lieu de la fidélité à Dieu et à son Messie. Quiconque a eu à veiller sait que la vigilance requiert la totalité de l’être : la
sensibilité pour « sentir » une situation et sa mobilité, l’intelligence pour comprendre l’exacte portée des indices et les
interpréter correctement, le sang-froid et la retenue pour ne pas donner l’alerte par affolement ou peur, le sens du devoir
pour tenir sa place sans abandon ni négligence, donc aussi le courage devant les dangers possibles… » (p. 159-160)
1f Nécessité de l’interdit
« Par la rencontre avec l’artifice (langage, règles et techniques), c’est bien l’interdit que rencontre la condition
naturelle pour devenir humaine. Sans cette rencontre, jamais l’individu n’accèderait à son humanité. C’est dire à quel
point l’éthique est chevillée au corps de l’homme, puisque l’interdit met devant une règle qui à la fois sépare (tu es toi, tu
n’es que toi et non le tout des choses) et unit en ouvrant l’espace social (tu as ta place dans le jeu réglé des relations
humaines, mais seulement ta place, un parmi les autres). Cette règle est structurante puisqu’elle structure le corps lui-même
en permettant de se l’approprier comme masculin ou féminin, en ordonnant l’univers psychologique et en régulant les
pulsions. A travers elle, l’enfant assume des règles grâce auxquelles il parvient à se situer soi dans l’ensemble de
l’univers social structuré. » (p. 164)
1g « Passage » entre naturel et culturel
« L’accès à la condition humaine s’opère donc dans un passage de la condition naturelle à une condition
culturellement marquée. Il faut insister sur le mot « passage » : il ne signifie pas transition d’un univers à un autre, de la
nature à la culture, comme si l’on abandonnait une réalité au profit d’une autre, en sorte que la seconde n’aurait plus de
rapport avec la première. Passage est un transitif ; ce qui renvoie à une tâche permanente par laquelle incessamment le corps
doit être approprié ou les règles suivies qui assurent une façon d’assumer ses pulsions et ses affects. C’est pourquoi il
faut bannir les références simplistes à quelque chose comme une nature séparée de son appropriation par une culture et à
quelque chose comme une culture détachée de ses enracinements naturels. L’homme est transition de l’une à l’autre, instable
à ce titre, jamais totalement fixé, car même si les règles lui fournissent des codes de conduite, reste toujours une
inadéquation entre ses possibilités physiques ou psychologiques et l’exigence de la règle… » (p. 169)