BROUILLON 1 REGARDS SUR LA PROSODIE DU FRANÇAIS PREMIERE PARTIE : ACCENTUATION ET PHRASE PROSODIQUE par Albert Di Cristo Université de Provence Laboratoire Parole et Langage (UMR 6067) [email protected] Introduction Longtemps en retrait au regard de la tradition quasi-séculaire des travaux sur la prosodie anglaise (cf. Hirst, 1987, pour une synthèse), les recherches sur la prosodie du français ont connu au cours des trois dernières décennies un essor reconstituant. C’est ainsi que, au-delà des points de repère que représentent les études de Klinghardt, & de Fourmestraux, M. (1911) et de Rossi (1999), il est possible de répertorier un ensemble substantiel de travaux qui ont contribué progressivement à mettre en évidence les caractéristiques prosodiques de cette langue. Nous avons renoncé à dresser ici une liste exhaustive de ces recherches qui présentent une grande diversité, tant en ce qui concerne les options théoriques retenues que la nature du matériau analysé. Nous nous bornerons donc à citer celles qui nous paraissent les plus représentatives de la variété des approches et qui ont diversement contribué à alimenter une base de connaissances sur la prosodie du français contemporain : Coustenoble & Armstrong ; 1 1934 ; Delattre, 1961, 1966 ; Pulgram, 1965 ; Faure, 1969 ; Klausenburger, 1970 ; Selkirk, 1972 ; Vaissière, 1974, 1975, 1980, 1991, 2001 ; Di Cristo, 1975, 1978, 1998 ; 1999 ; Martin, 1975, 1981, 1987 ; Séguinot, 1976 ; Kenning, 1979, 1983 ; Fónagy, 1980, 1983 ; Lucci, 1980 ; Rossi, 1980, 1985, 1987, Rossi et al., 1981 ; Rietveld, 1980 ; Verluyten, 1982, 1983 ; Wenk & Wioland, 1982 ; Boulakia, 1983 ; Dell, 1983 ; Hirst et Di Cristo, 1984 ; Adjemian, 1987 ; Duez, 1987 ; Fontaney, 1987 ; Nicaise, 1987 ; Mertens, 1987, 1993 ; Touati, 1987 ; Pasdeloup, 1990 ; Caélen-Haumont, 1991 ; Fletcher, 1991 ; Aubergé, 1992 ; Di Cristo & Hirst, 1993 ; Mazzola, 1993 ; Monnin & Grosjean, 1993 ; Léon, 1993 ; Vihanta, 1993 ; Hoskins, 1994 ; Delais-Roussarie, 1995, 1998, 2001; Jun & Fougeron, 1995; 2000, 2002 ; Lyche & Girard, 1995 ; Laks, 1997 ; Morel & Danon-Boileau, 1998 ; Zellner, 1998 ; Lacheret-Dujour & Beaugendre, 1999; Pensom, 2000 ; Post, 2000, 2003 ; Welby, 2003, 2004). Il aurait été sans doute édifiant de comparer dans cet article les tenants et les aboutissants de ces travaux, notamment à la lumière de l’évolution des grands courants théoriques qui ont influencé les recherches modernes en prosodologie. Cependant, cet état des lieux a déjà été effectué de façon parcellaire. En conséquence, et afin d’éviter les redites, nous préférons renvoyer les lecteurs désireux de se documenter sur le sujet à l’ouvrage de Lacheret-Dujour & Beaugendre (1999) et à l’article de Rossi (2000) dont les lectures conjuguées peuvent fournir des éléments propices à l’établissement de cette comparaison. Ce texte est document de travail qui ne prétend pas avoir la forme définitive de l’article auquel il donnera lieu. Dans la perspective de la rédaction de ce dernier, l’auteur apprécierait vos remarques et commentaires. 1 2 L’objectif de cet article n’est donc pas de passer en revue les études sur la prosodie du français, auxquelles nous ne manquerons pas de faire référence quand nous le jugerons nécessaire, mais d’exposer, sous une forme que nous voulons synthétique, les résultats de nos propres travaux et de nos réflexions, en reprenant des données et des propositions qui ont été déjà présentées dans des publications antérieures et en les complétant par des observations nouvelles. Cet article se subdivise en deux blocs. Le premier est consacré d’une part à la discussion des problématiques qui concernent l’accentuation et le phrasé prosodique du français et, d’autre part, à l’exposé de notre approche de ces questions. Nous présentons, dans le second bloc, les résultats de nos analyses qui se rapportent à la description du système intonatif du français 1.- L’accentuation du français 1.1. Aperçus historiques et avatars théoriques Dans cette section, nous exposons brièvement l’évolution des conceptions de l’accentuation du français et nous évaluons leur impact sur les prises de position théoriques qui ont conduit à l’édification des approches actuelles. Il est manifeste que l’accentuation du français a suscité dans le passé et alimente encore de nos jours plusieurs controverses. Ces dernières se rapportent pour l’essentiel à la question de savoir s’il existe véritablement un accent en français, à celle du (des) domaine(s) éventuellement concernés par le jeu de l’accentuation et à celle, plus récente, de l’interprétation de l’accentuation initiale. Nous examinerons en premier lieu les questions liées à la problématique de l’accentuation finale. Nous traiterons ensuite le cas de l’accentuation initiale et nous aborderons enfin la discussion des relations entre l’accentuation et le “ phrasé ” prosodique du français (nous suggérons d’employer ce terme comme un équivalent de celui de “ phrasing ” dans la terminologie anglaise, pour désigner simplement l’articulation prosodique des énoncés et des discours ). 1.1.1. Le cas de l’accentuation finale 1.1.1.1. L’évolution des idées : de la conception du cursus à celle du nexus Les travaux qui se sont attachés à étudier le passage du latin au français (Pope, 1933 ; Ewert, 1964 ; Klausenburger, 1970 ; Pensom, 1982, 1985, 1990 ; 1993 ; Vaissière, 2001), soulignent des aspects de l’évolution du système accentuel qui valent d’être rapportés car ils préfigurent les thématiques qui formeront la trame des débats ultérieurs. Selon Klausenburger, l’accent aurait été mobile en très vieux français, voire distinctif, comme c’était le cas en latin parlé. Ce n’est que vers la fin du XVIe siècle que le français moderne se serait distingué des autres langues romanes en acquérant définitivement le statut de langue oxytonique. Cette évolution aurait eu aussi pour conséquence une disparition de l’accentuation du mot au profit de celle du groupe (Pope, 1966 ; Ewert, 1964), ce qui attesterait, si l’on se réfère à la typologie proposée par Pulgram (1970), du passage du statut de langue à nexus à celui de langue à cursus. Rappelons que le nexus est défini par cet auteur comme une unité formée par un lexème accentué et les clitiques qui s’y rattachent, tandis que le cursus constitue une unité délimitée par des pauses au sein de laquelle l’accentuation des lexèmes et les frontières qui les démarquent sont oblitérés. En reprenant cette distinction, Klausenburger soutient que l’unité phonologique minimale émergente du français moderne (c’est à dire la plus petite unité dotée du schème accentuel oxytonique) est représentée par le groupe de souffle (le “ breathgroup ” 3 dans la terminologie d’expression anglaise). Cette idée fera son chemin, car elle est probablement en partie à l’origine de l’opinion un temps répandue que le français est une langue sans accent. En effet, le domaine du groupe de souffle est un domaine intonatif (Lieberman, 1967 ; Vaissière, 1997). Si d’aventure cette unité constitue également le domaine de l’accent, nous sommes en présence d’un état de syncrétisme entre accentuation et intonation et, de ce fait, l’accent ne possède pas de domaine particulier, ni de fonction propre, la fonction de démarcation du groupe étant assurée dans ce cas par l’intonation (Rossi, 1980). Il importe cependant de souligner que la référence au syncrétisme ne constitue pas l’unique argument qui ait été avancé pour défendre le point de vue du français, langue sans accent. C’est ainsi, par exemple, que pour les tenants de la mouvance de la glossématique (Hjelmlev, 1936-37 ; Togeby, 1951) l’absence d’accent en français découle directement du fait que ce prosodème n’assume pas une fonction distinctive dans cette langue. Cette “ carence phonologique ” a été invoquée de nos jours (Peperkamp & Dupoux, 2002) pour expliquer pourquoi les sujets français, à la différences des sujets espagnols, par exemple, éprouvent des difficultés à percevoir des contrastes accentuels. Enfin, pour d’autres chercheurs, l’absence relative d’accent en français serait davantage à mettre au compte de son caractère phonétiquement peu marqué par rapport aux autres langues romanes et aux langues germaniques (Roudet, 1910 ; Nyrop, 1963 ; Dauer, 1983 ; Tranel, 1987). Il est possible que cette faiblesse relative de l’accentuation soit aussi à l’origine du fait, signalé par Meschonnic (1982), que l’accent du français a été invisible aux yeux de nombreux auteurs français, non linguistes, comme Rapin, Condillac, Rousseau et l’abbé d’Olivet (cités par Meschonnic). Sans aller jusqu’à admettre que le cursus, tel qu’il a été défini plus haut, constitue une unité morphophonologique minimale en français, plusieurs auteurs considèrent le passage de l’accentuation de mot à l’accentuation finale de groupe comme un fait acquis pour cette langue. Ce dernier représente ainsi la conception traditionnelle de l’accentuation du français la “ received view ” - qu’adoptent la plupart des linguistes étrangers (Hyman, 1975 ; Anderson, 1984 ), lorsqu’ils font référence à cette langue. La principale difficulté que rencontre cette conception réside dans la signification qui est attribuée au terme de “groupe ”, ce qui amène naturellement à poser la question de la nature grammaticale et/ou phonologique du domaine correspondant à l’unité accentuelle, ou au groupe accentuel, en français. Si les réponses apportées à cette question ont été parfois évasives ou embarrassées dans le passé, force est de constater, comme nous le verrons par la suite, qu’elles ne sont pas univoques de nos jours. Après avoir fait remarquer que “ l’élasticité de l’unité accentuelle ” est une caractéristique des langues à accentuation fixe, Garde déclare que l’accent n’affecte pas en français des unités dont on peut donner une définition grammaticale permanente, mais des unités dont les limites peuvent varier d’un énoncé à l’autre (Garde, 1968, p. 94). La raison de cette incertitude est peut être liée en partie à l’incompréhension d’un phénomène qui a suscité de nombreuses discussions. Il s’agit du processus de la “ désaccentuation ” en français dont nous allons examiner les tenants et les aboutissants. 1.1.1.2. L’incidence de la désaccentuation incomplète des lexèmes Nous rappelons que l’hypothèse du cursus strict stipule que l’accentuation des lexèmes appartenant à cette unité est oblitérée, ce qui contribue, avec le concours du phénomène de liaison, à l’effacement des frontières du mot en français parlé. Plusieurs auteurs ont été ainsi amenés à affirmer que le français oral accordait peu d’importance à la délimitation des mots 4 dans la phrase, ces derniers ne pouvant prétendre constituer, de ce fait, des entités phoniques (Nyrop, 1925 ; Troubetzkoy, 1949). Ce phénomène serait ainsi la conséquence d’une désaccentuation systématique qui veut que toutes les catégories de mots, y compris les substantifs, peuvent se comporter comme des proclitiques (Roudet, 1907). Pour Rossi (1980) la désaccentuation du mot dans le groupe serait par ailleurs un corollaire inévitable de l’état de langue sans accent. En réalité, peu de chercheurs ont été enclins à soutenir cette vue extrême, en particulier lorsque le cursus est assimilé au groupe de souffle. Ils considèrent en effet qu’il est difficile d’admettre qu’un cursus (à l’exception de ceux qui se réduisent à un mot ou a un syntagme court) puisse être dépourvu d’une structure accentuelle interne ou, en d’autres termes, d’une structure métrique. Il n’est pas hors de propos de rappeler ici que le français est rangé par la tradition dans la catégorie des langues dites à “ isochronie syllabique ” (syllable-timed), par opposition à celles, comme l’anglais, par exemple, que l’on classe dans la catégorie des langues dites à “ isochronie accentuelle ” (stress-timed). Cette distinction typologique, établie à l’origine par Pike (1945), signifie que dans une langue appartenant à la première catégorie, le rythme est fondé sur une grande régularité de la succession des syllabes (ou une isosyllabicité), tandis que dans une langue de la seconde catégorie, le rythme est déterminé par la régularité des intervalles inter-accentuels et donc sur l’alternance régulière de syllabes accentuées et inaccentuées. La notion d’isosyllabicité tend ainsi à conforter l’idée que toutes les syllabes ont un poids équivalent au sein du cursus où, par conséquent, n’alternent pas syllabes fortes et faibles. Il s’avère cependant que ce phénomène n’a pas reçu de confirmation empirique dans plusieurs études qui se sont attachées à comparer le français à d’autres langues et qui rejoignent ainsi la conclusion que la métrique du français procède aussi d’un certain isochronisme accentuel (Wenk & Wioland, 1982 ; Dauer, 1983 ; Fant et al., 1990 ; Fletcher, 1991) . Cette observation n’est donc pas compatible avec l’hypothèse du cursus évoquée plus haut, dans la mesure où une langue à cursus se caractérise notamment par un rythme syllabique (Lyche & Girard, 1995). La révision de l’hypothèse du cursus (que Pulgram considère comme une étape marquante de l’histoire de l’accentuation du français: “ The typological change of French from a language that does not phonologically mark word-boundaries to one that does, become a distinct prospect ”, Pulgram, 1967, p. 1641), est en agrément avec les observations de phonéticiens comme Grammont (1934) et Delattre (1939) qui conduisent à affirmer que les mots ne sont pas systématiquement désaccentués dans les unités dont l’empan est celui d’un groupe assimilable à un cursus. Pour Grammont, le mot peut perdre ou conserver son accent, “ selon le rôle qu’il joue ” (1934, p. 122). Delattre (1940, 1966) affirme de son côté que pour des “ mots majeurs ” autres que le dernier du groupe, la désaccentuation est “ incomplète ”, ou l’accentuation est “ partielle ”, ce qui concourt à la “ délimitation du mot au sein du groupe rythmique ” (1966, p.143). Le phénomène de la désaccentuation incomplète, ou de l’accentuation partielle, des mots appartenant à un groupe d’extension variable est confirmé par des analyses expérimentales, comme celle qui ont été conduites par Rietveld, 1980. Ces résultats sont de nature à conforter l’idée qu’il puisse exister plusieurs niveaux (ou degrés) d’accentuation en français (une idée qui sera développée notamment par Dell (1984), dans la cadre d’une approche de l’accentuation du français inspirée de la phonologie métrique). Cette idée est également à mettre en relation avec de l’opinion de Garde (1968) selon laquelle il conviendrait de distinguer entre “ l’unité accentuelle ” (une unité minimale comportant un seul accent) et le “ groupe accentuel ” (un ensemble d’unités accentuelles délimitées par un accent de rang 5 supérieur). Toutefois, les termes utilisés par Grammont, par Delattre et par Garde ne permettent pas de tirer des conclusions précises en ce qui concerne l’incidence que pourrait avoir la démarcation accentuelle des mots sur le “ phrasé prosodique ” du français. L’incertitude affecte également le concept de “ groupe rythmique ” dont il est difficile de préciser le statut et l’extension. Si le groupe de souffle est décomposable en groupes rythmiques, quel est le statut phonologique de ces unités dans le système prosodique du français ? Le groupe rythmique représente t-il réellement une unité minimale de ce système ? Si tel n’est pas le cas, quelles sont les unités prosodiques constitutives des groupes rythmiques ? Toutes ces interrogations se rapportent, en vérité, à la problématique générale de la constituance et des domaines prosodiques, ou plus généralement à celle du phrasé prosodique en français. Nous nous efforcerons de fournir des éléments de réponse personnels à ces questions dans la dernière section de cette première partie qui est consacrée à l’accentuation du français. Nous souhaitons exposer auparavant quelques points de vue sur la problématique qui vient d’être évoquée. 1.1.1.3. Le domaine de l’accentuation finale Dès 1949, Troubetzkoy a fait remarquer que l’accent français ne signale pas la limite finale d’un mot en tant que telle, mais “ la fin d’un élément de phrase, d’un membre de phrase ou d’une phrase ” (Troubetzkoy, 1964, p. 296). Si nous laissons provisoirement de côté la question de l’accent de phrase qui soulève des problèmes particuliers, il apparaît que les groupes rythmiques correspondant aux “ éléments ” et aux “ “ membres ” de phrase cités par Troubetzkoy on fait l’objet, par la suite, de diverses interprétations linguistiques. Ces dernières sont à l’origine d’une certaine variabilité terminologique qui peut s’avérer quelquefois confondante. Les premières analyses se rapportant à la constituance prosodique du français (Di Cristo, 1976 ; Verluyten, 1982) s’accordent à distinguer deux unités : le Groupe Accentuel (GA) et le Groupe Intonatif (GI). Le GA est défini comme l’unité rythmique minimale comportant un seul accent final associé à la dernière syllabe pleine de cette unité. Il correspond ainsi à l’unité accentuelle, telle que la conçoit Garde (cf. supra). Cette définition de l’unité rythmique, qui est fondée exclusivement sur des critères prosodiques se rapportant à l’accent final (nommé le plus souvent : “ accent primaire ”), est reprise par d’autres auteurs au moyen de termes souvent différents. C’est ainsi que le groupe rythmique borné à sa droite par “ l’accent primaire ” (ce dernier étant distingué, comme on le verra plus tard, de l’accent de phrase et de l’accent initial) a reçu tour à tour les dénominations de : Mot Phonologique (Selkirk, 1972 ; Milner & Régnault, 1987), Mot Prosodique : (Vaissière, 1974 : Martin, 1977 ; 1980 ; Di Cristo, 1999 ; Vaissière & Michaud, 2005), Syntagme Prosodique (Vaisière, 1997), Groupe Intonatif (Mertens, 1987), Mot Rythmique (Pasdeloup, 1990), Groupe Rythmique (DelaisRoussarie, 1995), Unité Rythmique (Di Cristo & Hirst, 1993) et de Syntagme Accentuel (Jun & Fougeron, 1995). D’autres approches, à la différence des précédentes, se réfèrent notamment à des critères extra-prosodiques pour définir le domaine du groupe rythmique. Dans cette perspective, ce dernier à fait l’objet de deux interprétations pour le français. Selon la première, il est assimilé au Groupe Clitique (Garde, 1968 ; Horne, 1978 ; Lyche & Girard, 1995 ; Di Cristo, 1999), qui est formé par un item lexical et ses dépendants grammaticaux que sont les clitiques, plus précisément, les proclitiques et les enclitiques (ce qui correspond également à la définition de l’unité morphophonologique identifiée comme un nexus, selon Klausenburger, 1970). La seconde interprétation considère le groupe rythmique comme le domaine du Syntagme 6 Phonologique (Verluyten, 1982 ; Delais, 1994 ; Post, 2000). Rappelons que dans le cadre de la théorie de la syntaxe X-barre (Jackendoff, 1977), la règle de formation du Syntagme Phonologique commande de grouper une tête lexicale (X’) avec les items lexicaux du côté non-récursif de sa projection maximale et les items grammaticaux situés de ce même côté (il convient de préciser également que les adjectifs pré-nominaux ne fonctionnent pas comme des têtes). La référence au groupe clitique (GC) et à la règle d’accentuation finale du groupe rythmique permettent notamment de rendre compte de la formation de groupements comme ceux qui sont illustrés par (1) et dans lesquels les enclitiques se trouvent être accentuées (caractères gras) du fait de leur position finale (Di Cristo, 1998). (1) (Dites-le)GC, (Pourriez-vous)GC, (Pensez-y)GC, etc. L’exemple (2) est une illustration de la règle de formation du Syntagme Phonologique décrite ci-dessus. (2) (Des petits enfants)SP (intelligents)SP ]Tête X ]Tête X Plusieurs études ont proposé de considérer le Syntagme Phonologique comme le domaine d’application de la liaison en français : la liaison serait effective entre les mots appartenant à un même Syntagme Phonologique (cf. ci-dessus : “ des petits enfants ”. En revanche, elle serait bloquée quand il s’agit de deux mots contigus appartenant à des Syntagmes Phonologiques différents (Verluyten, 1982 ; Nespor & Vogel, 1982 ; Booij, 1986 ; Selkirk, 1986 ; Booij & De Jong, 1987 ; Mazzola, 1993 ; De Jong, 1994). Toutefois, les analyses de corpus ne confirment pas cette règle et, de ce fait, la liaison ne constitue pas un critère rigoureux pour asseoir la validité du Syntagme Phonologique (cf. Post, 2000, pour une discussion de cette question). Plus fiable s’avère en réalité le critère de la “ résolution de la collision accentuelle ” (clash resolution ). Il a été observé par plusieurs auteurs que le français, à l’instar des autres langues, évite la succession immédiate de deux accents, c’est-àdire l’occurrence d’une collision accentuelle (Garde, 1968 ; Verluyten, 1982 ;Dell,1984 ; Pasdeloup, 1990 ; Mertens, 1992, Hoskins, 1994, Mazzola, 1994, Delais, 1995 ; Di Cristo, 1999) De ce fait, un mot qui précède un autre mot monosyllabique est exposé à perdre son accent final, comme dans (3). (3) un crayon rouge > un crayon rouge, une voiture neuve > une voiture neuve En revanche, il apparaît que la contiguïté de deux accents est permise si les mots qui les reçoivent appartiennent à deux syntagmes prosodiques différents, comme c’est le cas sans (4). (4) (des enfants) (sages) (comme des images) Il semble donc légitime de proposer que la règle de résolution de la collision accentuelle constitue un critère fiable pour l’identification du Syntagme Phonologique. On trouvera une analyse approfondie de cette question et de nombreux exemples dans Post (2000). Il n’en demeure pas moins que la diversité des termes utilisés (groupe, mot, syntagme) en français pour désigner ce qui paraît être de prime abord une même unité prosodique (l’unité accentuelle, bornée par l’accent dit “ primaire ”) est problématique, dans la mesure où les chercheurs qui se réfèrent à la théorie influente de la “Phonologie Prosodique ” (Selkirk, 7 1986, Nespor & Vogel, 1986) admettent généralement que le Mot Phonologique, le Groupe Clitique et le Syntagme Phonologique correspondent à des unités de rang différent au sein de la hiérarchie prosodique. En principe, le Mot Phonologique est considéré comme étant coextensif au mot lexical ou inférieur à ce dernier (Selkirk, 1980 ; Hannahs, 1995). Le Groupe Clitique comprendrait ainsi le Mot Phonologique et les éléments qui gravitent autour de lui (Hayes, 1989). Mais le Groupe Clitique est parfois assimilé au Mot Phonologique (Morin & Kaye, 1982 ; Selkirk, 1986), qui n’est lui-même pas toujours clairement différencié du Syntagme Phonologique (Milner & Régnault, 1987), si l’on fait abstraction de la référence à des critères syntaxiques ( ou extra-prosodiques ). Enfin, il est intéressant de remarquer que Basbl (1981) propose de distinguer, sur la base de critères prosodiques, entre Mot Phonologique mineur (domaine de l’accent de mot) et Mot Phonologique majeur (domaine de l’accent de syntagme). Les remarques qui précèdent nous conduisent à formuler, en guise d’hypothèse de travail, l’alternative suivante. Soit la diversité des termes employés n’est que l’illustration d’une amphibologie terminologique dont la linguistique est souvent coutumière (cf. ShattuckHufnagel & Turk, 1996, pour une discussion sur ce sujet). Soit elle reflète une réelle incertitude au sujet de l’identité des domaines prosodiques du français, tout en suggérant cependant l’idée qu’il puisse exister dans cette langue plusieurs niveaux de constituance (ou plusieurs domaines) en deçà du Groupe Intonatif ou de l’Unité Intonative (en anglais, Intonation Group, Tune, Tone Unit) qui est décrit(e) dans la plupart des approches comme un constituant prosodique de rang majeur (cf. la deuxième partie de l’article). 1.1.1.4. Matérialité de l’accent final A la problématique de la définition du domaine de l’accent final du français se superpose celle de la spécification de sa matérialité, c’est-à-dire de la définition de ses attributs acoustiques et perceptifs. En effet, selon les auteurs, le principal paramètre de l’accent final en français est soit la durée (Delattre, 1939, 1940 ; Benguerel, 1973 ; Rietveld, 1980 ; Pensom, 2000), soit la mélodie (Pernot, 1929-1930 ; Rigault, 1961 ; Post, 2003). D’après Delattre (1939) “ si l’on veut évaluer l’accent français par l’un de ses éléments acoustiques, c’est la durée qu’il faut choisir ” (Delattre, 1966, p. 70). Plusieurs auteurs considèrent que le système accentuel du français aurait connu, par rapport au latin une double évolution : passage de l’accentuation de mot à l’accentuation de groupe et passage d’une accentuation dynamique à une accentuation de quantité (Pope, 1933 ; Klausenburger, 1970 ; Horne, 1978). Toutefois, des travaux plus récents assimilent le plus souvent l’accent final à un accent mélodique, en maintenant cependant l’idée que le groupe accentuel qui est délimité par cet accent se caractérise aussi par un allongement de la dernière syllabe du groupe (Di Cristo, 1998 ; Jun & Fougeron, 2000 ; Post, 2000). On peut voir dans cette marque temporelle une propriété qui contribuerait à distinguer le français de l’anglais, par exemple (Beckman, 1992). En effet, le phénomène d’allongement final dont il vient d’être question conduirait à interpréter l’accent final du français comme une marque de limite de groupe, à la différence de l’anglais où l’accent est considéré comme une tête métrique, indépendante de l’effet d’allongement. 1.1.2. Le cas de l’accentuation initiale La problématique de l’accentuation initiale du français est plus complexe que celle de l’accentuation finale. Elle n’a cessé dans le passé de diviser les auteurs et elle continue de susciter de nos jours de nombreuses discussions qui concernent, à la fois, son origine, sa 8 fonctionnalité, sa nature et la place qui lui revient dans la description phonologique de la prosodie du français. 1.1.2.1. l’accentuation initiale est-elle un phénomène d’origine récente ? L’accentuation initiale du français est parfois présentée comme un phénomène récent (Milner & Régnault, 1987 ; Lyche & Girard, 1995), ou comme le fruit d’une évolution moderne, voire d’une mutation du système accentuel de la langue française dont la prosodie changerait ainsi de visage (Nyrop, 1963 ; Fónagy, 1989). En vérité, bien que les travaux sur l’évolution du système accentuel de l’ancien français au français moderne ne fassent pas état de la présence d’un accent initial (Novak, 1932 ; Kurylowicz, 1958 ; Wartburg, 1962, cités par Fónagy, 1981 ; Klausenburger, 1970), il semblerait que l’existence de ce dernier soit un fait ancien, sans que l’on soit pour autant en mesure de définir avec précision son avènement. En effet, dans l’article de référence publié en 1980 (au cours duquel il reprend notamment des observations déjà consignées dans sa thèse soutenue en 1949), Fónagy cite des travaux de germanistes comme Schuchard, 1890 ; Meyer-Lübke, 1890, Scherk, 1912, qui attestent que l’accentuation initiale du français a bien été identifiée il y a plus d’un siècle (pour Milner & Régnault, 1987, il n’est pas surprenant que des phonéticiens de formation germanique aient été particulièrement aptes à détecter l’accentuation initiale du français, probablement en raison d’une proximité avec leur langue maternelle). Fónagy rapporte également une correspondance entre Richard Strauss (1864-1949) et Romain Rolland (1866-1944) dans laquelle il est précisément question de cet accent initial. Particulièrement édifiants, selon nous, se révèlent être les résultats des investigations de Pensom (2000), lesquelles attestent d’une présence encore plus ancienne de l’accentuation initiale en français, qu’il s’agisse du français moderne (Manon Lescaut, textes de Racine, récitatifs de l’Alceste de Lully) ou du vieux français (le Roi de Navarre, La Chanson de Rolland). Comment se fait-il, compte tenu de ces données factuelles, que l’accentuation initiale du français n’ait été effectivement prise en compte par les linguistes (notamment par les phonologues) que dans un passé relativement récent ? Afin de fournir des éléments de réponse à cette question, nous prendrons appui sur une remarque formulée par Rigault (1970). Elle précise que si l’idée de la présence d’un accent non-final en français n’est pas neuve, elle aurait eu en revanche “ mauvaise presse ”. Que faut-il entendre par cela ? 1.1.2.2. Pourquoi l’accentuation initiale a-t-elle été écartée de l’analyse linguistique ? Durant la première partie du XXe siècle, il a régné en France, dans les rangs des phonéticiens et des grammairiens influents comme Grammont, Fouché et Dauzat, un conservatisme excessif, parfois empreint de nationalisme, qui a poussé ces auteurs à écarter délibérément toute forme d’accentuation initiale au profit d’une conception “ scientifiquement correcte ”, monovalente, de la stricte oxytonie du français. L’accentuation initiale est alors perçue comme une anomalie accidentelle (Dauzat, 1934), comme la marque d’un français familier ou d’une prononciation étrangère que la langue cultivée se doit d’éviter (Fouché, 1936), car elle “ nuit à sa beauté ” (sic. Delattre, 1966, p. 149). Pour Grammont, le français n’a nul besoin de recourir à ce type d’accentuation alors que l’anglais l’utilise abondamment afin de “ pallier la banalité des propos ” (sic. Grammont, 1933, p. 119). Selon Nyrop, “ il est toujours permis de placer un léger accent sur la dernière syllabe ” en français, alors que “ l’on s’exposerait à commettre des fautes ” en exagérant une autre forme d’accentuation (Nyrop, 1963, p.105). 9 Il apparaît clairement que ces auteurs considèrent généralement l’accent initial ainsi décrié comme un accent d’emphase (baptisé “ accent d’insistance ” par Grammont en1916, cité par Séguinot, 1976), qui ne relève pas, de ce fait, selon leur point de vue, de l’étude de la grammaire de la langue. Il se trouve cependant que le fait d’assimiler l’accentuation initiale à une accentuation d’insistance a perduré (Sten, 1963 ; Mertens, 1987) et à donné lieu à diverses interprétations, plus ou moins inspirées de la distinction originelle établie par Marouzeau (1923) entre accentuation d’insistance affective, ou émotionnelle et accentuation d’insistance intellectuelle, ou oratoire (cf. Marouzeau, 1959, pp. 65-67). C’est ainsi que l’accent d’insistance est décrit tour à tour comme un accent “ didactique ” (Léon, 1971 ; Lucci, 1980), ou comme un accent “ expressif ” (Léon, 1992) ; soit, en définitive, comme un dispositif de mise en relief de la première syllabe des mots, dont les usages semblent être motivés par plusieurs facteurs. D’après les enquêtes effectuées par Lucci (1980), il apparaît que l’accent d’insistance intellectuel (ou “ intellictif ”) est principalement employé par une couche socioculturelle ou professionnelle de locuteurs qui ont l’habitude de manier les variantes situationnelles d’une même langue, comme les annonceurs, les journalistes, les enseignants et les politiciens. Il représenterait ainsi la marque d’un parler propre à une classe socio-culturellement favorisée, ce qui constituerait une tendance radicalement opposée à celle décrite par des auteurs comme Fouché et Dauzat qui ont interprété, en leur temps, l’accentuation d’insistance comme une caractéristique du parler populaire (cf. supra). D’autre part, l’usage de cet accent semble également dépendant du style, car il se révèle être plus fréquent dans la lecture orale que dans la conversation, par exemple (Lucci, 1980 ; Fónagy, 1980). Toutefois, Vaissière (1991), évoque également l’emploi possible d’un accent initial non-emphatique dans la lecture. L’accent d’insistance affectif, qui est associé à l’expression spontanée des émotions et que l’on rencontre en particulier dans des énoncés à valeur exclamative, n’a pas fait l’objet jusqu’à présent, à notre connaissance, d’investigations aussi approfondies que celles qui se rapportent à l’accentuation d’insistance intellectuelle. De ce fait, il n’est pas encore établi de façon définitive quels sont les traits prosodiques qui pourraient rendre compte de la différenciation de ces deux types d’accentuation emphatique. Quoi qu’il en soit, les recherches sur l’accentuation d’insistance qui ont été menées jusqu’à présent ont eu le mérite, par rapport à la position traditionnelle dont il a été question plus haut, d’accorder une place légitime à cette accentuation dans la description linguistique de la prosodie du français. Elles contribuent ainsi à rendre justice au précepte formulé par Martinet, suivant lequel “ “ la phonologie ne saurait se désintéresser des éléments phoniques qui sans contribuer à fixer la signification intellectuelle d'un énoncé, nous renseignent sur l'état d'esprit et les intentions du locuteur, comme par exemple l'accent d'insistance en français ” (Martinet, 1965, p.84). 1.1.2.3. L’accentuation initiale non-emphatique L’attraction suscitée par l’accentuation d’insistance a eu pour effet de détourner pendant longtemps l’attention d’une autre forme d’accentuation initiale, de nature non-emphatique, vers laquelle se porte davantage aujourd’hui l’intérêt des chercheurs. A ce propos, il est remarquable que la distinction entre les deux types d’accents initiaux (emphatique et nonemphatique) ait été repérée relativement tôt par certains chercheurs, alors qu’elle reste opaque pour d’autres, encore de nos jours. Dès 1910, Roudet cite un “ travail ancien ” (sic) dans lequel Jean Passy (le frère de Paul Passy) propose de distinguer, par rapport à l’accent final, deux sortes de “ déplacement d’accent ”: un “ déplacement rythmique ” dû à une recherche inconsciente du rythme et un “ déplacement emphatique ” dû à l’importance logique ou 10 émotionnelle des mots. En dépit de la justesse de ces remarques, qui préfigurent certaines analyses actuelles, la notion de déplacement ne semble pas devoir être retenue sans discussion. En effet, il y a déplacement d’accent lorsque la syllabe nouvellement accentuée se substitue à la syllabe accentuée de référence. Or, il est établi que la réalisation d’un accent initial d’insistance n’oblitère pas l’accent final traditionnel, ce qui aurait pour effet d’entraîner ipso facto la perte du caractère oxytonique de l’accentuation du français, comme on l’a parfois supputé à tort (Gill, 1936 ; Nyrop, 1963). L’interprétation de l’accent initial non-emphatique relève en général de l’analyse de l’organisation métrique du français. Abordé dans cette optique, l’accent initial, a reçu alternativement les dénominations “ d’écho d’accent ” (Garde, 1968), “ d’ictus mélodique ” (Rossi, 1980), de “ contre-accent ” (Milner & Régnaul, 1987), ou encore “ d’accent secondaire ” (Roudet, 1910 ; Nyrop, 1963 ; Pasdeloup, 1990). Selon Garde (1968), le terme de “ secondaire ” n’est pas approprié, car il fait référence, en principe, à une accentuation déductible de la hiérarchie des morphèmes dans le mot, ce qui ne saurait être le cas du français qui n’appartient pas à la catégorie des langues dotées d’une accentuation lexicale. Personnellement, nous préférons écarter ces dénominations et parler simplement d’accent initial. Dans des exemples comme “ maison neuve ”, “ café noir ”, il y a bien un effacement de l’accent final du premier mot et une accentuation de sa syllabe initiale. Ce dispositif, qui est destiné à avantager l’eurythmie, en évitant l’occurrence d’une collision accentuelle due à la succession de deux syllabes accentuées et en favorisant ainsi une alternance régulière des syllabes fortes et faibles (Verluyten, 1982), ne semble pas devoir être interprété comme un “ déplacement ” d’accent, comme cela a été suggéré (Verluyten, 1982, Hoskins, 1994, Mazzola, 1994 ), mais plutôt comme la réalisation “ opportune ” d’un accent particulier qui a sa place dans le système prosodique du français (Di Cristo, 1999 ; Post, 2000). La présence d’un accent initial non-emphatique, à l’instar de celle de l’accent final emphatique, est motivée par plusieurs facteurs, parmi lesquels il est convenu de citer la longueur et le poids sémantique des mots, ainsi que le degré de cohésion syntaxique et sémantique des syntagmes qui constituent l’énoncé. La formation “ d’arcs accentuels ” dans lesquels le premier mot porte l’accent sur la première syllabe et le second, sur la dernière (comme dans : “ protéger la France ”, “ politique étrangère ”), a été observée notamment par Fónagy (1980), ce qui a conduit cet auteur à remettre en question la conception traditionnelle de la stricte oxytonie. D’autres ont trouvé dans l’apparition des schèmes barytoniques du français moderne un argument de poids en faveur de l’hypothèse du “ mot retrouvé ” et de l’abandon définitif du modèle du cursus (Lyche & Girard, 1995). En définitive, les mécanismes qui président à l’actualisation de l’accentuation initiale du français sont certainement fort complexes, puisqu’ils doivent se plier à la fois à des contraintes rythmiques, phonotactiques, syntaxiques, sémantiques et pragmatiques. Il est possible que le traitement de ces contraintes dans le cadre de l’influente Théorie de l’Optimalité (Prince & Smolensky, 1993) permette de d’expliquer en partie comment ces dernières sont satisfaites (cf. pour une application : Delais-Roussarie, 1996 ; Post, 2000, 2003). Toutefois, il apparaît que cette théorie ne s’est pas préoccupé, jusqu’à présent, d’intégrer les diverses contraintes d’ordre pragmatique. De ce fait, et compte tenu de la grande variabilité des configurations accentuelles observées (ce qui est représentatif d’une réelle instabilité du système accentuel du français), il semblerait que seule une approche de type probabiliste puisse être en mesure de rendre compte de cette foisonnante diversité (Fónagy, 1980 ; Delais-Roussarie, 1995 ; Di Cristo, 1996) 11 D’une manière générale, l’accent initial du français est décrit comme une proéminence signalée par une variation de la mélodie, en réalité de la F0 (Vaissière, 1984, 1975 ; Rossi, 1980 ; Hirst & Di Cristo, 1984 , Di Cristo, 1999 ; Jankowsky et al., 1999 ; Post, 2000), ce qui contribue à le distinguer ainsi de l’accent final traditionnel de quantité (Pensom, 1993 ; Astesano et al., 1995 ; Astesano, 1998). Pour de nombreux auteurs, cet accent est actualisé sous la forme d’une “ montée ” que les travaux rédigés en anglais qualifient le plus souvent de “ initial rise ”. C’est ainsi que, dans une étude des propriétés prosodiques des phrases lues, Vaissière (1974) observe que le début de chaque mot lexical tend a être accompagné d’une montée de F0. D’après les travaux plus récents de Jun & Fougeron (2000, 2002) et de Welby (2004), le français se caractérise par des séquences de mouvements montants (transcrits par L H) qui se répartissent en mouvements tardifs (associés à l’accent final) et en mouvements précoces (associés à l’accent initial). Il est à noter que ces études se fondent également en grande partie sur l’analyse de phrases isolées lues qui favorisent, comme cela avait été montré antérieurement (cf. supra), la fréquence d’emploi de l’accent initial. D’autre part, la notion de montée fait référence chez ces auteurs à des événements acoustiques (quantifiables en termes de variations de la F0). Il importerait de vérifier si ce terme convient également pour désigner un événement perceptif, ce qui permettrait de justifier, dans ce cas, l’appellation de “ montée mélodique ”. On ne doit pas perdre de vue, en effet que les termes de “ mélodie ”et de “ hauteur ” (représentés par le mot “ pitch ” en anglais) doivent être réservés pour désigner des entités perceptives, alors que celui de “ fréquence fondamentale ” ne peut que référer à un phénomène physique. 1.1.2.4. Résumé et discussion : autour de la problématique des relations entre accentuation et phrasé prosodique Dans la section 1.1. du présent article, nous avons exposé des aspects historiques et soulevé des questions théoriques et terminologiques se rapportant à l’interprétation de l’accentuation du français (plus précisément, à l’interprétation de l’accent final traditionnel et de l’accent initial, parfois dénommés, respectivement, “ accent primaire ” et “ accent secondaire ”, sans que cette distinction ne soit véritablement fondée. Nous avons montré que, si les conceptions anciennes du cursus et de l’absence d’accent en français ont été abandonnées, la problématique de la spécification de l’unité accentuelle définie par l’accent final demeure un point de débat. Parmi les questions qui alimentent ce débat, se placent au premier plan celle qui concerne l’interprétation de la désaccentuation (totale ou partielle) des items lexicaux en français et celle qui se rapporte à l’élasticité de l’unité accentuelle, si tant est qu’il n’en existe qu’une. Les discussions autour de ces questions et les prises de position qu’elles ont suscitées ne sont pas étrangères à la prolifération des termes et des expressions qui ont été proposées pour qualifier “ l’unité accentuelle ” du français (groupe de force, groupe de sens, groupe rythmique, mot phonologique, mot prosodique, syntagme phonologique, etc.). A la suite des précédentes remarques, il apparaît que la contribution de l’accentuation au phrasé prosodique du français tend à s’imposer comme une problématique majeure, dans la mesure ou l ‘analyse des relations que l’on peut établir entre l’accentuation et la constituance ou le phrasé - prosodique occupe une place centrale dans les travaux qui se rattachent à la mouvance des études sur la phonologie prosodique des langues (cf. Selkirk, 1972 ; Liberman, 1975 ; Nespor & Vogel, 1986 ; Halle & Vergnaud, 1987 ; Halle & Isdardi, 1995 ; DelaisRoussarie, 1996). En ce qui concerne le français, la problématique se complexifie dès lors que l’on décide d’intégrer à l’analyse du système accentuel l’accentuation initiale dont nous avons souligné plus haut le caractère non univoque. Comment les approches phonologiques de la 12 prosodie du français traitent-elles l’accentuation finale et l’accentuation initiale lorsqu’elles cherchent à rendre compte du phrasé prosodique ? La première tentative d’intégration de l’accentuation initiale dans le cadre d’une approche phonologique paramétrique autosegmentale de la prosodie (plus précisément, de l’intonation) du français a été effectuée par Hirst & Di Cristo (1984). Dans cette approche, il est supposé qu’une structure intonative est formée de deux unités : l’Unité Tonale et l’Unité Intonative. L’Unité Tonale est définie comme une unité minimale de synchronisation des segments tonals (ou des tons) avec les séquences de phonèmes constitutives de l’énoncé. L’Unité Intonative est une unité de rang supérieur équivalente au Syntagme Intonatif ou au Groupe Intonatif décrit par de nombreux auteurs. Dans la représentation phonologique de l’intonation, des gabarits tonals sont attribués à chacune de ces deux unités. C’est ainsi que les gabarits L-L et L-H sont attribués à l’Unité Intonative terminale et à l’Unité Intonative non-terminale, respectivement. Le gabarit L-H est attribué à l’Unité Tonale (toutefois, ce gabarit dépend de la langue : il serait spécifié sous la forme H-L, dans le cas de l’Unité Tonale de l’anglais, par exemple, cf. Hirst & Di Cristo, 1986). L’illustration (5) montre que les groupes accentuels constitutifs d’une Unité Intonative (UI) qui correspond ici à l’ensemble de l’énoncé nominal déclaratif, sont assimilés à des Unités Tonales (UT), ce qui implique d’une part que l’accent est interprété comme une proéminence mélodique et, d’autre part, que les groupes accentuels sont considérés comme des unités prosodiques minimales de synchronisation des segments tonals avec le matériau segmental. (5) [(les dé) (clarations) (du dé) (puté)] UT UT UT UT UI Il apparaît dans l’exemple (5) que la tête métrique de l’Unité Tonale peut correspondre aussi bien à un accent initial qu’à un accent final. Dans la représentation de l’intonation, l’Unité Intonative terminale coextensive à l’énoncé (5) reçoit les tons : L-L et chaque Unité Tonale, les tons L-H, ce qui donne, après la linéarisation de l’ensemble des segments tonals, la séquence : [L L H L H L H L] Des règles génératives attestées dans les travaux de tonologie sont mises en oeuvre pour dériver de cette séquence une structure de surface prononçable, soit dans le cas présent : [M H L H L H D B] (les symboles utilisés appartiennent à l’alphabet INTSINT, qui permet de procéder au codage de l’intonation des langues en termes d’entités symboliques : . M, signifie Mid ; H, , Higher ; L, Lower ; D, Downstepped ; B, Bottom. Cf. Hirst & Di Cristo, 1998). Dans un développement ultérieur (Di Cristo & Hirst, 1993), il est proposé d’introduire dans le modèle une unité de rang intermédiaire : l’Unité Rythmique (UR). Cette modification qu’illustre l’exemple (6), est apportée pour rendre compte de l’accentuation finale du français qui donne lieu à la formation d’un groupe prosodique dans lequel la syllabe accentuée se distingue de la syllabe portant l’accent initial par une marque d’allongement. (5) [{(les dé) (clarations)} {(du dé) (puté)}] UT UT UR UT UT UR UI 13 La validité de l’Unité Tonale comme constituant minimal de la structure prosodique du français a été contestée par Jun & Fougeron (1995). L’un des arguments avancés par ces auteurs est que le découpage en Unités Tonales ne respecte pas l’hypothèse des niveaux stricts ( the strict layered hypothesis, cf. Selkirk, 1984 ; Nespor & Vogel, 1986), dans la mesure où elle transgresse la segmentation en mots. Outre les controverses dont a fait l’objet le statut phonologique du mot, on sait depuis longtemps que l’hypothèse des niveaux stricts impose des contraintes trop exigeantes sur les représentations phonologiques. De ce point de vue, Ladd (1986) à présenté des arguments convaincants en faveur de la présence de catégories récursives en phonologie qui s’avèrent en contradiction flagrante avec l’hypothèse des niveaux stricts (cf. également, les critiques formulées par Shattuck-Hufnagel & Turk (1996). Par ailleurs, les résultats d’une analyse expérimentale réalisée à partir d’un corpus d’énoncés provoqués (Hirst & Di Cristo, 1996) tendent à confirmer le bien-fondé de l’Unité Tonale en français. Jun & Fougeron (1995, 2000, 2002) ont élaboré à leur tour un modèle phonologique de la prosodie du français qui se réfère au cadre métrique-autosegmental adopté par Pierrehumbert (1980) pour décrire l’intonation de l’anglo-américain. Conformément à ce cadre, les énoncés sont constitués par des séquences de tons phonologiques L et H qui sont associés aux syllabes métriquement fortes et aux frontières des unités prosodiques. Jun & Fougeron proposent de distinguer deux catégories d’unités prosodiques en français : le Syntagme Intonatif et le Syntagme Accentuel, qui sont en réalité des équivalents respectifs de l’Unité Intonative et de l’Unité Rythmique évoquées ci-dessus, ou encore, du Groupe Intonatif et du Groupe Accentuel qui ont été décrits dans des travaux plus anciens (Di Cristo, 1976 ; Verluyten, 1982). Il est également question dans les travaux de Jun & Fougeron d’un Syntagme Intermédiaire qui n’est pas défini selon nous (cf. également Post, 2003) de façon suffisamment explicite. C’est la raison pour laquelle nous n’en tiendrons pas compte par la suite. D’après l’analyse de Jun & Fougeron, le schème tonal par défaut du Syntagme Accentuel se caractérise par le patron LHiLH (Hi fait référence ici à l’accent initial et H, à l’accent final). Dans la version la plus récente de leur modèle, qui s’attache en particulier à réexaminer les règles d’association tonales avec les syllabes au sein du Syntagme Accentuel, Jun & Fougeron (2002) abandonnent l’idée de l’association d’un ton avec une seule syllabe au profit de celle qui admet que deux tons puissent être associés à une même syllabe. Dans cette optique, Jun & Fougeron considèrent que la séquence bitonale LHi n’est pas associée à une syllabe particulière du Syntagme Accentuel, mais avec sa limite gauche. En revanche, le schème bitonal LH est associé à une syllabe déterminée qui porte l’accent final, ce qui lui confère, par référence au modèle de Pierrehumbert (1980), le statut particulier de “ pitch accent ” et l’attribution de l’astérisque (*). En vertu de ces différences, le Syntagme Accentuel est donc une entité prosodique (un morphème tonal) que Jun & Fougeron proposent de représenter par le patron tonal LHiLH*. Les approches de Hirst & Di Cristo (1984) et de Post (2000), à la différence de celle de Jun & Fougeron, ne proposent pas d’établir une distinction structurelle entre le schème tonal de l’accent initial et celui de l’accent final. Les groupes prosodiques minimaux (les Unités Tonales) délimités par l’accent initial et par l’accent final sont dotés du même gabarit tonal (L-H) dans l’approche de Hirst & Di Cristo. Les deux accents sont associés à un même ton H pour Post qui considère, d’autre part, que l’usage du diacritique (*) n’est pas nécessaire en français. Selon son point de vue, en effet, les changements de hauteurs ne se produisent que sur les syllabes accentuées et, par conséquent, les contrastes phonologiques ne dépendent pas de la localisation de (*) dans la chaîne, comme c’est le cas pour l’anglais où le contraste L*H / LH* s’avère pertinent. 14 L’approche de Hirst & Di Cristo se distingue notamment des deux autres approches citées précédemment par le fait qu’elle stipule que l’accentuation initiale donne lieu à la formation d’un constituant qui participe ainsi du phrasé intonatif des énoncés. Par contre, la présence de l’accent initial n’entraîne pas la formation d’un constituant particulier, ni dans l’approche de Jun & Fougeron, ni dans celle de Post. Ce rôle est dévolu à l’accent final dont le domaine est le Syntagme Accentuel, dans l’approche de Jun & Fougeron et le Syntagme Phonologique, dans l’approche de Post. D’après cette dernière, tous les Syntagmes Phonologiques sont obligatoirement marqués par la présence d’un accent mélodique. La construction des Syntagmes Phonologiques fait l’objet pour Post d’une interprétation qui se positionne dans le cadre d’une étude de l’interface syntaxe/phonologie (cf. également, pour le français : Verluyten, 1982, Delais, 1995). Dans cette perspective, Post (2000, 2003) propose d’expliquer la formation des Syntagmes Phonologiques en se fondant sur des contraintes métriques (par exemple, la contrainte “ no-clash ”) et des contraintes d’alignement qui se réfèrent à des catégories syntaxiques décrites par la théorie de la syntaxe X-barre, telles que X’ et X’’. Cette analyse tente ainsi de rendre compte des interactions complexes qui relient l’accentuation et le phrasé prosodique et qui président à l’émergence de la structure constituante de surface. 1.2. Propositions : pour un modèle probabiliste de l’accentuation du français 1.2.1. Remarques préliminaires Les discussions qui occupent les sections précédentes font apparaître qu’un certain consensus a pu s’établir, au fil du temps, sur la situation présente de l’accentuation du français. Ce consensus demeure cependant fragile. Si les spécialistes semblent s’accorder aujourd’hui sur la présence d’une accentuation initiale et d’une accentuation finale en français, il subsiste encore des points de divergence et des zones obscures. Les divergences se rapportent principalement la nature des relations entre l’accentuation et la constituance ou le phrasé prosodique. De ce point de vue, il semble que les discordes soient en grande partie dépendantes des présupposés théoriques et des questions d’école. Elles ont aussi pour origine la diversité des matériaux analysés. Il est utile de rappeler à ce sujet que l’accentuation et le phrasé prosodique sont particulièrement sensibles à la variation du style. Les points obscurs concernent en particulier la problématique de l’unicité ou de la pluralité de l’accentuation initiale et de l’accentuation finale du français, ce qui conduit également à s’interroger sur la diversité des fonctions assumées par ces accents et sur leurs propriétés phonologiques et phonétiques discriminantes. Afin de donner des éléments de réponse à ces questions, nous présentons dans les pages qui suivent une approche probabiliste de l’accentuation du français qui reprend et développe les principales orientations de nos travaux antérieurs consacrés à ce thème (Di Cristo, 1998b, 1999a, 1999b, 2000a, 2002a, 2002b). 1.2.2. Les prémisses de l’approche L’approche que nous proposons d’exposer se fonde sur un ensemble de prémisses dont nous allons préciser le contenu et la portée. En premier lieu, nous pensons que les approches linguistiques de l’accentuation du français qui ont été exposées jusqu’à présent sont trop réductrices et ne présentent qu’une vue partielle du système accentuel de cette langue. De ce point de vue, nous souscrivons entièrement à des remarques formulées antérieurement par deux linguistes, lesquelles paraissent, en dépit de leur relative ancienneté, décrire avec clairvoyance l’état actuel de l’accentuation du français. Nous citerons ainsi tour à tour les 15 propos de Marouzeau et de Mazaleyrat. Selon le premier : “ le français qui ne possède pas à proprement parler d’accent structurel de mot, présente en revanche dans le déroulement de la chaîne vocale un jeu d’accentuations et d’intonations d’une richesse et d’une complexité extrêmes ” (Marouzeau, 1956, p. 241). Pour le second , dans le cas du français “ on se trouve en présence “ de différents types d’accents qui coexistent, s’ajoutent et se superposent dans le discours ” (Mazaleyrat, 1974, p. 112). L’une des raisons qui peuvent justifier le caractère réducteur des descriptions phonologiques de l’accentuation du français réside probablement dans le choix convenu d’appréhender la question dans le cadre restreint de l’interface syntaxe/phonologie (pour une discussion sur ce sujet, cf. Delais-Roussarie, 2004 ; Di Cristo, 2004), ce qui a conduit inévitablement à analyser la prosodie de la phrase. Selon notre point de vue, la question devrait plutôt être traitée dans le cadre d’une interface complexe qui permet d’intégrer à la fois des contraintes métriques, morphosyntaxiques, sémantiques et pragmatiques, lesquelles gouvernent à des degrés divers l’accentuation des énoncés et du discours. On pourrait objecter ici que la prise en compte de l’énonciation et du discours ouvre la porte à des aspects pragmatiques dont n’a que faire la phonologie. Toutefois, si l’on adhère à l’idée que la tâche de la phonologie consiste à étudier les formes sonores fonctionnelles des langues, il est possible de rétorquer à l’objection précédente en se reportant à deux références. La première concerne la remarque de Martinet (1965), citée au terme de la sous-section 1.1.2.2., sur les éléments phoniques dont ne saurait se désintéresser la phonologie. La seconde se rapporte à la définition de l’intonation donnée par Ladd (1996), à laquelle nous proposons (momentanément) de substituer le terme de prosodie à celui d’intonation . Pour Ladd, en effet, le terme intonation se réfère à l’usage qui est fait des éléments phoniques suprasegmentaux dans le but de véhiculer au niveau postlexical “ des significations pragmatiques d’une manière linguistiquement structurée ” (Ladd, 1996, p.6 ; traduction de l’anglais effectuée par nos soins). Il est clair que l’évocation de la structuration linguistique du matériau phonique suprasegmental fait référence ici à la phonologie et que la définition aborde la problématique de l’analyse linguistique de l’intonation comme celle de l’interface phonologie/pragmatique. Cette orientation mérite également d’être étendue à l’accentuation, dans la mesure où l’on convient que l’accentuation peut assurer des fonctions pragmatiques (cf. les remarques précédentes sur l’accentuation d’emphase ; cf. aussi Rossi, 1987, qui parle d’un “ accent énonciatif, cf. enfin les nombreux travaux sur les liens entre accentuation et focalisions) et où l’on admet que ces fonctions pragmatiques sont assumées en ayant recours à l’usage d’éléments phoniques linguistiquement structurés. Les remarques précédentes justifient, selon nous, le choix d’aborder la description et la représentation du système accentuel d’une langue dans le cadre d’une interface complexe, plutôt que dans la perspective traditionnelle réductrice de l’interface syntaxe/phonologie. Parmi les prémisses qui ont décidé de l’orientation de notre approche, le positionnement visà-vis des relations entre l’accentuation et la constituance prosodique s’avère déterminant. Il est établi depuis longtemps que l’accentuation a une incidence sur la segmentation des énoncés en domaines ou en constituants prosodiques. Le modèle le plus influent à ce jour de la constituance prosodique (Nespor & Vogel, 1986) considère ces constituants comme des primitives phonologiques. Cette position signifie que la structure constituante est première et que les règles d’accentuation sont par conséquent formulées à posteriori, en fonction de cette structure. Cette conception a été explicitée et critiquée de façon convaincante par DelaisRoussarie (2000). Nous partageons (Di Cristo, 1999) le point de vue de cet auteur selon lequel les diverses contraintes qui motivent les choix d’accentuation (cf. supra) s’exercent en parallèle et donnent ainsi lieu à une construction dynamique et progressive des patrons 16 accentuels dont ne peuvent entièrement rendre compte les règles d’optimisation formulées à l’interface de la syntaxe et de la phonologie. Certaines options d’accentuation sont probablement sélectionnées “ à la volée ” par les locuteurs selon des critères discursifs (en particulier interactionnels) qu’il est difficile d’élucider de prime abord, “ à moins d’être télépathe ” ( la formule est empruntée à Bolinger, 1972). Nous ne renonçons pas pour autant à l’idée, comme on le verra par la suite, que le jeu des accents engendre la formation de groupements. Cependant, nous ne pensons pas qu’ils participent d’une hiérarchie stricte (cf. supra). C’est pourquoi nous préférons les désigner par le terme de “ domaine ” plutôt que par celui de “ constituant ” (pour une discussion sur les critères qui justifient cette distinction, cf. Delais-Roussarie & Fougeron, 2004). Le dernier point que nous souhaitons clarifier, avant de présenter notre approche de l’accentuation du français, se rapporte à notre conception de la prosodie. Il est apparu dans la section précédente que les modèles phonologiques qui traitent directement ou indirectement de l’accentuation du français sont en réalité des modèles de l’intonation (comme cela ressort clairement des titres des travaux de Hirst & Di Cristo, 1984, de Jun & Fougeron, 2000 et de Post, 2000). On peut considérer que, dans ce cas, le terme d’intonation est pris dans une extension large, plus ou moins synonyme de prosodie (cf. Hirst & Di Cristo, 1998, pour une discussion de cette conception). Pour notre part, nous préférons réserver le terme d’intonation pour désigner uniquement les phénomènes qui se rapportent à l’organisation tonale des énoncés. Dans cette perspective, nous proposons d’envisager la prosodie comme un système complexe constitué de trois sous-systèmes qui ont en charge de gérer respectivement - et le plus souvent de façon interactive - l’organisation métrique, l’organisation tonale et l’organisation temporelle des énoncés, selon des procédés dépendants de la langue. Nous ne nous étendrons pas sur cette conception tripartite de la prosodie que nous avons développée ailleurs (Di Cristo, 2004). Nous dirons simplement qu’elle nous a paru s’imposer pour rendre compte du système accentuel du français et de ses incidences sur le phrasé prosodique de cette langue. 1.2.3. propositions : présentation de l’approche 1.2.3.1. Les objectifs de l’approche L’approche que nous proposons d’exposer s’efforce d’intégrer des aspects formels, fonctionnels et phonétiques de l’accentuation. Toutefois, elle ne vise pas à décrire des patrons accentuels “ par défaut ” qui seraient représentatifs d’une prononciation dite “ soignée ” et d’un débit de parole considéré comme “ normal ”. Elle cherche en revanche à mettre en avant le caractère probabiliste de l’accentuation du français qui se manifeste à la fois par la variabilité des schèmes accentuels et par la fréquence d’usage de ces schèmes dans la parole continue. Dans notre démarche, nous accordons une place importante aux relations entre l’accentuation et le phrasé prosodique. Dans cette perspective, nous adhérons aux propositions de Idsardi (1992) et de Halle & Idsardi (1995) pour procéder au parenthésage des groupes prosodiques. Conformément à ces propositions, une parenthèse gauche signale que le matériau placé à sa droite appartient à un même domaine, alors qu’une parenthèse droite assume la même valeur indicatrice pour le matériau placé à sa gauche. Les références à des aspects phonétiques se fondent en partie sur nos recherches antérieures et sur des données présentées par d’autres auteurs. 1.2.3.2. Les principes d’amont 17 L’approche probabiliste que nous adoptons est guidée par trois principes, que nous dénommons respectivement : Principe de Bipolarisation Accentuelle (PBA), Principe de Projection Conjuguée (PPC) et Principe de Dominance Métrique Droite (PDD). Le Principe de Bipolarisation Accentuelle veut rendre compte de l’accentuation initiale et de l’accentuation finale avérées du français. Il stipule qu’à un certain niveau sous-jacent de la représentation, une proéminence initiale et une proéminence finale sont associées aux unités signifiantes que sont les mots et les syntagmes qui forment un énoncé. Le maintien ou l’effacement de l’une de ces proéminences dans les structures de surface est conditionné, comme on le verra par la suite, par divers facteurs. Le Principe de Projection Conjuguée signifie que lorsqu’une proéminence se projette sur une structure de surface sous la forme d’un accent, elle donne lieu du même coup à l’initiation d’un parenthésage qui participe ainsi à la formation de la structure métrique et au phrasé prosodique de l’énoncé. Le Principe de Projection Conjuguée signifie également qu’à l’émergence de cette structure métrique et de ce phrasé sont associées des marques de l’organisation tonale et de l’organisation temporelle qui sont alignées avec le matériau segmental et qui peuvent être décrites et représentées en termes d’entités catégorielles. L’étude des propriétés phonétiques (acoustiques et auditives) de ces marques implique une analyse de type pluriparamétrique. Le Principe de Dominance Métrique Droite stipule que pour tout type de groupement, c’est la syllabe accentuable la plus à droite qui possède le niveau de force métrique le plus élevé. Ce principe implique également qu’il existe plusieurs niveaux (ou degrés) d’accentuation. Enfin, les projections superficielles des proéminences initiales et finales et des leurs attributs prosodiques (relatifs à l’organisation tonale et à l’organisation temporelle) sont asservies aux fonctions que ces proéminences ont pour rôle d’assumer. 1.2.3.3. Projections de la proéminence finale 1.2.3.3.1. L’accentuation nucléaire Une proéminence finale peut se projeter en français soit sous la forme d’un accent nucléaire (non-emphatique ou emphatique), soit sous celle d’un accent pré-nucléaire. L’accent nucléaire est l’accent qui est investi du plus haut niveau symbolique de proéminence dans la hiérarchie d’un système accentuel (Ladd, 1996, Ayers, 1996, Jun, 2004). C’est la raison pour laquelle il est souvent qualifié d’accent primaire dans l’approche britannique de la prosodie de l’anglais (Crystal, 1964 ; Cruttenden, 1997). L’accent nucléaire possède la propriété d’être “ contourogène ”, ce qui signifie qu’il est générateur d’une configuration mélodique identifiable (perceptivement et linguistiquement) comme un contour. Ce dernier peut être interprété comme une propriété formelle de la limite d’un domaine prosodique majeur que l’on appelle indifféremment Unité Intonative, Groupe Intonatif ou Syntagme Intonatif. Une autre marque formelle de la délimitation de ce domaine est représentée, selon nous, par l’allongement final de la syllabe (ou d’une partie de cette dernière) à laquelle est associée la projection de l’accent nucléaire. Dans le système de notation que nous avons élaboré pour représenter la prosodie du discours (Di Cristo et al., 2004), cet allongement est noté par les symboles /XLe/qui désignent le degré d’allongement syllabique maximal en français. Précisons que dans sa forme actuelle, le système n’utilise que deux formes de notation : /Le/ (allongé) et /XLe/ (très allongé), ce qui présuppose que l’on ne peut distinguer que trois degrés distinctifs d’allongement vocalique en français : Non Marqué /Ø/, /Le/ et /XLe/. Pour disposer de données empiriques qui tendent à valider cette interprétation, on se reportera à Astesano et al., 1995, à Astesano, 1999 et à Auran & Di Cristo, 2004. L’interprétation des distinctions temporelles que nous venons d’exposer est également à mettre en relation avec les 18 résultats des travaux de Ladd & Campbell (1991) et de Wightman et al. (1992), qui ont montré que l’on peut distinguer au moins quatre degrés d’allongement final en anglais. En résumé, nous considérons que la projection de l’accent nucléaire participe d’un syncrétisme fonctionnel qui amalgame une fonction accentuelle et celle de l’indication de la limite d’un domaine majeur. Ce syncrétisme met en jeu des marques prosodiques formelles (et des traits phonétiques) qui ressortissent à l’organisation tonale et à l’organisation temporelle. L’alignement de ces marques avec le matériau segmental, de même que la spécification de leurs caractéristiques objectives font l’objet d’une interprétation par la composante phonétique. La projection de l’accent final nucléaire est motivée essentiellement par des choix sémantiques (cf. la “ sense-unit condition ” que Selkirk (1984) met en avant pour justifier la construction des Syntagmes Intonatifs) et des choix pragmatiques. C’est ainsi que l’accent nucléaire est régulièrement associé au signalement de la borne droite du domaine du focus (d’information et de contraste ; cf. Di Cristo, 1999, pour une explicitation et des illustrations de cette distinction). Dans ce cas, il peut être actualisé soit sous la forme d’un accent nucléaire non-emphatique, soit sous celle d’un accent nucléaire emphatique. Les exemples suivants illustrent quelques emplois de l’accent nucléaire en français (noté en majuscules). (6a) (6b) (6C) - Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi ces cris ? - Ta fille vient de recevoir une GIFLE - Une GIFLE, elle vient de recevoir ta fille. (7a) (7b) - Tu aimerais visiter l’Espagne ? - Non, c’est en ItaLIE, que j’aimerais aller. (8). - Ce n’est pas la voiture de JEAN ! ! (9a) (9b) (9c) - Tu as pensé à téléphoner à ta MERE ? - Tu as penSE à téléphoner à ta mère ? - Tu as pensé à téléphoNER, à ta mère ? Les exemples (6) illustrent deux cas d’association de l’accent nucléaire avec la focalisation d’information. Dans (6b), l’accent nucléaire est associé à la dernière syllabe de l’énoncé, ce qui indique une focalisation large dont la portée est coextensive à l’ensemble de l’énoncé. Dans (6c), qui dénote une focalisation étroite, l’accent nucléaire est associé à la partie de l’énoncé qu’il contribue (en collaboration avec la syntaxe) à mettre en vedette, sans pour autant signaler un contraste (cf. Di Cristo, 1999). L’exemple (7b) illustre le cas d’une de focalisation de contraste qui exprime une contre-proposition. L’exemple (8) illustre une focalisation d’emphase, signalée ici par de grandes majuscules (cf. la seconde partie de cet article pour davantage de détails). Enfin, les exemples (9, a, b, c) illustrent différentes associations de l’accentuation nucléaire avec le matériau verbal dans les questions. 1.2.3.3.2. L’accentuation finale pré-nucléaire Nous proposons, dans un premier temps, d’utiliser le terme “ pré-nucléaire ”, pour désigner l’accent final traditionnel du français, en évitant ainsi l’appellation de “ primaire ”, qui pourrait prêter à confusion. Nous considérons qu’il existe deux possibilités de projection de l’accent final pré-nucléaire en français : soit sous la forme d’un accent mélodique, soit sous la forme d’un accent mélodique accompagné d’un allongement de niveau /Le/ (cf. ci-dessus). 19 Dans ce dernier cas, il contribue à indiquer la limite d’un syntagme que nous proposons d’appeler Syntagme Prosodique pour éviter de le confondre avec le Syntagme Accentuel et le Syntagme Phonologique dont il a été question en 1.1.2.4. Nous allons expliciter, en nous reportant à l’exemple (10), lequel illustre les probabilités de phrasé d’un énoncé complexe qui sont réalisables au moyen de l’accentuation finale nucléaire et pré-nucléaire. (10) [La jolie voiture italienne qu’il lui avait offert pour son anniverSAIRE] [elle est encore tombée en PANNE] Selon notre interprétation, l’énoncé (10) est prosodiquement segmentable en en deux Unités Intonatives, ce qui signifie que se sont dans ce cas les syllabes finales pleines des mots : “ anniversaire ” et “ panne ” qui reçoivent l’accent nucléaire. Ce dernier est associé à un schème tonal non-terminal (ou continuatif) pour délimiter la première Unité Intonative et à un schème tonal terminal (ou conclusif) pour clôturer la seconde. A l’intérieur de chaque Unité Intonative, tous les mots lexicaux peuvent recevoir un accent final pré-nucléaire. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils ont tous pour fonction de délimiter la fin d’un Syntagme Prosodique. En effet, selon notre analyse, la première Unité Intonative peut faire l’objet d’une segmentation en deux ou trois Syntagmes Prosodiques, alors qu’elle est dotée de six accents finaux. Dans le cas d’une fragmentation en deux syntagmes, une frontière prosodique sera réalisée après “ italienne ”, tandis que dans le cas d’un découpage en trois syntagmes, deux frontières seront réalisées : après “ italienne ” et après “ offert ”, respectivement. La délimitation d’un Syntagme Prosodique implique obligatoirement la présence d’un allongement /Le/, quelque soit par ailleurs le schème tonal qui est associé à la limite de cette unité prosodique. Les accents dont la projection ne s’accompagne pas d’une marque d’allongement sont interprétés comme des accents “ mélodiques ” qui participent à la formation des Unités Tonales (l’emploi du terme “ mélodique ” sert simplement à désigner ici une propriété phonique de l’accent, sans adhérer pour autant à la conception particulière du “ pitch accent ” de l’école américaine, telle qu’elle est adoptée par Jun & Fougeron, 2004, par exemple). Nous rappelons que, selon notre conception, les Unités Tonales sont les unités minimales de synchronisation entre les configurations mélodiques et le matériau segmental (les syllabes et les phonèmes). Le phrasé en Unités Tonales (qui correspondent également à des pieds métriques dans notre approche, dans la mesure où l’Unité Tonale est bornée à sa droite par un accent) est principalement motivé par la construction du rythme. L’exemple (11) illustre le phrasé de la première Unité Intonative en Unités Tonales et en Syntagmes Prosodiques, dans le cas d’un découpage de l’Unité Intonative en trois Syntagmes Prosodiques (les bornes des Unités tonales sont signalées par / ) /, celles des Syntagmes Prosodiques par / }/ et celles des Unités Intonatives, par / ] /. Une analyse fondée sur des critères identiques à ceux que nous venons de préciser pourrait également être effectuée pour la seconde Unité Intonative qui peut soit constituer un seul Syntagme Prosodique, soit en comporter deux si une frontière est insérée après “ encore ”. (11) [La jolie) voiture) italienne} qu’il lui avait) offert} pour son anniverSAIRE}] L’exemple (12) illustre une autre possibilité de phrasé prosodique pour le même énoncé. Il apparaît dans ce cas ce cas : que “ la jolie voiture ”, “ italienne ”, “ qu’il lui avait offert ” constituent des Unités Tonales, que les deux premières Unités Tonales se regroupent pour former le même Syntagme Prosodique que dans (11) et que la séquence “ qu’il lui avait offert pour son anniversaire ” ne forme qu’un seul Syntagme Prosodique dont le terme coïncide avec l’emplacement de l’accent nucléaire. 20 (12) [La jolie voiture) italienne} qu’il lui avait offert) pour son anniverSAIRE}] Les exemples 11 et 12 sont de nature à conforter le point de vue de Garde (1968) que nous avons déjà évoqué plus haut et selon lequel l’accent n’affecte pas en français des unités dont on peut donner une définition grammaticale permanente, mais des unités dont les limites peuvent varier d’un énoncé à l’autre. En résumé, nous considérons que la participation de l’accentuation finale au phrasé prosodique du français donne lieu à l’actualisation, dans les structures émergentes de surface, d’une unité minimale : l’Unité Tonale (UT) et de deux types de groupements prosodiques : le Syntagme Prosodique (SP) et l’Unité Intonative (UI). Nous avons proposé précédemment de qualifier de “ pré-nucléaire ” tout accent final distinct de l’accent nucléaire. A la réflexion, le choix de ce terme peut faire problème si on l’interprète par référence au déroulement linéaire de la chaîne linguistique. Dans ce cas, il serait logique de qualifier de “ post-nucléaire ” les accents finaux qui succèdent à l’accent nucléaire de focalisation et qui participent également à la formation de Syntagmes Prosodiques (cf., Di Cristo & Jankowsky, 1999), comme les accents signalés en gras dans l’exemple (13) (qui est une reprise de 6c). (13) Une GIFLE elle vient de recevoir ta fille. En réalité, nous employons le terme de pré-nucléaire pour désigner un accent qui occupe dans la hiérarchie accentuelle un rang inférieur à celui de l’accent nucléaire. Par conséquent, il est possible que le terme soit malvenu et qu’il soit souhaitable, pour éviter toute ambiguïté, de parler simplement d’une distinction entre accentuation finale nucléaire et accentuation finale non-nucléaire. Les trois catégories phonologiques (UT, SP et UI) que nous postulons afin de rendre compte de l’interaction entre l’accentuation et le phrasé prosodique doivent être validées expérimentalement par des études acoustiques et des expériences perceptives. En attendant, nous nous appuyons sur des observations que nous avons effectuées dans des travaux antérieurs (Di Cristo, 1975, 1978, 1999; Di Cristo & Chafcouloff, 1981). Cependant, il est certain que ces observations sont partielles et qu’elles nécessitent d’être complétées par des études expérimentales plus approfondies et plus systématiques. En l’état actuel de nos connaissances, les interprétations que nous sommes en mesure de proposer conduisent à établir un ensemble de distinctions dont nous allons préciser la nature. L’accent final non-nucléaire qui est associé à la construction de l’Unité Tonale se réalise sous la forme d’un accent mélodique qui n’est pas accompagné d’un allongement significatif (perceptible) de la syllabe qui le porte. Cet accent mélodique peut être identifié notamment par la présence d’un ton haut (H) qui est associé à la voyelle de la syllabe accentuée. D’après notre analyse, cet accent se caractérise par le fait que la configuration de F0 qui est supportée par le noyau vocalique n’est pas perçue comme une variation, mais comme un ton ponctuel ou statique (cette conclusion est inférée de la prise en considération de divers travaux sur la perceptibilité des configurations mélodiques : Di Cristo et al., 1979 ; Rossi et al., 1981 ; d’Alessandro & Mertens, 1995 ; Mertens, 2004). L’accent final non-nucléaire qui est associé à la formation du Syntagme Prosodique peut être identifié tonalement par la présence d’un ton haut ou d’une ton abaissé. La marque qui le distingue de l’accent non-nucléaire de l’Unité Tonale se rapporte à l’allongement perçu du noyau vocalique de la syllabe accentuée (cf. Astesano, 1999, pour une validation empirique de cette distinction), ce qui sera représenté par les symboles /Le/ dans notre système de notation. C’est la présence de cet allongement qui confère au domaine de cet accent non-nucléaire le statut de syntagme. Le Syntagme Prosodique peut être coextensif à une UT (quand il y a coïncidence de la frontière de l’UT et 21 du SP) ou en comporter plusieurs. La nature des contraintes qui peuvent avoir une incidence sur le nombre des UT qui forment un SP devrait faire l’objet de recherches approfondies sur la base de différents types de corpus. L’accent final nucléaire possède deux caractéristiques consubstantielles qui concernent d’une part un allongement maximal de la voyelle accentuée (noté /XLe/) et, d’autre part, la réalisation d’un contour de F0 perceptible porté par la voyelle. Il s’agit en général d’un contour montant, lorsque l’accent nucléaire est assigné à la limite droite d’une Unité Intonative non-terminale (ou continuative). Dans le cas d’une Unité Intonative terminale, il peut arriver que la configuration de Fo associée à la voyelle accentuée finale soit plate. Il n’en demeure pas moins que cette configuration tend à être perçue comme une chute mélodique, en raison de l’influence qu’exerce la forte baisse de l’intensité sur la perception de la configuration de F0 (cf. Rossi, 1978). Nous avons souligné précédemment que l’accentuation nucléaire participe au signalement du domaine du focus. Il apparaît que la partie d’un énoncé qui succède au focus est soumise à une compression drastique de la dynamique tonale qui peut provoquer l’effacement des proéminences mélodiques des UT (Di Cristo & Jankowsky, 1999). De ce fait, il arrive que la partie post-focale de l’énoncé ne comporte plus d’Unités Tonales et qu’elle soit alors uniquement segmentable en Syntagmes Prosodiques. Privés d’une proéminence tonale, ces derniers peuvent néanmoins être identifiés sur la base de l’effet d’allongement final de la voyelle dont il a été question ci-dessus. En ce qui concerne le phrasé des Syntagmes Prosodiques en position post-focale, nous avons également relevé des phénomènes d’abaissements itératifs (Di Cristo, 1999 ; Di Cristo & Jankowsky, 1999) dont nous reparlerons dans la seconde partie de l’article qui est consacrée à l’intonation. A titre d’illustration, nous proposons de commenter brièvement la figure 1, qui représente la courbe mélodique (courbe de la F0 modélisée à l’aide de l’algorithme MOMEL, cf. Hirst et al., 2000) d’un segment d’énoncé : “ Le fils de la voisine de mes parents ” correspondant ici à une Unité Intonative non-terminale (l’énoncé complet étant : “ le fils de la voisine de mes parents, c’est au Japon qu’il aimerait aller ”. Il se trouve que, dans le cas présent, le segment d’énoncé illustré par la figure a été réalisé avec le phrasé suivant (14) : (14) [le fils) de la voisine} de mes paRENTS] Si l’on se reporte à la figure 1 (où les voyelles accentuées sont délimitées par deux barres verticales), il apparaît que la voyelle [i] de l’UT “ le fils ” est réalisée avec un pic de F0, la montée qui précède l’accès à ce pic n’étant pas alignée avec cette voyelle. La voyelle [i] de “ voisine ” est réalisée avec un pic de F0, mais de faible amplitude, ce qui peut dénoter une tendance vers la réalisation d’un ton abaissé (downstep), à la place du pic de faible amplitude. En revanche, cette voyelle possède la marque d’allongement qui confère au groupe prosodique dont elle fait partie le statut de syntagme. Enfin, la voyelle finale de “ parents ” est caractérisée prosodiquement par un niveau d’allongement maximal (/XLe/) et la réalisation d’un contour perceptible (de forte amplitude ici) qui constituent les marques solidaires du signalement de la limite d’une Unité Intonative non-terminale en français. 22 Hz 180 H z 160 140 120 100 80 160 140 120 10 80 60 50 fils 10 voisine 150 20 parents m s Figure 1 : Illustration de la courbe modélisée du segment d’énoncé : “ le fils de la voisine de mes parents”. Les traits verticaux indiquent les limites des voyelles finales pleines des mots soulignés. 2 Les commentaires que nous venons de formuler ne s’appliquent évidement qu’à la structure prosodique de surface inférable de l’exemple illustré par la figure 1. Il est également possible (et peut être plus “ rationnel ”, si l’on se réfère à la structure syntaxique ou à une prédiction du phrasé à partir du texte) que le même segment d’énoncé donne lieu à l’actualisation de la structure de surface représentée par (15) : (15) [le fils} de la voisine) de mes paRENTS] Dans l’exemple (15), le parenthésage du phrasé prosodique indique que premier groupe nominal forme un Syntagme Prosodique. Dans ce cas, notre analyse prédit que la voyelle finale de ce groupe se verra attribuer la marque temporelle codée par /Le/, marque qui était associée à la voyelle finale de “ voisine ” dans l’exemple précédent. Le choix dont dispose le locuteur d’organiser différemment un même énoncé syntaxique en Syntagmes Prosodiques, ainsi que la diversité des contraintes qui gouvernent ce choix, nous conduisent à conclure qu’il n’est pas opportun de tenter de définir la construction du Syntagme Prosodique uniquement en termes de contraintes syntaxiques. C’est la raison pour laquelle, nous avons écarté la notion de Syntagme Phonologique (Phonologic Phrase) qui est trop connotée de ce point de vue, car elle ressortit à la seule analyse de l’interface phonologie/syntaxe. Même dans cette perspective restreinte, il n’existe pas de définition univoque du Syntagme Phonologique dans la littérature spécialisée. Par exemple, un Syntagme Phonologique peut inclure un complément placé à la droite d’une tête syntaxique pour Nespor & Vogel (1986), alors que cette option est rejetée par Selkirk (1972 ; 1986). C’est ainsi que “ une petite fille ” forme bien un Syntagme Phonologique pour Nespor & Vogel comme pour Selkirk, tandis que “ une femme élégante ” constitue un seul Syntagme Phonologique pour Nespor et Vogel, mais deux pour Selkirk. En réalité Selkirk (1986) distingue deux niveaux de structuration morphosyntaxiques pertinents pour la formation des Syntagmes Phonologiques : la projection maximale d’un mot lexical (Nom, Verbe, etc.) qu’elle désigne par Xmax (le Syntagme Phonologique maximal) et des projections intermédiaires désignées par X’ (le petit Syntagme Phonologique). Plus généralement, certains auteurs ont été amenés à invoquer des règles dites de “ restructuration ” pour expliquer la formation de Syntagmes Phonologiques qui dérogent à des “ principes préétablis ” (Nepor & Vogel, 1982 ; Verluyten, 1982 ; cf Post, 2000 et Delais-Roussarie, 2001, pour une discussion sur ce point). Cependant, comme l’a souligné 2 Une courbe de F0 modélisée est une courbe lisse et continue obtenue en appliquant un algorithme spécifique, dénommé MOMEL (Hirst et al., 2000). La courbe modélisée procède en fait de l’interpolation de suites de points-cibles correspondant à des variations linguistiquement “ pertinentes ” de la courbe de F0 (c.a.d. non engendrées par des contraintes de bas niveau). Les points-cibles ne sont pas représentés sur cette figure. 23 Post (2000), il n’est pas certain que l’on puisse rendre compte du processus de restructuration en en se référant à des règles d’interfaçage morphosyntaxe/prosodie similaires à celles qui sont proposées par Selkirk (1986). En effet, il est possible, comme d’autres auteurs l’ont suggéré, que la construction des Syntagmes Phonologiques soit également assujettie à une contrainte temporelle qui voudrait que ces constituants soient réalisés avec une même durée (Vaissière, 1992, Delais, 1995). Toutefois, l’exemple (15) n’est pas de nature à conforter cette interprétation.. A l’encontre de l’hypothèse des relations bi-univoques entre syntaxe et prosodie, le Syntagme Phonologique se révèle être, en définitive, un domaine “ à géométrie variable ”, ce qui est le cas de notre Syntagme Prosodique. Toutefois, comme nous l’avons montré, l’identification de ce dernier ne se fonde que sur des critères strictement prosodiques. En effet, afin de définir les unités et les domaines qui participent au phrasé prosodique du français, nous nous référons à deux catégories de marques, qui relèvent, respectivement, de l’organisation tonale et de l’organisation temporelle des énoncés. Il importe de rappeler que, dans notre approche, ces marques sont établies en prenant en considération des aspects fondamentaux de la perception des phénomènes prosodiques qui concernent en particulier la perception des variations de la F0 et de la durée. Dans cette perspective, nous avons retenu une option forte qui consiste à avancer l’hypothèse que les points d’ancrage de ces événements perceptifs sont constitués essentiellement par les noyaux vocaliques. Afin de vérifier cette hypothèse, il importe de dépasser les données acoustiques (cependant indispensables) et de considérer les contraintes qui affectent la perception des paramètres prosodiques. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir recours à des procédures de normalisation de ces paramètres et de mettre en oeuvre des expériences de perception adaptées à la problématique soulevée. Ces démarches sont d’autant plus indispensables qu’il est légitime de soutenir l’idée d’une interaction permanente entre les niveaux centraux du traitement linguistique et la façon dont le signal de parole est représenté au niveau périphérique de la perception auditive (Kewley-Port, 2001). 1.2.3.4. Projections de la proéminence initiale En français, une proéminence initiale peut se projeter soit sous la forme d’un accent emphatique, soit sous celle d’un accent non-emphatique. L’accent initial emphatique se rapporte globalement à l’accentuation dite “ d’insistance ” (appelée également focalisation d’emphase) qui a été abondamment décrite dans la littérature (cf. Carton et al., 1976). L’accent emphatique est associé à la première syllabe d’un mot afin de participer à la mise en vedette d’un item lexical (de façon ponctuelle ou itérative), d’une portion d’énoncé, ou d’un énoncé entier (Di Cristo, 1999). Ces dispositifs de focalisation sont illustrés par la figure 2. La figure 2 (a) montre un cas d’accentuation d’emphase lexicale itérative qui se rapporte aux mots “ culturels ” et “ religieux ”. Les figures 2 (b) et 2 (c) illustrent deux exemples de la contribution de l’accentuation d’emphase initiale à la mise en vedette d’une partie d’énoncé : “ complètement d’accord là-dessus ” (signalée en 2b, par les flèches verticales) et d’un énoncé complet (2c). Dans ce cas, on peut remarquer que la configuration globale de la F0 en forme de berceau s’applique à l’ensemble de l’énoncé. En règle générale, la réalisation d’un accent emphatique s’accompagne d’un ensemble de variations paramétriques qui concourent à le distinguer de l’accent initial non-emphatique. Parmi ces dernières, on a pu relever une augmentation significative de la durée de la consonne appartenant à la syllabe accentuée quand celle-ci comporte une attaque consonantique, un phénomène de glottalisation lorsque la syllabe accentuée commence par une voyelle, une 24 grande amplitude de variation de la F0 conduisant à la perception d’un pic extra-haut et une augmentation substantielle de l’intensité de la syllabe (Séguinot, 1976). En l’état des connaissances, il est difficile de préciser s’il existe des indices acoustiques et perceptifs qui permettraient de différencier un accent d’insistance logique, ou intellictif (fréquent dans le discours didactique) d’un accent d’insistance affectif, ou émotif (davantage lié à la fonction expressive, telle que l’a définie Jakobson, 1963). D’autre part, il reste à montrer dans quelle mesure la distinction entre l’accentuation initiale non-emphatique et l’accentuation initiale emphatique est catégorielle ou graduelle. L’accent initial non-emphatique est décrit dans la littérature comme un accent caractérisé par une montée mélodique (cf. les termes de “ initial rise ”, utilisés par la plupart des auteurs : Vaissière, 1974 Jun & Fougeron, 2002, Welby, 2004 ). Nous ne contestons pas l’affirmation que la réalisation de cet accent initial puisse s’inscrire dans un mouvement ascendant. Toutefois, dans le cadre de notre approche qui consiste, comme nous l’avons mentionné plus haut, à comparer les configurations tonales perçues qui sont associées aux noyaux vocaliques, l’expression de montée mélodique n’est pas appropriée, car selon notre interprétation l’accent initial non-emphatique n’est pas traité perceptivement comme une montée, mais comme un pic mélodique équivalent à un ton ponctuel haut. De ce point de vue, il ne se différencie pas de l’accent final lorsque ce dernier n’est pas accompagné de la marque d’allongement qui signale la borne droite d’un Syntagme Prosodique. Nous préciserons par la suite que l’accent initial et l’accent final non-emphatiques sont des accents mélodiques qui peuvent être réalisés soit comme un pic (c’est-à-dire, un ton haut), soit comme un ton abaissé. 300 H z 20 150 (a) 10 100 50 0 m s 250 30 350 40 450 50 «Les critères culturels, les critères religieux...» 300 H z 250 20 150 (b) 10 50 50 0 m s 20 40 60 80 10 120 140 160 180 20 «Oui mais, heu heu, je suis complètement d’accord la-dessus!» H z 300 30 250 (c) 200 20 150 100 10 50 0 m s 40 60 80 10 120 «Il n’habite pas à Paris !» Figure 2. Courbes de F0 de trois exemples qui illustrent l’accentuation d’emphase (signalée par des flèches verticales) en français. Dans l’exemple (a), la flèche en diagonale signale l’accent initial non-emphatique qui est associé à la première syllabe du mot “ critère ”. 25 Selon notre point de vue, la projection d’un accent initial non-emphatique participe à la construction de deux types de phrasés prosodiques en français. D’une part, il participe, à l’instar de l’accent final non emphatique, à la construction des unités minimales de synchronisation de l’organisation tonale et des phonèmes que sont les Unités Tonales. Dans ce cas, il semble que la formation des Unités Tonales au moyen de l’accent initial est essentiellement motivée par des contraintes métriques (Jankowsky et al., 1999). D’autre part, l’accent initial non-emphatique peut concourir à la construction des Syntagmes Prosodiques, en signalant leur limite gauche. Dans ce dernier cas, il est permis de déclarer que la bipolarisation accentuelle (accent initial/accent final) assume une fonction “ d’empaquetage ” du matériau verbal en Syntagmes Prosodiques. La figure 3 représente la séquence d’énoncé “ Les déclarations du Président de la République... ”, dont la réalisation donne lieu à la construction d’un Syntagme Intonatif non-terminal. Dans cet exemple, les quatre accents perçus (notés par les chiffres 1 à 4), correspondent à la syllabe initiale et à la syllabe finale du mot “ déclarations ”, à la syllabe initiale du mot “ Président ” et à la syllabe finale du mot “ prosodique ”. 1 2 3 4 zH 180 160 140 120 10 80 60 lts o V 40 2 20 1 0 0 m s 50 10 150 20 1- 2- «Les déclarations du Président de la République...» 50 10 150 m s 20 Figure 3. Courbes de F0 (modélisée) et phonogramme de la séquence :“ Les déclarations du Président de la République ”, extraite de l’énoncé : “ Les déclarations du Président de la République n’ont pas convaincu l’Assemblée ”. La segmentation en syllabes est indiquée par les traits verticaux et les syllabes accentuées sont signalées par des chiffres. Selon notre analyse, cette séquence comprend deux Syntagmes Prosodiques : “ Les déclarations ” et “ du Président de la République ”. Le premier Syntagme prosodique est formé de deux Unités Tonales et actualise ainsi un phrasé qui peut être représenté par : (16) Les dé)clarations} Le second Syntagme Prosodique, dont le terme coïncide avec celui du Syntagme Intonatif, ne comporte qu’un accent initial et un accent final. Il n’est donc pas fractionné dans ce cas en Unités Tonales, ce que signale la notation de la représentation (17). (17). {Président de la République}] 26 Dans la parole continue, la construction de Syntagmes prosodiques analogues à (17) paraît être principalement motivée par des contraintes sémantiques qui supervisent un empaquetage des groupes de sens mineurs au sein du groupe de sens majeur que représente le Syntagme Intonatif. La construction des Syntagmes Prosodiques conduit souvent à accentuer l’élément clitique qui ouvre le syntagme ( la raison majeure, en arrivant ici, des services inutiles). Il est également à souligner que le balisage du Syntagme Prosodique peut être accompli à l’aide d’un accent initial emphatique, ce qui concourt à renforcer la saillance sémantique du syntagme ainsi délimité. La formation des Syntagmes Prosodiques bi-polaires, comme ceux qui sont illustrés par (17) et par les exemples entre parenthèses se traduit, dans la majorité des cas, par un effacement de l’accent final du premier mot du syntagme (Président, raison, arrivant, services). Cette désaccentuation, qui concourt à l’émergence de la configuration mélodique en berceau du Syntagme Prosodique, déroge au principe d’eurythmie qui stipule une alternance régulière entre syllabes fortes et syllabes faibles. La figure 3 montre la présence d’une variation positive de la F0 sur la syllabe initiale du mot “ déclarations ”, ce qui est conforme à la plupart des analyses qui ont été proposées antérieurement. Nous rappelons toutefois que notre interprétation se fonde sur la nature de la configuration mélodique (perçue) qui est alignée avec la voyelle. Dans le cas présent, il s’agit d’un pic et non d’une montée perceptible. D’autre part, la voyelle ne subit pas ici un allongement significatif de type /Le/. Les deux critères ainsi réunis: présence d’un pic et absence d’allongement, convergent pour signaler la construction d’une Unité Tonale. On peut observer, en revanche, la présence d’un allongement significatif de type /Le/ pour la voyelle finale du mot “ déclarations ”. La configuration de la Fo qui accompagne cette voyelle est faiblement montante-descendante. Elle tend en réalité à être perçue comme un plateau de niveau moyen qui correspond à la réalisation d’un downstep. La présence d’un downstep et l’allongement de la durée vocalique sont des propriétés qui peuvent se conjuguer pour signaler la limite d’un Syntagme Prosodique en français (Di Cristo, 1999). On remarque, de surcroît, la brièveté de la voyelle de la syllabe “ du ” qui succède à cette limite de Syntagme Prosodique. Nous interprétons ce phénomène comme une marque de “ resetting temporel ” qui accompagne l’initialisation d’une nouvelle unité prosodique. Enfin, on remarque la présence d’un pic mélodique et l’absence d’allongement significatif sur la syllabe initiale du mot “ Président ”, ainsi que la déclinaison régulière de la courbe de Fo jusqu’à la cadence finale de l’Unité Intonative. Ce phénomène dénote l’absence de proéminences accentuelles dans la séquence concernée, ce qui contribue à renforcer la cohésion du Syntagme Prosodique doublement balisé par l’accentuation initiale et l’accentuation finale. Les observations que nous avons effectuées dans des recherches antérieures (Di Cristo, 1999) semblent indiquer qu’il existe de subtiles différences de réalisation entre l’accent initial qui participe à la construction de l’Unité Tonale (16) et l’accent initial qui est associé à la limite gauche du Syntagme Phonologique (17). Dans ce dernier cas, la syllabe qui porte l’accent initial est souvent précédée d’une légère pause (interprétable au plan métrique comme un “ battement silencieux ”). D’autre part, la configuration de la F0 de la voyelle accentuée tend à être réalisée avec une chute qui s’inscrit dans le mouvement descendant de la première partie du syntagme dont la forme globale évoque celle d’un berceau. Il n’est peut être pas inutile de rappeler que dans notre approche de l’accentuation et du phrasé prosodique, l’étude des relations entre l’interprétation linguistique et l’analyse phonétique s’appuie sur des données et sur des hypothèses relatives à la perception des paramètres prosodiques (en particulier sur la perception interactive de ces paramètres). Dans cette perspective et compte tenu du rôle prééminent que nous attribuons aux noyaux vocaliques, il est nécessaire de tenir compte, notamment, des effets induits par les propriétés 27 intrinsèques des sons (Di Cristo, 1978). A titre d’exemple, la longueur remarquable de la voyelle finale de “ déclarations ” n’est pas due uniquement à la présence d’une limite de Syntagme Prosodique, mais en partie au fait qu’il s’agit d’une voyelle nasale. De même, la durée relativement courte de la voyelle finale du mot “ République ” s’explique en partie par son caractère fermé (les voyelles fermées possèdent la durée intrinsèque la plus brève, alors que les voyelles nasales possèdent la durée intrinsèque la plus longue) et par la présence d’une consonne subséquente non-voisée (effet co-intrinsèque décrit par Di Cristo, 1978). Dans le cas présent, le codage /XLe/ que nous attribuons à la voyelle finale du Syntagme Intonatif est fondé à la fois sur la neutralisation des effets intrinsèques et co-intrinsèques (au moyen d’une procédure de normalisation temporelle, cf. Astesano et al., 1995 ; Auran & Di Cristo, 2004) et sur une interprétation de l’interaction perceptive entre la durée et la F0. Il a été montré en effet qu’une voyelle accompagnée d’une variation importante de la F0 tend à être perçue plus longue qu’une même voyelle associée à une F0 statique (cf. Di Cristo, 1978 pour une discussion de ce phénomène). 1.2.3.5. Outils de représentation formelle de l’organisation accentuelle : illustrations Les représentations formelles de l’organisation accentuelle des langues naturelles participent du cadre théorique dominant de la Théorie Métrique qui a déjà donné lieu à de très nombreuses publications (cf. Di Cristo, 2005, pour un résumé en français des bases de cette théorie). A l’origine, l’hypothèse centrale de la Théorie Métrique stipule que l’accentuation actualisée par le jeu des proéminences est le reflet d’une organisation rythmique sous-jacente. Par ailleurs, les approches cognitives de l’organisation du rythme (Fraisse, 1974 ; Lerdhal & Jackendoff, 1983 ; Drake, 1998 Handel, 1999) partagent l’idée que la perception du rythme associe deux processus primaires qui se rapportent, respectivement, à la segmentation d’un signal d’entrée en groupements et à l’extraction d’une régularité temporelle sous la forme d’un structure de battements (On pourra se reporter à Di Cristo (2003) pour une brève présentation de ces approches). Afin compléter ces remarques liminaires, il importe de rappeler que l’accent, à la différence des tons et des segments phonémiques (voyelles et consonnes), ne constitue pas une primitive paradigmatique de la composante phonologique, mais se définit comme une entité structurale de la dimension syntagmatique, ce qui permet de rendre compte des relations privilégiées qui associent l’accentuation à la construction des domaines (ou des constituants) prosodiques. Depuis les propositions formulées initialement par Liberman (1975) et Liberman & Prince (1977), les développements de la théorie métrique ont conduit à proposer successivement (ou alternativement) deux types de représentations formelles de l’organisation des proéminences accentuelles connues sous les termes d’arbre métrique et de grille métrique. L’arbre métrique a l’apparence d’une structure arborescente classique dans laquelle tous les nœuds (à l’exception de la racine) possèdent des branchements binaires étiquetés s (strong, fort) ou w (weak, faible) qui qualifient les niveaux de proéminence. Toutefois, cet étiquetage a une valeur relationnelle strictement locale, dans la mesure où un nœud est fort uniquement parce que le nœud frère et faible, et inversement. L’élément le plus proéminent de l’arbre est celui qui n’est dominé que par des étiquettes s et la racine. Etant donné que l’accentuation est regardée comme le produit d’un réseau de relations hiérarchiques fondées sur la syllabe, il est légitime que les étiquettes s et w soient attribuées aux nœuds terminaux correspondant à ces dernières. Néanmoins, il est d’usage d’étendre l’étiquetage relationnel aux nœuds nonterminaux de l’arbre pour spécifier le degré d’accentuation d’un mot ou d’un groupe de mots. 28 Ainsi conçu, l’arbre est supposé signaler les limites (“ edges ”) des groupements métriques et, partant, le phrasé prosodique des énoncés. La grille métrique est un dispositif formel distinct du précédent, qui s’attache en particulier à mettre en évidence les têtes métriques que représentent les accents. L’un des apports majeurs de ce mode de représentation concerne l’intégration d’une dimension temporelle – cruciale pour ce qui concerne le rythme – qui faisait défaut dans la représentation arborescente. En effet, la construction de la grille conduit à représenter l’alternance des battements forts et des battements faibles en fonction du temps. Dans cette perspective, une grille est illustrée par des colonnes de marques (* ou x) dont la hauteur est proportionnelle à la force du battement (et donc, au niveau d’accentuation). Il existe en vérité deux types de grilles : la grille simple, illustrée seulement par des colonnes de marques et la grille parenthésée (ou étiquetée) qui indique, de surcroît, les groupements formés aux différents niveaux (ou rangées) de la grille. Le choix de l’un ou de l’autre mode de représentation est théoriquement motivé. Par exemple, Laks (1993) a développé une argumentation en faveur de la grille simple, fondée sur l’idée qu’un système accentuel est un système autosegmental régi par des principes qui n’impliquent pas nécessairement que la structure accentuelle de surface soit dérivée d’une structure sousjacente. En revanche, dans nos travaux antérieurs, nous avons opté pour la grille parenthésée. Nous nous référons sur ce point au cadre théorique de Halle & Vergnaud (1987) d’après lequel les proéminences et la constituance participent d’une représentation conjuguée. En outre, nous adoptons la proposition du simple parenthésage telle qu’elle est formulée par Halle & Idsardi (1995). Dans cette optique, une parenthèse ouvrante ( indique que le matériau placé à sa droite appartient à un même domaine, et qu’une parenthèse fermante ) a la même valeur indicatrice pour le matériau placé à sa gauche. L’approche classique de la Théorie Métrique postule que la construction de l’arbre ou de la grille est assujettie à une contrainte dite “ d’eurythmie ”. Cette dernière précise que les syllabes fortes (ou accentuées) et les syllabes faibles (ou inaccentuées) doivent faire l’objet d’une alternance régulière et qu’il convient, en conséquence, d’éviter une collision accentuelle (clash) qui serait provoquée par deux syllabes fortes adjacentes ou un vide accentuel (lapse) qui résulterait de la succession d’un trop grand nombre de syllabes inaccentuées. On rencontre ainsi dans la littérature les concepts normatifs de “ grille parfaite ” (Prince, 1983) ou de “ configuration idéale ” (Selkirk, 1984). Dans cet esprit – et selon Hayes (1984) – une grille serait eurythmique lorsqu’elle comporte une rangée sur laquelle l’espacement des marques équivaut approximativement à un intervalle de quatre syllabes. Bien que nous ayons conscience de l’importance des phénomènes de “ vide accentuel ” et de “ collision accentuelle ”, nous considérons que ces derniers ne doivent pas faire l’objet de généralisations hâtives. En effet, nous verrons que la contiguïté de deux syllabes accentuées est possible dans certaines conditions. D’autre part, nous ne sommes pas convaincu que, dans la pratique du discours, une langue naturelle puisse exhiber une eurythmie parfaite ou des régularités quasi-métronomiques. Tout simplement, par ce que le jeu de l’accentuation n’est pas motivé exclusivement par des facteurs rythmiques et que l’on doit également prendre en considération l’influence conjointe des facteurs syntaxiques et sémantico-pragmatiques. En réalité, la configuration prosodique des structures est l’aboutissement de compromis dont s’efforce notamment de rendre compte l’approche de la Théorie de l’Optimalité ( Hammond, (1997); cf. Delais-Roussarie (1996) et Post (2000), pour une application au français), bien que ce cadre théorique n’accorde, dans son état actuel qu’une place trop restreinte aux contraintes d’ordre pragmatique. Hz 120 110 Hz 100 120 90 80 110 70 100 60 modélisée Courbe de F0 29 90 50 500 1000 1500 2000 2500 ms 70 Volts S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10 S11 S12 S3 S14 60 0.8 50 500 1000 1500 2000 2500 1500 2000 2500 ms 0.6 0.4 0.2 0.0 -0.2 -0.4 -0.6 Phonogramme 80 -0.8 500 1000 V1 V2 V3 V5 V4 ms V6 «J’ai appris que la politique est l’art du compromis» Grille parenthésée P1 P2 P3 P4 P5 P6 * *) * *) * * * * * *) * * * ) * * ) * *) * * ) * *) *) Phrasé prosodique J’ai ap - pris que la po- li- ti-qu (e) est l’art du com- pro- mis ) UT } SP ) UT ) ) UT ) UT ) UT UT } SP ] SI Figure 4. Courbe de F0 modélisée, phonogramme, grille métrique parenthésée et Phrasé Prosodique de l’énoncé : “ J’ai appris que la politique est l’art du compromis ”. S (Syllabes), V (noyaux vocaliquess), P (Proéminences perçues). La figure 4 illustre, dans sa partie inférieure, la grille métrique parenthèse construite à partir de l’analyse de l’énoncé : “ J’ai appris que la politique est l’art du compromis ” (extrait d’un corpus de débats télévisés : corpus “ Nixon ”. L’application des critères que nous avons retenus fait apparaître que cet énoncé comprend une seule Unité Intonative conclusive qui est formée de deux Syntagmes Prosodiques (SP). Le premier SP “ J’ai appris ” est coextensif à une Unité Tonale (UT) dont la configuration globale, du type montante/descendante, s’achève par un ton abaissé (ce qui correspond à l’un des schèmes tonals de l’UT en français). Le signalement de la limite d’un SP est associé à l’allongement du noyau de la voyelle V1. Il est intéressant d’observer que l’allongement de V1 par rapport à la voyelle précédente n’est pas évident si l’on se réfère uniquement aux données acoustiques. En réalité la voyelle V1 est une voyele intrinsèquement brève par rapport à la voyelle précédente qui est intrinsèquement longue. Il se trouve que pour une durée objective similaire, la voyelle intrinsèquement brève est perçue plus longue que la voyelle intrinsèquement longue (Di Cristo, 1978). D’autre part, 30 on remarque que les deux voyelles qui suivent V1 sont très brèves, ce qui peut être assimilé à un effet de “ réajustement temporel ” similaire au “ réajustement tonal ” (“ tonal resetting ”) qui est attesté dans plusieurs langues comme la marque de l’initialisation d’un nouveau constituant ou domaine prosodique. Nous analysons la séquence “ que la politique est l’art du compromis ” comme un seul SP formé de cinq UT dont les quatre premières s’inscrivent dans un patron global déclinant de P2 à P5 ( la structure itérative B-H de ce patron est interprétée comme une marque cohésive de l’appartenance à une même unité prosodique : Hirst & Di Cristo, 1998). La dernière UT (“ -promis ”) du second SP est associée à la cadence qui clôture l’Unité Intonative et qui porte donc la marque de l’allongement final Son schème tonal est du type :abaissé/bas qui est caractéristique du schème conclusif de l’énoncé déclaratif en français (Di Cristo, 1998). 400 350 300 250 200 150 Hz 100 50 0 600 800 1000 1200 1400 ms 600 800 1000 1200 1400 ms 0.4 0.3 0.2 0.1 0.0 -0.1 -0.2 -0.3 -0.4 -0.5 c’est * pas ça * *) *) *) * dont * j’ai be- * -soin * * *) *) E(noncé) UIM UI SP Figure 5. Courbe de Fo, courbe modélisée (en pointillés), phonogramme (segmenté en syllabes et grille métrique parenthésée de l’énoncé : “ C’est pas çà, qui m’intéresse ” (corpus Débats Politiques, Dpol 17). 31 La figure 5 illustre le cas d’un énoncé comportant un focus (“ C’est pas çà ”) et un segment post-focal (“ qui m’intéresse ”): Nous avons proposé d’analyser un énoncé de ce type (Di Cristo & Hirst, 1996) comme une construction prosodique récursive que nous avons dénommée Macro Unité Intonative . Commele le montre la vignette, cette Macro-Unité Intonative (UIM) est constituée d’une Unité Intonatrive3, coextensive au constituant focus et d’un Syntagme Prosodique, coextensif à la séquence post-focus. L’accent nucléaire signalant la portée du focus qui se positionne par défaut sur la dernière syllabe pleine de l’énoncé, dans le cas d’une focalisation dite large (Di Cristo, 1999), se porte ici sur la dernière syllabe du constituant focus en lui attribuant ses marques caractéristiques : allongement de type Xle du noyau vocalique et alignement d’un contour perçu (de type descendant) avec ce noyau. Le segment prosodique postérieur au focus est analysé comme un Syntagme Prosodique et non comme un Syntagme Intonatif à part entière, dans la mesure où il se trouve d’épourvu de l’accentuation nucléaire tout en conservant une marque d’allongement. Cette analyse rend compte de la construction de la grille métrique de la figure 5 sur laquelle il apparaît que la syllabe dotée du niveau de proéminence le plus élevé est la syllabe “ çà ”. Afin de clarifier davantage les principes de construction de nos grilles, nous proposone de comparer les exemùples A et B illustrés par la figure 6. A B H z H z 061 041 041 021 021 031 01 01 08 01 06 02 09 04 0 m s 02 04 06 08 01 021 041 061 081 lts o V 3 08 lts o V m s 04 06 08 01 021 041 061 081 2 4 3 1 2 1 0 0 -1 -1 -2 -3 -2 m s 04 06 08 01 021 041 061 081 m s 02 Elle m’a téléphoné * * * Focus 04 * * 08 * *) * Post-Focus 01 021 *) * * * * * Focus 1 041 061 081 Focus 2 Elle m’a téléphoné ce matin * *) *) *) * 06 Focus 1 Post-Focus Focus Ce matin * *) *) *) * * *) *) * *) Focus 2 Figure 6. Courbe de F0 modélisée, phonogramme et grille métrique parenthésée des constructions A (Focus + Post-Focus) et B (Focus + Focus) L’énoncé A : “ Elle m’a téléphoné, ce matin ” présente une construction identique à celle de celui de la figure 5. En conséquence, il est représenté par une grille métrique similaire. En revanche, l’exemple B illustre le cas d’une double énonciation : “ Elle m’a téléphoné. Ce matin ”. Cette construction est analysée comme une suite formée de deux foci contigus, Dans notre approche, la notion d’ Unité Intonative est équivalente à celle de Syntagme Intonatif . On pourrait donc tout aussi bien parler ici de Macro-Syntagme Intonatif 3 32 chacun étant borné à sa droite, comme il se doit, par un accent nucléaire. C’est la raison pour laquelle la figure 5B exhibe deux colonnes de même hauteur. La figure 7 illustre deux types de grille et de phrasé potentiels pour un même support syntaxique. La figure 7A met en évidence une construction prosodique formée d’un seul Syntagme Intonatif dans lequel se trouvent enchâssés deux SP qui sont coexensifs à une UT et à trois UT, respectivement. La figure 7B illustre le cas, féquemment attesté dans le discours oral spontané, d’une construction particulière qui se rapporte au double balisage accentuel (à gauche et à droite) d’un Syntagme Prosodique. Cette construction qui est également formée d’un seul SI comprend un premier segment dépourvu d’accentuation – ou extramétrique (“ ce sont ”), suivi d’un SP (“ des débats politiques ”). On remarque que ce SP est précédé d’un silence - qui est métriquement équivalent à un battement silencieux (cf. infra - et que la tête métrique gauche de ce constituant prosodique est associée au clitique (“ des ”). On constate également que la séquence comprise entre cette tête gauche du SP et sa tête droite (la syllabe “ ti ”) ne comporte aucune proéminence accentuelle. H z 052 02 H z 180 051 160 140 120 01 10 80 05 60 sm 02 04 06 02 04 06 08 01 021 041 061 40 olts V 20 1 0 sm 20 40 60 80 10 120 140 olts V 1 0 -1 sm 08 01 021 041 061 0 Ce sont # des dé- bats po- li- ti- ques sm 20 40 Ce 60 80 10 120 140 sont des dé- bats po- li- tiques * * *) *) * UT SP * *) * UT * *) * UT * *) *) *) UT ( * Ce * * * ) * * ) * ) * # (* sont # des * * dé- bats * * po- li- ti- ques SP SI Ce sont des dé- bats po- li- tiques A B Figure 7. Courbe de F0 brute, courbe de F0 modélisée (en pointillés), phonogramme (segmenté en syllabes) et grille métrique parenthésée de deux constructions prosodiques associées à une même structure syntaxique La figure 8 illustre une construction comparable à la précédente, dans la mesure où elle se caractérise par le double marquage accentuel d’un segment syntaxique (“ complètement d’accord là-dessus ”) qui est également traité comme un seul SP dépourvu de proéminences internes. La principale diffférence avec l’exemple précédent réside dans le fait qu’il s’agit ici d’un SP emphatisé. En effet, dans l’exemple de la figure 8, l’emphase est doublement signalée, à la fois par l’accentuation initiale que l’on pourrait assimiler à l’accentuation d’insistance (cf. supra) et par l’accentuation finale qui, outre l’allongement final, est marquée 33 de surcroît par un contour nucléaire spécifique qui évoque l’intonème d’implication décrit par Delattre (1966) . La question de l’emphase soulève des questions d’interprétation (notamment au regard de son statut phonologique) et de notation que nous n’avons pas encore résolus et que nous souhaitons aborder dans une étude ultérieure. Hz 300 250 200 150 100 50 0 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 2000 ms 0.6 0.4 0.2 0.0 -0.2 -0.4 -0.6 600 800 euh euh je 1000 1200 suis 1400 1600 1800 2000 ms # com- plètement d’ac-cord la---desus! Emphase Figure 8 Courbe de F0 brute, courbe de F0 modélisée et phonogramme ( segmenté en syllabes) de l’énoncé “ euh, euh je suis complètement d’accord la-dessus ! ” (corpus Europe, CP) 1.2.3.6. Résumé et discussion Nous avons exposé dans les pages précédentes une approche probabiliste de l’accentuation du français qui s’efforce de rendre compte de la diversité des catégories, des constructions et des fonctions accentuelles attestées dans cette langue. Selon cette approche, la projection des proéminences initiales et finales au niveau des structures de surface est arbitrée par une articulation formes/fonctions. Le Principe de Bipolarisation Accentuelle, qui sous-tend l’accentuation du français, régule la distribution conjuguée des proéminences accentuelles initiales et finales qui participent à l’implantation du phrasé prosodique superficiel de cette langue. Ce phrasé repose sur l’agencement syntagmatique des Unités Tonales, des Syntagmes Prosodiques et des Syntagmes Intonatifs. L’Unité Tonale qui est définie comme l’unité minimale de synchronisation de la ligne mélodique et des phonèmes peut, comme on l’a vu, s’affranchir des limites de mots (il en va de même, du reste, de la syllabation, en français). Cette conception n’est pas singulière, car il a été également montré que dans une langue comme l’anglais, la construction des Unités Tonales se rapporte au groupement des syllabes inaccentuées avec la syllabe accentuée qui représente la tête métrique de ce groupement, sans qu’il soit tenu compte des frontières de mots (Abercrombie, 1964 ; Halliday, 1968). Alors que la formation de l’Unité Tonale ne met pas en jeu l’organisation temporelle, celle du Syntagme Prosodique se caractérise par un allongement final de niveau 1 (dans notre système de codage qui comporte deux niveaux d’allongement : /Le/ et /XLe/ ). L’émergence des Syntagmes Prosodiques dans les structures 34 de surface est motivée par plusieurs facteurs, parmi lesquels les contraintes sémantiques et pragmatiques ont un probablement un rôle décisif à jouer qui reste toutefois à élucider. Il en va pareillement de la construction des Syntagmes Intonatifs dont l’interprétation fonctionnelle nécessite, à notre avis, le dépassement du cadre réducteur des relations entre la phonologie et la syntaxe qu’impose plus ou moins l’étude des phrases isolées. Ce type d’étude conduit le plus souvent à établir des liens plus ou moins rigides entre syntaxe et prosodie qui agissent comme un prisme déformant, dans la mesure où la composante pragmatique n’est pas prise en considération. En effet, l’incidence de cette dernière induit un phrasé qui peut varier d’un énoncé à l’autre, en fonction des informations contextuellement disponibles. Dans le modèle de phrasé que nous proposons, la distinction entre unité et syntagme nous paraît fondée, dans la mesure où le premier terme sert à désigner une primitive et l’autre, une construction. Nous adhérons ainsi indirectement à la distinction proposée par Garde (1968), entre Unité Accentuelle (unité comprenant un seul accent) et Groupe Accentuel (construction pouvant regrouper plusieurs unités accentuelles). De même que l’Unité Tonale s’affranchit des limites de mots, le Syntagme Prosodique peut s’affranchir des contraintes syntaxiques strictes, comme celles qu’il est d’usage de formuler en recourant, par exemple, à la théorie de la syntaxe X-barre. Selon notre analyse, un mot lexical plurisyllabique qui est accompagné d’un proclitique ne donne pas lieu nécessairement à la construction d’un Syntagme Prosodique, mais peut simplement être formé d’une séquence de deux Unités Tonales. Seule la marque d’allongement attribuée à la dernière syllabe de la seconde Unité Tonale permettra d’accorder à cette séquence le statut de Syntagme Prosodique. Le fait que l’accent initial et l’accent final (non accompagné de la marque de durée) puissent présenter des réalisations similaires nous amène à écarter provisoirement la notion de Mot Prosodique en tant que domaine de groupement inférieur au Syntagme Prosodique tel que nous l’avons défini précédemment. La “ distinctivité ” entre l’Unité Tonale et le Syntagme Prosodique peut être mise en évidence par l’analyse des exemples (18) et (19). (18) Jean lève son verre. (19) J’enlève son verre. Si l’exemple (18) se voit attribué le phrasé de (20), l’interprétation de l’énoncé se révèle être ambiguë (nous rappelons que les parenthèses : ) , } et ] signalent, respectivement, les limites de l’Unité Tonale, du Syntagme Prosodique et du Syntagme Intonatif). En revanche, l’ambiguïté est résolue avec les phrasés de (21) et (22). (20) Jean) lève son verre}] (21) Jean} lève son verre}] (22) J’enlève) son verre}] De la même manière, des expériences pilotes effectuées à partir d’énoncés lus ou provoqués montrent que les locuteurs ont tendance à réaliser spontanément de la même façon des exemples comme “ l’émir Abel ” et “ les mirabelles ”, “ l’aphone étique ” et “ la phonétique ”, ce qui tendrait à confirmer le fait que l’accent initial et l’accent final du mot peuvent être réalisés à l’identique. En revanche, lorsqu’on demande à ces mêmes locuteurs de 35 bien marquer la différence de sens entre ces paires de mots, ils s’appliquent à réaliser les exemples constitués de deux mots lexicaux sous la forme de deux Syntagmes Prosodiques, c’est-à-dire avec un allongement de la voyelle finale du mot “ émir ” et du mot “ aphone ”. Cette performance est à nos yeux révélatrice de la compétence phonologique des locuteurs qui s’applique à superviser la gestion du phrasé prosodique du français La spécification des trois unités de phrasé que nous avons définies se fonde exclusivement sur des critères prosodiques qui relèvent à la fois de l’organisation mélodique ou tonale et de l’organisation temporelle des énoncés. Nous considérons, en effet, qu’il est nécessaire de se référer à ces deux types d’organisation pour rendre compte du système accentuel du français actuel et de ses relations avec le phrasé prosodique. En d’autres termes, une approche exclusivement tonale ne suffit pas. De ce point de vue, nous partageons le point de vue de Gussenhoven (1990) selon lequel il est nécessaire de distinguer entre organisation tonale et organisation prosodique. Dans notre approche, l’organisation mélodique (ou tonale) et l’organisation temporelle participent d’une organisation prosodique qui fait l’objet d’un codage phonologique en termes d’entités catégorielles. En ce qui concerne le codage de l’organisation temporelle, nous supposons que les symboles /Le/ et /XLe/ sont nécessaires et suffisants. En ce qui concerne le codage de l’organisation mélodique, nous proposons d’utiliser l’alphabet INTSINT (Hirst & Di Cristo, 1998) qui comprend trois symboles pour noter des valeurs absolues de la mélodie : M(id), T(op), B(ottom) et cinq symboles pour noter des valeurs relatives : S(ame), L(ower), H(igher), D(ownstepped), U(pstepped). Ces symboles peuvent être utilisés pour procéder directement au codage de l’intonation à partie de la courbe de F0 modélisée qui résulte de “ l’effacement ” de certaines variations microprosodiques dénuées de valeur linguistique (cf. Di Cristo & Hirst, 1986). Cependant, nous postulons un niveau d’analyse plus abstrait : le niveau perceptif, que nous jugeons nécessaire pour informer la notation phonologique. Dans cette optique, et en se référant à la qualité perceptive de la voyelle accentuée, nous interprétons, par exemple, le schème tonal qui est associé l’accent initial et l’accent final des Unités Tonales comme un simple ton haut /H/, même si le pic de la F0 aligné avec la voyelle accentuée est précédé d’une montée. En revanche, nous interprétons le schème tonal qui est aligné avec la voyelle finale d’un Syntagme Intonatif non-terminal comme une montée que nous proposons de coder par le schème bitonal /LH/. La distinction perceptive entre un pic de hauteur /H/ et une “ montée nucléaire ” /LH/ devrait se traduire, au niveau de la configuration de la F0, par des différences d’alignement du point bas /L/ qui précède dans les deux cas le point-cible /H/, lorsque le mouvement global est du type ascendant. En effet, il est prévisible que le point /L/ qui précède un point /H/ dans le cas de la formation d’une Unité Tonale bénéficie d’une plus grande liberté d’alignement que le point /L/ qui fait partie du schème bitonal final du Syntagme Intonatif. Cette hypothèse reste cependant à vérifier expérimentalement. Il importerait également de vérifier si la hauteur du point H atteinte au terme de la montée /LH/ est systématiquement plus élevée que celle du pic /H/ associé à l’Unité Tonale. S’il en était ainsi, on pourrait en déduire que l’accent nucléaire bénéficie d’un indice tonal supplémentaire qui concourt ainsi à affirmer sa prééminence perceptive et par la même son statut phonologique particulier. Il est particulièrement intéressant de constater que ces prédictions sont en grande partie confirmée par des analyses empiriques récentes (postérieures à la rédaction de cet article), qui incluent à la fois des données subjectives (notation auditive effectuée par des experts) et des mesures acoustiques (D’Imperio et al, 2006). Dans le cas de l’accent initial emphatique, nous interprétons le schème tonal de la voyelle accentuée comme un ton extra-haut, codé par le symbole /T / (on pourra notamment se référer à Ladd, 1994 pour une interprétation linguistique du ton extra-haut en anglais). Plus 36 généralement, nous proposons d’associer la projection de tout accent emphatique, initial comme final, à l’association d’un ton extra-haut /T/ avec la syllabe initiale ou finale du mot concerné. Cette association à des incidences manifestes sur la réalisation du schéma mélodique de cette syllabe dont nous parlerons dans la seconde partie de l’article qui concerne la description des patrons intonatifs du français. Il est apparu dans nos investigations que, dans la parole continue, le schème tonal perçu qui est aligné avec la voyelle finale de l’Unité Tonale peut être du type /H/ ou du type /D/. Le type /D/, qui est caractérisé par un ton abaissé, correspond à un patron particulier de l’unité accentuelle que Martin (1980, 1981) à identifié comme une “ inversion de pente ”. Ce ton abaissé (ou downstep) se rencontre assez fréquemment dans le phrasé prosodique des questions, comme nous avons pu l’observer antérieurement (Di Cristo, 1998 ; cf. également la seconde partie de cet article). Il semblerait que le schème tonal qui est associé à la voyelle finale du Syntagme Prosodique puisse également être du type /H/ ou /D/. Le choix de l’un ou l’autre de ces schèmes est probablement motivé par des contraintes qui se rapportent à la nature des relations syntaxiques et sémantiques (voire pragmatiques) qu’entretiennent les Syntagmes successifs qui forment la trame prosodique des énoncés. Cette hypothèse doit cependant être validée par investigations des étendues, en particulier sur des corpus de parole improvisée. Nous rappelons que le trait déterminant qui contribue, selon nous, à signaler la limite d’un Syntagme Prosodique est représenté par l’allongement de la voyelle finale de cette unité, à l’exception du schwa. Compte tenu des remarques qui précèdent, nous pensons que la formulation qui consiste à déclarer que “ la démarcation des frontières de syntagmes est caractérisée par une séquence de mouvements mélodiques montants en français ” (“ French is characterized by a sequence of rising pitch movements demarcating phrases boundaries ”, Jun & Fougeron, 2002, p. 147) mérite d’être révisée dans l’optique d’une analyse qui prendrait en compte les relations entre la perception et la phonologie. De ce point de vue, nous mettons en question l’affirmation selon laquelle ce qui est important pour la perception d’un syntagme accentuel (“ Accentuel Phrase ”), l’équivalent de notre Syntagme Prosodique, c’est la perception d’un ton montant associé à une syllabe finale longue et forte (Ibidem). Par ailleurs, nous nous opposons à la suggestion de Beckman (cf.1.1.1.4.) suivant laquelle l’accent en français, à la différence de l’anglais, ne saurait constituer une tête métrique indépendante de l’effet d’allongement. En effet, selon notre analyse, les accents associés à la formation des Unités Tonales représentent bien des têtes métriques indépendantes de l’effet mentionné. En ce qui concerne les propositions que nous avons formulées, nous considérons qu’il importe à l’avenir de vérifier expérimentalement, en particulier, les points suivants : la prégnance du schème tonal perçu de la voyelle accentuée (mélodique vs statique) dans la distinction (catégorielle ?) entre accentuation finale nucléaire et accentuation finale non-nucléaire, la robustesse des deux degrés d’allongement distinctifs en français (Le et XLe), la nature des indices qui permettraient de différencier d’une part un accent initial non-emphatique d’un accent emphatique et, d’autre part, les deux types d’accentuation emphatique (intellictive vs affective). De même, il est nécessaire de vérifier s’il existe des indices fiables qui concourent à distinguer un accent initial non-emphatique impliqué dans la construction d’une Unité Tonale (donnant lieu à un parenthésage de type / ) / ) d’un accent initial non-emphatique qui signale la limite gauche d’un Syntagme Prosodique (donnant lieu à un parenthésage de type / { /. La figures 9 illustre notre conception des relations entre l’accentuation et le phrasé prosodique du français. La figure 10 recense nos propositions actuelles sur la nature des 37 marques tonales et temporelles qui participent à l’expression de ces relations. Elle précise également la partie de la syllabe avec laquelle nous supposons que ces marques sont alignées. NIVEAU SOUS-JACENT Principe de Bipolarisation Principe de Dominance Métrique Droite Principe de Projection Conjuguée articulation formes/fonctions PROJECTIONS SUPERFICIELLES Accentuation initiale Non emphatique Emphatique focalisation Accentuation finale Unité Tonale) Unité Tonale) Non emphatique { Syntagme Prosodique Syntagme Prosodique} { Morphème Syntagme Intonatif ] { Syntagme Prosodique Morphème} Syntagme Prosodique] Enoncé] Emphatique focalisation [ Enoncé domaine/phrasé domaine/phrasé Figure 9. Principes sous-jacents, catégories accentuelles et relations entre accentuation et phrasé prosodique du français. Accentuation initiale (AI) Organisation tonale Organisation temporelle AI (UT) AI (SP) H, D Accentuation finale (AF) AI EMP AF (SI) AF(SP) AF EMP H T LH, HL H, D T, TL Rime Rime Rime Rime Rime Rime Le (?) XLe XLe Le XLe Attaque (?) Attaque Rime Rime Rime Figure 10 Les catégories accentuelles au regard de leurs propriétés tonales et temporelles. AI : accent initial, AF : accent final ; EMP : accentuation d’emphase. H : ton haut, D : ton abaissé, T : ton extra-haut, L : ton bas. Le : allongement de niveau 1, XLe : allongement de niveau 2, Ø : absence d’allongement. Les termes de rime et d’attaque signalent l’alignement des propriétés tonales et temporelles par rapport à la structure de la syllabe. Le point d’interrogation indique une incertitude. Les propositions que nous avons exposées précédemment s’efforcent d’apporter des éléments de réponse à des questions fondamentales sur l’accentuation du français. Ces éléments de 38 réponse, que nous formulons le plus souvent comme des hypothèses de travail, se rapportent à des dimensions que nous jugeons nécessaires pour appréhender la complexité du système accentuel du français. Elles concernent la distribution potentielle des proéminences qui soustendent la réalisation des accents, leur participation à la construction du phrasé prosodique des énoncés, la nature et l’alignement des marques prosodiques formelles qui sont impliquées dans l’expression des diverses fonctions accentuelles, ainsi que la matérialité de ces marques. Dans notre approche, le Principe de Bipolarisation (Di Cristo, 1989) assume un rôle central dans la mesure où il supervise l’attribution des proéminences finales et initiales aux bornes des mots, des syntagmes et des énoncés. Il convient de préciser que, selon notre conception, la notion de proéminence fait référence à la fois à une entité formelle abstraite (en tant qu’élément primitif de la structure métrique) et à un phénomène concret de saillance perceptive. La projection des proéminences au niveau des structure de surface s’accompagne de l’association de marques prosodiques ( tonales et temporelles) dont les choix dépendent de la fonction accentuelle qui doit être réalisée (eurythmique, démarcative, cohésive, pragmatique) et de la hiérarchie des niveaux d’accentuation (nucléaire > non-nucléaire) que gouverne en amont le Principe de Dominance Droite (cf. supra). L’un des aspects centraux de notre approche se réfère donc à l’idée que les différents niveaux de proéminence sont signalés par des combinaisons de marques prosodiques différentes, ce que tendent du reste à confirmer des études récentes (cf. par exemple : D’Imperio et al., 2006, pour le français et Astruc & Prieto, 2006, pour le catalan). Dans notre approche, le terme d’accent désigne une entité fonctionnelle ou, plus précisément, une entité qui réalise l’amalgame d’une forme - ou de plusieurs formes - et d’une fonction (ou de plusieurs fonctions, si l’on considère, par exemple, le cas de la superposition d’une accentuation nucléaire signalant la limite d’un segment d’énoncé focalisé et d’une accentuation d’emphase, comme dans : “ Moi, c’est pas ÇA, qui m’intéresse ! ”). En ce qui concerne la question des relations entre la proéminence/l’accentuation et le phrasé prosodique, nous prenons pour axiome que ces phénomènes participent, au niveau cognitif, d’une gestion conjuguée (cf. Halle & Vergnaud, 1987 pour une présentation théorique de ce dispositif). En conséquence, la projection d’une proéminence sous la forme d’un accent voué à la réalisation d’une fonction particulière engendre également la construction d’un phrasé prosodique qui signale le bornage d’un domaine, ce mécanisme étant gouverné, comme nous l’avons suggéré précédemment, par un Principe de Projection Conjuguée. Notre interprétation des relations entre l’accentuation et le phrasé prosodique nous a amené à fournir des éléments de réponse à des questions qui ont été soulevées à diverses reprises dans le passé et qui demeurent actuelles. La première concerne “ l’identité phonétique ” du mot en français (Delattre, 1940 ; Lyche & Girard, 1995). Bien que les mots lexicaux ne soient pas toujours porteurs d’un accent final (cf. Delais-Roussarie, 2001), il n’en demeure pas moins que la tendance à traiter ces items comme des entités phoniques dans la parole continue se manifeste par divers moyens, notamment par la présence d’une accentuation initiale (emphatique ou non-emphatique) et par le double balisage initial et final dont ces mots font l’objet. Le fait que les mots peuvent être identifiés par des marques prosodiques ne nous incite pas pour autant à leur accorder le statut de Mot Phonologique. En effet, dans l’approche classique de la phonologie prosodique, la définition de cette unité se réfère au mot lexical et à des contraintes d’ordre morphologique et syntaxique. C’est ainsi que pour Nespor & Vogel (1986), il ne peut y avoir de Mot Phonologique plus grand que les éléments terminaux de l’arbre syntaxique. Or, nous avons affirmé à maintes reprises que notre définition des domaines prosodiques se fonde exclusivement sur des critères prosodiques formels. Ce choix 39 nous conduit en particulier à éviter de nous référer à la notion de Mot Phonologique, dans la mesure où l’accentuation finale du mot en français ne s’accompagne pas nécessairement d’une marque permettant de la distinguer de l’accentuation initiale. En revanche, lorsque la projection de l’accent final s’accompagne d’une marque distinctive que nous identifions comme un allongement de la syllabe accentuée (principalement de sa rime), il signale de la sorte la borne d’un domaine que nous n’assimilons pas à un Mot Phonologique, mais à un Syntagme Prosodique. D’une façon plus générale, la référence à des critères exclusivement prosodiques nous a permis de définir trois domaines potentiels de phrasé en français : l’Unité Tonale, le Syntagme Prosodique et le Syntagme Intonatif. Cette analyse ne remet donc pas en question celle qui a été proposée par Di Cristo & Hirst (1993), à une différence près, cependant : nous proposons de substituer l’expression de Syntagme Prosodique à celle d’Unité Rythmique, car il apparaît que dans notre approche la véritable unité rythmique (conçue comme une entité primitive de la construction du rythme) est représentée par l’Unité Tonale. L’Unité Tonale est aussi une unité accentuelle dans la mesure où elle constitue la plus petite séquence de parole susceptible de recevoir un accent (initial ou final). En revanche, le Syntagme Prosodique forme un groupe accentuel, car il est constitué le plus souvent par la concaténation de plusieurs unités accentuelles. A la différence des autres approches de la prosodie du français, nous considérons que seule la formation des Unités Tonales est effectivement soumise à des contraintes proprement métriques. La prise en charge de ces contraintes par les Unités Tonales permet d’accorder davantage de libertés à la formation des Syntagmes Prosodiques dans leur relation avec la construction dynamique du sens. Cette conception nous permet ainsi d’envisager une simplification du modèle de satisfaction de contraintes applicable à l’analyse des liens entre l’accentuation et le phrasé prosodique du français. En résumé, notre approche des domaines prosodiques nous conduit à stipuler que le phrasé prosodique des structures superficielles du français se construit sur la base de l’agencement de trois unités : UT, SP, SI. Cette conception se démarque ainsi de la plupart des analyses qui admettent seulement deux unités : le Syntagme Accentuel et le Syntagme Intonatif. A cet égard, il est intéressant de rappeler que dans son analyse de la prosodie du Coréen, que l’on dit proche de celle du français, Jun (1996, 1998) se réfère à ces mêmes unités (dénommées en la circonstance “ Accentual Phrase ” et “ Intonational Phrase ”). Or, dans un travail récent, qui porte précisément sur la prosodie du coréen, Yim (2004) montre, avec des données expérimentales à l’appui, que pour rendre compte du phrasé prosodique de cette langue il est nécessaire d’introduire une troisième unité : le Syntagme Intermédiaire (“ Intermediate Phrase ”). Bien que nous n’utilisions pas ce terme, il apparaît notre analyse s’avère plus proche de celle de Yim que de celle de Jun, ce qui dénoterait une autre manière de confirmer la parenté prosodique entre le coréen et le français. Dans notre approche, chacune des trois unités constitutives du phrasé prosodique se caractérise par des marques prosodiques spécifiques qui sont associées avec les syllabes accentuées représentant les têtes de ces unités. Ces marques (ou ces traits) prosodiques participent de deux types d’organisation parallèles : l’organisation tonale (décrite en termes de segments tonals) et l’organisation temporelle (décrite en termes de niveaux d’allongement). Cette analyse se justifie si l’on admet d’une part que l’organisation tonale ne suffit pas à rendre compte du système accentuel du français et, d’autre part, que, d’une manière générale, un accent peut être identifié en l’absence de toute variation mélodique (Ladd, 1993 ; Campbell, 1993). 40 Les schèmes tonals et les schèmes temporels que nous décrivons dans notre approche sont des entités abstraites que nous supposons être construites sur des percepts. En effet, si nous admettons avec Ladd (1996) qu’il n’est pas légitime d’établir des liens directs entre des événements physiques (variations de la Fo, de la durée et de l’intensité physiques) et des fonctions linguistiques, nous estimons, de surcroît, que l’on ne peut établir des liens directs entre ces événements physiques et les représentations phonologiques de haut niveau, car le signal physique est porteur de variations qui ne sont pas motivées exclusivement par des contraintes de haut niveau ou qui ne sont pas prises en compte par le système de perception. Dans les perspectives que nous venons de tracer, nous avons proposé d’établir un ensemble de distinctions dont nous rappelons brièvement les caractéristiques ci-après. L’accent final qui se conjugue avec la formation d’une Unité Tonale se caractérise, du point de vue de l’organisation mélodique perçue, par la présence d’un ton haut /H/ ou d’un ton abaissé /D/ synchronisé avec la voyelle accentuée et, du point de vue de l’organisation temporelle perçue, par l’absence d’allongement significatif (notée par /Ø/). En réalité, il est possible d’observer un accroissement de la durée de la voyelle (ou de la syllabe) accentuée, mais cet allongement n’est pas motivé par une contrainte de haut niveau car il ne représente qu’un sous-produit du “ timing ” de la variation de la F0 conduisant à la perception du point /H/. L’accent initial non-emphatique qui se conjugue avec la formation d’une Unité Tonale possède les mêmes caractéristiques tonales et temporelles que le précédent, à la différence près qu’il est toujours associé à un ton /H/. Le fait que l’accent final de l’Unité Tonale puisse être également associé à la présence d’un ton /D/ est la conséquence d’une hauteur plus élevée de la syllabe initiale de l’Unité Tonale. Il s’agit, selon notre interprétation, d’une variante “allotonique ”. En conséquence, nous ne pouvons pas affirmer que l’option /H ou D/ constitue un critère suffisamment robuste pour décider que l’Unité Tonale qui bénéficie de cette option signale ainsi la limite d’une unité de rang supérieur à l’Unité Tonale, mais inférieur à celui du Syntagme Prosodique, que l’on pourrait assimiler alors à un Mot Prosodique (ou à un Syntagme Phonologique mineur). Lorsque l’accent initial qui se conjugue avec la formation de l’Unité Tonale et du type emphatique, il se caractérise essentiellement par la présence d’un ton extra-haut (que nous notons par /T/, pour “ Top ”). La perception de ce ton extra-haut présuppose une variation ample de la F0. Il sera nécessaire, dans des travaux ultérieurs, de préciser comment l’origine de cette variation s’aligne avec les limites de la syllabe porteuse de cet accent emphatique. De même, il sera indispensable de vérifier dans quelle mesure le paramètre intensité dont nous n’avons pas parlé jusqu’à présent, en raison du peu d’informations disponibles à son sujet, peut contribuer efficacement à l’identification de l’accentuation emphatique. Nous pensons qu’une piste de recherche intéressante dans cette perspective consisterait à vérifier d’une part si l’effet dit de “ balance spectrale ” ou de “ tilt spectral ” (qui concerne l’efficacité perceptive de l’énergie concentrée dans une certaine plage de fréquences par rapport à l’énergie globale) joue en français un rôle similaire à celui qui lui a été reconnu dans d’autres langues (Sluijter & Van Heuven, 1996) et, d’autre part, si cet effet peut contribuer à distinguer notamment un accent emphatique d’un accent non-emphatique. L’accent final qui se conjugue avec la construction d’un Syntagme Prosodique dont il contribue à signaler la limite droite, se caractérise également par l’association d’un ton haut (H) ou d’un ton (D) avec la voyelle accentuée. Cependant, sa marque distinctive se rapporte à l’allongement de cette voyelle (que nous notons / Le/ ). L’accentuation initiale qui se conjugue avec la construction d’un Syntagme Prosodique dont elle contribue à signaler la limite gauche peut être du type non-emphatique ou du type emphatique. Nous pensons que, 41 dans les deux cas, la différence qui permet de distinguer un accent initial conduisant à la formation d’une Unité Tonale d’un accent initial conduisant à signaler le début d’un Syntagme Prosodique, réside dans la présence d’une pause perçue qui précède le pic mélodique (#/H/, pour l’accent non-emphatique et #/T/, pour l’accent emphatique). Cette pause, qui est assimilable, du point de vue métrique, à un “ battement silencieux” précédant un temps fort (cf. la notion de “ silent beat ” proposée par Selkirk), se traduit dans les faits par la présence d’un silence ou par un allongement plus ou moins important de la consonne d’attaque de la syllabe accentuée. Nous considérons que ces phénomènes sont particulièrement révélateurs du signalement d’une frontière de domaine qui correspond en l’occurrence à la frontière gauche du Syntagme Prosodique. Enfin, nous avons proposé de caractériser l’accentuation nucléaire qui se conjugue avec la construction du Syntagme Intonatif par deux marques solidaires : l’association d’un contour perçu avec la voyelle de la syllabe accentuée et un allongement de niveau 2 (noté par /XLe/) porté par la rime de cette syllabe. Il reste cependant à montrer si la dynamique tonale ou le choix du registre tonal joue un rôle dans la distinction entre l’accentuation nucléaire et l’accentuation finale non-nucléaire. En ce qui concerne la vérification de l’hypothèse selon laquelle l’accent nucléaire se distingue perceptivement de l’accent final non-nucléaire par la présence d’un ton montant versus celle d’un ton statique (haut ou abaissé), nous envisageons d’appliquer dans un premier temps le “ prosographe ” qui a été développé par Mertens (2004). Cet outil est particulièrement bien adapté à notre problématique dans la mesure où il permet de procéder à une évaluation automatique de la qualité perceptive des configurations de F0 qui sont associées aux voyelles. Il est impératif, cependant, que cette vérification soit complétée par la mise en œuvre de tests de perception appropriés. Les propositions que nous avons formulées pour tenter de rendre compte des propriétés formelles qui sont associées aux catégories accentuelles du français apportent une réponse que nous espérons explicite à la question encore débattue des paramètres de l’accent en français. Nous rappelons, à titre d’exemple typique, que pour Rigault (1962) la hauteur est le paramètre déterminant de l’accentuation en français, alors que pour Delattre (1966) seule la durée serait la marque de l’accent dans cette langue. La prise en considération des deux niveaux d’organisation prosodique, tonale et temporelle, à laquelle nous nous attachons dans nos recherches, ainsi que la conception plurielle de l’accentuation du français (à la fois en ce qui concerne les niveaux d’accentuation et la diversité des fonctions assumées) à laquelle nous adhérons, nous amènent à conclure que les deux auteurs cités ont partiellement raison. Nous considérons, en effet, que ces deux types d’organisation se trouvent être impliqués, à des degrés divers, dans la construction des catégories accentuelles de cette langue et le tissage des liens qu’elles entretiennent avec le phrasé prosodique. L’intégration de la dimension tonale et de la dimension temporelle dans l’analyse phonologique et la description phonétique relève d’une démarche qui se distingue des approches “ monovalentes ”, lesquelles ne s’appliquent qu’a traiter de l’une de ces deux dimensions (en effet, de nombreux modèles d’organisation tonale n’incluent pas l’organisation temporelle et inversement). D’autre part, notre démarche procède de l’hypothèse que l’organisation tonale et l’organisation temporelle constituent deux niveaux d’organisation structurelle relativement indépendants. Elle se démarque ainsi des approches qui admettent que l’un de ces niveaux est dans un rapport de dépendance avec l’autre. A titre d’exemple, les travaux de Bruce (1981) sur le suédois mettent en avant l’hypothèse que les contraintes temporelles conditionnent l’actualisation des variations tonales (“ temporal-to-tonal-hypothesis ”). A l’opposé, d’autres auteurs ont soutenu l’idée que ce sont les contraintes tonales qui influencent l’organisation temporelle de la parole, notamment la durée des phonèmes (“ tonal-to-temporal hypothesis ”, cf. Bolinger, 1958 ; Öhman et al., 42 1979 ; Lyberg, 1979). Une adaptation au français de l’hypothèse du “ temporal-to-tonal ” conduirait à suggérer que la demande d’un allongement de niveau /XLe/ associé à la projection de l’accent nucléaire pourrait rendre compte à la fois de l’amplitude de la variation positive de la F0 et du caractère retardé de cette variation. En revanche, le ralliement à l’hypothèse du “ tonal-to temporal ” amènerait à suggérer que la demande d’une ample variation de F0 liée à l’actualisation de l’accentuation nucléaire rendrait compte de cet allongement /XLe/. Il est manifeste que des investigations expérimentales seraient indispensables pour vérifier le bien-fondé de l’une ou de l’autre de ces hypothèses. Personnellement, nous avons opté pour un autre type d’hypothèse, similaire à celle qui a été formulée dans le passé, à propos de langues autres que le français (cf. Bannert, 1982a, 1982b). Cette hypothèse consiste à supposer que la structure tonale et la structure temporelle relèvent de deux niveaux d’organisation prosodique indépendants, ce qui motive notre choix de procéder à un codage bilinéaire des marques distinctives représentatives de ces deux niveaux. Nous acceptons cependant l’idée qu’il puisse exister certaines interférences entre les deux niveaux, imposées en particulier par des contraintes de production, comme celles qui sont liées au chronométrage des variations de la F0 et à leur alignement avec le matériau segmental (Ohala & Ewan, 1973 ; Sundberg, 1973 ; Xu & Xuejing, 2002). Etant donné l’importance que nous attribuons dans notre approche aux aspects perceptifs, il sera nécessaire d’entreprendre des recherches dans le but d’évaluer de quelle façon et selon quelles stratégies se construisent les percepts qui constituent les points d’ancrage du décodage de la structure prosodique, en général et de l’organisation temporelle, en particulier. Cette démarche nous paraît d’autant plus justifiée que l’organisation temporelle de la parole n’a pas fait l’objet jusqu’à présent d’une attention aussi soutenue dans le domaine de la perception que dans celui de la production (Kohler, 2003). D’une façon plus générale, il conviendrait d’accorder une place prépondérante à l’étude de la façon dont les différents paramètres prosodiques physiques (Fo, durée, intensité) se combinent pour construire les entités perceptives et phonologiques que représentent les différents niveaux de proéminence et les groupements prosodiques qui leurs sont associés. Bien que l’on ait tendance à l’oublier fréquemment, il ne faut pas perdre de vue que la substance prosodique qui sert d’entrée au traitement perceptif des catégories prosodiques est de type pluriparamétrique (Di Cristo, 1978 ; Rossi et al, 1981 ; Vaissière, 2005). Dans cette perspective, l’étude récente de (Kochanski et al., 2005), qui ne concerne pas le français, mais qui aborde cependant à une problématique générale, tend à remettre en question la conception traditionnelle (cf. Bolinger, 1958) du rôle prépondérant accordé à la fréquence fondamentale pour signaler les proéminences. L’impact de cette mise en cause a d’autant plus de portée que c’est précisément la conception traditionnelle qu’adoptent la majorité des approches phonologiques actuelles de la prosodie dans lesquelles le concept de “ pitch accent ” occupe une position déterminante (cf. par exemple Ladd, 1996). D’après les résultats de l’étude précédemment évoquée de Kochanski et al., qui concerne plusieurs variétés d’anglais, l’intensité et la durée seraient de bien meilleurs “ prédicteurs ” de la proéminence que F0. A la lumière de ces résultats apparemment surprenants, sans doute conviendra t-il également de s’interroger sur le rôle que pourraient éventuellement jouer ces paramètres dans le cas d’une langue comme le français qui ne dispose pas à proprement parler (Hirst & Di Cristo, 1998) d’une accentuation lexicale, mais qui possède néanmoins plusieurs types d’accents fonctionnellement distincts. En résumé, notre approche “ “ probabilitaire ” de l’accentuation et du phrasé prosodique du français actuel soutient l’idée que, dans cette langue, l’ancrage cognitif de deux proéminences accentuelles polaires peut engendrer, lorsque ces proéminences se projettent au niveau des 43 formes de surface, l’émergence d’un phrasé prosodique fondé sur l’agencement séquentiel de trois types d’unités : une primitive : l’Unité Tonale et deux unités construites : le Syntagme Prosodique et le Syntagme Intonatif. Les marques distinctives qui contribuent à signaler, à la fois, les limites de ces unités et la hiérarchie des niveaux d’accentuation se rapportent à deux ordres structurels de l’organisation prosodique : l’Organisation Tonale et l’Organisation Temporelle. Ces marques ont une réalité acoustique et une prégnance perceptive. Nous estimons que cette dernière est cruciale pour au moins deux raisons. D’abord, parce que les correspondances entre les percepts prosodiques et leurs supports acoustiques (supports sur l’observation desquels se fondent généralement les modèles de production) ne sont pas du type biunivoque Ensuite, parce que nous supposons que les représentations phonologiques sont construites sur la base de ces percepts. Enfin, il est important de rappeler que, dans notre démarche, nous nous référons exclusivement à des critères prosodiques pour identifier des catégories phonologiques que d’autres approches définissent en se référant également à des critères syntaxiques. Ainsi que nous l’avons affirmé à diverses reprises (Di Cristo, 1998 ; Di Cristo, 2004 ; Di Cristo et al., 2004), nous pensons que l’interprétation du système accentuel du français (et de son système prosodique en général) ne doit pas procéder de l’étude de l’interface binomiale phonologie/syntaxe, mais de celle d’une interface complexe au sein de laquelle la composante sémantico-pragmatique assume un rôle décisif. Dans cette optique, nous proposons de mettre à l’épreuve le cadre explicatif des relations entre les différents composants de l’analyse linguistique défini par Blache & Di Cristo (2002). Ce cadre présente l’avantage notable de permettre de rendre compte de certains phénomènes de variabilité, ce qui est en adéquation avec la perspective de l’approche probabillitaire que nous défendons. Bibliographie4 Abercrombie, D. (1964). Syllable quantity and enclitics in English. In Abercrombie, D. et al. (eds.). In Honour of Daniel Jones. London : Longmans, pp. 216-222. Adjemian, C. 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Il est également possible que certaines références du texte ne figurent pas dans cette bibliographie qui devra faire l’objet d’une révision. 44 Astesano, C. (1999). Rythme et discours : invariance et sources de variabilité des phénomènes accentuels en français. Thèse de doctorat. Université de Provence. Astesano, C., Di Cristo, A. & Hirst, D.J. (1995). Discourse-bases empirical evidence for a multi-class accent system in French. Proceedings of the XIIIth International Congress of Phonetic Sciences (Stockholm), vol.4 : 630-633. Astesano, C., Bertrand, R., Brousseau, R., Chafcouloff, M., Di Cristo, A. (Dir.), Ghio, A., Hirst, D., Lapierre, S., Nicolas, P., Romeas, P., Sabio, F. & Vincent, M. (1995). Le projet PACOMUST, un corpus de PArole COntinue MUltiSTyle : objectifs et choix méthodologiques. Travaux de L’Institut de Phonétique d’Aix, 16 : 9-38. Aubergé, V. (1992). Developing a structured lexicon for synthesis of prosody. In Bailly, G. & Benoit, C. (eds.). 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