CORBIN Henry, Histoire de la philosophie Islamique, Gallimard, 1986

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CORBIN Henry, Histoire de la philosophie Islamique, Gallimard, 1986
Des origines jusqu à la mort d'Averroës
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Amoli, Kamâl Kâshânî, S&'in Torkeh Ispahéni, de transiger. La qualité de Sceau de la
walâyat lue et générale, Ibn 'Arabi la transfère de l'Imâm à i; tandis qu'il s'attribue peut-être à
lui-même la ité de Sceau de la walâyat. mohammadienne. Ce pas le lieu d'y insister ici, mais
on peut pressentir slocation et l'incohérence que subit alors le schéma It ci-dessus, puisque le
cycle de la walâyat présup= l'achèvement du cycle de la prophétie. Les comtateurs shi'ites
n'ont pù s'expliquer les raisons de stative d'Ibn 'Arabi. Elle attire en tout cas l'attensur le fait
que l'imâmologie et une certaine Christo- ont des fonctions homologues. Mais il reste que le
de _l'attente eschatologique comme ethos de la cience shi'ite, postule que le Sceau de la
walâyat eut être que l'Imamat mohammadien, dans la dourersonne du I" et du XII' Imam,
puisque l'Imâmat ammadien est la manifestation de l'ésotérique de éalité prophétique
éternelle.
'Imâm caché et l'eschatologie.
trr 1. Ce thème, dans lequel culminent l'imâmologie et Bù-hiérohistoire, est un thème de
prédilection pour la liilosophie prophétique. •Sans doute l'idée de l'Imam caché fut-elle
projetée successivement sur plusieurs (iméms, mais elle ne pouvait se constituer définitiveétient qu'autour de la personne du Douzième, avec qui ^s'achève' le plérôme de l'Imâmat. La
littérature le tcncernant, en persan et en arabe, est considérable. (Ont recueilli les sources :
Safflr Qommi, ob. 290/902, tharrateur-témoin du XI` Imam; Kolaynî et son élève tto'méni,
w'/x• siècle; Ibn Bâbûyeh, ob. 381/991, qui lènait ses informations d'un témoin contemporain,
Hasan ibn Mokteb; Shaykh Mofid, ob. 413/1022; Moh. ,0:-Hasad Tûsi, ob. 460/1068. Les
principales traditions
lwpieg**)4Wmêrne que Mohammed eut
gag%btI
t1 Steme chacun des six, ou des cinq
p :g(svoyés avant lui (Adam, Noé, 4bt qmd, pxdf David, Jésus) a eu ses douze Imâms g
*W,dy4,(héitiers spirituels). Les douze Imâms du
ô,#1.pas exactement ceux que nous. appelons ( dm* @$Btres; ce furent les douze qui
assumèrent la tj p*nission du message prophétique jusqu'à la suscitajtun du _dernier prophète.
De même que le prophète Ms bammad, comme Sceau de la prophétie, fut le mazba,•de la
prophétie absolue, de même le I° Imâm, son wasî (héritier), fut le mazbar et le Sceau de la
walâyat absolue. Les manifestations partielles de la walâyat ont commencé avec Seth, fils et
Imâm d'Adam, et s'achèveront avec le XII' Imém, le Mandi, présentement l'ImAm caché,
comme Sceau de la walâyat particulière à la période finale de la prophétie. Chacun des
Awliyâ est avec le Sceau de la walâyat dans le même rapport que chacun des Nabis avec le
Sceau de la prophétie. On voit ainsi que la lignée de la prophétie est inséparable de la lignée
de son exégèse spirituelle; avec celle-ci s'opère la « remontée » de la prophétie à son origine.
5. L'ensemble de cette hiérohistoire est d'une cohérence parfaite, l'Imâmat mohammadien
étant, dans les personnes ,qui exemplifient sur terre le plérôme des Douze, l'achèvement des
religions prophétiques qu'il reconduit à leur intériorité. Le shi'isme, comme ésotérisme de
l'Islam, parachève tous les ésotérismes. Le seuil de la prophétie législatrice est fermé; le seuil
de la walâyat reste ouvert jusqu'au jour de la Résurrection.
L'enracinement de ce thème est bien visible. Même quand il arrive qu'il soit déraciné, on. peut
le reconnaître encore. C'est ainsi que, si la théosophie mystique d'Ibn 'Arabi (cf. 2` partie) fut
adoptée d'emblée par les théosophes shi'ites qui y retrouvaient leur propre bien, il y a un point
capital qui lui attira des polémiques, parce qu'il était impossible à ses disciples shi'ites (Hay7`
~Jf
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nâm de la. Résurrection. L'hagiographie du [° Imâm abonde en traits symboliques, archétypis,
concernant sa naissance et son occultation (ghay!). Disons tout de suite que la critique
historique n'y couvera pas son chemin; c'est d'autre chose qu'il git, de ce que nous avons
caractérisé comme hiérotoire. II faut ici surtout procéder en phénoménolo:: découvrir les
intentions de la conscience shî'ite ir voir, avec elle, ce qu'elle s'est montré à elle-même mis ses
origines.
!, Devant nous limiter ici à l'essentiel, nous rappes que le XI' Imâm, Hasan 'Askarl, retenu
plus ou ins prisonnier par la police abbasside dans le camp Samarra (à quelque 100 kilomètres
au nord de ghdâd), y mourut à l'âge de 28 ans, en 260/873. Ce r-là même disparaissait son
jeune fils, alors âgé de q ans ou un peu plus, et commença ce que l'on ,elle l'Occultation
mineure (gbaybat soghrâ). Cette wltanéité est riche de sens pour le sentiment mystiL'Imâm Hasan 'Askarl se propose aux siens • nme le symbole de leur tâche spirituelle.
L'enfant de ç âme devient invisible dès qu'il quitte ce monde, et it de cet enfant que l'âme de
ses adeptes doit enfanla parousie, c'est-à-dire le « retour au présent ».
,'occultation du XII` Imam s'accomplit en deux fois. ecultation mineure dura soixante-dix ans,
pendant quels l'Imam caché eut successivement quatre nâib représentants, par qui ses shî'ites
pouvaient commuuer avec lui. Au dernier d'entre eux, 'Ali Samarrî, il tonna, dans une dernière
lettre, de ne point se choide successeur, car maintenant était venu le temps de
Grande Occultation (ghaybat kobrâ). Les dernières
cales de son dernier nâ'ib (330/942) furent: « Désoris l'affaire n'appartient plus qu'à Djeu, »
Dès lors nmence !':histoire secrète du XII' Imam. Sans doute relève-t-elle pas de ce que nous
appelons l'historicité t-. faits matériels. Cependant elle domine la conssont recueillies dans le vol. XIII de l'Encyclopédie de Majlisi. De nos jours encore paraissent
fréquemment en Iran des livres sur ce sujet : Elzâm. al-Nâsib, de Shaykh 'AU Yazdi; al-Kitâb
al-'abga4, de 'Allâmeh Nehâvandi, etc. De tout cela, seules, quelques pages ont ét8.traduites
en français.) Méditéepar les représentants de la théosophie shî'ite ('irfân-e shil), la pensée fondamentale est
celle qui a été énoncée précédemment : de même que le cycle de la prophétie atteint son::
achèvement avec le Sceau des prophètes, de même la walâyat dont la lignée court, de période
en période, parallèlement à celle de la prophétie, a son double sceau dans l'Imamat
mohammadien :
le Sceau de la walâyat générale en, la personne du
I', Imam, et le Sceau de la walâyat mohammadienne, l'ésotérique des ésotérismes antérieurs,
en la personne du XII` Imâm. Comme le dit un maître du soufisme shî'ite iranien, 'Aziz Nasafl
(vn'/xm' s.), disciple de Sa'doddin Hamûyeh : « Des milliers de prophètes, antérieurement
venus, ont successivement contribué à l'instauration de la forme théophanique qui est la prophétie, et Mohammad l'a achevée. Maintenant c'est au tour de la walâyat (l'Initiation
spirituelle) d'être manifestée et de manifester les réalités ésotériques. Or, l'homme de Dieu en
la personne de qui se manifeste la walâyat c'est le Sahib al-zamên, l'Imâm de ce temps.»
Le terme de Sâhib al feamân (celui qui domine ce temps) est la désignation caractéristique de
l'Imâm caché, « invisible aux sens, mais présent au catir de ses fidèles », — celui qui polarise
aussi bien la dévotion du pieux shî'ite que la méditation du philosophe, et qui était l'enfant du
XI` Imâm, Hasan 'Askarî, et de la princesse byzantine Narkês (Narcisse). Il est désigné encore
comme l'Imâm attendu (Imâm montazar), le Mandi (dont l'idée shî'ite diffère profondément,
on l'a rappelé,. de l'idée . sunnite), le Qâ1m al-Qiyâmat,
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