Jeunes visionnaires - Université de Moncton

Jeunes visionnaires
Un projet d’éducation au changement climatique et à la durabilité
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Diane Pruneau, Hélène Gravel, Wendy Bourque et Joanne Langis
Université de Moncton
L’éducation au changement climatique représente un défi majeur en éducation relative à
l’environnement, surtout auprès des adolescents. En effet, la globalité du changement climatique
rend son observation difficile à réaliser au niveau local. Les notions de climatologie sont
compliquées et les scientifiques soutiennent parfois des points de vue différents au sujet des
causes, des signes et des conséquences du réchauffement global. De même, le jeune âge des
adolescents limite leur capacité de comparer le climat d’aujourd’hui avec le climat d’antan et la
dimension futur lointain du phénomène contribue à amoindrir les préoccupations à son sujet.
Finalement, les recherches pour déterminer les meilleures méthodes pédagogiques à employer en
éducation relative à l’environnement avec des adolescents sont quasi-inexistantes.
Le projet de recherche Jeunes visionnaires vise l’élaboration d’un modèle d’éducation au
changement climatique pour les adolescents. Il tire son origine d’une enquête, menée auprès
d’adolescents de 13 et 14 ans, à Montréal et à Moncton, au Canada, pour décrire leurs idées au
sujet du changement climatique. Les résultats de cette enquête (Pruneau, Liboiron, Vrain,
Gravel, Bourque et Langis, 2001) ont démontré que les adolescents interrogés connaissaient
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Le projet Jeunes visionnaires a été subventionné par le Fonds d’action pour le changement climatique du Canada
et par le Fonds en fiducie pour l’environnement du Nouveau-Brunswick.

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l’existence du changement climatique, mais ne pouvaient identifier correctement ses causes et
ses manifestations. De même, ils démontraient généralement peu d’inquiétude et d’engagement
face au phénomène puisqu’ils estimaient que ce dernier engendrerait peu de conséquences dans
leur vie personnelle.
Suite à cette enquête, un premier modèle pédagogique général pour éduquer les adolescents au
changement climatique a été proposé. Ce modèle consiste d’abord en une observation locale du
phénomène. Il s’agit d’inviter les apprenants à observer, dans leur communauté, les signes, les
causes et les conséquences possibles du changement climatique, dans le but d’augmenter leur
prise de conscience du problème. On ne vise pas ici à inculquer des connaissances climatiques
décontextualisées, mais plutôt à inviter les apprenants à répondre, avec les scientifiques, à la
question : Y a-t-il oui ou non des changements importants dans la température de la Terre?
L’approche proposée est donc expérientielle et socioconstructiviste. La deuxième stratégie
retenue dans le modèle pédagogique est l’éducation au futur, type d’éducation qui favorise la
réflexion des apprenants au sujet des éléments qui pourraient composer leur cadre de vie dans
l’avenir et des effets de ces éléments sur leur vie personnelle. La troisième stratégie est
l’éducation par l’image, stratégie employée pour faciliter la compréhension du phénomène
complexe de l’effet de serre. Les autres stratégies sont la connaissance et l’appréciation de la
faune, de la flore et des éléments climatiques locaux ainsi que la connaissance des actions
réalisées sur la planète pour améliorer la durabilité d’une communauté.
Le projet Jeunes visionnaires représente un premier essai du modèle pédagogique proposé, qui a
débuté en septembre 2000 et qui se déroule dans trois communautés côtières du Nouveau-
Brunswick (Grande-Digue, Barachois et Cap-Pelé) et auprès de trois classes de septième année.
Le premier but de la recherche est de vérifier comment le modèle pédagogique, tel qu’appliqué,
va contribuer à modifier les idées initiales des adolescents de 13-14 ans au sujet du changement
climatique. Ce premier objectif sera réalisé auprès des adolescents de Grande-Digue et de Cap-
Pelé, qui ont participé à des entrevues individuelles, au début de l’année scolaire, pour faire
connaître leurs idées initiales au sujet du changement climatique et qui seront interrogés de
nouveau en juin 2001.
Le deuxième but de la recherche, qui fait l’objet d’entrevues et d’observations auprès des élèves
de Barachois, consiste à décrire les réactions des adolescents suite aux activités pédagogiques
vécues. Est-ce que les diverses activités choisies plaisent aux adolescents? Est-ce qu’elles
favorisent leur compréhension et leur engagement dans la cause du changement climatique?
Déroulement du projet
Le projet Jeunes visionnaires s’est déroulé auprès d’adolescents de communautés rurales, dans
un milieu socio-économique peu favorisé. Au plan environnemental, cette région côtière est
caractérisée par de nombreux problèmes écologiques : marais endommagés, estuaires bloqués,
cours d’eau et zone intertidale remplis d’agents pathogènes provenant des sites d’épuration et des
usines de poissons. Avec le changement climatique, certains scientifiques (Hayes, 2000)
prévoient, pour cette région, une perte de la biodiversité, la transformation de l’environnement
côtier en un réservoir de microbes favorisant l’escalade, chez les organismes végétaux, animaux
et humains, de maladies virales et de champignons. L’élévation du niveau de la mer ainsi que les

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tempêtes risquent également de favoriser l’entrée des eaux contaminées dans les sources d’eau
potable.
Étape 1 : Appréciation et critique du milieu côtier (septembre et octobre 2000)
 Les élèves des classes de Grande-Digue et de Cap-Pelé ont participé à des entrevues ayant
pour but d’identifier leurs idées au sujet du changement climatique. L’analyse des entrevues
a démontré que 75 % d’entre eux ne connaissait pas l’existence du phénomène. Les autres
élèves (25 %) pouvaient difficilement décrire le changement climatique. Ses manifestations,
ses signes et ses conséquences faisaient l’objet de conceptions erronées : le changement
climatique causé par un trou dans la couche d’ozone ou le changement climatique étant
équivalent au changement normal des saisons.
 Les élèves de Barachois ont été individuellement photographiés sur la plage, dans leur
endroit préféré. Ils ont été conviés à des entrevues durant lesquelles ils ont parlé aux
chercheurs de leur relation avec la plage. La plupart des élèves se sont dits attachés à la
plage, pour des raisons de jeu et de baignade. Quelques-uns ont démontré un attachement
plus profond avec la nature et un désir de protéger celle-ci (environ 10% des élèves).
 Les élèves des trois écoles ont effectué, de façon séparée, une observation systématique
d’une plage de leur milieu. Sur un carnet préparé à cet effet, ils ont noté les éléments
aperçus : plantes, animaux, minéraux, déchets… Ils ont ensuite vécu un moment de solitude
de dix minutes, dans un endroit de leur choix, durant lequel ils devaient garder le silence et
réfléchir à leur relation avec la plage. De retour en classe, ils ont dessiné une carte de la plage
en y insérant les éléments observés.
Étape 2 : Éducation de base des jeunes visionnaires (novembre 2000)
 Les élèves ont reçu de l’information sur le changement climatique : ses causes, ses signes et
ses conséquences. L’information a été transmise à l’aide d’images simples et dans un mode
de discussion durant lequel les élèves ont partagé leurs connaissances et leur vécu.
Étape 3 : Période de surveillance et de sensibilisation (décembre 2000 à avril 2001)
 Dans leur école, les élèves ont été répartis en cinq équipes de scientifiques : les écologistes,
les chimistes, les médecins, les météorologues et les urbanistes.
Les écologistes ont effectué une recherche pour répondre à la question : Qu’est-ce qui
pourrait arriver aux plantes, aux animaux et à leur habitat suite au changement climatique?
Pour ce faire, ils ont fait la liste des animaux et des plantes des plages de leur communauté et
ils ont construit des fiches pour décrire ces espèces, leur alimentation, leur habitat et l’impact
possible du changement climatique sur ces espèces.
Les chimistes ont, quant à eux, répondu aux questions : Les cours d’eau de votre
communauté sont-ils en santé? Déterminez ce qui va arriver à ces cours d’eau suite au
changement climatique. Ils ont effectué des tests pour analyser la qualité de l’eau dans un

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ruisseau de leur milieu : les nitrates, les phosphates, les coliformes, le pH et la turbidité. Ils
ont fait des prédictions pour l’avenir du cours d'eau avec le changement climatique.
Les médecins ont construit un questionnaire pour évaluer la santé des élèves de leur école. Ils
ont administré et compilé le questionnaire et enfin prédit les conséquences possibles du
changement climatique sur la santé de leurs camarades.
Les météorologues ont appris à utiliser un anémomètre, un thermomètre et un pluviomètre.
Ils ont analysé les données météorologiques régionales des 50 dernières années et ils ont fait
des prédictions pour la température future de leur région.
Les urbanistes ont examiné et comparé des cartes aériennes de leur région pour les années
1963 et 1996. Ils ont identifié les problèmes environnementaux de leur communauté et prédit
les conséquences de l’élévation du niveau de la mer sur les chemins, les bâtiments… de leur
communauté.
 Des dépliants ont été créés pour présenter les résultats des équipes de scientifiques et envoyés
dans les autres écoles pour favoriser un partage d’information
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.
 Un document vidéo a été tourné lors d’un événement extrême (tempête provoquant
l’inondation des côtes et chalets riverains) et présenté dans les classes.
 Les élèves ont vécu diverses activités sur le terrain pour leur apprendre à évaluer la durabilité
de leur communauté et ils ont entendu parler des actions réalisées dans diverses régions du
monde pour favoriser la durabilité aux plans santé, écologique, économique, social ou
culturel.
 Les élèves devaient se préparer à partager leurs résultats scientifiques avec les camarades des
deux autres écoles lors d’une conférence à l’Université de Moncton. Comme ils se disaient
gênés d’effectuer ce genre de présentation formelle, les organisateurs du projet ont décidé de
modifier la première activité de la conférence pour un jeu du type Qui veut devenir
millionnaire? Les élèves ont été invités à écrire des questions sur le changement climatique,
pour aider à la préparation du jeu.
 Les élèves ont appris qu’ils allaient participer à la création d’un CD-ROM pour éduquer les
adolescents des autres communautés côtières au changement climatique. Avec les conseils
d’un journaliste de Radio-Canada, ils ont rédigé des scénarios pour des capsules sur les
causes, signes et manifestations du changement climatique. Les capsules seront insérées dans
le CD-ROM.
 Les élèves ont participé à la conférence Jeunes visionnaires. Suite au jeu Qui veut devenir
millionnaire?, ils se sont rencontrés dans des ateliers réunissant les mêmes types de
scientifiques. Des adultes représentant les communautés de Grande-Digue, Cap-Pelé et
Barachois ont aussi apporté leurs idées durant les discussions. Les élèves ont d’abord partagé
brièvement leurs résultats et ils ont reçu des cartes où étaient inscrites des actions possibles
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Le babillard électronique devait être employé pour assurer une constante discussion entre les équipes de
scientifiques, mais les ressources technologiques insuffisantes des écoles ont limité l’emploi de cet outil.

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pour diminuer le changement climatique. En équipes multi-écoles, ils ont essayé de découvrir
le lien entre ces actions et le changement climatique. Ils ont également commencé à effectuer
un remue-méninges au sujet des actions qu’ils pourraient réaliser dans leur propre
communauté.
 De retour en classe, la discussion s’est poursuivie au sujet des actions que chaque groupe
pourrait accomplir.
Étape 4 : Éducation des communautés et actions (mai et juin 2001)
Au moment de l’écriture de cet article, les élèves n’ont pas encore déterminé les actions qu’ils ou
vont accomplir pour diminuer l’impact du changement climatique dans leur communauté. Ainsi,
en mai et juin 2001, ces actions seront choisies et réalisées. Le CD-ROM sera complété et
distribué dans toutes les classes francophones de septième année de la côte est du Nouveau-
Brunswick. De même, les élèves auront l’occasion de vivre une autre sortie à la plage pour y
expérimenter un moment de solitude et une observation des résultats possibles de l’élévation du
niveau de la mer. Des entrevues seront finalement réalisées avec les adolescents pour constater
les modifications de leurs idées au sujet du changement climatique ou de leur engagement face à
l’environnement. La valeur du modèle pédagogique pourra alors être évaluée et le modèle
réajusté en fonction de ses réussites et des préférences des adolescents.
Leçons tirées du projet
À cette étape du projet, les résultats de la recherche ne sont pas encore disponibles. Toutefois,
des analyses des entrevues et les notes de terrain nous permettent de tirer des leçons de
l’expérience vécue. Voici quelques constatations qui ont été faites par les membres de notre
équipe :
 le sujet du changement climatique est difficile à comprendre et à se rappeler pour des
adolescents. Grâce aux images employées, le phénomène de l’effet de serre est bien saisi
ainsi que la prolifération du CO2. Ces deux éléments sont plus visuels. Toutefois, certains
aspects du changement climatique tels le lien entre la consommation d’électricité et l’effet de
serre, l’élévation du niveau de la mer et les actions pour minimiser le changement climatique
semblent plus difficiles à visualiser et à se rappeler;
 pour bien comprendre le changement climatique, les élèves doivent posséder des
connaissances écologiques préliminaires telles les notions d’écosystème et de pollution
atmosphérique, ce qui n’était pas le cas pour les adolescents de la recherche;
 à cet âge, les élèves veulent sortir de l’école pour quitter la routine des travaux scolaires
traditionnels et vivre des activités avec leurs amis. Les activités extérieures sont donc
recommandées et favorisent une meilleure compréhension des phénomènes étudiés;
 les adolescents aiment manipuler des instruments de chimie, de météorologie et faire des
enquêtes auprès d’autres élèves;