la renaissance

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LA RENAISSANCE
Ce nom est donné au vaste mouvement culturel qui, au XVe
et pendant une partie du XVIe siècle, abandonne explicitement
les valeurs médiévales, liées à la féodalité, et a, parmi
d’autres caractéristiques, celle de faire renaître les valeurs
de l’Antiquité dans la civilisation européenne. C’est un essor
intellectuel provoqué en Italie, puis dans toute l’Europe par
le retour aux idées et à l’art antiques gréco-latins, par le
retour aux canons esthétiques et aux thèmes gréco-latins, à la
perspective en peinture. Cette nouvelle esthétique succède à
l’esthétique médiévale. Le centre d’où elle part, c’est la
Toscane, surtout la ville de Florence.
La Renaissance est facilitée avant tout par la découverte
de l’imprimerie20 qui fait connaître les œuvres des grandes
figures de l’Antiquité, et par l’invention de la gravure qui
contribue à vulgariser les œuvres d’art.
En Italie, la Renaissance a pour protecteurs les papes
Jules II et Léon X. C’est l’époque de l’Arioste, Machiavel, le
Tasse, Brunelleschi, Donatello, Fra Angelico, Léonard de
Vinci, Michel-Ange, Bramante et tant d’autres. La Renaissance
est ici le produit d’un essor économique, durant plusieurs
siècles, des grandes cités marchandes et de Florence en
particulier. C’est dans cette ville qu’aux XIVe et XVe siècles
les grandes familles bourgeoises comme les Médicis, les
Strozzi ou les Pitti rivalisent dans les domaines de
l’architecture et du mécénat, suscitant ainsi un mouvement
plus général.
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« Merveilleuse chose que l’écriture et merveilleuse chose que l’imprimerie qui divulgue les
mots, les réunit en brochures, en livres. Rien d’étonnant que Beda, lors de l’affaire des
Placards, ait obtenu du roi l’interdiction définitive d’imprimer des livres. L’imprimerie
était un instrument civil contre le pouvoir religieux. La Sorbonne l’avait bien compris.
C’était un instrument de divulgation des langues populaires contre le latin, un moyen de
répandre le savoir détenu par les couvents et les universités. L’interdiction avait été levée
grâce au crédit des Du Bellay auprès de François, premier du nom. Et les livres s’étaient
répandus comme une grande marée. Grâce surtout aux imprimeurs de Lyon » ( Michel Ragon : Le
roman de Rabelais, 1993, p. 186).
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La Renaissance provient du mécénat des puissants qui
consacrent une partie importante de leur richesse à embellir
leur cadre de vie et à acquérir des signes de différenciation
sociale. En Italie comme en France, la Renaissance transforme
radicalement la place de l’art et de l’artiste au sein de la
société : les talents se mettent au service de personnes
privées, l’art est « privatisé ». Cette « privatisation »
s’oppose à la forme collective de la production et de la
consommation artistiques des temps féodaux. Cette forme
collective s’était exprimée principalement dans la
construction des cathédrales et dans la création des vitraux
qui étaient accessibles à l’ensemble de la population. À
l’époque de la Renaissance, les riches palais à Florence et
ailleurs présentent des façades extérieures austères et sont
fermés au public. Les sculptures et les peintures qu’ils
abritent sont réservées uniquement à ceux qui habitent ou qui
fréquentent ces demeures.
En France, la Renaissance apparaît beaucoup plus tard
qu’en Italie. D’après les spécialistes, son début coincide
avec les premières guerres d’Italie vers la fin du XVe siècle
qui mettent au contact la France et l’Italie. En Italie, les
seigneurs français apprennent à goûter la « dolce vita » (la
douceur de vivre) et, de retour en France, ils essaient de
reconstituer autour d’eux un cadre luxueux et raffiné. Ainsi,
la Renaissance française s’explique-t-elle par le désir de
luxe et le mécénat des rois et des grands financiers.
L’Italie, qui a fourni à la France deux reines devenues
régentes, Catherine et Marie de Médicis, plusieurs ministres
et une importante colonie d’immigrés (artistes, marchands,
banquiers, hommes de guerre et autres aventuriers) exerce sur
les Français du XVIe siècle une véritable fascination.
Le contact prolongé avec une civilisation supérieure sur
le plan technique, intellectuel et artistique a favorisé la
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diffusion en France des idéaux de l’humanisme et de la
Renaissance.
Pendant la première moitié du XVIe siècle, la Renaissance
des arts et des lettres en France se fait sous le signe de
François Ier. Ce jeune homme cultivé et amateur d’art joue pour
la Renaissance française le rôle de Léon X pour l’Italie, le
rôle que jouera Louis XIV pour le classicisme. Favorable à
l’esprit nouveau, le roi se fait protecteur des savants, des
écrivains et des artistes ce qui lui apporte le titre de Père
des Lettres. Dans ce rôle, il est secondé par sa sœur
Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre. Cette dernière est
l’auteure d’un recueil de nouvelles écrites à la manières de
l’Italien Boccace, intitulé l’Heptaméron.
En 1530, François Ier fonde le Collège des lecteurs
royaux, l’actuel Collège de France. A l’époque, il s’agit d’un
groupe de professeurs payés directement par le roi et protégés
par le souverain, ce qui leur permet d’échapper à la tutelle
de la Sorbonne. Ils sont chargés d’enseigner des disciplines
que l’université de Paris ignorait. D’abord, on enseigne le
grec et l’hébreux, ensuite le droit français, le latin, les
mathématiques et la médecine. Notons que la Sorbonne
bannissait des études le grec qu’elle considérait comme langue
païenne. En créant cette institution, le roi contribue
implicitement à la propagation des idées de l’humanisme et de
la réforme.
Roi-mécène, François Ier attire en France les artistes
italiens les plus illustres : Léonard de Vinci qui meurt à
Cloux21 près d’Amboise en 1519, Benvenuto Cellini, Rosso
Fiorentino, le Primatice22. Avec leurs œuvres, la cour de
France gagne en faste et en prestige, et bientôt l’art
français produit à son tour des chefs-d’œuvre.
21
Aujourd’hui, Clos-Lucé
22
Francesco Primaticcio
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Rosso Fiorentino (le Florentin) et le Primatice
travaillent ensemble à Fontainebleau, chantier royal et centre
artistique de grande importance sous le règne de François Ier.
Rosso dirige toute une équipe d’artistes qui se consacrent à
la décoration de la galerie François Ier, le Primatice s’occupe
d’une part des appartements royaux ; d’autre part, il
contribue à l’embellissement du jardin où il réalise le
pavillon de Pomone, la fontaine de Hercule ou encore la grotte
des Pins. Les deux maîtres ont profondément marqué l’École de
Fontainebleau dont nous allons encore parler.
Le dessinateur, orfèvre, médailliste et sculpteur
Benvenuto Cellini, au service de François Ier, crée la célèbre
Nymphe qui devait décorer la Porte Dorée du château de
Fontainebleau, aujourd’hui exposée au Louvre, et il est
également l’auteur d’une magnifique salière, véritable chefd’œuvre d’orfèvrerie qui représente Cybèle, la déesse de la
terre et Neptune, le dieu de la mer. Le récipient, prévu pour
le sel, qui se trouve entre les deux figures assises l’une en
face de l’autre, est en forme de barque. La salière, conservée
dans un musée à Vienne en Autriche, est le seul objet
d’orfèvrerie de Cellini qui ait subsisté jusqu’à nos jours,
tous les autres étant perdus. Notons que le Musée Bargello à
Florence abrite sa superbe médaille à l’effigie du roi
François Ier.
48) La salière de Cellini.
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A l’imitation des princes italiens, les Valois se veulent
des mécènes fastueux, protecteurs des lettres et des arts.
Amboise, Blois, Chambord, Azay-le-Rideau, Chenonceaux,
Chaumont, Cheverny et tant d’autres châteaux de la Loire,
construits pour eux et pour leurs courtisans, témoignent de
leur prédilection pour ce Jardin de la France, où le
vocabulaire ornemental venu d’Italie se marie avec la
tradition française. La cour se sédentarisant de plus en plus,
c’est l’Ile-de-France qui l’emporte avec Fontainebleau, Anet
et le Louvre de Pierre Lescot et, plus tard, avec les
Tuileries de Philibert Delorme.
Dans le domaine de l’architecture, la réalisation la plus
prestigieuse de cette période est sans doute la construction,
lancée par François Ier, du château de Chambord qui est le plus
vaste palais de la Renaissance en France. La construction de
cet édifice, connu pour ses chapiteaux, flèches, cheminées et
terrasses, débute en 1519 et sa plus grande partie est achevée
en 1537. Le roi y associe une architecture lyrique de roman
chevaleresque à tous les signes extérieurs du pouvoir. À
l’intérieur, placé au centre de l’édifice, le célèbre escalier
à double vis, où l’on se croise sans se rencontrer, a
probablement été construit d’après un plan de Léonard de
Vinci. Ce qui est intéressant, c’est que l’on connaît les noms
de quelques maçons français ayant travaillé sur le chantier,
mais le nom du véritable architecte de cette demeure royale
reste inconnu. On suppose que Léonard de Vinci et un autre
Italien, Dominique de Cortone auraient pu participer à sa
conception.
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49) Le château de Chambord et son escalier.
François Ier fait également poursuivre l’agrandissement du
château de Blois (1515-1524), déjà entrepris par Louis XII en
1498, et surtout il commence, à partir de 1527, l’édification
du château de Fontainebleau, qui sera poursuivie par Henri IV
à la fin du siècle.
50) Fontainebleau.
En rapport étroit avec la construction de ce dernier
château, la Renaissance française se développe autour de
l’école dite « de Fontainebleau ». Celle-ci résulte de la
présence des nombreux créateurs italiens invités par François
Ier, comme le Primatice, Rosso Fiorentino, Pellegrini, Nicolò
dell’Abbate et autres qui influencent les architectes,
peintres et sculpteurs français. L’École de Fontainebleau se
développe en deux phases : la première sous le règne de
François Ier et celui d’Henri II et la seconde correspond au
règne d’Henri IV. La présence des artistes italiens se reflète
dans la création de leurs collègues français tant par le
70
traitement de sujets mythologiques que par leur prédilection
pour le décoratif et pour le corps féminin.
Parmi les créateurs français les plus célèbres,
mentionnons en premier lieu Jean Goujon et Germain Pilon, deux
artistes avec lesquels la sculpture française devient un hymne
païen à la gloire du corps humain.
Jean Goujon (né vers 1510 en Normandie, mort probablement
en Italie entre 1564 et 1569) crée avec Pierre Lescot la
fontaine des Innocents à Paris qu’il orne de nymphes. Il est
également l’auteur des Allégories sur l’une des façades du
Louvre et des Cariatides dans la salle du même nom. Le Louvre
abrite ses bas-reliefs du jubé de l’église Saint Germain
l’Auxerrois qui a été détruit. Celui que l’on surnomme le
« Phidias français » ou bien « le Corrège de la sculpture » a
orné, à Paris, la façade de l’actuel Musée Carnavalet de ses
Quatre Saisons. C’est dans son atelier qu’est réalisée une
superbe sculpture représentant la déesse Diane appuyé sur un
cerf, destinée au château d’Anet, propriété de Diane de
Poitiers, influente maîtresse d’Henri II.
51) Paris: la fontaine des Innocents.
Une autre grande figure de la sculpture, Germain Pilon
(vers 1528-1590), est connu surtout pour les monuments
funéraires de François Ier et de son fils Henri II, ainsi que
de celui du cardinal René de Birague. Il sculpte les Trois
Grâces, monument portant le cœur d’Henri II. Le dessin général
71
de ce dernier est sans doute dû au Primatice. C’est Pilon qui
a réuni le couple royal, Henri II et Catherine de Médicis,
dans le marbre, le roi de son vivant ayant plus souvent
partagé le lit de sa favorite Diane de Poitiers, que celui,
conjugal, de Catherine de Médicis. Ces gisants témoignent à la
fois de la tradition réaliste de l’art français et du goût de
la Renaissance pour l’Antiquité grecque et romaine. En 1568,
Germain Pilon devient sculpteur du roi et exécute un grand
nombre d’œuvres inspirées de la religion, comme par exemple ce
Christ faisant partie d’un groupe appelé Résurrection que l’on
peut admirer au Musée du Louvre.
52) Les gisants d’Henri II et de Catherine de Médicis.
Le tableau Diane Chasseresse, réalisé vers 1550 par un des
maîtres de l’École de Fontainebleau, exposé au Musée du
Louvre, témoigne de l’influence de la favorite d’Henri II.
Dans cette effigie, on reconnaît le portrait idéalisé de Diane
de Poitiers, duchesse de Valentinois. C’est surtout pour elle
que le thème de Diane est si fréquemment illustré en peinture,
comme en sculpture et en tapisserie, par les maîtres de cette
école.
72
53) Diane Chasseresse.
Le peintre de Catherine de Médicis, Antoine Caron (15211599) appartient à l’École de Fontainebleau où il travaille
sous la direction du Primatice. Caron réalise de nombreux
tableaux représentant les fêtes et les massacres comme écho
des fêtes données à la cour des Valois et des guerres de
religion qui font souffrir la France de cette époque (Le
Triomphe de l’Hiver, Les Massacres du triumvirat). Une série
de tapisseries, L’Histoire d’Artémise, dédiée à la régente
Catherine de Médicis, est réalisée d’après ses dessins.
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54) Antoine Caron : Le Triomphe de l’Hiver.
Dans un style différent, Jean Clouet (vers 1475/1485 1540/1541) s’illustre par ses talents de portraitiste. Cet
artiste d’origine flamande, dont la date de naissance reste
inconnue, est le peintre officiel de François Ier. On lui doit,
outre plusieurs peintures célèbres du roi et de son entourage,
des portraits de l’humaniste français Guillaume Budé ou de son
homologue hollandais Érasme et de nombreuses miniatures. Son
grand portrait de François Ier, que nous présentons plus bas,
rappelle, par sa composition, le portrait de Charles VII peint
par Jean Fouquet vers 1445. L’influence des maîtres italiens
de la Renaissance s’y traduit par l’éclairage, la
représentation du visage et des mains, le réalisme des détails
du vêtement et des bijoux. Cette fameuse peinture, exposée au
Musée du Louvre, évoque certains tableaux de Léonard de Vinci
ou de Raphaël.
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55) Portrait de François Ier par Jean Clouet et portrait de Charles VII par Jean Fouquet.
Son fils François (1520-1572) reprend la fonction de son
père et travaille au service de François Ier, d’Henri II, de
François II et de Charles IX. François Clouet réalise, en
particulier, les portraits d’Henri II, de Charles IX, de
Marguerite de Valois et de Diane de Poitiers. Une grande
partie de ses dessins, réunis et annotés par Catherine de
Médicis, sa protectrice, se trouve aujourd’hui au Musée Condé
de Chantilly23.
23
Les riches collections du Musée Condé de Chantilly comportent, entre autres, le célèbre
tableau de Raphaël Les Trois Grâces.
75
56) François Clouet: Marguerite de Valois enfant.
L’art de la céramique est inauguré par Bernard de Palissy
(1510-1560) qui cherche à découvrir le procédé de fabrication
des faïences émaillées. Il est devenu célèbre pour ses
rustiques figulines, terres cuites émaillées ornées de
plantes, de fruits, de petits animaux en relief. Les
décorations de ses plats aux émaux jaspés reflètent l’esprit
de l’École de Fontainebleau.
57) Bernard de Palissy: plat.
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En architecture, le style Renaissance qui succède au
gothique flamboyant du XVe siècle, s’inspire de l’architecture
italienne et des monuments antiques. Somptuosité des
matériaux, gaîté, clarté de l’atmosphère, élégance des lignes,
telles sont les caractéristiques fondamentales des châteaux de
la Loire. À partir de 1550, les artistes français s’inspirent
de l’Antiquité : colonnes et chapiteaux, statues, attiques,
corniches et frises définissent le Louvre de Pierre Lescot
(1515-1578). Ce dernier est chargé, en 1546, par François Ier
de faire abattre la vieille forteresse et de construire sur
ses fondations un nouveau palais plus conforme aux goûts de la
Renaissance. On doit à Pierre Lescot l’aile sud-ouest de la
Cour carrée. A l’intérieur du Louvre, Lescot réalise la
tribune des cariatides (ci-dessous), dans la salle homonyme,
qui est inspirée de l’Érechthéion d’Athènes.
58)
Au XVIe siècle, l’Italien Dominique de Cortone, dit Le
Boccador dessine les plans de l’Hôtel de Ville de Paris.
L’édifice est détruit par un incendie à l’époque de la Commune
en 1871. L’actuelle construction, s’inspirant de cet édifice
disparu, date de 1882.
À Marie de Médicis, seconde épouse du roi Henri IV, on
doit la construction du Palais du Luxembourg à Paris. En 1615,
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elle confie sa réalisation à Salomon de Brosse. Il doit ériger
un palais dont le style et le matériau ressembleraient le plus
possible à ceux des palais florentins qu’elle avait quittés en
partant pour la France. Effectivement, le Palais du
Luxembourg, par son bossage et ses gros pilliers annelés,
rappelle davantage le Palais Pitti de Florence que n’importe
quel autre palais de Paris.
59) Paris : le Palais du Luxembourg.
Rappelons encore que dans les environs de Paris, les
châteaux de Renaissance méritant l’attention se trouvent à
Fontainebleau, comme nous l’avons déjà mentionné, ensuite à
Saint-Germain-en-Laye et à Chantilly. Le château de Chantilly,
aujourd’hui Musée Condé, abrite l’une des plus importantes
collections de chefs-d’œuvre appartenant à plusieurs époques
historiques et à plusieurs écoles picturales du XVe au XIXe
siècle. En ce qui concerne la Renaissance, dans ses galeries
sont accrochées les œuvres de Raphaël, de Fra Angelico, du
Primatice, des maîtres de l’école de Léonard de Vinci, pour
les Italiens, et pour les Français, citons au moins les
peintures et dessins des Clouet, père et fils.
78
60) Chantilly.
En France, la Renaissance est essentiellement importée et
provoquée par le désir des rois et de la noblesse de vivre
dans un luxe comparable à celui des grands en Italie. L’époque
pendant laquelle elle se développe, c’est-à-dire le XVe et le
début du XVIe siècle, est déjà marquée par une crise économique
latente. Elle ne peut donc être interpétée comme le signe de
la prospérité comme c’est le cas des riches villes marchandes
italiennes ou de la Rome papale. En plus, son essor est, en
France, accompagné de guerres de religion qui divisent le
pays.
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