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Christoph THEOBALD, La révélation…, tout simplement, Les éditions de l’atelier, les éditions ouvrières,
Paris, 2006.
Révélation aujourd’hui…
« A l’époque moderne, le terme biblique de « révélation » prendra le dessus par rapport à tous les autres
mots susceptibles de dire le centre de la foi chrétienne. La question de l’identité du christianisme se pose
désormais avec une urgence toute nouvelle. Souvent dans le passé, l’Eglise a dû répondre à des
interrogations sur tel ou tel point de sa doctrine, le questionnement sur l’identité chrétienne ne concerne plus
seulement tel élément particulier du dogme, mais il englobe la totalité de la foi. Progressivement, la
contestation de plus en plus radicale du christianisme par la société environnante conduit à se poser la
question ultime de son origine en Dieu. L’idée de « révélation » est utilisée alors pour dire la relation
entre Dieu et l’homme, sans laisser la moindre place à une concurrence possible entre eux : Dieu ne révèle
rien de ce que nous pouvons ou pourrons un jour savoir par nous-mêmes ; il n’a qu’une seule
« chose » à nous dire, un seul « mystère » à nous révéler, c’est Lui-même et Lui-même comme destinée
de l’humanité. » (Introduction, p. 5)
Révélation dans la vie…
Christoph Theobald observe des expériences de « révélation » dans la vie de tous les jours, dans tous les
domaines : scientifiques, publics et vie ordinaire. Il passe en revue tous les mots, toutes les situations qui
disent que quelque chose de nouveau vient d’être « dévoilé » : un nouveau « génie », une nouvelle
« découverte », ou simplement un « ça y est, j’ai compris »… «Dans ces conditions, l’expérience du
dévoilement peut-elle faire appel à la connaissance humaine et à la raison ? Elle prend d’abord la figure
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du dénouement d’une crise intervenue au sein d’un itinéraire individuel ou collectif. L’événement
« révélateur » qui dénoue les fils enchevêtrés d’une histoire peut parfaitement se produire au sein d’un
univers dont on ne connaît pas les tenants et les aboutissants. Mais du fait qu’il se situe toujours dans une
relation à autrui, entre l’homme et la femme, entre les parents et leurs enfants ou entre frères et
sœurs, entre peuples et nations…, il « passe » nécessairement par une parole qui brise un silence ou…
en change la qualité. Cette parole dite et éventuellement entendue dans le secret de la conscience – rien ne le
garantit – constitue alors le point de départ d’un autre type de « connaissance » qui n’a pas la
transparence pour idéal mais le respect du mystère inaliénable de l’autre. » (p. 27).
Dieu se révèle Lui-même
« La caractéristique principale de la Révélation est qu’elle ouvre sur l’intérieur même de Dieu, qu’elle est
donc auto-révélation. Dans la Constitution Dei Filius de Vatican I, le caractère absolument singulier de cet
événement d’auto-révélation divine affleure à peine ; à Vatican II, il devient le point de départ d’un long
développement : « Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître
le mystère de sa volonté (cf. Ep 1, 9) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent
dans l’Esprit-Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine » (cf. Ep 2, 18 ; 2 P 1,
4). (p. 37)
Le passage dans la « foi »
« Quand l’acte de « foi » se produit en quelqu’un, il représente pour lui un événement : « quelque chose » ou
plutôt « quelqu’un » - Dieu – est subitement et peut-être définitivement vu et entendu comme jamais avant,
sans que son mystère et celui du monde ne disparaissent – répétons-le une fois de plus. C’est un « passage »
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qui se produit dans la foi du sujet croyant qui est totalement engagé dans ce qui se passe. Il aurait pu
résister, ne pas entendre et ne pas voir, tant ce qu’il voit et entend est inattendu et inouï. Mais il est comme
vaincu par ce qui lui arrive, convaincu par la transformation dans laquelle l’acte de voir et d’entendre
l’engage, et cela d’autant plus fermement que la non-foi, la difficulté d’entendre et de voir restent présentes
en lui.
Le sens, ou l’orientation de la vie, qui se dégage de cet événement sans précédent est alors à mettre
entièrement sur le compte d’une découverte personnelle du sujet croyant. Mais il est en même temps situé
dans et provoqué par des relations entre personnes humaines. C’est précisément ce rapport significatif à telle
personne ou à tel groupe qui peut susciter le désir de recourir à une tradition existante [l’Eglise catholique,
par exemple] pour se dire à soi-même, et peut-être devant autrui, ce qu’on vient de vivre. » (p. 51)
Dieu et la « foi »
« Dieu, que donne-t-il à voir et à entendre ou encore à sentir, à toucher et à goûter quand il se révèle
en personne ? Qu’est-ce qui se passe donc pour le croyant, en lui et autour de lui, quand la démesure divine
s’avère être à sa mesure, absolument unique ? La Révélation divine, que révèle t-elle à l’homme sur
lui-même et à quelle transfiguration l’appelle-t-elle ? Nous nous sommes déjà posé ces questions, mais en
restant au « seuil » de la foi. L’ayant franchi, il faut maintenant entrer dans le jeu de la découverte, tel
qu’il devient possible quand on se laisse enseigner par autrui, en Eglise et ailleurs. Cette ouverture
ecclésiale de la foi nous fait rencontrer en premier lieu les Ecritures. Les ouvrir largement, c’est aussi sortir
de l’abstraction dans laquelle une conception purement doctrinale de la révélation risque toujours de nous
enfermer. » (p. 69)
Comment en parlent les Ecritures ?
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Christoph Theobald propose de lire les Ecritures « comme dans l’expérience de Révélation, telle qu’elle
s’est accomplie entre le Christ et les siens pour s’inscrire au plus profond de notre histoire. » (p. 72). Il
nous introduit à la lecture de la Bible, Ancien et Nouveau Testament, y compris l’Apocalypse, avec les
disciples et ceux qui ne sont pas devenus ses disciples, avec saint Paul qui ne l’a pas connu directement…
«Depuis notre traversée de l’Apocalypse de Jean, nous sommes confrontés avec la question inquiète du
prophète : « Mais qui est digne d’ouvrir le livre ? » ; et nous avons trouvé la réponse dans la manière de
Jésus d’occuper, en paroles et en actes, la place que lui offre ce livre : « Me voici, car c’est bien de moi
qu’il est écrit dans le rouleau du livre : je suis venu, ô Dieu pour faire ta volonté » (Ps 40, 7-9 en version
grecque citée par He 10, 7). Que le lecteur puisse faire cette même expérience avec d’autres ! Elle est en tout
cas sous-jacente à la rédaction de tous les textes néo-testamentaires parcourus dans ce chapitre. L’Eglise les
a rassemblés progressivement dans un seul livre, notre Bible, en parcourant comme nous l’avons fait, le
chemin d’une pluralité de textes ou de situations humaines et ecclésiales vers l’unité d’une unique
Révélation. Probablement avons-nous déjà éprouvé, sur ce chemin de lecture et d’unification, la force
(dynamis) d’inspiration de ces textes. Nous allons l’expérimenter maintenant d’une tout autre manière
encore, quand nous ne les lirons plus pour eux-mêmes mais quand nous les redécouvrirons, de surcroît, à
partir de la « source » qui surgit à mille endroits dans nos rencontres quotidiennes, dans notre histoire et au
sein même d’un univers de plus en plus immense. » (p. 109)
Rencontrer l’autre, une révélation !
« Ce qui se passe en nous et entre nous, quand nous nous laissons rejoindre par autrui jusqu’au fond de
notre conscience, peut en effet devenir le lieu d’une révélation… » (p. 115)… « Quel événement doit donc
se produire dans l’itinéraire d’un être humain pour qu’il puisse tenir debout et éventuellement manifester
sa présence à autrui ? Peut-on considérer ce qui se passe alors comme événement « révélateur »,
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susceptible d’être compris dans la perspective ouverte par les récits de rencontres que sont les Evangiles ? »
(p. 121). Mais la rencontre n’est pas simplement un contact, elle est aussi une « ouverture » (un
« éclatement » pourrait-on dire ; les anglais disent « disclosure », mot dans lequel « dis » a un sens très fort,
comme rompre l’enfermement). Christoph Theobald rappelle des mots qui désignent de telles « situations
d’ouverture » : la joie…, le deuil…, l’angoisse…, la consolation…, la violence…, la réconciliation…,
l’amour fidèle…, etc. ; autant de « situations d’ouverture » dont « le contraste inévitable entre les
circonstances [qu’elles évoquent] nécessite que celui qui y est engagé par expérience prenne position et
interprète ce qui s’y passe… N’étant jamais donné d’avance, le sens de la vie relève en effet du libre
choix : les « situations d’ouverture » fonctionnent donc comme un appel à la décision qui passe souvent
par une relecture au moins implicite de ce qui a été vécu, voire par un récit fait à quelqu’un d’autre, mais qui
vise surtout à orienter l’avenir réouvert par elles. » (p. 122) Il avait un « avant » et il y a un « après » !
Expérience unique : l’aveu amoureux
« Toute décision qui engage la totalité d’un itinéraire est de cet ordre : le choix par exemple de rester
célibataire ou de se lier à un partenaire, de s’engager dans une profession qui exclut d’autres options ou de
faire de sa vie autre chose encore. La relation s’avère du même type si l’on passe de la simple rencontre,
faite à l’improviste, à une expérience de durée et de fidélité. Certes, on peut contester la nature définitive
de ces décisions ; on insistera alors sur le caractère provisoire de tout ce que nous vivons et on mettra les
expériences successives d’une vie sur le même plan. Mais, disons-le, rien n’exclut la possibilité de s’engager
dans un lien de fidélité à soi-même et à autrui, lien qui dépassera désormais le flux du temps pour y
esquisser déjà un « accomplissement ».
Ce genre de décision ou de relation cache en effet la mystérieuse vertu de faire sortir quelqu’un de lui-même
au point de lui permettre de déposer librement sa vie entre les mains de l’être aimé… et de la recevoir
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dorénavant de lui dans un échange entièrement gratuit, sans que l’on sache lequel des deux actes,
dessaisissement de soi ou accueil, précède l’autre. L’espèce de vulnérabilité, proche de la mort, que
produit l’aveu amoureux entre l’homme et la femme aide à comprendre que ce geste est le fruit d’un
véritable dénouement parce que si peu « naturel » pour des êtres centrés sur eux-mêmes. Mais tout se
passe, en ce moment, comme si le pressentiment d’une vie inconditionnellement et surabondamment
accordée rendait quelqu’un, pour la première fois, capable de mettre sa vie en jeu. » (p. 124)
Mourir pour vivre plus
« L’épître aux Hébreux est le seul texte néo-testamentaire à déchiffrer l’identité de Jésus de Nazareth à partir
de cette « évidence » anthropologique toute simple : « Le sort des hommes est de mourir une seule fois
(hapax). » (He 9, 27). S’il fait partie de la condition commune de « passer toute la vie dans une situation
d’esclave par crainte de la mort » (He 2, 15), et que subitement quelqu’un vienne, par une manière toute
neuve de vivre et d’anticiper l’événement unique de sa mort, « réduire à l’impuissance celui qui détient le
pouvoir de la mort » et « délivrer ceux qui vivent dans la crainte » (He 2,14) … alors le « une seule fois »
(hapax) est transformé en « une fois pour toutes » (ephapax). On comprend dès lors que la manière de
Jésus de vivre la mort dans notre humanité « faite de sang et de chair » devienne objet d’espérance
pour ceux qui l’ont précédé ; on comprend que la disparition de la « peur d’être », expérience de
« libération définitive » (He 9, 12) et de « pleine assurance » (He 10, 19), fassent de nous comme de lui,
les « héritiers de la création » (He 9, 12). » (p.128)
Une promesse de « résurrection »
« Il y a donc une promesse cachée dans le mystère de nos liens, une promesse que nous ne pouvons pas
exprimer sans utiliser le vocabulaire de « résurrection »… Le vocabulaire de la « résurrection » désigne donc
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finalement la visée d’accomplissement qui se présente comme possible dès que nous scrutons le mystère
des liens humains en ses différentes dimensions : toute décision qui engage la vie et la mort est déjà une
présence d’éternité dans le temps ; la même chose vaut pour nos relations, dès qu’elles impliquent durée
et fidélité, nous l’avons signalé. Relation et unicité manifestent, en effet de concert, qu’en fin de compte
l’invisible ou le silence ont plus de poids charnel que ce que nous voyons ou entendons : quand la
silhouette de l’être aimé disparaît de mes yeux et que sa voix s’éteint – dans l’expérience du deuil par
exemple – la relation laisse sa trace de chair en moi. » (p. 134)
Foi et promesse inscrite en notre chair
« Nécessaire pour parler de la Révélation au sens chrétien du terme, cette référence du disciple à l’itinéraire
de Jésus de Nazareth n’est pourtant pas suffisante. L’acte de foi s’adresse à Dieu lui-même : c’est son
Esprit seul qui peut nous convaincre de la présence de Jésus ressuscité dans l’orientation interne de
nos vies… Quand cette conviction se produit subitement dans une existence, c’est alors, et seulement alors,
qu’on peut parler d’autorévélation de Dieu. Les récits de l’apparition du Ressuscité correspondent à ce
moment : ce sont des récits de Révélation, qu’il s’agisse du rapport que l’apôtre Paul fait de son expérience
ou des épisodes qui achèvent nos quatre évangiles. Dieu lui-même s’y révèle comme Le Vivant –
« Celui-qui-fait-vivre-les-morts-et-appelle-à-l’existence-ce-qui-n’existe-pas » (Rom 4, 17) – en même
temps qu’il nous fait adopter, du fond de nous-mêmes, sa perspective sur Jésus et sur notre vie. » (p.
137)
Personnes « révélatrices »
Christoph Theobald considère ici l’Eglise et les saints comme une rencontre « révélatrice ». « Il n’y a donc
pas seulement des événements « révélateurs » dans une existence et des « textes inspirants ou révélateurs »
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pouvant susciter notre capacité d’engager notre vie. Il y a encore des « personnes révélatrices » - des
« passeurs », avions-nous dit – qui permettent que, le cas échéant, les textes se joignent aux
événements. Ces personnes doivent elles-mêmes avoir entendu le « heureux » évangélique ; elles se
trouvent donc parmi celles et ceux qui miraculeusement « tiennent debout » et qui peuvent être qualifiés
comme saints, tout en restant pour eux-mêmes, aux prises avec la « pesée » qui ne se termine qu’à la fin de
leur parcours. Nous indiquons là les conditions de leur crédibilité sur laquelle d’ailleurs personne ne se
trompe. » (p. 139)
Sacrements « révélateurs »
« Ce n’est pas la foi de quelqu’un qui est perçue immédiatement par autrui ni la Révélation qui l’habite, mais
c’est son rayonnement, voire sa présence significative ou « révélatrice » au sein de l’immense réseau de nos
liens. Tout ce qui précède nous permet de distinguer ici deux cas de figure : la solidité du lien entre
deux personnes ou/et la solitude de telle personne tenant debout peuvent devenir « signes » pour
d’autres, beaucoup d’autres. On retrouve, dans ces postures, deux situations sacramentelles majeures de la
tradition chrétienne : le sacrement du mariage et le sacrement de l’ordination apostolique. Des gestes ou
des signes spécifiques entourent ces deux figures pour les constituer, certes, mais ils sont tous ordonnés à
transformer les personnes elles-mêmes et leurs liens en « signes » parlants…
Le baptême est le signe fondamental de ce prodigieux passage, moment où se révèle à la fois l’identité
sacramentelle du passeur-apôtre – faisant apparaître le Christ lui-même – et l’identité du Dieu vivant dont il
est porteur… » (p. 142)
Actes « révélateurs »
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« Action, prière, pardon. La face publique et collective de notre expérience « ecclésiale » de Révélation
pointe ici…
L’extraordinaire victoire de leur vie [saints et apôtres] est de surmonter toute séparation, sans nier en rien la
solitude ultime des êtres devant Dieu. Ainsi peut-on oser définir leurs combats, par ailleurs si infiniment
variés. Ils savent bien que personne ne peut « quitter sa propre place ». Et pourtant, quelque chose en
eux, force d’âme, largeur de vue, hauteur de perspective et profondeur du sentir, leur permet à la fois
de « se mettre à la place d’autrui » et d’entrer dans un échange de sympathie et de compassion actives
avec beaucoup. Porter autrui, se laisser porter par autrui, « porter les fardeaux les uns des autres » (Ga 6, 2),
voilà la victoire sur la séparation. « Echange merveilleux » que la tradition chrétienne connaît sous les
formes d’action, de prière et de pardon, au moins. » (p. 143)
L’histoire « révélatrice »
Christoph Theobald évoque les « limites » traversées par l’histoire (des formes de société apparaissent,
disparaissent et reparaissent sous une nouvelle forme) et s’inspirant de l’Apocalypse (ch. 19 et 20), il
constate : « Mais l’accomplissement se révèle surtout positivement dans la mystérieuse mise en place
d’un jeu de relations entre individus et entre peuples, qui relève de la douceur et de la non-violence ; S.
Irénée l’avait suggéré, parlant des héritiers de la terre, et de nombreux exemples d’alliances amicales entre
êtres et collectivités pourraient être donnés. La métaphore du « repas des noces de l’agneau » pour une
foule immense (Ap 19, 6-8) dit bien cette transformation de nos rapports d’esclavage, de subordination ou
de soumission en relations amicales ou amoureuses, « révolution » qui s’accomplit dans les « mille ans »
dont parle le chapitre 20 de l’Apocalypse…
Ce texte n’es-il pas devenu aujourd’hui infiniment plus crédible qu’autrefois ? Sortir – avec d’autres,
beaucoup d’autres – de la peur qui peut nous envahir quand nous nous situons dans la proximité de la fin,
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aux trois sens évoqués à l’instant [fin d’une certaine manière de vivre la « religion », fin de la violence et
ouverture à la fraternité, le phénomène de la mondialisation, liée à la globalisation du néolibéralisme
occidental] , suppose que nous réentendions individuellement et collectivement le « heureux » qui
répond au « viens » de l’Esprit au cœur d’une humanité symbolisée par l’épouse (Ap 22, 17) ». (p.168)
Révélation du monde comme création
En observant ce qui se passe dans les sciences et les arts, dans tout le travail des hommes et des saints, on
peut parler d’un « monde révélé comme création ». « C’est en tout cas au moment où on touche à la totalité
du « réel » que s’éclaire subitement la signification ultime de la Révélation chrétienne. Tout se passe comme
si l’expérience d’une liberté entièrement intériorisée et pourtant radicalement engagée dans l’univers se
voyait renvoyée, au cœur d’elle-même et avec tout son entourage, à ce que Dieu y révèle de Lui-même :
adopter la perspective de Dieu sur l’univers, c’est réaliser, grâce à son auto-révélation, que tout nous est
vraiment donné.
Pour comprendre cet enjeu ultime, il convient de partir de la création à partir de rien (2 M 7, 28), telle
qu’elle s’éclaire pur les auteurs du Nouveau Testament au contact de Jésus de Nazareth. L’expression
paradoxale « de rien » honore l’anthropomorphisme spontané – on produit toujours quelque chose à
partir d’un matériau déjà existant – et elle le dépasse très radicalement par la négation inimaginable
de tout préalable - « de rien » -, pour « dire » alors que tout vient de Dieu. (p. 197)
L’Eucharistie don de Dieu
« Célébrer l’action de grâce « eucharistique », c’est donc découvrir ce lien mystérieux entre création
et sainteté et y entrer réellement. La tradition désigne ce lien par le terme de « consécration ». Pain et vin
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– signes élémentaires signifiant que, depuis toujours, tout est donné à tous et à chacun de manière unique –
deviennent présence du Saint. Ils rendent présent celui qui se donne en partage à la multitude et, par l’Esprit,
transfigure ceux et celles qui se nourrissent de sa vie en hommes et femmes vivant de sainteté : êtres
humains qui, par leur existence quotidienne, donnent un avenir à la création, portant déjà en eux
l’avenir de la Résurrection. C’est l’ouverture de ce « bientôt » qui ne cesse de susciter en eux le désir
d’une simple présence de Dieu qui dépasserait enfin l’échange des dons, la demande et l’action de grâce.
Mais Celui qui reçoit la louange gratuite – offerte pour rien – les envoie, de manière nouvelle, dans la
maison de la création, afin de la rendre habitable pour tous par leur propre créativité. » (p. 213)
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