groupe qui correspond alors au phonème /e/ comme dans chercher qui réussit l’exploit de réunir les deux
fonctions ; ai note un /å/ comme dans air, ou un imparfait comme dans avaient. Quant au t, tout « muet »
qu’il soit en position finale de petits, vents, revêt, met, avaient, il ne remplit pas la même fonction : marque
de famille lexicale pour petits et vents (petite, éventé) ; marque de famille encore pour revêt et met
(vêtement, émetteur), mais qui est en quelque sorte absorbée par la marque de troisième personne de
toute la conjugaison verbale (cas d’espèces mis à part), seule pour marquer le singulier ou en
combinaison avec la lettre n pour marquer le pluriel comme dans avaient (avai-t/avai-e-nt).
Les principales marques utilisent un petit nombre de lettres : e, s, t, nt, x, er, ai, é. Seules, certaines sont
en relation avec la « chaîne orale » et transcrivent un élément phonique.
Reprenons avaient : 3 phonèmes, mais 7 lettres dont les 5 dernières jouent un rôle grammatical dans une
succession réglée, marque de temps, marque de nombre, marque de personne. Un changement de lettre
finale et c’est une partie du sens qui se modifie (avait/avais) !
Grande différence avec d’autres langues, on le sait, qui ont des marques morphosyntaxiques limitées
comme l’anglais (adjectif invariable, par exemple), ou des marques correspondant à des variations
phoniques comme l’italien (amico/amica vs ami/amie). La forme orale de chercher, par exemple,
correspond à dix formes graphiques différentes (sans tenir compte des différences de prononciation
possibles) : chercher, cherchez, cherché, cherchés, cherchée, cherchées, cherchai, cherchais, cherchait,
cherchaient.
Les stratégies à l’œuvre en orthographe
Les mots de la dictée comportent des marques diverses (petits, tuyaux, dure, distribuent) ou sont
susceptibles d’en comporter dans un autre contexte (écorce, tige, tendre, met). Parmi les erreurs, on
trouve l’absence de marque quand il en faut une (*les vent au lieu de vents), la présence d’une marque
quand il n’en faut pas (*la nourritures), la marque d’une catégorie appliquée à une autre (*destinaient au
lieu de destinés ; *branchent au lieu de branches ; *vons au lieu de vont). Mais si on y regarde de plus
près, on constate que branchent et branches sont deux formes qui indiquent le pluriel, tout comme
destinaient et destinés ; que vent se termine par nt qui, sur d’autres mots, est une marque de pluriel ; que
bois, précédé de l’article singulier le, prend un s. Par ailleurs, un adjectif comme dur prend un e au
féminin, mais tendre ne perd jamais le sien quand bien même il se rapporte à un nom masculin. Ainsi le
groupe le bois tendre aurait de quoi dérouter au regard des règles que la mémoire retient de l’école : on
met un s au pluriel, un e au féminin !
Toutes les marques ne requièrent pas le même travail cognitif, la même dépense d’attention. Elles ne
« pèsent» donc pas d’un poids égal et les erreurs diffèrent selon les cas : là où l’omission est possible
quand une marque ne s’entend pas, cette omission est impossible quand elle s’entend. Par exemple, si
17 % des élèves peuvent écrire destiné sans s, ils sont obligés de transcrire le phonème/e/qui constitue la
marque du participe passé, quitte à l’écrire avec un ai erroné, ce qu’ils sont 5 % à faire. Leur choix
d’ailleurs peut se porter sur é, non pas parce qu’ils ont analysé le mot comme un participe passé, mais
tout simplement parce que é est le graphème le plus fréquent pour noter le phonème /e/.
On est en droit de penser que le ciel, la sève, la terre, sont grammaticalement plus faciles à écrire que les
racines ou des injures, puisqu’il n’y a rien à faire d’autre que d’écrire la partie fixe du mot ; de même ces
derniers sont plus faciles à écrire que leurs branches ou leurs racines, puisque l’homophonie entre leur et
leurs ne permet pas de trancher aussi aisément qu’avec le, la ou les, dont le nombre ne laisse planer
aucun doute. On ne peut donc faire l’impasse sur la réflexion pour déterminer s’il faut apposer une
marque ou non, tantôt en se servant du verbe qui suit (défendent/défend), tantôt en se servant du sens en
l’absence d’indicateur phonique, notamment quand le verbe comporte des formes homophones (élèvent/
élève/élèves).
D’autres cas sont plus ardus encore. En l’absence de différence phonique entre leur tige et leurs tiges,
comment choisir ? C’est la phrase suivante qui détient la clé : en effet, l’enchaînement avec la suite du
texte se fait par la reprise du mot tige, sous la forme du singulier La tige elle-même. Il faut alors avoir
maintenu en mémoire la question portant sur leur tige et revenir en arrière pour finalement décider de
s’abstenir de toute marque (comme en 1987, le pluriel n’a cependant pas été décompté dans les erreurs,
en raison du changement de sens de ce mot).
Ajoutons que, dans une dictée, quand les mots ne sont pas connus ou le sont mal, les renseignements
qui permettraient de trancher ne sont pas toujours objectivement disponibles. C’est en partie le cas de
destinés : comprendre qu’il faut une marque de pluriel se déduit aisément de la présence du déterminant