sache ; pas plus que pour comprendre l’essence du triangle on n’ait besoin de comprendre l’essence du cercle
.
Pour ces idées, c’est le contraire qui a lieu. Car pour savoir que je sais je dois nécessairement d’abord savoir. De
là il apparaît que la certitude n’est rien d’autre que l’essence objective elle-même ; c’est-à-dire que la manière
dont nous sentons l’essence formelle est la certitude elle-même ; d’où il apparaît encore que pour avoir la
certitude de la vérité on n’ait besoin d’aucun autre signe que d’avoir une idée vraie ; car comme nous l’avons
montré, il n’est pas nécessaire pour que je sache que je sache que je sache. De là il apparaît encore que seul celui
qui a une idée adéquate ou l’essence objective d’une chose quelconque peut savoir ce qu’est la certitude
suprême ; évidemment ! parce que la certitude et l’essence objective, c’est la même chose. Ainsi donc puisque la
vérité n’a besoin d’aucun signe mais que lui suffisent les essences objectives des choses, ou, ce qui revient au
même, les idées, pour lever tout doute, il suit de là que la vraie Méthode ne consiste pas à chercher le signe de la
vérité après l’acquisition des idées, mais que la vraie Méthode consiste à chercher la vérité même ou les essences
objectives des choses ou les idées (tout cela signifie la même chose) selon l’ordre dû
. En revanche la Méthode
doit nécessairement traiter du raisonnement ou de l’intellection ; ce n’est pas que la Méthode soit le
raisonnement pour comprendre les causes des choses, encore moins la compréhension de ces causes ; mais elle
est la compréhension de ce qu’est l’idée vraie en la distinguant des autres perceptions et en étudiant sa nature,
afin que nous connaissions notre puissance de comprendre et que nous gouvernions notre esprit de telle sorte
qu’il comprenne selon cette norme tout ce qui doit être compris. Elle lui donne des règles déterminées à titre de
secours et lui épargne des fatigues superflues. De là, la Méthode n’est rien d’autre que la connaissance réflexive
ou l’idée de l’idée ; et parce qu’il n’y a pas d’idée d’une idée, sans d’abord une idée, il n’y aura donc pas de
Méthode s’il n’y a pas d’abord une idée. D’où la bonne Méthode sera celle qui montre comment l’esprit doit être
dirigé selon la norme d’une idée vraie donnée. En outre, puisque le rapport entre deux idées est le même que le
rapport entre les essences formelles de ces idées-là, il s’ensuit que la connaissance réflexive de l’idée de l’Être le
plus parfait sera supérieure à la connaissance réflexive des autres idées ; ainsi la Méthode la plus parfaite sera
celle qui montre comment l’esprit doit être dirigé selon la norme de l’idée donnée de l’Être le plus parfait.
De là on comprend facilement comment l’esprit, en comprenant le plus de choses, acquiert du même coup
d’autres instruments par lesquels il continue plus facilement dans la compréhension. Car comme on peut le
résumer de ce qui a été dit, une idée vraie doit avant tout exister en nous, tel un instrument naturel, dont la
compréhension fait comprendre en même temps la différence entre cette perception et toutes les autres. En cela
consiste une partie de la Méthode. Et puisqu’il est clair par soi que l’esprit se comprend d’autant mieux qu’il
comprend plus de choses de la Nature, de là il apparaît que cette partie de la Méthode sera d’autant plus parfaite
que l’esprit comprendra plus de choses et qu’elle sera absolument parfaite quand l’esprit s’appliquera ou
réfléchira à la connaissance de l’Être le plus parfait. Ensuite, plus l’esprit connaît de choses et mieux il comprend
et ses forces et l’ordre de la Nature ; et mieux il comprend ses forces et plus facilement il peut se diriger et se
donner des règles, et plus il comprend l’ordre de la Nature et plus il peut facilement se débarrasser des choses
inutiles ; et c’est en cela que consiste toute la Méthode, comme nous l’avons dit. Ajoutez que l’idée se comporte
objectivement de la même manière que son idéat se comporte réellement. Donc s’il y avait quelque chose dans la
Nature n’ayant aucun commerce avec d’autres, même s’il y avait de cette chose une essence objective qui devrait
tout à fait convenir avec l’essence formelle, elle n’aurait aucun commerce
avec d’autres idées, c’est-à-dire que
nous ne pourrions rien en conclure ; et au contraire, les choses qui ont un commerce avec d’autres, comme ont
toutes celles qui existent dans la Nature, seront comprises et leurs essences objectives auront entre elles ce même
commerce, c’est-à-dire que d’autres idées seront déduites de celles-là et auront à leur tour commerce avec
d’autres, et ainsi s’accroîtront les instruments pour aller plus avant. Ce que nous nous efforcions de démontrer.
Et enfin, de ce que nous venons de dire, à savoir que l’idée doit entièrement convenir avec son essence formelle,
il apparaît aussi que, afin que notre esprit reproduise un modèle entier de la Nature, il doive produire toutes ses
idées à partir de celle qui représente la source et l’origine de la Nature tout entière, afin que cette idée soit elle-
même aussi la source des autres idées.
Ici peut-être on s’étonnera qu’après avoir dit que la bonne Méthode est celle qui montre comment l’esprit
doit être dirigé selon la norme d’une idée vraie donnée, nous le prouvions par un raisonnement : ce qui semble
montrer que cela n’est pas connu par soi. Et on peut alors se demander si nous avons bien raisonné ? Si nous
raisonnons bien, nous devons partir d’une idée donnée, et puisqu’une démonstration est nécessaire pour partir
d’une idée donnée, nous devrions prouver à son tour notre raisonnement et celui-là aussi par un autre et ainsi à
l’infini. Mais à cela je réponds : si quelqu’un eût procédé ainsi par un heureux hasard dans l’étude de la Nature,
c’est-à-dire en acquérant d’autres idées selon la norme d’une idée vraie donnée en suivant l’ordre dû, jamais il
n’aurait douté de sa vérité
en ce que la Vérité, comme nous l’avons montré, se manifeste d’elle-même, et
. Notez que nous ne demandons pas ici comment la première essence objective nous est donnée. Car cela touche à l’étude de
la Nature, où ces choses seront amplement expliquées et où nous montrerons qu’en dehors de l’idée, il n’y a ni affirmation, ni
négation, ni volonté.
. Ce qu’est chercher pour l’âme, je l’expliquerai dans ma Philosophie.
. Avoir commerce avec d’autres choses c’est être produit par d’autres ou en produire d’autres.
. De même ici nous ne doutons pas de notre vérité.