Les changements climatiques sont là! Les politiques n'en parlent pas? Quand, grâce à
nous, deux millions de Belges auront vu le film d'Al Gore, cela pourrait bien changer.
Al Gore, ancien vice-président américain, en a remué des consciences avec ses conférences sur le
réchauffement climatique. Depuis des années, il sillonne le monde avec son "slideshow"
("diaporama") pour sensibiliser ses contemporains à l'urgence climatique. Un jour, le réalisateur
David Guggenheim a décidé, très simplement, d'enregistrer cette conférence et d'en faire un film,
pour la rendre accessible au plus grand nombre. Didactique, mais scientifiquement balisée, la
démonstration d'Aï Gore est imagée et ludique dans sa forme, incisive et efficace sur le fond.
Incontournable. Une vérité qui dérange a, d'ailleurs, remporté l'oscar 2005 du meilleur
documentaire. A la rédaction de Télé Moustique, nous pensons également que cette vérité devrait,
pour notre bien, nous "déranger", chacun, dans tous les foyers du pays. C'est pourquoi nous avons
décidé (avec nos confrères néerlandophones de Humo) d'offrir un DVD du film d'Al Gore avec
chaque exemplaire vendu. C'est une première mondiale et cela concerne deux millions de lecteurs
en Belgique.
"AI Gore se base sur une série d'arguments scientifiques solides", commente Jean-Pascal van
Ypersele, de l'UCL Ce climatologue reconnu internationalement sait de quoi il parle: il revient de la
troisième conférence du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat) qui s'est tenu à
Bangkok, la semaine dernière. "C'est le genre de conférence que je donne. Moi, je n'ai pas une grue
hollywoodienne pour montrer que la courbe du réchauffement grimpe dramatiquement... Mais la
courbe et les arguments, ce sont les mêmes!" Dans ce film, Al Gore explique les causes et les
conséquences du réchauffement global. Il l'illustre, il le raconte, il le met en scène de façon à ce qu'à
l'issue de la vision, il soit simplement impossible de continuer à se voiler la face. On ne peut
décemment pas remettre l'action à plus tard. "Pourtant, il ne parle des solutions et des actions à
mettre en œuvre que dans le générique de fin, regrette Jean-Pascal van Ypersele. Mais ce qui est
réconfortant, c'est qu'il prépare un deuxième film, sur les solutions justement. " Une démarche en
deux temps, donc: prise de conscience puis action. C'est aussi la nôtre. Cette semaine, le DVD et
notre dossier sur les scénarios qui nous attendent. La semaine prochaine, grâce au dernier rapport du
Giec, les solutions et les gestes à poser pour éviter ces scénarios, parfois apocalyptiques
Pour cette action d'envergure, Télé Moustique et Humo collaborent avec un sponsor inattendu:
Electrabel. Qu'un fournisseur d'énergie s'engage dans une action qui vise, précisément, à réduire nos
émissions de C02 peut sembler étrange, voire paradoxal. Pourtant, on constate de plus en plus, à
différents niveaux, une volonté de s'engager pour la planète. Ainsi, des individus, des associations,
mais aussi des entreprises privées, se lancent dans le combat. "Sons les acteurs économiques, on
n'arrivera à rien", estime d'ailleurs Nicolas Hulot, défenseur de la planète depuis dix-huit ans.
IMMOBILITÉ POLITIQUE
Finalement, le niveau où les choses bougent le moins reste le politique. Il suffit de constater la
légèreté avec laquelle le sujet du réchauffement et de l'urgence climatique a été abordé lors de la
campagne électorale française. Il a été à peine évoqué lors du duel Ségolène Royal - Nicolas
Sarkozy de la semaine passée. Comme si le sujet n'intéressait pas les électeurs. En Belgique, on ne
peut que constater avec regret - ou rage? - la place, marginale au vu de ses conséquences, du
réchauffement climatique dans le débat politique. Est-ce par ignorance que nos politiciens
repoussent les échéances? Si oui, espérons qu'un exemplaire du DVD d'Aï Gore aboutisse dans leur
salon...
Mais pas question de fuir nos responsabilités individuelles de citoyens sous prétexte d'une mollesse
politique. Le changement viendra surtout de la base. C'est ce que nous disent en cœur les
spécialistes: la lutte contre le réchauffement est notre devoir, à chacun. "Il s'agit d'une question
morale! Nous avons les moyens de résoudre le problème", tonne Al Gore. "L'avenir climatique est
vraiment entre nos mains, renchérit Jean-Pascal van Ypersele. dépend des décisions qui sont prises
ces jours-ci, qui seront prises dans les années qui viennent, par chacun d'entre nous, à tous les
niveaux de responsabilité: citoyen, acteur économique, décideur politique. Tout le monde a une part
de responsabilité. "
Nous sommes tous responsables, donc. Mais certains plus que d'autres. Nous, les Belges, par
exemple! Les habitants des pays développés ont les taux d'émissions les plus élevés. En moyenne,
un Terrien émet chaque année cinq tonnes de C02 (principale cause de l'effet de serre et donc, du
réchauffement climatique). En Belgique, c'est 12 tonnes par an et par habitant! Et il est trop facile
de rejeter la faute sur les industries uniquement. Les principaux postes produisant du C02 sont le
secteur résidentiel et tertiaire (20 %) et les transports (18 %)! "Les gouvernements qui se sont
engagés à Kyoto encouragent les citoyens en prenant des normes (panneaux solaires, isolation... ).
Mais ceux qui prennent la décision, ce sont quand même les propriétaires..." rappelle Jean-Pascal
van Ypersele. "On compte sur tout le monde! Les choix de chacun sont très importants!"
AGIR POUR APRÈS-DEMAIN
Les effets du réchauffement, nous les sentons déjà: le radieux mois d'avril que nous venons de
passer a encore battu toute une série de records. Et ce n'est pas fini, parce que les gaz à effet de serre
mettent entre 50 et 200 ans à s'éliminer. Donc, même si nous arrêtions de polluer dès aujourd'hui,
nous n'en sentirions pas les effets avant une génération! "Ce n'est pas réjouissant, pourtant c'est la
réalité et il faut la dire, explique Jean-Pascal van Ypersele. Ce serait malhonnête de dire aux gens
que s'ils font beaucoup d'efforts, ils en verront les effets sur le climat dans les vingt ans qui
viennent. On ne verra rien du tout! Nos enfants et nos petits-enfants, par contre... "
L'Union européenne s'était fixé comme objectif de diminuer ses émissions d'ici 2020 de 20 % si elle
était seule, et de 30 % si d'autres pays se joignaient à son projet. Bonne nouvelle: la Norvège s'est
également engagée dans ce processus il y a quelques jours. "C'est d'autant plus significatif que la
Norvège est un pays producteur de pétrole, se réjouit Jean-Pascal van Ypersele. Mais nous devons
voir au-delà de 2020. Il faudra aller vers des réductions beaucoup plus importantes. Or, à ce niveau,
il y a des incohérences. Par exemple, l'Union européenne continue à financer la construction de
nouvelles autoroutes. Cela ne va pas dans le sens d'une plus grande réduction des émissions de C02,
pourtant nécessaires d'ici à la fin du siècle."
"Nous ne parlons pas d'un changement climatique dans un avenir proche. Ce changement, il est déjà
là", rappelle Rajendra Pachauri, le président du Giec. Pour le siècle à venir, la machine est donc
largement lancée et l'avenir sera marqué par (au moins) six catastrophes.
Maïder Dechamps
L'avenir en six catastrophes
Voici ce qui nous attend pour la fin du siècle. La gravité de chacun de ces phé-
nomènes dépendra en partie de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à
effet de serre. Mais, graves ou moins graves demain, chacun de ces effets
commence déjà à se faire sentir aujourd'hui.1. MONTEE DES EAUX
Les changements
La fonte des glaces terrestres et la dilatation des océans feront monter le niveau de la mer. Selon le
Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat), il pourrait augmenter d'au moins 18 à 59
cm d'ici à 2100. Dans mille ans, selon un scénario "moyen", le niveau des mers pourrait augmenter
de 5 à 8 mètres! Même si on réduit drastiquement les émissions de C02, la hausse se poursuivra
au-delà de 2100.
Les conséquences
La fonte des glaciers de l'Himalaya (probable en 2035, déjà) aurait, entre autres, des conséquences
dramatiques sur les populations qui dépendent des rivières qu'ils alimentent. On estime qu'au moins
un milliard de personnes sont concernées!
Les populations côtières seront de plus en plus nombreuses à se retrouver les pieds dans l'eau. Elles
se dirigeront vers les terres restées émergées, provoquant l'afflux de millions de "réfugiés
climatiques".
En Belgique
Dans le cas d'une hausse de 8 m du niveau de la mer (en l'an 3000), près de 13 % de notre
territoire serait sous eau (voir infographie) si des mesures particulières ne sont pas prises.
A savoir: après les inondations de 1953, chez nous, les pouvoirs publics avaient mis en place le Plan
Sigma. Ce plan est en cours d'actualisation pour faire face à une augmentation du niveau marin de
60 cm.
Plus d'infos: www.sigmaplan.be (uniquement en néerlandais).
2. DISPARITION D'UN TIERS DES ESPECES
Les changements
Même si le réchauffement du climat n'est pas la seule raison de la disparition d'espèces animales et
végétales (pollution, surexploitation, disparition d'habitats...), il en est une cause importante.
Actuellement déjà, on estime que 25 à 50.000 espèces disparaissent chaque année. C'est mille fois
plus qu'au temps des dinosaures! Certains scientifiques estiment que l'on assiste aujourd'hui à la
sixième phase d'extinction massive. Pour une augmentation de la température mondiale d'environ
1,5°C au-dessus de la valeur actuelle, le Giec estime que 20 à 30 % des espèces animales et
végétales connues seraient menacées de disparition.
Les conséquences
"C'est dramatique! Ce n'est pas 9 à 31% des animaux ou des plantes... C'est 9 à 31 % des espèces!
Et peut-être que là-dedans, il y a des espèces dans lesquelles on aurait trouvé les médicaments pour
le cancer, pour le sida...", s'inquiète Jean-Pascal van Ypersele. "Et un degré et demi, c'est proche!"
C'est très grave aussi parce que toutes les espèces contribuent aux écosystèmes. "C'est un peu
comme un avion, qui est attaché avec des rivets, poursuit-il. Si on enlève un rivet, rien ne se passe.
Si on en enlève dix, peut-être toujours rien non plus, mais si on en enlève plus et, surtout, au même
endroit, c'est une aile ou un moteur qui tombe!"
En Belgique
Selon l'IUCN (l'Union internationale pour la conservation de la nature), 41 espèces sont
actuellement menacées en Belgique.
Une partie des espèces présentes disparaîtra d'ici à la fin du siècle. Notamment à cause de la faillite
de certains processus. Par exemple: quand le printemps est précoce, certaines chenilles éclosent et
ne trouvent pas de nourriture parce que les arbres ne portent pas encore suffisamment de feuilles.
Du coup, la pénurie de ce type de chenilles empêche les mésanges de se nourrir correctement. Et
ainsi de suite...
Les chênes, hêtres et charmes pourraient ne plus se développer et souffrir de maladies, sur tout s'ils
sont affaiblis par la chaleur.
3. BLANCHIMENT DES CORAUX
Les changements
Une augmentation de la température, ne fusse que d'un degré au-dessus du maximum estival,
provoque le blanchiment du corail. Pourquoi? Parce que le corail contient des algues
microscopiques qui lui fournissent sa nourriture et le colorent. Le réchauffement provoque
l'expulsion de ces algues par le corail: il blanchit et meurt.
Les conséquences
Au-delà du simple problème esthétique et de biodiversité (des centaines d'espèces dépendent du
corail), les récifs coralliens font office de brise-lames dans de nombreux pays. Sans eux, des
milliers de kilomètres de côtes sont fragilisés.
Les poissons qui vivent dans ces récifs assurent, en outre, la subsistance d'une partie des habitants
de l'hémisphère Sud.
4. TEMPETES ET INONDATIONS
Les changements
II est "vraisemblable", selon le Giec, que les cyclones, typhons et ouragans deviendront plus
intenses avec des vents plus forts et des pluies diluviennes. Le Giec ne peut affirmer qu'il y en aura
plus, mais ils risquent d'être plus violents. La trajectoire et l'intensité de tempêtes non tropicales
pourraient changer en cas d'arrêt de la circulation des grands courants marins de l'Atlantique Nord
(lire p. 9).
Les conséquences
II suffit de se souvenir des suites de l'ouragan Katrina pour se faire une idée de ce qui attend les
populations des régions tropicales proches des océans: des morts, des blessés, des sans-abri (autres
réfugiés climatiques potentiels), des récoltes décimées...
En Belgique
Chez nous, la neige au sol sera de plus en plus rare, mais les précipitations hivernales augmenteront
de 6 à 23 % d'ici 2100.
On prévoit que les tempêtes seront plus fréquentes et plus violentes. Ces pluies plus importantes en
hiver feront augmenter le niveau des nappes aquifères et gonfler les cours d'eau. Dans notre pays,
jusqu'en 2100, le risque d'inondation augmente pour tous les bassins belges étudiés.
5. SECHERESSES ET CANICULES: ETES MEURTRIERS
Les changements
Des vagues de chaleur pourraient s'abattre régulièrement sur les grandes villes de l'Amérique du
Nord et de l'Europe.
D'ici 2080,3,2 milliards d'êtres humains seront confrontés à des pénuries d'eau sévères (dégradation
de la qualité des eaux, salinisation des sols, sécheresse et fonte des glaciers).
Les conséquences
Qui dit sécheresse dit famine. Selon le Giec, des millions de personnes pourraient souffrir de
l'accroissement de la malnutrition. Les premières victimes seront les pays en voie de
développement.
Les plus fortes concentrations d'ozone dans l'air augmenteront la fréquence des maladies
cardiovasculaires.
Certaines maladies infectieuses seront "géographiquement distribuées" différemment. Notamment
la malaria, la dengue et la maladie de Lyme. Puisque les changements climatiques affecteront les
vecteurs de ces maladies, elles augmenteront dans certaines zones et diminueront dans d'autres.
En Belgique
En Belgique, dans cent ans, la température pourrait augmenter de 1,7 à 4,9°C en hiver et de 2,4 à
6,6°C en été. Durant l'été 2100, il pourrait pleuvoir jusqu'à deux fois moins qu'actuellement.
Les vagues de chaleur provoqueront une augmentation de la mortalité. Des canicules comme celle
de l'été 2003 (cause de 1.300 décès rien qu'en Belgique) pourraient devenir la norme avant la fin du
siècle.
Certains effets des changements climatiques seraient, par contre, positifs: quand le nombre de jours
d'hiver très froids diminue, les décès d'origine cardiovasculaire diminuent.
Contrairement à d'autres pays (notamment les petits Etats insulaires), une hausse des températures
pourrait favoriser le tourisme sous nos latitudes.
Dans un premier temps, le réchauffement pourrait également avoir un impact plutôt positif sur notre
agriculture. Pourtant, dès que l'on aura dépassé les 3°C d'augmentation en moyenne, le rendement
des cultures belges diminuera.
6. EPIDEMIES
Les changements
Les sécheresses et les inondations modifieront les conditions de vie: plus chaudes, plus humides,
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