Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, n° 8, ……….., séance du 26 novembre 2002
volontairement créé, ou des composés provenant de voies métaboliques autres que celles prévues
par le montage transgénique et qui seraient indirectement perturbées par le produit d’expression du
transgène. Dans ces conditions, puisque des interactions métaboliques inattendues peuvent
également survenir lors de sélections génétiques classiques, les seuls risques spécifiques aux OGM
(et aux mutations naturelles ou provoquées) sont des risques toxiques ou allergéniques liés à la
protéine nouvelle. Quelle que soit leur origine, ces risques de toxicité et d’allergénicité (ces
derniers étant analysés plus loin) doivent être pris en compte par un ensemble de protocoles
d’évaluation, préliminaire à toute utilisation.
Le deuxième risque évoqué concerne l’éventualité d’un développement d’une résistance aux
antibiotiques, liée à l’utilisation, pour obtenir certains OGM, de gènes dits “ marqueurs ”,
procaryotes ou eucaryotes, de résistance à la kanamycine ou à l’ampicilline. Le gène bactérien de
résistance à l’ampicilline permet de trier les bactéries porteuses de la construction génique avant
transfert à la plante. Le gène de résistance à la kanamycine, actif chez le végétal, a été utilisé pour
sélectionner en laboratoire les plantes porteuses des gènes d’intérêt, mais il n’a aucun rôle dans la
plante. La question se poserait ainsi du transfert éventuel du gène bactérien à des
micro-organismes, pathogènes ou non, du sol ou du tube digestif, ce qui rendrait inefficace l’action
de cet antibiotique en cas d’affection induite par ces bactéries. Outre le fait qu’il existe un grand
nombre de gènes de résistance aux antibiotiques dans la flore tellurique -ce qui rendrait
parfaitement indiscernable un tel transfert s’il se produisait- il faut souligner que les constructions
géniques ne comporteront plus de tels marqueurs à partir de 2005.
L’hypothèse d’un troisième risque concerne la persistance potentielle de produits dérivés
des pesticides dans les plantes rendues tolérantes aux pesticides. Le génie génétique est en effet
utilisé pour assurer la protection des plantes cultivées vis-à-vis des pesticides, comme les
herbicides, qui sont utilisés pour éliminer les mauvaises herbes. La plante ainsi modifiée est
capable de survivre grâce à la production d’une plus grande quantité de la protéine vitale ciblée par
l’herbicide, ou bien elle peut métaboliser celui-ci en dérivés inoffensifs pour elle. Peuvent dès lors
s’accumuler dans ses tissus comestibles des produits éventuellement toxiques pour l’homme.
C’est à la Commission des toxiques qu’incombe la tâche d’évaluer cette éventualité avant la mise
sur le marché des pesticides et de prendre les décisions qui s’imposent.
En raison de ces risques potentiels, des procédures bien établies permettent de définir les
diverses étapes de leur évaluation. A ce sujet, il faut rappeler que la technologie de la
transgenèse ne constitue pas, par elle-même, une source de danger, et que seul, son produit, la
protéine néoformée, peut éventuellement représenter un risque, ce qui implique que les études
doivent être réalisées au cas par cas. Ces procédures sont bien encadrées, au plan national, par
une réglementation précise qui permet de réduire l’impact des risques. Par ailleurs, l’Europe s’est
imposé une réglementation très contraignante en matière de dissémination et de commercialisation
des plantes transgéniques, ce qui pourra représenter un frein au développement concurrentiel des
OGM en zone européenne en comparaison avec leur essor dans les Amériques et en Asie. On peut,
de ce fait, considérer que les évaluations a priori et les surveillances exercées, aux niveaux
français et européen, dans le cadre réglementaire, permettent d’assurer une protection sans défaut
des consommateurs, dont l’information est en outre assurée par un étiquetage obligatoire des
OGM et des aliments contenant des OGM. Les mesures réglementaires prises en Europe, encore
trop récentes, devront cependant être bientôt réévaluées au plan opérationnel pour les rendre
acceptables par la communauté internationale, et pour analyser les causes éventuelles de
dysfonctionnement. En tout état de cause, il est injustifié de prolonger le moratoire concernant les
autorisations de commercialisation d’OGM, qui avait été préconisé en 1999 par l’Union
européenne dans l’attente d’une réglementation maintenant parue sur la traçabilité et l’étiquetage
des produits OGM.