dernière année des études secondaires. Depuis cette époque, le projet est que la philosophie prenne le sens
d’une étude centrale, venant à la fin et en synthèse d’un parcours complet de la culture. Si aujourd’hui, on
nie ce projet, on perd “ l’unité d’une démarche qui doit remettre en question d’une façon globale le savoir et
la culture précédemment acquis
”, explique Jacques MUGLIONI, ancien doyen de l’Inspection Générale de
Philosophie.
En effet, pour ceux qui défendent la place traditionnelle de la philosophie, l’acquisition de
l’instruction élémentaire sert de base pour l’apprentissage du philosopher. C’est dans la culture et le savoir
acquis tout au long de la scolarité que l’enseignement de la philosophie peut trouver quelques objets pour
exercer son examen critique. “ On ne philosophe pas pour savoir mais parce que l’on sait déjà
”, disait
encore MUGLIONI. Les enfants n’ont donc pas une culture assez grande pour examiner sérieusement une
problématique.
Pour ceux qui voudraient étendre l’enseignement philosophique, tel le GREPH, la philosophie doit
au contraire devenir aujourd’hui “une dimension générale de l’enseignement” et ne plus rester à “un niveau
terminal” des études secondaires. Car dans la forme actuelle de cet enseignement, il n’y a que la tentation de
faire de la philosophie une sorte de reine des sciences, un couronnement factice du savoir. L’enseignement
de la philosophie est alors soupçonné d’être réservé à une élite, ce qui ne peut plus être un objectif à l’heure
où l’enseignement s’ouvre au plus grand nombre. Au contraire, ces personnes affirment “ la volonté de ne
plus considérer la philosophie comme une discipline d’exception […] mais comme une matière
contribuant, parmi d’autres et à sa manière à elle, à la formation des élèves
”. S’il est bien évident que la
philosophie exerce sa réflexion sur des objets précis, il est plus discutable que ces objets soient forcément
ceux que l’instruction ait permis d’acquérir. Tout savoir, y compris le savoir acquis en dehors de l’école,
peut faire l’objet d’un examen critique. De plus, le savoir et la culture, loin d’être acquis une fois pour
toutes à la fin des études secondaires, s'acquièrent progressivement. Il serait donc arbitraire de fixer une
date limite pour enseigner la philosophie.
Il y a donc un conflit institutionnel à propos de la forme que doit prendre l’enseignement
philosophique au niveau des études secondaires. Ce conflit s’articule au niveau d’une divergence
d’objectifs entre une école qui chercherait à se démocratiser, c’est-à-dire à transmettre des connaissances
élémentaires à un plus grand nombre d’individus, et un enseignement philosophique qui est le seul
enseignement à vouloir maintenir “ encore des exigences dignes d’une école authentiquement
républicaine
”.
Comment se situer dans ce débat ? Peut-on accepter l’idée d’un enseignement de la philosophie
qui, tout en conservant ses exigences propres, se voudrait accessible au plus grand nombre et dès le plus
jeune âge ? Alors l’enseignement philosophique perdrait au moins sa fonction de couronnement des études
secondaires puisqu’il serait progressif, mais pourrait être assimilé plus facilement et par un plus grand
MUGLIONI Jacques, L’école ou le loisir de penser, Paris, CNDP, 1993, p. 116.
Ibid. p. 117.
ROSAT Jean-Jacques, “Pour une rencontre avec le GTD” in Bulletin national du GREPH, mai 1999, p. 4.
FERRY Luc et RENAUT Alain, Philosopher à 18 ans, Paris, Grasset, 1999, p. 15.