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LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA
LES INSECTES
Tableau 2. Espèces significativement plus abondantes dans un type de forêt ou dans
l’autre. Seules les espèces capturées à plus de dix reprises au total sont
considérées. Les probabilités associées au test non-paramétrique de Mann-
Whitney sont indiquées.
Seconde-venue Vierges p
Anisotoma inops (Brown) 0,7 3,8 0,001
Anisotoma horni (Wheeler) 4,9 12,5 0,011
Agathidium pr. assimile (Fall) 1,0 0,1 0,011
Colon boreale (Peck & Stephan) 3,2 0,6 0,001
(fongivore)
Rappelons toutefois que pour une bonne partie des espèces
présentes en forêt boréale, particulièrement chez les insectes,
ces liens écologiques complexes unissant des organismes
minuscules, aux habitudes souvent cryptiques, sont la norme
plutôt que l’exception.
Parmi toutes les espèces de léiodides capturées, seule-
ment quatre sont significativement moins abondantes dans
un type de forêt que dans l’autre (tableau 2), et toutes les
espèces capturées à plus de trois reprises sont présentes
aux deux endroits. Ceci s’explique probablement, en bonne
partie, par leur bonne capacité de dispersion par le vol, ce qui
facilite la colonisation des sites favorables même lorsqu’ils
sont très dispersés au sein d’un milieu défavorable. Cepen-
dant, les faibles quantités observées chez quelques espèces
d’Anisotoma sont intéressantes et confirment les tendances
observées plus haut pour les quatre groupes de léiodides. Le
cas d’Anisotoma inops, significativement plus abondant dans
les sapinières vierges, est particulièrement intéressant à
ce propos puisque Chandler et Peck (1992) avaient égale-
ment identifié cette espèce comme un indicateur de forêt
ancienne, lors de leur étude dans des érablières du New
Hampshire.
Conclusion
Bien que nous n’ayons pas constaté d’absence pure et
simple d’espèces de léiodides dans les sapinières de seconde-
venue par rapport aux vieilles sapinières vierges, l’équilibre
des communautés, qui est un aspect fondamental de la
biodiversité et qui à ce titre doit être préservé dans nos forêts,
y paraît sensiblement modifié. Pour le genre Anisotoma en
particulier, il semble que la disparition de certaines catégo-
ries de bois mort dans les sapinières aménagées joue un rôle
crucial. L’usage d’une sylviculture favorisant la présence de
ce dernier élément, par exemple via la non-récolte de quel-
ques grosses tiges lors des activités forestières ou encore
la préservation de superficies de vieilles forêts intactes au
sein des unités d’aménagement, pourrait être envisageable
à court ou moyen terme pour contrer les effets néfastes sur
ce groupe et, de façon plus générale,
pour tous les insectes dépendant direc-
tement ou indirectement du bois mort.
Il serait certes logique d’adopter des
approches d’aménagement prudentes
pendant que se poursuivent les efforts
pour l’étude des communautés d’in-
sectes forestiers et de leur résilience à
la suite de différents types de pertur-
bations. À plus long terme, ces études
devraient mener à des recommanda-
tions plus précises, s’appliquant à une
portion représentative de l’entomo-
faune en forêt boréale.
Remerciements
Cet article est un résumé d’une thèse de maîtrise
complétée à la Faculté de foresterie et de géomatique de
l’Université Laval; je remercie en particulier Louis Bélanger
et Christian Hébert qui m’ont dirigé lors de ce projet.
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