A LA BASTILLE, LE 14 JUILLET 1789 par Fernand LECANU Le reportage A LA BASTILLE, LE 14 JUILLET 1789 a été réalisé d'après les travaux de Fernand LECANU. Collaborateurs : Madeleine GENESTIER, Jean TALIMI, Josette DAVID, Claude DARMONT, Suzette KAUFMANN, Josiane PERRIAUD, Gigi SÉNÉCAL et Madeleine TONOSSI. Nous remercions Pierrette GUIBOURDENCHE pour sa participation. Les autres pages de ce magazine ont été réalisées avec l'aide de Martine BONCOURT, Madeleine GINET, Annick DEBORD, Marie-Thérèse LEFEUVRE et Solange LÉVIS. Coordination générale du chantier BTJ : Jean VILLEROT. Maquette : François GOALEC (reportage) et Jérôme BERTRAND (magazine). Page IV de couverture Le 14-Juillet, on décore de drapeaux les monuments publics, on danse dans les rues, on fait la retraite aux flambeaux, on lance des feux d'artifice. Sais-tu pourquoi ce jour-là ? La fête nationale, en France, rappelle le souvenir du 14 juillet 1789, jour où les Parisiens ont eu le courage d'attaquer la Bastille, la forteresse du roi. Jour important de l'histoire de la France car ce fut le début de ce qu'on appelle la Révolution. Si tu veux de plus amples renseignements sur cette époque : tu peux lire les suppléments BT (SBT) n° 52, n° 94, n° 137, n° 187, n° 256, n° 310, n° 361 ; les BT n°857 etn° 993. Pour les adultes qui veulent aider les enfants à lire cette BTJ Le 14 juillet 1 789 fut le début d'une épopée essentielle dans la vie des Français : la Révolution française. On a beaucoup écrit sur la prise de la Bastille. Certains auteurs ont voulu y voir la manipulation de la foule ; d'autres ont parlé d'exploit, la forteresse étant jugée imprenable. L'étude des documents de l'époque montre que la Bastille était devenue un vieux bâtiment dont l'entretien coûtait cher et dont on projetait déjà la démolition. A l'intérieur, pour la défendre, seulement des invalides et trente soldats suisses. Et cette grande prison pour seulement sept prisonniers ! Mais elle restait le symbole de la toute-puissance du roi et, ce jour-là, le peuple a osé s'attaquer au pouvoir du roi. Le 14 juillet, c’est la fête nationale. C’est une vieille histoire, souvenir du 14 juillet 1789. Un château fort devenu prison Il existait, à Paris, un très grand château fort qu’on appelait la Bastille. Charles V en avait décidé la construction en 1369 pour défendre l’entrée de Paris par la porte Saint-Antoine. C’était la guerre de Cent Ans ; le royaume de France était en lutte contre les Anglais. La construction de la Bastille dura une quinzaine d’années de 1369 à 1383. Pendant trois cents ans, la Bastille ne fut qu’un bâtiment militaire et servait de résidence à des grands personnages de passage à Paris. C’est Richelieu, au début du règne de Louis XIII*, qui la transforma en prison d’État, c’est-à-dire une prison où étaient enfermés des gens arrêtés sur un ordre signé du roi : la lettre de cachet. * Louis XIII : roi de France de 1610 à 1643. Une lettre de cachet Regarde cette lettre de cachet*. Louis XVI, qui réside à Versailles, a signé ainsi que son ministre, le baron de Breteuil. Il ordonne au gouverneur de la Bastille, Mgr de Launay, de recevoir comme prisonnier son cousin, le cardinal de Rohan. Le roi ne mentionne ni la cause ni la durée de l’emprisonnement. Ainsi furent emprisonnés : des gens ayant déplu au roi, des écrivains et des journalistes, des officiers, des espions, des conspirateurs, des faux-monnayeurs, des individus mêlés à des affaires de poison ou de sorcellerie, des personnes emprisonnées à la demande de leur famille. Il fallait une nouvelle lettre de cachet pour être libéré. * Le cachet était le sceau de cire portant la marque du roi. Il était collé à un ruban. La Bastille dans Paris A sa construction, la Bastille était un bâtiment rectangulaire composé de huit tours rondes d’une trentaine de mètres de haut. La Bastille faisait partie du rempart de la ville. Peu à peu, la ville du Moyen Age a débordé de ses murs. C’est ainsi que se sont bâtis les faubourgs. Sous les murs mêmes de la forteresse se sont ouvertes des boutiques. Quatre cents ans plus tard, en 1784, pour obtenir de l’argent, Calonne*, ministre des Finances de Louis XVI, décida de faire payer une taxe sur l’entrée et la sortie des marchandises. Pour faciliter la collecte de cet impôt, il autorisa les fermiers généraux, ses percepteurs, à construire un mur de trois mètres de haut. Cette enceinte était percée de cinquante-quatre portes. A l’est de la forteresse, un bastion triangulaire défendait l’entrée de Paris par la porte Saint-Antoine. Calonne : ministre des Finances de 1783 à 1787. Une prison détestée des Parisiens Chacune des huit tours portait un nom : tour du Coin, de la Chapelle, du Trésor, de la Comté, de la Basinière, du Puits et de la Liberté. Dans cette dernière tour, on logeait les prisonniers qui pouvaient descendre se promener librement dans les cours. La Bastille pouvait recevoir quarante-deux prisonniers ; mais ce fut rarement le cas. Les “ embastillés ” étaient assez bien traités. Ceux qui le pouvaient amélioraient l’ameublement de leur cellule avec des objets personnels. La nourriture était bonne, et quelques prisonniers avaient le droit de sortir en ville à condition de s’engager à rentrer le soir. Mais la Bastille coûtait cher. Par économie, Necker*, ministre de Louis XVI, projetait de la fermer et de la démolir. Dès 1784, un architecte avait prévu d’aménager une place avec en son centre un monument à la gloire de Louis XVI. De plus, les Parisiens n’aimaient pas la Bastille. Trop de gens avaient été enfermés sans raison ou pour les empêcher de s’exprimer. Elle représentait l’autorité et le pouvoir du roi de France. Aussi demandaient-ils sa destruction dans les cahiers de doléances. Necker : ministre des Finances de Louis XVI de 1772 à 1781, Premier ministre de Louis XVI de 1788 à 1789. Les cahiers de doléances ... En 1788, les coffres de l’État sont vides : les dépenses militaires et la vie de la cour à Versailles coûtent cher. De plus, une mauvaise récolte de blé entraîne une famine dans le royaume. ... et les états généraux de 1789 Louis XVI décide de réunir les états généraux, c’est-à-dire de faire venir à Versailles, le 5 mai 1789, des représentants des habitants du royaume. Ceux-ci sont divisés en trois groupes : l’ordre du clergé, l’ordre de la noblesse et l’ordre du tiers état. Pour préparer cette assemblée, chaque ordre rédige ses cahiers de doléances qui représentent la situation générale de la France en 1789. Ces cahiers renferment des plaintes et des revendications sur la vie quotidienne et proposent des solutions pour améliorer la situation du royaume et faire face aux misères et injustices. Aux armes ! Le peuple de Paris soutient la nouvelle Assemblée. Dans tous les quartiers de la ville, on se réunit, on s’agite. Des orateurs racontent ce qui se passe. Le roi ne veut pas de réforme. Le roi ne veut pas écouter les députés du tiers état. Le roi fait venir des régiments autour de Paris. Necker, Premier ministre propose au roi d’accorder quelques changements demandés par l’Assemblée nationale. Mais, le 12 juillet, le roi renvoie Necker. C’en est trop ! Cela déclenche la colère du peuple : “ Aux armes, aux armes ! ” A la Bastille ! Toute la journée du 13 juillet, on recherche des armes. On pille des boutiques d’armuriers mais c’est insuffisant. Il est nécessaire d’avoir les fusils entreposés aux Invalides*. Le 14 juillet au matin, une foule immense s’est rassemblée sur l’esplanade des Invalides. Malgré l’opposition du gouverneur, les manifestants s’emparent des armes. Mais la poudre et les cartouches ont été entreposées à 1a Bastille. Et c’est un nouveau cri qui s’élève : “ A la Bastille ! A la Bastille ! ” L’hôtel des Invalides abritait les vieux soldats qui n’étaient plus aptes au service. On y trouvait également des magasins d’armements. La prise de la Bastille La foule se dirige vers la Bastille. A quatre reprises dans la journée, des délégations essaient de discuter avec le gouverneur et les gardes de la forteresse. Ces discussions sont sans succès. La foule s’impatiente. On crie maintenant: “ Nous voulons la Bastille ! ” Quelques personnes réussissent à abattre le premier pont-levis et se ruent dans la cour. La foule suit. On tire des coups de feu du haut des tours. Ce sont les premiers tués... Le combat s’engage. Un ancien sergent, Hulin, et des soldats des gardes françaises viennent se joindre à la foule. Ils prennent la direction des opérations et installent les canons des Invalides devant le grand pont-levis. Le gouverneur de la Bastille, Mgr de Launay, veut faire sauter toutes les réserves de poudre... Un invalide lui barre la route... alors il se rend. Il est cinq heures du soir. Hulin essaie de le protéger. Mais la foule victorieuse s’engouffre dans la Bastille. On arrache de Launay à ses protecteurs et on le met à mort. On ne lui pardonne pas d’avoir donné l’ordre de tirer sur le peuple. On libère les sept prisonniers, et on prend une partie de la poudre. Le reste est ramené à l’Arsenal ; c’était l’endroit où l’on fabriquait les armes. Ce jour-là, le roi écrivit sur son agenda : RIEN. Et pourtant, le peuple venait d’oser s’attaquer à son pouvoir en prenant la Bastille. La Révolution française Le peuple avait pris conscience qu’il pouvait aller plus loin et qu’il fallait continuer à exiger des changements. C’est le début de la Révolution française. Elle a duré une dizaine d’années. Pendant cette période, que d’événements et de changements se sont produits dans des domaines divers ! En particulier : l’abolition des privilèges du clergé et de la noblesse, la création des départements et du système métrique, la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En septembre 1792, le pouvoir du roi est aboli. Il ne peut plus gouverner le pays à lui tout seul. On proclame la République qui s’appuie sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En août 1789, l’Assemblée constituante rédige la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Les constitutions françaises depuis 1789, ainsi que la plupart des constitutions du monde, prennent pour base les principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La fête nationale Le 14 juillet 1790, il y eut une grande fête à Paris avec des groupes venus de toute la France. Ce fut la fête de la Fédération. Ce jour anniversaire de la prise de la Bastille célébrait l’union entre le roi, la bourgeoisie et le peuple*. Elle montrait l’unité de la France entière et sa force armée. * Cette union ne devait pas durer puisque, en septembre 1792 le pouvoir du roi était aboli. Ce sont les républicains de la troisième République qui ont décidé en 1880 que le 14-juillet serait chaque année, la fête nationale