CM Histoire Romaine
03/11/2011
On utilise les exempla : ce sont soit des personnages dont on évoque la vie et les
exploits, censés servir de modèles, ou des faits importants de l’histoire de Rome,,
détaillés et expliqués. On les retrouve dans la vie publique et privée pour diffuser des
valeurs morales auxquelles on est attaché de génération en génération. On met en
avant des hauts faits du passé pour illustrer un propos, un discours. Ça fixe les idées,
c’est un moyen de faire revivre l’histoire des romains. Ils utilisent des récits reposant
sur des évènements réels qu’ils embellissent :
- Camille : dictateur. Il a été le symbole du chef de guerre défendant les valeurs de
Rome et pour les assurer tout comme la grandeur de Rome il met en danger sa
propre renommée. Sa figure a été utilisée entre la fin de la république et le début
de l’empire : on lui fait incarner les valeurs parfaites de l’imperator romain. C’est
un faire-valoir idéal par rapport aux imperatores de la fin de la république. Les
règles et la loyauté sont toujours respectées face à l’adversaire. Exemple de
l’épisode de Faléries (cf. Tite-Live), récit à la gloire du général et des pratiques
romaines jugées dignes. Il a été diffusé au fil des siècles, amélioré, et est parfois
devenu un exempla, un symbole comme quoi il valait mieux s’en référer à Rome
que rester parmi ses adversaires.
- Atilius Regulus. On arrive à reconstruire la création du récit. Pendant la 1e guerre
punique, c’est un personnage connu, consul en 267 avant Jésus-Christ, puis une
2e fois en 256, choisi comme ambassadeur du sénat en 250. C’est un magistrat
qui est intervenu dans le cadre de cette guerre. Il y a eu un Atilius Calatinus qui a
consacré un temple de la fides au capitole. On ne connaît pas la date de la
dédicace. Il y a toujours un personnage du nom de Calatinus, dictateur en 249,
censeur en 247, c’est une famille bien implantée et investie à Rome. Il est surtout
mentionné par Cicéron et Florus (contemporain de Trajan et Adrien) qui a écrit
un tableau de l’histoire du peuple romain. L’armée romaine a été battue par les
carthaginois conduits par un spartiate. A la suite de cette bataille, les romains ont
eu l’idée de faire des échanges ou rachats de prisonniers avec la puissance
opposée. Les carthaginois ont trouvé que le consul romain serait le meilleur des
ambassadeurs dans le cadre des tractations. En cas d’échec, il aurait été mis à
mort. A son retour à Rome, il est entendu par le Sénat et lui a déconseillé de
rendre les prisonniers carthaginois. Il est retourné sur le territoire africain tout en
sachant que son sort allait être pénible. Seul un romain était capable de faire ça.
C’est un acte courageux dépassant le simple statut du militaire. Cet exemplum a
été beaucoup cité, il revient fréquemment comme modèle du sacrifice, du
dépassement de soi.
Le récit d’Atilius Calatinus a été construit de toute pièce. Le récit de sa défaite a
existé, mais le reste relève de l’invention. Il ne correspond pas à l’image donnée de
lui. On ne sait pas vraiment ce qu’il est devenu selon les sources. Sur le plan
historique, cet épisode est maigre, on manque d’informations sur ce personnage. Il a
été utilisé à des fins de gloire romaine et à des fins philosophiques pour montrer
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l’héroïsme qui permet de transcender et que Rome est une cité remarquable dont
les représentants se sacrifient pour elle. Ce récit est tardif, situé dans le contexte des
années 130 avant Jésus-Christ. On met l’accent sur le supplice enduré par Atilius, la
valeur du serment prononcé devant le sénat carthaginois, porteur des décisions du
sénat romain, devient l’élément clé des récits. Mais le récit n’a plus rien à voir avec la
réalité du personnage. Il a cherché sa défaite, il a cédé, il semble avoir été lâche, pas
du tout à la hauteur de l’héroïsme tant évoqué. Il a servi à un récit permettant à
Rome de véhiculer l’unité des généraux, la sienne et l’image de la parole engagée.
L’épisode de Regulus est historique, idéologique : on transmet des valeurs morales. Il
permet de conforter le concept de fides et amène l’auditeur à méditer sur le
comportement remarquable de Rome. Le but est de sentir l’idée selon laquelle Rome
est porteur de la bonne foi et a un devoir envers tous, même l’ennemi.
Les notions de fides se sont développées dans le monde aristocratique car c’est un
moyen d’affirmer que son gouvernement se fonde sur des vertus cardinales, qu’elle
mérite donc sa place dans la cité grâce aux valeurs profondes de Rome. C’est une
sorte de code moral qui s’impose, on légitime un ordre politique romain et
international. Rome commande le monde selon ces règles, ses principes auxquels elle
ne renonce jamais même en cas de crise grave. La notion de fides est ancrée dans les
esprits et permet d’ancrer Rome dans la Méditerranée.
Ces récits sont moralisateurs, embellis mais Rome s’arrange tjs pour se donner le
beau rôle dans les relations extérieures. Rome peaufine et améliore progressivement
son système, avec la notion de deditio. Une sorte de scénario est bâti et utilisé :
quand Rome est dans son tort complet, qu’elle se mêle d’affaires qui ne la regardent
pas, comment elle peut retourner les choses en sa faveur ? Il faut faire évoluer les
évènements de manière déloyale et que celui dont on veut contrôler les territoires
doive demander de lui-même la protection de Rome ; l’adversaire se met la corde au
cou.
La 1e manœuvre date de la deditio de Capoue. Un traité fixe les limites d’intervention
de Rome : elle ne peut soutenir les campaniens, elle est alliée aux Samnites. En 343,
les Samnites sont portés sur la Campanie. On voit une collision assez forte entre les
chevaliers campaniens, l’élite de Capoue et Rome. En vertu du traité passé avec les
Samnites, conforme à la fides, Rome est privé de la richesse de Capoue. Elle ne
voulait pas que les Samnites s’emparent de la cité. Pour concilier les engagements
internationaux et leur ambition de mainmise sur la Campanie, les romains se livrent à
un tour de passe-passe juridique avec la deditio de Capoue, purement fabriquée et
artificielle. Elle est considérée comme une falsification historique clé. Dès l’Antiquité,
des auteurs ont insisté sur cet aspect tendancieux. Mais pas à juste titre, car la
deditio a été réelle : elle permet de donner à Rome le territoire campanien en
fonction d’un traité parfaitement justifié et réel. Elle permet aux romains une guerre
juste, c’est un retour sur l’échiquier international. Rome soutient Capoue contre les
Samnites, dont elle était l’alliée ! Cette manœuvre donne une apparence de bon
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droit à ce qu’il était impossible de réaliser. Rome se crée des peuples placés sous sa
protection qu’elle est obligée de secourir, cet engagement s’ajoutant au traité de
départ. Les romains arnaquent les Samnites : ils se retrouvent dans la difficulté car
les campaniens se rebellent contre eux à l’issue de la prise de Capoue, qui a perdu
toute liberté, toute réalité juridique.
Cette notion de deditio est une étape dans la mise en place de la conception de fides.
Rome use de ce même principe à plusieurs reprises. Sans passer par la deditio, il
existe des variantes de cités qui demandent une protection de Rome sans s’y
soumettre. C’est le cas des villes d’Italie du Sud, des cités grecques d’abord placées
sous la protection de Pyrrhus Epire, qui est intervenu officiellement au nom de la
solidarité pour échapper à la poussée romaine. Mais toutes ne s’entendent pas : une
partie des cités grecques n’a pas suivi cette alliance. Les romains se sont portés à leur
secours au nom du principe de liberté, quand on ne peut pas fondre sur la notion de
deditio. Rome n’entend pas les soumettre, les conquérir : le but est de les défendre.
C’est symbolisé par la prise de Tarente en 272. Dans la conquête du territoire grec,
Rome va s’imposer en utilisant la notion de liberté.
Dans tous les cas, Rome se donne le beau rôle. C’est la même chose avec la deditio
des Mamertins, afin de mettre la main sur le détroit de Sicile. Elle réussit en
manœuvrant limpidement à intervenir de l’autre côté du détroit et à passer en Sicile.
En 238, Rome s’empare de la Sardaigne : c’est le résultat non pas de la fides, mais de
la fraude la plus grande qu’elle ait commise, elle la détourne à son propre profit, la
présentant comme une faute des ca rthaginois à l’issue de la 1e guerre punique. Les
romains vont continuer leur progression après la conquête de la Sicile. En 238, les
romains ont envoyé une ambassade à Carthage alors même qu’ils étaient décidés de
lui faire la guerre pour conquérir la Sardaigne. La guerre est votée par les comices
avant le départ des ambassades, le Sénat décide mais la guerre ne peut avoir lieu que
grâce au vote des comices. Les ambassadeurs se rendent à Carthage avec une
déclaration de guerre, mais les carthaginois n’étaient pas au courant. Ils étaient
persuadés que les romains, assez avares, venaient pour réclamer un tribut et essayer
de tirer au clair l’affaire des mercenaires empoisonnant l’issue de la 1e guerre
punique. Les carthaginois ont été brutaux avec les marchands romains également.
Appien dans son traité Iberica dit que l’affaire de Sardaigne tournait autour des
dommages à verser à ces derniers. Carthage se rend tranquille à l’ambassade.
Sachant que Rome est puissante et mécontente, les carthaginois disent qu’ils vont
consentir à tout ce qu’on leur demandera. Ils s’attendaient à des demandes
proportionnelles à ce qu’on leur reprochait, à des compensations liées à des torts
mineurs. Rome révèle alors ses exigences : lui céder la Sardaigne et verser un tribut
conséquent sinon la guerre est déclarée. Carthage n’est pas emballée mais ne peut
reculer ni se dédire. (cf. Polybe). L’attitude romaine consistait à obliger Carthage à se
mettre dans son tort : elle légalise la spoliation qu’elle venait de commettre en
l’obligeant à accepter les conditions fixées. Le Sénat a eu du mal à placer Rome dans
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le bon droit, car elle est ici en fraude. La responsabilité de la guerre est rejetée sur les
carthaginois qui ne pouvaient découvrir avant l’ambassade ce qu’on voulait d’eux.
Ce même phénomène est retrouvé entre 149 et 146 (destruction de Carthage) où les
carthaginois retombent dans le même piège par une manœuvre scandaleuse.
L’adversaire est ponctuellement utilisé.
L’épisode de Sagonte est également significatif (voir TD). Le déclenchement de la
guerre punique est officiellement l’attaque d’Hannibal contre Sagonte. Le traité de
Lutatius en 241 met fin à la 1e guerre punique, le traité de l’Ebre (226) définissait les
zones d’influence de Rome et d’Hannibal par rapport à l’Ebre. Rome transforme les
évènements car pour pouvoir avoir le bon droit pour elle, elle déclare qu’Hannibal a
violé le traité de 241 et mettant en avant le fait que Sagonte n’est pas concernée par
le traité. Rome invente une histoire pour intervenir au secours de ses alliés. On met
l’accent sur ce traité au mépris de la réalité géographique.
Au fil des siècles, ça revient régulièrement sous des angles différents mais sur un
même principe. Rome détourne les évènements à son avantage. Cf. intervention en
Gaule. On comprend difficilement comme cet épisode s’est répété perpétuellement
sans que l’adversaire comprenne comment le processus se met en place.
Le fonctionnement des ambassades
Rome n’a jamais eu l’équivalent d’un corps diplomatique, avec un système
d’ambassades accréditées dans les pays étrangers. Avant d’établir des relations avec
eux ou de leur faire la guerre, Rome était présente de manière détournée par le
système du conventus. Ce sont des associations de commerçants intervenant dans les
pays où Rome veut faire des affaires. Elles rassemblent des romains, des italiens
(surtout du Sud). En Orient, ce sont des romaioi. En Occident, ce sont des italici. Un
est établi à Délos. Ce concept est souvent le point d’ancrage dans le développement
de relations avec le pays dans lequel s’établir le conventus : on s’en sert pour obtenir
des renseignements ou quand la pression de Rome s’exerce fortement sur une
région. Il devient la raison pour laquelle Rome intervient dans le pays en question. Ça
n’a officiellement rien à voir avec la politique romaine : ce ne sont pas des lieux
d’échange officiels dans la vie diplomatique romaine. Rome n’a jamais eu de
diplomatie exercée par des personnes spécialisées. Elle est entre les mains de
l’aristocratie romaine et surtout du Sénat, dont ce n’est que l’une des activités.
Le Sénat est un conseil, pas une assemblée constitutionnelle, pour les magistrats en
fonction. Il rassemble 300 personnes qui sont là pour leurs réflexions et leurs
conseils. Il n’a strictement aucun pouvoir. L’ascendant des sénateurs n’est exercé que
grâce à leur auctoritas uniquement morale. Ce sont tous des anciens magistrats, d’un
certain âge. C’est une assemblée de personnes morales, elle suscite le respect et
donc l’auctoritas. Sinon, le Sénat n’a aucun moyen pour s’imposer lui ainsi que ses
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consultations, surtout à la fin de la République. En théorie, n’importe quel citoyen
romain peut en faire partie. Mais l’album sénatorial est fixé par les censeurs, tout
comme la hiérarchie sociale. Le sénateur siège à vie : la fin de sa mandature est
marquée par sa mort ou par un comportement déviant et répréhensible. Auxquels
cas, le sénateur est remplacé. Ce Sénat est censé être le fil conducteur de la politique
romaine, la mémoire de ce qui s’est passé dans les sessions précédentes. Pour cela,
les sénateurs conduisent la politique de Rome. C’est par eux que tout passe. Il est
l’organe essentiel de la politique romaine, rien ne se fait sans sa prise de décision. Il
n’a pas de pouvoir, il agit comme conseiller mais c’est un moyen commode pour
jongler avec la réalité en ce qui concerne les conflits entre sénateurs et chefs
militaires, dont ils refusent d’entériner les décisions prises à la fin des guerres. Il peut
également se taire tout en étant capable de ressortir la décision des généraux
romains et de l’infirmer ultérieurement. Les sénateurs conduisent la politique
extérieure. Ce Sénat se divise au fil des siècles, il cesse d’être un corps uni et
homogène. La qualité et l’origine des sénateurs n’est plus la même, à la fin de la
république il est issu des recompositions faites par Sylla et César concernant des
familles qui n’étaient jamais parvenues parmi les sénateurs. Entrent alors des
individus « imparfaits » et le Sénat subit l’évolution de la politique et la cité romaine.
Les choix des censeurs et la présence des sénateurs au Sénat ne concernent pas
toujours les mêmes personnes. Leurs intérêts vont diverger, des clans vont se créer
et relayer les fractiones de la vie politique romaine. Des individus se regroupent
autour d’une personnalité. Au final, la vie des sénateurs devient plus active, les
séances plus houleuses et l’unanimité n’est pas de mise. Dès la fin du IIe siècle, les
distensions seront extrêmement fortes : le Sénat se fera l’écho des luttes intestines à
Rome, alors qu’il est censé en être au-dessus. Se développe par ailleurs le
phénomène de la corruption. Les sénateurs, juges et partis, ne peuvent observer le
bon fonctionnement de la république. L’apogée du Sénat est après la 2e guerre
punique, il devient puissant et efficace. Se développent DES politiques romaines, plus
familiales, plus personnelles, de clans mettant leurs intérêts en avant et occultant
ceux de Rome. Des conflits diplomatiques émergeront. Cette évolution débouche sur
une manière particulière de mener la politique extérieure. Dès que le Sénat est
extrêmement divisé et quasi sans moyen d’action, il se place entre les mains de chefs
militaires. Chacun défendra les intérêts de son clan : ça permet pfs à Rome d’agrandir
ses territoires (Pompée et César).
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