alan Cole, Exodus, Introduction and Commentary, Inter-Varsity, 1977, p. 77.