Il formule leur différence sémantique, nette selon lui, de la façon suivante : « La différence
est ici celle d’un rapport de direction à un rapport de création. » La transitivité directe
entraînerait donc avec elle un objet effectué, un objet produit du procès, créé par le procès.
Blinkenberg est loin d’être le seul à avoir constaté cette différence. Pour sa part, François
(1998:185) écrit que dans J’ai pensé à ce problème la relation entre les deux participants,
‘moi’ et ‘le problème’, est celle d’un agent et d’un localisateur, tandis que dans le cas de
J’ai pensé et repensé ce problème, le référent de l’objet est affecté par le procès.
Dans une étude plus récente, François (2003:129) fait remarquer que le verbe penser « est
un verbe fondamentalement transitif indirect qui a développé au cours du 20ème siècle des
emplois transitifs (à syntagme nominal, ex penser la révolution). » Il précise (p. 130) que
l’emploi transitif peut être rencontré surtout dans les essais et les textes scientifiques et très
marginalement dans les belles lettres. Ce serait donc, en plus, une question de genre, l’un
des schémas actanciels appartenant surtout à un genre spécifique.
Si cet emploi à objet effectué se trouve surtout dans un certain genre de textes, comme
l’indique François, il est question d’une distinction sémantique qui est renforcée par sa
qualité stylistique. C’est en ceci que le thème de cette communication rejoint la thématique
générale du colloque : il s’agit de voir si le contexte influence la gamme des possibilités
sémantiques proposées par les différents schémas actanciels d’un verbe.
Dans cette communication, j’ai l’intention de travailler sur l’emploi du verbe penser dans
deux genres textuels distincts : d’une part, un français hautement normatif mais non
littéraire, de l’autre, un français également écrit mais relâché. Comme point de
comparaison, j’indiquerai aussi ce qui peut être trouvé dans des textes littéraires.
2. Corpus
Je suis partie à la recherche des occurrences intéressantes en effectuant trois recherches sur
Frantext et une sur WebCorp. Selon ce qui était mon intention au départ, j’ai d’abord fait les
deux recherches sur Frantext uniquement sur des textes non littéraires. Mon intention a été
de voir quel était l’usage dans un français hautement normatif mais non littéraire. J’ai choisi
les textes « après 1980 » et ai abouti à 68 textes.