3 Thèmes philosophiques
La puissance des passions, le char de l’âme et le tyran
Si la foule vit dans le mensonge, c’est qu’elle est toute entière livrée aux
passions, à la peur, à la colère, au désir. L’âme dit Platon est comme un
char tiré par deux chevaux : un cheval blanc qui représente les passions
nobles, le désir d’honneur et de gloire, et un cheval noir qui représente les
passions basses, celles du ventre et du corps en général. Ce char a un
cocher, un aurige. L’âme bien dirigée est celle dont le cocher est le maître
de son attelage qu’il conduit où il veut. L’âme mal dirigée est celle dont le
cocher est trop faible, incapable de maîtriser l’attelage qui l’entraîne à sa
perte.
Si l’on songe qu’il y a une sorte d’équivalence entre la vie intérieure d’un
homme particulier et une communauté humaine, on voit que la société
harmonieuse est celle où la foule est soumise à l’individu ou au petit groupe
de ceux qui sont maîtres de leurs passions.
Mais la société peut être dominée par un homme qui par la démagogie et
la terreur s’est imposé à ses concitoyens. C’est le tyran. Il représente le
contraire exact du Sage, le mal absolu. Il réduit ses concitoyens en
esclavage, mais en fait il est lui-même esclave des ses propres passions. Il
est un être monstrueux et un malheureux qui, si on ne peut le ramener à la
raison, ne peut être délivré de lui-même que par l’assassinat. La littérature
se réfère souvent à ces tyrans typiques que sont Phalaris qui faisait cuire
ses victimes dans un taureau d’airain, Alexandre de Phères et surtout Denys
l’Ancien, tyran de Syracuse. La tragédie romaine met en scène des tyrans,
des êtres dominées par des passions qui les font sortir de l’humanité. Les
empereurs détestés (Caligula, Néron) seront représentés avec les traits du
tyran.
Les quatre vertus et le Sage stoïcien
Aristote élabore la théorie des quatre vertus : la vertu est l’excellence du
comportement moral devenue non pas un mouvement passager de
l’affectivité mais un comportement constant, un habitus. Il y a quatre vertus
distinguées par leur point d’application :
face à soi-même, la vertu de maîtrise de soi, la temperantia, qui consiste à
demeurer maître de ses appétits et de ses émotion
face aux autres hommes, la vertu de justice qui consiste à rendre à chacun
ce qui lui est dû.
face aux événements, la vertu de force ou de courage, la magnanimitas, la
capacité à rester soi-même dans les difficultés de la vie
enfin la vertu de prudence, la prudentia, qui est la capacité à voir le vrai. Elle
est la vertu principale, puisque c’est elle qui est en mesure de fixer aux
autres vertus leur conduite.
Pour Platon et pour Aristote, comme le suggère l’image du char de l’âme,
la vertu ne consiste pas à éliminer les passions, car elles sont la source de
la force de l’âme. Il s’agit de les maîtriser et d’orienter leur action vers le
bien. Le stoïcisme a vis-à-vis des passions une position radicale : par
définition, une passion est mauvaise, elle st potentiellement monstrueuse et
entre l’individu dont la colère n’a aucune conséquence visible et l’homme
tout-puissant, il n’y a aucune différence.
La passion est une erreur de jugement. Le sage au contraire a un
jugement constamment juste. Le stoïcisme, face à l’opposition de l’être et du
changement, répond par l’idée qu’être et changement sont une seule et
même chose : l’univers est tout entier raison et dynamisme et le Sage
adhère à cet ordre du monde par un jugement qui est en même temps un
acte : il veut ce qui est. La passion, qui ne se confond pas avec les réactions
immédiates de l’affectivité, n’est rien d’autre que vouloir ce qui n’est pas. Le
stoïcisme partage les grands présupposés métaphysiques de la pensée
grecque : l'univers est le grand tout en dehors duquel il n'y a rien, qui n'a ni
commencement ni fin. Il reprend même à son compte les figures divines de
la Grèce, dans lesquelles il voit soit des puissances intermédiaires entre
l'univers et les hommes, soit des images populaires de l'unique divinité qui
est le grand tout.
Son affirmation essentielle est que l'univers est l'unique réalité, qu'il est à
la fois Dieu, la nature, la raison et le souverain bien. L'être étant un, toute
réalité est matérielle et le spirituel est lui-même matériel.
Dans la mesure où l'homme est une partie de l'univers, il est partie de la
raison et du bien de l'univers et il a le pouvoir de faire coïncider la part de
raison qui est en lui et la raison du monde.
L'homme qui réalise en lui cette coïncidence est en parfaite harmonie avec
lui-même, parce qu'il est en parfaite harmonie avec l'univers. Il adhère à son
destin et il ne peut connaître aucun mal, car d'avance il accepte tout ce qui
est lié à sa condition. Cet homme est le Sage, il jouit d'une sécurité et d'un
bonheur inaltérables, c'est lui qui est véritablement roi. Le Sage existe-t-il :
Certains pensent que oui et citent Socrate. A l'époque impériale, pour
beaucoup, Caton d'Utique qui a lutté contre César et s’est suicidé plutôt que
d’implorer son pardon a réalisé l’idéal du Sage. D'autres pensent qu'il n'y a
jamais eu de Sage, mais que la Sagesse existe comme une réalité
potentielle, une vocation qui peut orienter le progrès spirituel.
Qu'est-ce qui empêche la plupart des hommes d'atteindre la Sagesse ?
Ce sont les passions, les mala dira pectoris. Les passions sont des fautes de
l'intelligence, des erreurs de la raison : il y a quatre passions principales qui
sont uoluptas : juger à tort qu'un bien est présent, cupiditas : juger à tort que
quelque chose à venir est bien, dolor : juger à tort qu'un mal est présent,
metus : juger à tort que quelque chose à venir est un mal. Toutes les
passions sont d'abord des jugements faux (et cette opinion est profondément
socratique) Les passions viennent de ce que l'individu est détourné de la
nature et de la vérité par l'éducation et entretenu dans l'erreur par la foule