INTRODUCTION
Pourquoi un mémoire sur la philosophie à l’école élémentaire ?
Bien que des chemins différents nous aient conduites à découvrir la philosophie pour enfant
(P. P. E), c’est sur un intérêt commun et une même envie d’explorer cette pratique que nous
nous sommes rejointes.
Sylvie : "La première fois que j’ai entendu parler de philosophie à l’école, c’était par mon
fils Antoine, élève de Christophe FORT en CM 2. Non seulement il m’a fait part de son en-
thousiasme pour la pratique des débats philosophiques, mais surtout, j’ai été surprise de
constater combien ses réflexions avaient mûri. Lors de nos discussions nombreuses, j’ai
constaté son souci de mettre en perspective ses propos, de préciser le sens qu’il donne à cer-
tains mots, d’avancer des arguments et des contre-arguments. Son plaisir de la discussion
l’amène souvent à proposer à la maison de continuer des débats effectués en classe (Qu’est-
ce qu’un ami ?, Qu’est-ce qu’une grande personne ?), mais aussi à proposer de nouvelles
questions à partir d’événements vécus ou non (Pourquoi certaines personnes sont-elles vio-
lentes ?, Qu’est-ce que la violence ?).
L’atelier de F. GALICHET m’a permis de comprendre les enjeux de cette pratique. Mais
c’est lors d’un stage en tutelle, alors que je faisais part à l’enseignant (J.-F. BOHY) de mon
intérêt pour le débat philosophique que ce dernier m’a proposé de l’expérimenter dans sa
classe. Le plaisir, mais aussi les difficultés que j’ai rencontrés au cours de ma première ani-
mation ont provoqué en moi le désir et le besoin d’approfondir cette pratique".
Marie : "J’ai découvert la P.P.E. lors de cet atelier que nous pouvions choisir dans le cadre
de notre formation P.E. 2. J’ai été positivement étonnée de l’existence et de la pertinence de
cette pratique portant un regard neuf sur l’enfant et sur l’acte d’enseigner. Ce regard m’avait
déjà profondément marquée lors d’un cours, en licence des Sciences de l’Éducation, intitulé :
"Approche psychanalytique des situations éducatives". Animé par Jeanne MOLL, professeur
et psychanalyste, ce cours portait sur les relations enseignant-enseignés et sur les répercus-
sions que celles-ci peuvent avoir dans la vie du premier comme des seconds. Il m’a permis
de réaliser (assez tardivement) que le désir d’enseigner n’est pas purement altruiste, mais
qu’il provient également d’une pulsion d’emprise sur l’autre, sur les savoirs, d’un désir de
gouverner, de diriger. L’idée du débat philosophique avec des enfants dans le cadre scolaire
me paraît être un moyen à la fois d’apprivoiser ce désir et d’aider l’enfant à s’épanouir, en ce
qu’il permet à l’enfant de poser lui-même les questions qui lui importent et de trouver du
sens à chercher ses propres réponses, avec un maître pour une fois non assuré des siennes".
Donner la parole à des enfants sur des sujets philosophiques est une démarche récente qui
éveille encore de nombreuses réticences en France, notamment dans le milieu philosophique
et enseignant : "Les enfants ne sont-ils pas trop jeunes pour parler de la vie, de l’amour, de
la mort ?", "Ont-ils les capacités intellectuelles, les connaissances requises, l’expérience
suffisante, la maturité psychique pour aborder ces problèmes ?", "Ceux-ci ne sont-ils pas
délicats à aborder en classe, avec trop d’implication personnelle ("Pourquoi mémé est-elle
morte ?"), de résonance affective ?", "N’empiète t’on pas ainsi sur le rôle éducatif de la fa-
mille ?", "N’y a-t-il pas atteinte à la laïcité en abordant avec les enfants ces problèmes mé-
taphysiques ?", "Ne risque-t'on pas de les endoctriner ?", "N’est-il pas dangereux de cultiver
le doute chez des êtres vulnérables qui ont besoin de sécurité plus que d’incertitude ?", "Ne
faut-il pas répondre à leurs questions plutôt que de les laisser chercher dans la perplexi-
té ?", "En développant si précocement la rationalité, ne leur vole-t-on pas la part de rêve
nécessaire à l’enfance ?"
.
TOZZI Michel, L'éveil de la pensée réflexive à l'école primaire, Hachette Éducation, 2001, p. 18.