La longueur du conflit montre la volonté de Quebecor de mettre à genoux un syndicat dont
l'existence est tout à fait légitime. Cette perte d'influence des syndiqués peut avoir des
conséquences sur la qualité de l'information fournie au public.
Dans une entreprise de presse, le syndicat est l'un des remparts qui peut empêcher une
corporation de faire la promotion de son idéologie au détriment de l’intérêt public. Il s’assure
du respect de ses membres, y compris de leur liberté d’action et de leur indépendance par
rapport aux intérêts commerciaux du propriétaire, et crée un sain rapport de force avec
l’employeur, soit la grande entreprise qui possède le média. Cela permet au public d’avoir
une information de qualité et équilibrée.
Visiblement, Quebecor ne souhaite plus avoir ce rempart. L’entreprise évolue de plus en plus
en vase clos, comme en fait foi son retrait du Conseil de presse, le tribunal d’honneur de la
profession. Cela nous inquiète. En tant que professionnels de l’information, nous croyons que
posséder un média, une force de frappe puissante dans une société, impose des
responsabilités.
Il est vrai que le monde des médias change, comme l’affirme la direction du Journal de
Montréal, et qu’il faut s’adapter. Tous les autres médias du Québec le font et n’ont d’ailleurs
pas eu besoin d’un lock-out pour y arriver. La liberté de presse ne doit pas être subordonnée à
liberté d’entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous demandons les trois actions suivantes:
1. Les plus importants actionnaires de Quebecor Media, ce sont tous les Québécois. La Caisse
de dépôt et placement détient 45 % des actions de l’entreprise. Le silence de cette institution
financière a assez duré. La Caisse de dépôt a un rôle social à jouer dans une province tricotée
serrée comme le Québec. Nous demandons à Michael Sabia, le président de la Caisse, de
forcer Quebecor à retourner à la table de négociation et à faire preuve d’ouverture. Nous
demandons également à tous les membres du conseil d'administration de la Caisse d'utiliser
leurs sièges pour amener l'institution à jouer un rôle actif dans la résolution rapide de ce
conflit.
Après 640 jours de lock-out, on peut affirmer que la Caisse de dépôt est complice du plus
long conflit médiatique de l’histoire du Canada. Il est temps que la Caisse de dépôt, et par son
entremise tous les Québécois, disent haut et fort que ce conflit doit se régler à la satisfaction
des deux parties. Le Journal de Montréal est un rouage important de la démocratie québécoise
et il a besoin de ses journalistes pour faire un bon travail de chien de garde de la démocratie.
2. Le gouvernement du Québec doit absolument moderniser le Code du Travail, et ce,
rapidement. Il s’agit d’un enjeu qui touche des milliers de travailleurs au Québec qui utilisent
avant tout leur cerveau comme matière première. Modifié pour la dernière fois en 1978, le
Code du travail n’est plus adapté aux nouvelles technologies qui permettent de travailler à
distance. Le lieu physique de l’employeur n’a plus d’importance dans plusieurs secteurs de
l’économie, dont celui des médias. La loi anti-briseurs de grève n’a donc plus le mordant
nécessaire pour créer un véritable rapport de force entre une entreprise et ses syndiqués. Le
gouvernement du Québec doit s’engager rapidement dans une modification du Code du
travail, sans quoi d’autres conflits pénibles et inutiles vont émerger à l’avenir.