Rapprochement des associations AFA APRAS

publicité
Pour le rapprochement de l’AFA et de l’APRAS
et la fondation d’une nouvelle et unique association pour l’anthropologie française
La scission des ethnologues et des anthropologues à la fin des années 1980 entre
l'Association Française d'Anthropologie (AFA) et l’Association Pour la Recherche en
Anthropologie Sociale (APRAS) est historiquement issue d’une querelle de personnes et de
conceptions de la discipline. Nombre de faits conduisent à penser qu’il est temps de dépasser
les conflits du passé et de regarder vers l’avenir. Il semble que nous ne soyons plus au temps
des oppositions, mais que nous soyons déjà passés à celui de la collaboration. L’expérience du
petit groupe de préparation des Assises de l’ethnologie et de l’anthropologie, qui regroupe des
membres des deux associations, engage concrètement à le penser. La présence ou la coorganisation d’événements communs aux deux associations (le séminaire de préparation des
Assises sur les changements institutionnels dans la recherche et l’enseignement, le forum
contre le ministère de l’immigration, de l’identité nationale et du co-développement) montre
que le dialogue est enclenché. Nous sommes entrés dans une période transitoire qui permet de
travailler ensemble à des objectifs communs, d’apprendre à mieux se connaître, dans un esprit
de partage et d’enrichissement mutuel.
Cette évolution s'impose pour plusieurs raisons. D'une part parce que les oppositions
d’hier entre l’AFA et l’APRAS ne sont plus celles d’aujourd’hui : pour les plus jeunes d’entre
nous ce conflit ne signifie rien ; d'autre part parce qu'après une longue période marquée par
cette opposition et un affrontement entre les diverses chapelles théoriques, l'absence de
véritable espace commun pour dialoguer est vivement ressentie au sein de la profession. Et
ceci au moment où la discipline elle-même est mise à mal par les diverses réformes que
connaissent les établissements de recherche et d’enseignement supérieur. Par ailleurs, la
capacité à mobiliser les ethnologues de chaque association généraliste décline. Sans compter
que si l’on observe les initiatives et les réflexions des uns et des autres, elles apparaissent
convergentes.
Pour ne prendre qu’un exemple emblématique. En 2004, trois manifestations, proches
dans leur objet comme dans leur esprit, ont eu lieu simultanément et sans concertation à
l'initiative de trois associations d'ethnologues : une journée d'étude à l'initiative de l’APRAS
en mars 2004 concernant l’« Anthropologie sous contrat : ethnologie hors des murs », le
même mois avait lieu à Bordeaux un colloque organisé par la Société d'Ethnologie Française
(SEF) sur « L'anthropologie appliquée aujourd'hui », et en mai de la même année se déroulait
une journée d'étude organisée par l’AFA sur le thème « Anthropologie sous contrat : pratiques
et produits ». Quelques mois plus tard, un collectif d'ethnologues, issu du colloque de
Bordeaux et encouragé par la dynamique de ces trois manifestations, faisait un appel à
participation pour la création d'une organisation professionnelle en charge de ces questions.
Cette initiative est restée sans suite devant l'ampleur de la tâche à réaliser et la faible
mobilisation suscitée. Pourtant, nombre d'initiatives locales, de groupes de recherches et
d'expériences existent. Pour ne citer que les plus emblématiques et les plus récentes portées à
notre connaissance : le travail de fond réalisé à Nanterre par le Grepethno (Groupe de
Recherches et de Pratiques : Ethnologie, Demande sociale, Applications) depuis 2000, le
groupe Passerelles en charge de la difficile question de l'ethnologie à l'école depuis 2002,
l’organisation cette année même par l'Association Rhône-Alpes d'Anthropologie d'une
journée intitulée « Comment vivre de l'anthropologie aujourd'hui et demain », etc.
1
Il apparaît ainsi une très forte complémentarité entre ces initiatives et ces différents
groupes. Ce n'est donc pas faute d'idées, d’initiatives, d'expériences ou de volonté d'agir dont
l'anthropologie pâtit, mais bien de l'absence d'une organisation professionnelle suffisamment
forte et unifiée, capable de relayer les déterminations communes, d'unir les initiatives
communes et les réseaux parallèles, et de mettre en place les structures de développement de
la discipline propres à assurer son avenir.
Rappelons pour mémoire que le contexte actuel est loin d'être favorable aux
ethnologues, alors même que la « demande sociale » d'ethnologie existe. Les transformations
des institutions d'enseignement supérieur et de recherche exposent la discipline à un
effacement progressif : la réforme licence-master-doctorat (LMD) a fait s’évanouir le terme
« anthropologie » ou « ethnologie » des titres de diplômes qui n'apparaît plus qu'en deuxième
ou en troisième place pour l'intitulé des spécialisations ; toujours réel apparaît le risque de
disparition de l'entité « anthropologie » du CNRS comme de l’IRD, dont témoigne la pétition
« Sauvons l'anthropologie au CNRS » qui a mobilisé nombre d'ethnologues français et
étrangers en 2006 ou la table ronde organisée par l’APRAS en 2005, en présence de
nombreux collègues dont ceux de l’AFA et de la SEF. Cela montre que l’espace est
dorénavant ouvert pour rassembler nos énergies dans l’objectif commun de défense de la
discipline et du métier.
La logique de contractualisation (ANR, appel d'offres, faible financement des
laboratoires, etc.) et de regroupement des petits laboratoires et des équipes innovantes, le
renforcement des concurrences internes et de la compétition internationale, la fragilisation des
statuts de chercheurs et d'enseignants chercheurs laissant hors statut nombre de docteurs, tout
cela participe à la fragilisation de l'anthropologie aujourd'hui. Ces changements ne concernent
pas seulement les fractions de la discipline les plus vulnérables et les moins institués, mais la
discipline dans son ensemble.
Le temps apparaît donc venu de renforcer les structures collectives et de refonder une
association unitaire de tous les ethnologues et anthropologues en France. Est-il besoin de
rappeler que le rassemblement n'implique pas l'absence de différences ou l'affirmation d’un
consensus mou. Il peut être au contraire le creuset de débats féconds et enrichissants pour les
uns comme pour les autres et pour la discipline elle-même. Il nous semble que l’on est
toujours plus intelligents à plusieurs que seul. On peut même affirmer sans crainte que plus
nous serons différents séparément et plus nous serons intelligents ensemble. Saint-Exupery le
formulait bien lorsqu'il écrivait : « Si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente ».
Formule que tout ethnologue pourrait reprendre pour lui-même et inscrire au fronton du
Musée de l'Homme ou à celui du quai Branly. Pourquoi ne serions-nous pas capables
d'appliquer pour nous-mêmes ce que nous pensons pour autrui et qui apparaît comme le fil
rouge de notre éthique professionnelle ? D'autres l'ont fait et l'ont réussi sans rien retrancher
de leurs différences et de leurs paradigmes théoriques, comme les géographes, les sociologues
à travers la fondation de l'Association française de sociologie il y a seulement quelques
années.
Pourquoi ne serions-nous pas capables de nous doter d'une association ouverte à tous,
qui se proposerait de favoriser le développement de l'ethnologie et de l'anthropologie dans
tous les domaines, théoriques et pratiques, académique et professionnel, en multipliant les
rapports entre ses membres, les contacts avec les autres disciplines et avec les autres
associations d’anthropologues existant au niveau européen et mondial.
Ce projet d’une nouvelle association devrait trouver un nouveau nom afin de
manifester son changement, sa volonté d'ouverture et sa représentation aux yeux des
associations internationales d'anthropologie.
2
Elle pourrait organiser un congrès tous les deux ans où tous ses membres auraient la
possibilité de présenter leurs recherches. `Il aurait lieu en alternance avec le Congrès de
l’EASA, association européenne des anthropologues sociaux, dans laquelle les
anthropologues français doivent trouver toute leur place.
Elle pourrait se doter : de réseaux thématiques où les sociétés savantes (américanistes,
africanistes, etc.) et les nouveaux objets de recherche trouveraient une place ; d'un site
Internet ; d’une lettre d’information sur l’actualité de l'anthropologie ; d'un répertoire et d’une
revue.
Les Assises qui auront lieu en décembre 2007 sont une occasion unique pour
permettre de renouveler et re-fédérer les anthropologues français autour de leur discipline.
Gageons que ces Assises, sans mettre tous les ethnologues d’accord, saurons offrir un espace
nouveau pour discuter accords et désaccords au sein de la profession et permettre à
l’anthropologie française de se doter d'une association ouverte à tous les ethnologues et
anthropologues, association qui doit les représenter aux yeux des différentes instances
nationales et des associations internationales d’anthropologie.
En se présentant d’une seule voix, nous n’améliorons pas seulement les relations entre
nous, mais aussi le dialogue avec les anthropologues européens et mondiaux, et avec d’autres
disciplines connexes, nous permettant de franchir une étape supplémentaire.
Gilles Raveneau et Irène Bellier
3
Téléchargement