Hommage à François Rouan Mon travail du repentir (effacement, fait d'ôter la peinture, soustractif, à l'opposé du re-peint, additif...) débouche depuis quelques années assez naturellement sur le collage. En effet, effacer une partie d'une couche fraîche pour découvrir ce qui se trouve au-dessous revient à y coller si cela était possible et après l’avoir découpée la couche révélée lors de l’effacement. Notons au passage que les logiciels d'infographie comme photoshop mettent bien en évidence la décomposition de l'image en couches successives nommées "calques" (qu'ils soient transparents ou opaques). L’analogie entre collage et repentir est d’autant plus forte que le procédé se base dans le premier cas sur la découpe de deux feuilles de papier l’une sur l’autre (comme deux couches de peintures). Les parties découpées de chaque feuille sont interverties et les deux feuilles qui en résultent représentent un mélange de celles-ci. En résumé l'opération consiste à prendre deux univers plastiques distincts, hétérogènes et à les mêler pour aboutir à un univers plastique homogénéisé mais sur deux supports. On pourrait nommer cette fonction la fonction duplimêle car elle duplique et mêle à la fois. Son rapport avec le tressage apparaît évident. Dans les deux cas (tresse ou duplimêle) les deux univers de départ sont homogénéisés par l'action entreprise. La différence fondamentale intervient quand au résultat ; unique dans la tresse (deux feuilles tressées n'en font plus qu'une) la fonction duplimêle génère le 2 (deux feuilles duplimêlées donnent deux feuilles). résumons: Tresse ; 2 différents donne 1 unique. Duplimêle; 2 différents donne 2 semblables. Dit autrement, le tressage cache au regard une partie que la fonction duplimêle fait apparaître. La fonction duplimêle fait apparaître la partie cachée du tressage. Les deux résultats obtenus sont proches, mais pas identiques. La duplication n'est pas à proprement parler une réelle duplication. Cependant l'émotion ressentie devant l'un ou l'autre est souvent quasi-identique. C'est pourquoi je veux par cette nouvelle série rendre hommage à François Rouan, qui le premier a senti l'importance considérable du phénomène. Outre les différences de personne, chaque processus de fabrication recèle ses propres lois et emmène l'artiste qui s'y engage vers des rivages qui lui sont propres. La découpe telle que je la pratique me pousse sans doute à trouer la trame patiente du tressage. De ce trou, j'attends la forme... De ce trou sourd la forme qui en est la couleur. La couleur est la forme de ce trou. Elle est liée au corps et à son absence donc au réel. Révéler étymologiquement (et paradoxalement) veut dire recouvrir d'un voile. La peinture n'est que cela; un jeu permanent de recouvrements, de voiles, de calques successifs. Mon travail du repentir tente de le démontrer depuis de nombreuses années. Cette série intitulée "Hommage à François Rouan" tout en continuant et développant les “fonctions du repentir” marque un tournant en s'attaquant au dualisme dessus dessous par forage. Derrière la peinture l'écran. Derrière l'écran; le réel ? Thierry CAUWET 11 août 2008