Le monde des étoiles Étendez-vous sur le sol, la nuit, loin des lumières. Fermez les yeux. Après quelques minutes, ouvrez-les sur la voûte étoilée... Vous aurez le vertige. Collé à la surface de votre vaisseau spatial, vous vous sentirez dans l'espace. Goûtez-en longuement l'ivresse. C'est ici que commence notre exploration de l'univers. Nous allons regarder d'un œil neuf. Les constatations les plus simples, les plus immédiates, celles auxquelles nous ne faisons même plus attention, sont souvent les plus riches en information. Attardons-nous d'abord au fait suivant : il y a le jour et la nuit. La moitié du temps, il fait clair, l'autre moitié, il fait noir. C'est que nous habitons tout près d'une étoile (le Soleil), et très loin des autres étoiles. Le Soleil est une étoile, semblable aux milliers d'étoiles que nous apercevons la nuit à l'œil nu, semblable aux milliards de milliards d'étoiles que nos télescopes nous révèlent. Mais, alors que le Soleil nous présente un disque éblouissant, les autres étoiles nous apparaissent comme des points de faible luminosité. Ce n'est pas qu'elles soient plus petites ou moins brillantes (certaines sont cent fois plus grosses et cent mille fois plus brillantes que le Soleil), c'est que, vraiment, elles sont très loin... En astronomie, on mesure les distances en termes du temps que met la lumière à les parcourir. La lumière traverse l'Atlantique en un centième de seconde. Elle rejoint la Lune en une seconde ; on dit que la Lune est à « une seconde-lumière ». Elle atteint le Soleil en huit minutes ; on dit que le Soleil est à « huit minutes-lumière». Dans le ciel nocturne, il n'y a aucune étoile à moins de trois années-lumière, soit 13trente mille milliards de kilomètres (3 x 10 km). Sirius est à huit années-lumière, Véga à vingt-deux années-lumière, les trois étoiles de la Ceinture d'Orion (les trois Rois Mages) sont à mille cinq cents années-lumière... Telles sont, en général, les distances entres les étoiles. . Regarder «loin», c'est regarder «tôt» On ne peut pas faire de portrait « instantané» de l'univers. Nous savons aujourd'hui que, comme le son, la lumière se propage à une vitesse bien déterminée. En 1675, étudiant le mouvement des satellites de Jupiter, l'astronome danois Roemer a mis en évidence certains comportements bizarres. Ces comportements s'expliquent si on admet que la lumière met quelques dizaines de minutes à nous arriver de Jupiter. Cela équivaut à une vitesse d'environ trois cent mille kilomètres par seconde, un million de fois plus vite que le son dans l'air. Il faut bien reconnaître que, par rapport aux dimensions dont nous parlons maintenant, cette vitesse est plutôt faible. À l'échelle astronomique, la lumière progresse à pas de tortue. Les nouvelles qu'elle nous apporte ne sont plus fraîches du tout ! Pour nous, c'est plutôt un avantage. Nous avons trouvé la machine à remonter le temps ! En regardant «loin », nous regardons «tôt ». La nébuleuse d'Orion nous apparaît telle qu'elle était à la fin de l'Empire romain, et la galaxie d'Andromède telle qu'elle était au moment de l'apparition des premiers hommes, il y a deux millions d'années. À l'inverse, d'hypothétiques habitants d'Andromède, munis de puissants télescopes, pourraient voir aujourd'hui l'éveil de l'humanité sur notre planète... Dans ces conditions, il est naturellement impossible d'avoir un portrait « instantané » de l'univers. Un « instantané», dans le langage photographique, c'est une vue qui fige un paysage en un instant précis de sa durée. Ici nous sommes comme au sommet de la « montagne du temps ». Dans notre vision du monde, le point le plus avancé dans le temps est celui où nous sommes. Tout autour, notre regard plonge dans le passé. * *