JULIEN BRYCHCZYNSKI
Les prophéties bibliques
face à l’empire néo-
assyrien au VIIIe et VIIe
siècle av. J.-C.
Mémoire d’étape
M1 MEF HG UE 45
UFR Histoire, Arts et Archéologie
Sous la direction de Corinne BONNET
professeur à l’Université de Toulouse II-Le Mirail
Année universitaire 2010/2011
2
Introduction
J’exercerai contre eux de terribles vengeances, des châtiments furieux,
et ils sauront que je suis Yahvé quand je leur imposerai ma vengeance.
Ézéchiel (25 : 17)
1
Le royaume d’Assur a commencé à être prospère à partir du IIe millénaire av.
J.-C. A partir du Xe siècle av. J.-C., durant la période que les historiens ont qualifié de
néo-assyrienne, autour du triangle comprenant les villes d’Assur, Ninive et Arbèles,
ce royaume va s’étendre par étapes successives. C’est en 744
2
, avec l’avènement
du roi Tiglatphalazar III (744-727)
3
que l’Empire néo-assyrien
4
est véritablement
fondé : l’Assyrie ne se contente plus de recevoir des tributs des populations vaincues
mais conquiert et annexe de nouveaux territoires. La dynastie des Sargonides de
722 à 627, fondée par Sargon II (722-705), a été la plus prestigieuse. Dans cette
période, le règne d’Assurbanipal (669-627) est considéré comme l’apogée de
l’Empire, dirigé depuis le palais royal de Ninive sa capitale. Bien que très ancienne et
illustre ville assyrienne, Ninive ne devint la capitale que sous le règne de
Sennachérib (705-681), et le resta jusqu’en 612, date à laquelle la ville est prise au
terme de trois mois de siège mené par une coalition de Mèdes et de Babyloniens.
Cette date marque la fin de l’Empire assyrien bien qu’une poche de résistance
organisée par le dernier roi Assur-ubal-lit II à Harrân soit anéantie seulement en 610.
Dotés d'une puissance militaire sans égale pour leur époque, et d’une
organisation très performante, les Assyriens se sont confrontés au cours de
campagnes bien souvent annuelles à de multiples régions soumises à leur conquête.
1
Les citations bibliques sont toutes issues de : La Bible de Jérusalem, Paris, Cerf, 2007, 2057p.
2
Les dates sont considérées av. J.-C. dans l’ensemble du présent mémoire sauf mention contraire.
3
Voir annexe pour la liste des souverains assyriens de l’époque néo-assyrienne
4
Voir annexe pour carte
3
Les rois légitimant leur puissance par leurs faits d'armes et les butins, la guerre était
pour eux une activité prestigieuse et lucrative.
Leur brutalité envers les populations vaincues - pillages, massacres,
humiliations, mutilations des vivants ou des cadavres, déportions massives - sont
monnaies courantes, et étaient du reste déjà pratiquées par les empires précédents,
à une échelle sans doute moins systématique. Ces scènes ont été souvent
représentées sur les bas-reliefs qui ornaient les palais royaux assyriens, nourrissant
ainsi la propagande royale. Or, l’expansion des Assyriens en direction de la
Méditerranée les a conduits notamment à la rencontre de deux royaumes: Israël et
Juda qui vont retenir ici notre attention.
Ces royaumes
5
sont issus du schisme intervenu dans le royaume d’Israël à la
mort du roi Salomon (970-931): au Nord le royaume du Nord, ou de Samarie,
capitale Sichem ; au sud le royaume de Juda, capitale Jérusalem. Le royaume
septentrional d’Israël fondé par Jéroboam, qui rassemble autour de lui dix tribus
issues de celles des patriarches (les douze fils de Jacob) : Ruben, Siméon, Lévi,
Issacar, Zabulon, Dan, Nephtali, Gad, Ases et Joseph. Roboam successeur de
Salomon, fonde le royaume de Juda au sud et rassemble les deux tribus restantes
(de Juda et de Benjamin).
La capitale du royaume d’Israël est d’abord installée à Sichem (proche de
l’actuelle Naplouse). Sous le règne d’Omri (881-875), cette ville perd son statut au
profit d’une ville nouvellement fondée : Samarie. En 722, celle-ci tomba face aux
attaques des Assyriens suite au refus du roi Osée (732-722) de payer le tribut au
nouveau roi assyrien Salmanazar V (727-722), scellant de ce fait le destin du
royaume qui devient une province assyrienne
6
. Avant d’en arriver là, Israël avait été
guidée par la dynastie qu’avait fondée Omri au IXe siècle av. J.-C., les Omrides
longtemps décriée parce que se détournant de l’Alliance entre les Hébreux et Yahvé.
Sous le règne d’Achab (874-853), la reine Jézabel, d’origine phénicienne, imposa le
culte du dieu Baal dans le royaume. C’est alors que se développe le mouvement
prophétique, favorable au retour du yahvisme. Jéhu (841-815), en s’appuyant sur
celui-ci, prend alors le pouvoir et assassine la reine, ainsi que l’ensemble des
5
Voir annexe
6
2R 17 : 1-5.
4
descendants d’Achab. Sous Jéroboam II (783-743), le royaume manifeste une
activité militaire plus importante, mais sa victoire sur les Arméniens en Transjordanie
conduit Amos à ironiser sur l’orgueil qu’Israël manifeste dans ces circonstances. Son
règne est aussi marqué par un regain de prospérité, qui engendre des problèmes
sociaux, qui ne vont pas manquer de solliciter l’attention du prophète Amos, qui
condamne au nom de Dieu la vie corrompue des cités, les injustices sociales avec la
loi du plus fort
7
. Il prédit même la disparition du royaume comme châtiment de
l’Éternel
8
. Il n’hésite pas à accuser directement la royauté au sujet de la situation
politique et de la vie de débauche dans laquelle celle-ci se complait. Le prophète
Osée prend sa suite et réitère de telles accusions
9
. La voix des prophètes touche
donc à des questions théologiques, mais aussi éthiques et même politiques.
Le royaume de Juda, au sud a pour capitale Jérusalem. Ce royaume a très
vite juré fidélité à l’Empire assyrien. Le roi Achaz (735-716) refusa ainsi de faire
partie de la coalition anti-assyrienne organisée par son voisin du Nord. Une guerre
fratricide entre les deux royaumes éclate alors : la guerre syro-ephraïmite. Dans ce
contexte, Achaz accepte d’être un vassal de l’Assyrie. Le royaume se « prostitue »
aux yeux de Yahvé
10
selon le jugement des prophètes brisant l’Alliance conclue
depuis Moïse. La chute de Samarie en 722 entraîne l’arrivée massive dans la
capitale de réfugiés. Le roi Ezéchias (716-687) lance dans la foulée une série de
réformes : il fait briser divers autels des dieux étrangers, et d’efforce de rétablir
l’exclusivité du culte de Yahvé dans le temple Jérusalem. Le royaume de Juda
s’émancipa sous son règne de l’empire assyrien
11
. Le prophète Isaïe (765-701), sous
leurs règnes, annonce la ruine et la désolation des terres pour punir les idolâtries
dont le royaume fait preuve ainsi que les disparités sociales qui existent alors. Les
Assyriens sous Sennachérib assiègent alors plusieurs places fortes du royaume,
face à leur puissance, Ézéchias décida de verser à nouveau un tribut
12
. Le royaume
se libère du joug assyrien par la suite en 623 mais il disparait à son tour quand
Jérusalem est conquise par Nabuchodonosor II en 598, détruite en 587 et ses une
partie de ses habitants emmenés en exil à Babylone.
7
Am 6 : 1-9.
8
Am 5 : 9.
9
Os 5 : 1-4.
10
2Ch 21 : 13.
11
2R 18 : 7.
12
2R 18 : 14-15.
5
Le mouvement prophétique en Palestine est donc contemporain de
l’expansion assyrienne dans cette région. Bien que débutant avec Moïse, les livres
prophétiques bibliques, au nombre de quinze couvrent la période qui va du VIIe au Ve
siècle av. J.-C.
Outre le fait de condamner des comportements théologiquement et
moralement « déviants », ils prêchent la punition de Yahvé envers ceux qui se
détournent de lui. Le message divin qu’ils disent transmettre peut leur parvenir par
différentes voies : visions, inspirations, etc. Il est transmis sous diverses formes :
chants, paroles en prose ou non, paraboles, manifestations physiques, modes de vie
etc. Ces hommes avaient le devoir de transmettre ces messages au peuple, qui ne
pouvait aller contre le destin qui leur avait été choisi, par exemple Jonas (VIIe siècle
av. J.-C) qui resta emprisonné dans un « gros poisson » tant qu’il ne voulait pas
transmettre le message prophétique aux habitants de Ninive
13
. Bien souvent il s’agit
d’évènements proches, relatifs au présent ou au futur immédiat. Leur doctrine en
premier lieu sur le monothéisme qu’ils défendent ardemment contre les tentations
polythéistes, mais aussi le moralisme : « le péché séparant l’homme de Dieu » ; ils
annoncent aussi le salut pour ceux qui se repentent.
On se propose d’étudier ici le prophétisme dans un aspect bien particulier, à
savoir son rapport à la puissance assyrienne. Comment les prophètes, après avoir
annoncé et été témoins de la disparition des royaumes d’Israël et de Juda, victimes
des armées assyriennes, volontiers présentées comme les exécuteurs de la punition
divine, ont-ils expliqué la chute de Ninive, capitale du bras de Yahvé ?
Pour répondre à cette question, nous utiliserons comme source principale la
version traduite de l’Ancien Testament de la Bible de Jérusalem. Il faut d’ors et déjà
prendre toute les précautions quant à sa lecture, le but ici n’étant d’en faire l’exégèse
mais simplement de s’en servir d’appuis pour le présent mémoire. Il est primordial de
rappelé que la Bible a été écrite, par des auteurs, dans des périodes, dans des
contextes et dans des lieux différents. Il faut faire attention à garder toute sa partialité
face à son projet théologique.
13
Jon 2 : 1-11.
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