L`Europe Premières considérations. Hé oui, l`Europe. S`il y a une

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L’Europe
Premières considérations.
Hé oui, l’Europe. S’il y a une notion que l’on évoque souvent, c’est
bien celle-ci. Et l’Europe par-ci et l’Europe par-là et c’est la faute de
l’Europe et c’est dans le cadre de l’Europe. On dit tout et le contraire de
tout à propos de l’Europe.
Il faut bien reconnaître, pour commencer que ce n’est pas clair du
tout cette histoire d’Europe. D’abord, qu’est-ce que c’est que l’Europe ?
Rien que le nom est on ne peut
plus vague. Dans le fond, ce que
nous appelons Europe n’est qu’un
morceau du continent Afroasiatique. Et si nous excluons
l’Afrique, ce n’est que la partie
occidentale de l’Eurasie. Alors,
pourquoi cette dénomination ? Et
qu’est-ce que cela recouvre ?
Si l’on en croit la légende
mythologique grecque, Zeus qui
était un coureur de jupons
impénitent, un jour, pour séduire une
princesse qui jouait sur la plage se
métamorphosa en taureau blanc. La belle,
subjuguée, grimpa sur son dos et, Zeus
l’enleva et la conduisit en Crète. La
demoiselle s’appelait Europe. Le sujet de
l’enlèvement d’Europe par Zeus transformé
en taureau à inspiré nombre de peintres de
Carrache à Titien, de Boucher à Rubens en
passant par Coypel et quelques autres.
C’est beau tout ça. L’ennui, c’est que la
beauté qui plut à Zeus était princesse en
Cilicie (actuelle côte sud de la Turquie).
Celui-ci la porta, certes, en Crète ; mais
à l’époque, la Crète était considérée
comme un prolongement de la
Cyrénaïque (actuelle Lybie) donc,
africaine et Europe vint terminer ses jours en Lycie (actuelle côte sud ouest
de la Turquie). Il est
quand
même
inquiétant
et
regrettable que la
donzelle qui aurait
laissé son nom à
l’Europe
n’y
ait
jamais posé le pied. En
cherchant bien, on en
trouve d’autres des
Dames
antiques
appelées Europe. Elles
ont toutes un point commun ; elles n’ont jamais traîné leurs savates en
Europe. Adieu ! L’image romantique d’une belle Europe séduite et enlevée
par Zeus donnant son nom à une partie du monde. Il faut trouver autre
chose.
Je vous livre une autre interprétation. Il existe des tablettes
assyriennes sur lesquelles les
deux rives de la mer Egée
sont différenciées selon deux
appellations
qui
correspondent en gros à la
notion de levant et de
couchant. Le côté oriental,
donc le levant, se nomme
« assou » et le côté occidental,
donc le couchant, est appelé
« ereb ». On peut en toute
logique supposer que c’est de là que dérivent les appellations de « Asie » et
« Europe ». Il est à noter que cela ne concerne que les deux rives de la
mer Egée. Il y a une chose qui m’amuse, au passage. J’aime à accepter un
rapprochement sauvage, dont j’ai les plus grands doutes sur la justification.
L’Erèbe, pour les anciens (gréco-latins puis chrétiens), c’est la partie la plus
obscure des enfers. Ce qui reviendrait à comprendre que l’Europe, c’est
l’enfer. Bon, je n’ai rien dit, hein !
Toujours est-il que nous avons une Europe et une Asie. En fait, cette
différenciation serait due à Hérodote que l’on considère comme le père de
la géographie (ainsi
que de l’histoire et
de l’exploration mais
là n’est pas le sujet).
Hérodote (vers 484
av JC vers 420 av
JC),
pour
se
simplifier la tâche,
divise
le
monde
connu, à son époque,
en
trois.
De
l’Hellespont
(les
Dardanelles) au Nil, c’est l’Asie. Du Nil aux colonnes d’Hercule
(Gibraltar) : L’Afrique et des Colonnes d’Hercule à l’Hellespont :
L’Europe. Il faut, cependant,
se
souvenir
qu’Hérodote,
même s’il meurt en Italie a
surtout voyagé en Perse et en
Egypte. Cette tripartition est
de toute façon peu importante
aux yeux des anciens.
La
tripartition
d’Hérodote,
pendant
l’antiquité est très peu utilisée.
Il faut même, à ce sujet, remarquer que sous l’empire romain, il existe une
province d’Asie mais ce n’est qu’une province bien circonscrite
correspondant à la partie littorale ouest de l’actuelle Turquie. Au même
titre, on note une province d’Afrique, mais cela correspond en gros à la
Cyrénaïque, c'est-à-dire à la partie est de l’actuelle Lybie. Quant à
l’Europe, on n’en parle pratiquement pas. Ce ne sont que les érudits du
seizième siècle qui ont donné de l’importance à cette division arbitraire en
croyant qu’elle avait été la clef de la vision antique du monde. Ce partage
est strictement artificiel et conçu pour satisfaire les esprits intellectuels. En
revanche, cela ne correspond pas à grand-chose. Même où cela semble le
plus évident, Gibraltar, il ne faut pas oublier qu’il existe un petit morceau
d’Espagne sur le continent africain. Les Dardanelles n’ont jamais
correspondu à une limite d’état et je ne vous parle pas de l’Egypte qui se
verrait coupée en deux avec une partie africaine et une partie asiatique.
Il est donc entendu que ces « parties du monde » ont des limites entre
elles assez floues et parfaitement arbitraires. Qu’en est-il des limites
lointaines ?
Le
monde
antique est éminemment
asiatique. En Europe et en
Afrique, les terres connues ne
sont, en fait, qu’une fine
bande littorale ponctuée, de
façon discontinue, de colonies
grecques ou phéniciennes. En
revanche, l’Asie comporte
tout le proche et le moyen
orient. L’immense empire de
Perse, à son apogée va des rives de la mer Egée à l’Iran. Une de ses capitales
est Persépolis. Hérodote voulant explorer le monde va surtout explorer la
Perse. Un siècle et demi plus tard, Alexandre qui rêve d’unifier la totalité
du monde sous un même souverain va surtout guerroyer en Perse. Il la
dépassera même et atteindra l’actuel
Pakistan.
Les choses vont légèrement se
modifier au cours de l’expansion
romaine. Simultanément, la relation
avec la Perse va s’atténuer et, Rome
étant située plus à l’ouest, la partie
européenne va s’agrandir. S’agrandir,
certes, mais pas démesurément. Vers le nord, l’empire ne dépassera jamais
vraiment le Danube. Les territoires de la rive droite du Rhin seront peu
importants et souvent instables. La Gaule et l’Espagne sont certes conquises
mais le Portugal ne sera latinisé qu’indirectement. Les légions atteindront
l’Angleterre mais jamais l’Ecosse. En fait, on peut considérer que l’Europe
ne sera jamais que le tiers sud Ouest de l’actuelle Europe. Les grandes
migrations
du
cinquième
siècle
apporteront
de
nouvelles
populations dans la
partie
romanisée,
mais ne permettront
pas
vraiment
d’établir de vraies
relations avec leurs
régions d’origine. Le
monde antique et jusqu’au début du moyen âge est vraiment centré sur la
méditerranée et l’importance asiatique reste importante. Les grandes
religions monothéistes sont originaires du proche orient et, je ne voudrais
faire de la peine à personne, mais le Christ est quand même un asiatique.
Géographiquement, l’Europe n’est qu’une toute petite partie de
l’ancien continent. C’est une presqu’île (Entre la mer noire et la Baltique, il
n’y a guère plus de
mille
deux
cents
kilomètres) constituée
d’une invraisemblable
collection
de
presqu’îles parcourues
par des chaînes de
montagnes
importantes,
constituant autant de
barrières
et
de
divisions. C’est aussi
une extrémité où les
influences et les migrations n’arrivent que difficilement et tardivement mais
viennent buter et mourir contre l’océan.
L’Europe n’est que partiellement un fragment du monde antique et
méditerranéen auquel elle est profondément liée. L’Europe n’étant qu’une
création intellectuelle et abstraite ne peut être qu’une entité complexe et
contradictoire. Cependant, comme bon gré mal gré, nous ne pouvons que
constater que cette Europe existe, nous allons donc devoir, maintenant,
analyser ce qui l’unit ou la désunit.
L’Europe
Unité et disparité.
Nous avons supposé qu’à travers l’Europe, on trouvait des facteurs
d’unité et de diversité.
Remarquez, disant ceci, je
ne fais rien d’autre que
d’enfoncer
une
porte
ouverte. En effet, si on
choisit n’importe quelle
région sur la planète, on
trouvera nécessairement
des
éléments
de
concordance
et
de
disparité. Quoi qu’il en
soit, il est intéressant d’énoncer ces éléments concernant l’Europe.
Je rappelle que la notion d’Europe n’est rien de plus qu’une vue de
l’esprit des intellectuels de la Renaissance qui
croyaient ressusciter une vision antique du
partage du monde. Au fur et à mesure des
découvertes du monde par les civilisations
méditerranéennes, les trois régions se sont,
chacune dans leur direction, agrandies. L’Asie
qui était déjà la partie la plus vaste s’est vue
prolongée jusqu’au Japon et au Kamchatka.
Du coup, les esprits forts ont ressenti la
nécessité de parler d’un proche Orient, d’un
moyen Orient et d’un extrême Orient, sans parler d’une Asie Centrale.
Pendant qu’ils y étaient, ils ont imaginé une Afrique du Nord et une
Afrique subsaharienne. Manque de chance, l’Europe, même si on l’a élargie
jusqu’au cap nord et à l’Oural n’avait pas de place pour s’étaler. A l’Ouest,
c’est l’océan. Du même coup, l’Europe étant, et de très loin la plus petite
des divisions du monde, on n’a pas éprouvé le besoin d’y imaginer des
subdivisions drastiques. Il s’en suit que, à cause de sa petite taille, l’Europe
présente une certaine unité.
Il y a une autre unité qui peut sembler
paradoxale. Depuis plusieurs millénaires, l’Europe a
été le lieu où sont venues échouer des migrations
successives. Les premiers habitants de l’Europe sont
arrivés de l’Est africain en passant par le proche
orient. Les grandes vagues migratoires du
cinquième siècle provenant plus ou moins d’Asie
sont venues mourir en Europe. La raison est
toujours la même. Lorsqu’on arrive en Europe, on
ne peut pas aller plus loin. Après, il y a l’océan.
L’Europe est une fin du Monde. La grande diaspora
juive est certes allée vers l’Afrique du nord, mais
aussi et largement vers l’Europe. Les Roms, venus
du nord de l’Inde ont parcouru le même chemin. Je ne veux pas ici
expliquer ni justifier ces migrations, mais, force est de constater leur
existence. L’Europe est un lieu où des migrations diverses se stabilisent. La
grande poussée turque, même si elle a reflué a été une grande par de la vie
européenne pendant trois quart d’un millénaire. Je le redis, je ne veux ni
l’expliquer ni le justifier, mais nous constatons que sous des formes diverses
ces migrations continuent. Nous n’y pouvons rien. Les vagues de l’océan
viennent déferler contre le mur du continent Européen et les vagues
humaines viennent mourir contre le buttoir de l’océan. Cela fait partie de
l’histoire de l’Europe. Il est à noter que du dix septième au dix neuvième
siècle, cette formidable barrière d’eau
salée a été transgressée et que la fuite
vers l’ouest a enjambé l’Atlantique et à
très largement envahi les Amériques.
Alors, si cette constance à devoir
toujours recevoir les flux migratoires et
tenter de les endiguer n’est pas un
facteur de ressemblance, je vous
demande ce que c’est.
Nous avons un troisième aspect de convergences en Europe. Si nous
excluons une très petite partie du nord, c'est-à-dire partiellement la
Laponie et une très fine frange de la Russie arctique, l’Europe a été
entièrement submergée par le monothéisme. Oui, je sais, sous des formes
variées et nous en reparlerons. Il n’en reste pas moins que cela entraîne un
mode commun d’appréhender le monde qui nous régit.
Et puis, il y a eu la révolution industrielle. Là, on peut avoir des
réticences. Cela n’est pas
arrivé partout en même
temps.
Certes.
Rien
qu’en France,
jusque
dans les années 1950,
certains
hameaux
tenaient encore de l’âge
du fer. Ce qui a été
déterminant, c’est la
généralisation
de
l’électrification. De nos
jours, certains villages du Portugal ou des Carpates, même s’ils ont accès à
l’internet, sont encore très archaïques. Cependant, cette révolution
industrielle n’a, en fait qu’à peine cent cinquante ans et on peut se dire
qu’au fond, elle n’a pas encore atteint son complet aboutissement. Quoi
qu’il en soit, ces villages perdus de l’Europe sont sans comparaison avec des
villages similaires de la Cordillère des Andes, du Népal ou de la Namibie.
Même si ceux-ci ont, aussi, plus ou moins accès à l’internet. Il est enfin à
noter que cette révolution industrielle n’est pas l’apanage que de l’Europe.
La Turquie a, à peu près suivi le mouvement ce qui a entraîné la rénovation
de la Turquie au temps de Moustapha Kemal (Ata Turque). L’Amérique du
Nord ainsi que l’Australie et la Nouvelle Zélande ont aussi vécu cette
modification de la vie ainsi qu’un peu plus tard le Japon. Plus récemment,
cette révolution industrielle est en train
de se généraliser au niveau planétaire.
Nous en reparlerons dans le prochain
chapitre.
Voyons maintenant les disparités.
J’ai déjà signalé que l’Europe est
une invraisemblable collection de
presqu’îles séparées par des bras de mer. Ajoutons qu’elle est parcourue
par des chaînes de montagnes importantes, au moins dans sa moitié sud
mais même la Scandinavie avec son vieux
massif hercynien est aussi dans la même
situation. L’Europe du sud est un puzzle de
plateaux, de vallées, de recoins inaccessibles
et de territoires séparés par des barrières
naturelles difficilement franchissables. Il est à
noter que les grandes invasions du cinquième
siècle sont toujours passées par le nord plus
plat. Chaque portion de pays cloisonnée dans
ses limites naturelle a toujours tendance à se
refermer et à résister aux influences
extérieures.
Sur le plan linguistique, la mosaïque est aussi inextricable. On
distingue, certes de grands groupes linguistiques, mais dans le détail,
chaque vallée, chaque bassin a évolué indépendamment et rien que pour les
langues latines, on en distingue un nombre impressionnant.
Bon, je vais quand même
vous dire quelques mots du climat.
Il n’échappe à personne que vues les
conditions météorologiques, on ne
vit
pas
de
la
même façon à Oslo et à Athènes. Si les
grandes plaines du nord présentent
presque une uniformité climatologique
(froid et humide) le sud manifeste des
différences sur de petites distances.
Certaines régions de la Meseta Castillane sont quasi désertiques alors qu’à
quelques centaines de kilomètres, la Galice est verdoyante et la basse vallée
du Guadalquivir regorge de richesses agricoles. En France, si vous allez en
voiture de la Catalogne au Pays basque, vous avez l’impression d’avoir
changé de planète. En Grèce, il neige sur les montagnes du nord et le
Péloponnèse est, sauf au fond de quelques vallées, un amas de cailloux
brulés par le soleil. L’Europe présente, malgré ses petites dimensions un
échantillonnage de climats allant du subtropical méditerranéen aux régions
polaires arctiques. Le Spitzberg, ce n’est pas la Crète.
Nous avons dit que globalement, l’Europe est monothéiste. Certes.
Mais elle n’est vraiment christianisée que vers le dixième siècle et, dès 1054,
le schisme d’orient consacre la division religieuse.
En même temps, la péninsule ibérique chrétienne
est islamisée à partir de 722 et à l’autre bout de
l’Europe, les vagues seldjoukides puis ottomanes
occupent la majeure partie des Balkans et viennent
sous les murs de Vienne et de Prague et même
jusque vers Otrante. Pour redevenir entièrement
chrétienne, l’Espagne mettra plus de sept cents ans
et le reflux des Turcs au dix neuvième siècle laissera
derrière lui des îlots musulmans. Pour couronner le
tout, au seizième siècle, l’église catholique et
romaine se déchire à nouveau et laisse la place à
une constellation d’églises réformées et protestantes
aussi nombreuses que variées. Curieusement et contrairement à ce qu’on
croit généralement, les cohabitations entre chrétiens et musulmans ne se
sont pas toujours mal passées. En Espagne, les rois des différentes taïfas
s’ils se chamaillaient entre eux et avec leurs voisins chrétiens n’en étaient
pas moins capable de passer des alliances et de contracter des mariages
politiques en passant outre les
différences
religieuses.
En
Albanie, Scanderbeg s’il s’est
appuyé sur la papauté et les rois
chrétiens a néanmoins été
général de l’armée turque
pendant longtemps. Ses diverses
conversions n’étaient que des moyens politiques pour tenter de rendre une
indépendance de fait à l’Albanie. Il est entendu que je ne nie pas
l’importance des conflits interreligieux entre la chrétienté et l’islam mais en
même temps, je dis qu’ils n’ont pas été plus
sanguinaires que les guerres interchrétiennes.
Pendant que j’y pense, je vous invite à vous
informer
sur
un
certain
Vlad Tepes (ou Vlad III l’Empaleur). Il n’est pas
mal celui là, non plus. Il a été selon les moments
romain, orthodoxe ou musulman. En fait, son
souhait est de sauvegarder une indépendance
Valaque. Selon les moments, il se dresse contre le
Sultan ou contre les teutoniques ou contre les
orthodoxes. Il s’allie tantôt avec les uns ou les
autres. Si, si, vous le connaissez, c’est le fils de Vlad II le dragon
(Dracula)…. Le vrai, hein !
Au treizième siècle, les chevaliers
teutoniques envisagent de convertir les
orthodoxes à l’église latine et après avoir
commis un nombre de massacres
respectable ne sont arrêtés que par
Alexandre Nevski lors de la bataille sur
les bords du lac Peïpous en avril 1242
(évènement dont Sergueï Eisenstein à su
tirer une production qui de film de propagande soviétique est devenu un
chef d’œuvre). Alexandre Nevski, chrétien orthodoxe, avait su, à ce moment
négocier une trêve avec les turco-mongols pour se retourner contre les
chrétiens romains. En Europe, les guerres entre chrétiens, catholiques et
protestants, ont duré deux bons siècles avec tout le cortège d’horreurs et de
dévastations qu’on leur connaît. Les deux sacs du Palatinat par les troupes
de Turenne puis de Louvois s’inscrivent plus ou moins aussi dans ces
guerres de religions.
Bien sûr, à toutes ces disparités humaines sont venues se surajouter
les apports ethniques de toutes les migrations précédemment décrites.
L’Europe, de par sa compartimentation n’est qu’une mosaïque de micros
sociétés plus ou moins regroupées artificiellement par des souverains
conquérants. Même les états centralisés de
longue date (France, Espagne, Grande
Bretagne, Pologne) ne l’ont été qu’à l’issue
d’âpres luttes et, au même titre que les
unifications récentes (Allemagne et Italie), il en
reste des divisions profondes que la volonté
opiniâtre des états gouvernants n’a jamais
réussi à combler sérieusement. Contre vents et
marées, le Breton reste breton, le Bavarois
bavarois, et le Gallois galois.
Pour en finir avec cette notion d’unité et de disparité, je voudrais en
revenir à une notion qui paradoxalement est, en définitive unificatrice.
Toutes ces guerres qu’elles soient religieuses ou de conquêtes
territoriales ont, qu’on le veuille ou non, une nouvelle fois brassée la
population Européenne. Parfois sur de grandes distances. Les Vikings sont
allés jusqu’en Sicile. Les Suédois ont guerroyé en Alsace et même jusqu’en
Ukraine. Les Français sont considérés à travers l’Europe comme d’éternels
« va t’en guerre ». A juste titre, du reste puisque avec une régularité
touchante ils ont débordé de leurs frontières naturelles vers la Hollande,
l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Pour les Autrichiens, que les Français
aient coupé la tête de Marie Antoinette, ce n’est qu’un épiphénomène de
l’histoire. En revanche, que Napoléon ait établi ses quartiers à Schönbrunn,
ça, c’est inadmissible. Ces mêmes armées napoléoniennes sont allées
jusqu’à Moscou et l’année suivante, les Russes campaient à Paris. Napoléon
III est allé traîner en Crimée. Lors de la première guerre mondiale, les
franco Anglais ont combattu à Salonique et sur l’ensemble des Dardanelles.
Les Allemands lors de la seconde guerre mondiale ont envahi la quasitotalité de l’Europe. Cela fonctionne aussi dans l’autre sens. Qui dit conflits
dit alliances. Pour des raisons politiques et stratégiques, les Français ont été
alliés des Russes ou des Polonais et des Serbes. A ce titre, lors de la guerre
en Bosnie, les serbes n’ont pas compris pourquoi les Français qu’ils
croyaient leurs alliés indéfectibles sont venus se joindre à la coalition.
François Ier et Louis XIV ont conclu des pactes avec le Sultan. Si l’on
ajoute à cela les troupes de mercenaires de toutes nationalités de l’ancien
régime, il est difficile de penser que ces Européens n’aient jamais eu
l’occasion de se rencontrer, de se croiser, de se connaître et en définitive de
fraterniser.
Ces
tentatives
de
fraternisati
on
sont,
hélas,
tristement
célèbres
lors de la
première
guerre
mondiale et
je ne vous parle pas des troupes mercenaires qui, sous l’ancien régime,
n’hésitaient pas à changer de camp en pleine bataille selon les
rémunérations qui leur étaient proposées.
Dans le fond, l’Europe, dans une succession ininterrompue
d’étripements et de paix éternelles, ressemble à une bande indisciplinée de
cousins proches ou éloignés qui depuis toujours ont eu l’habitude de se
chamailler et de se réconcilier.
C’est pour cela qu’elle forme une grande famille.
L’Europe
Europe et occident
Il y a une confusion touchante à laquelle les gens se laissent aller avec
une constance surprenante. C’est entre les notions d’Europe et d’Occident.
Ce n’est pourtant pas la même chose ! C’est même fondamentalement
différent.
Pour
comprendre
cette histoire d’occident, il
faut revenir encore une fois
à notre empire romain
circum
méditerranéen.
Gérer un si vaste territoire
de façon uniforme devient
de plus en plus difficile. En
même temps, il faut bien le
reconnaître,
le
pouvoir
central, au troisième siècle
n’est plus ce qu’il était. Dans un premier temps, il n’est pas envisagé de le
couper en deux, mais de répartir la tâche entre deux coempereurs. Cela
fonctionnera à peu près durant la vie de celui qui l’a imaginé en 286
(Dioclétien). Ce système de répartition des tâches ira avec des hauts et des
bas et l’Empire sera reconstitué par Constantin vers 320. A plusieurs
reprises, des réunifications sont tentées sous un
Empereur unique et pour la seule durée de son règne,
entrecoupées de séparations diverses. Théodose,
gouverna l'Orient et l'Occident pendant deux ans,
jusqu'à sa mort (395). C'était la dernière fois qu'un
empereur unique gouvernait la totalité de l'Empire.
A partir
de
ce
moment,
les deux
empires vont avoir des
destinées bien différentes. Si
l’Empire d’Orient traversera
bien des vicissitudes, il n’en
continuera pas moins de
fonctionner encore pendant
plus de mille ans jusqu’à la
prise de Constantinople par
les Turcs en 1453. En
revanche, l’Empire d’Occident va s’écrouler très vite. L'Empire romain
d'Occident disparut officiellement au moment de l'abdication de Romulus
Augustule, le 4 septembre 476, déposé par Odoacre. L'Empire d'Occident
ne se releva jamais, en dépit d'une brève reconquête partielle par son alter
ego, l'Empire romain d'Orient. Sa chute marqua le début d'une nouvelle
ère de l'histoire européenne : le Moyen
Âge.
Il est à noter que le souvenir
nostalgique de cet empire d’occident
hantera encore les esprits longtemps,
mais dans la pratique, cela ne conduira
à
rien.
Charlemagne
recevra
effectivement la couronne impériale en
800 mais ses héritiers se partageront
son empire dont la partie allemande
affectera bien de s’appeler « Saint
Empire Romain Germanique » ; mais
cela ne concernera que l’Allemagne.
Dans l’Empire romain, il y avait deux
titres impériaux ; souvent portés par un individu unique, mais pas
obligatoirement. L’Empereur était Auguste et César. César correspondait
au commandement supérieur des armées. C’est pour cette raison que les
empereurs d’Allemagne ont gardé le titre de Kaiser jusqu’en 1918. Il est
amusant de constater que, pour la même raison, les empereurs de Russie
portaient le titre de Tsar (ou Czar). Tenez, pendant que j’y suis, il y a une
anecdote qui me fait sourire. Au moment de l’accession de Charlemagne à
la couronne impériale, à l’autre bout de l’Europe,
l’impératrice d’Orient du moment, Irène, voyait d’un
très mauvais œil le fait de devoir partager le grade
avec un occidental. Elle a donc lutté de toutes ses
forces pour que cela ne se fasse pas. Bon, elle n’a pas
réussi. Qu’à cela ne tienne, devant le constat de son
échec, elle entreprit de marier son fils avec la fille de
Charlemagne. Cela na pas fonctionné non plus. Il y en
a qui n’ont vraiment pas de chance dans leurs
entreprises.
Est-ce à dire qu’il n’y a plus d’Occident ?
Si, si ! Rassurez-vous ! Ce qui est mort, ce n’est pas l’Occident ; c’est
l’empire romain. L’Occident, lui, il est
toujours là. J’ai même l’impression que
c’est, précisément parce qu’il n’est plus
Empire Romain qu’il est de plus en plus
Occident.
La différence avec l’Orient va même
s’aggraver en 1054 lors du grand schisme
d’Orient (qui, je vous le signale, vu de
l’orient s’appelle grand schisme latin).
L’empire d’orient va être confronté bien
sûr aux princes musulmans, bien sûr aux Turcs, mais aussi aux Serbes
latins et aux Bulgares.
De plus maintenant, il ne
verra plus l’occident
comme un allié potentiel,
mais
comme
un
adversaire résolu. Le
sommet de cela sera la
prise de Constantinople
(et sa mise à sac) par les
croisés (occidentaux) en
1204.
Dans
le
même
temps, l’Occident suit une toute autre voix. L’Occident n’est l’héritage de
l’Empire d’Occident que par le fait qu’il reste Chrétien romain. A part
cela, il est surtout la descendance de l’Empire de Charlemagne. Je ne vais
pas vous détailler les divers épisodes du partage de cet empire mais en gros,
cinquante ans après la mort de Charlemagne, la partie centrale qui allait de
l’Italie à la Hollande est partagée entre les deux survivants Louis le
germanique récupèrera ce qui deviendra l’Allemagne et le titre
d’Empereur (le Kaiser) et Charles le chauve
gardera la future France appelée à l’époque
la Francie occidentale. Si on considère qu’à la
même époque, la Grande Bretagne, peu et
mal romanisée est le théâtre de luttes
confuses entre populations diverses venues du
nord de l’Europe ou indigènes, si on constate que la Pologne n’existe pas
vraiment avant le dixième siècle et enfin
qu’à cette époque l’Espagne est très
largement islamisée et
territoire mauresque,
vous ne le voyez pas se
dessiner, vous ce futur
Occident européen ?
Lorsque la volonté de
créer
une
union
européenne naîtra au vingtième siècle, elle s’appuiera
comme à l’origine sur un occident carolingien reconstitué à savoir :
l’Allemagne, la France et l’Italie. Nous en reparlerons en temps utile. Si
l’Orient a été en permanence en butte à des tracasseries venues de l’Est
(Arabes, Turcs, Turco-mongols et autres), l’occident dans le même temps a
été relativement tranquille. La poussée mauresque venue du sud s’est
arrêtée en 732 à Poitiers et le soucis des rois catholiques n’est plus de
résister aux harcèlements mais de, eux même, œuvrer pour la
« reconquista ». Celle-ci serra complète
et définitive ne 1492 avec la prise de
Grenade. Je vous rappelle pour le
plaisir ce que l’on rapporte sur Boabdil
le dernier roi de Grenade. Cela
n’apporte rien à l’exposé, mais j’aime
le romantisme de l’anecdote. La
légende dit que sur le chemin de l’exil,
au lieu-dit « le dernier soupir du
maure », Boabdil se retourna vers la
capitale de son royaume perdu et pleura. Sa mère Aixa Fatima lui lança :
« pleure comme une femme ce que tu n’as pas su défendre comme un
homme ! ». Quoi qu’il en soit, les Rois catholiques n’ayant plus d’ennemis
sur leur sol vont entrer de plein pied dans l’occident et se lancer dans la
découverte du monde. Je rappelle, au passage, que Isabelle la catholique
avait promis, si elle prenait Grenade, de fournir des bateaux à Christophe
Colomb. Le siècle qui suit sera le siècle d’or pour l’Espagne « el siglo de
oro ».
Il y a eu aussi les vagues Viking. Cependant, ce n’étaient pas des
invasions. Certes, ces pillages à répétition
n’étaient pas sans conséquence mais en
aucun cas cela ne remettait en cause
l’organisation socio politique du moment.
On remarquera que c’est lorsque ces
Vikings on obtenu la concession de la
Normandie qu’ils se sont retournés vers
l’Angleterre (avec Guillaume le Bâtard)
et du coup l’on fait entrer dans le monde
occidental.
Les incursions sarrazines en méditerranée sont encore plus
anecdotiques.
A la fin du quinzième siècle, l’Empire
d’Orient a disparu (prise de Constantinople par
les Turcs le 29 Mai 1453). Les états centraux ne
formeront jamais une union cohérente. Pendant ce
temps, l’occident est à peu près constitué. Trois
grands états sont à peu près constitués (Espagne,
France, Angleterre). Inversement, les notions
d’Allemagne et d’Italie, si elles existent fortement
ne sont en fait que des constellations de petits
états.
Deux évènements potentiellement possible ne
se sont pas produits. Suite à la coutume franque,
l’Empire de Charlemagne a été démantelé et un grand état comprenant
l’Italie, la France et l’Allemagne ne s’est pas constitué. D’autre part, malgré
la conquête de l’Angleterre par un vassal du roi de France, les deux nations
n’ont pas pu se réunir. La chose s’est du reste produite une deuxième fois
lorsque les descendants d’Aliénor d’Aquitaine devenus rois d’Angleterre
n’ont pas réussi (suite à la guerre de cent ans) à unir les deux pays.
Du seizième au dix huitième siècle, les guerres de religions, si elles ont
dévasté l’occident n’ont pas changé grand-chose dans son organisation
politique.
Au
dix
neuvième
siècle,
l’Occident se singularise fortement
par rapport au reste du monde. Deux
phénomènes qui, à l’origine, sont
indépendants l’un de l’autre vont se
mêler de façon indissociable. Il s’agit
de la révolution industrielle d’une
part et des grandes lutes sociales
d’autre part. Cela est sensible surtout
en Angleterre, en Allemagne, en France, en Italie et même en Suède.
L’Espagne prend un peu de
retard. Ce retard s’aggravera
au vingtième siècle avec la
dictature franquiste. A la mort
de ce dernier, (le 20 novembre
1975) l’Espagne se sera quasi
tiers-mondisée.
Il s’en suit une curieuse extension de la notion d’occident. Certains
territoires coloniaux que les émigrants occidentaux sont allés peuplés
depuis le dix-huitième siècle sont entrés, suite aux deux mêmes phénomènes
(révolution industrielle et luttes sociales), directement dans cette notion
d’occident. Il s’agit d’abord des Etats Unis d’Amérique et du Canada et,
secondairement, de l’Australie et de la nouvelle Zélande.
La seconde guerre mondiale, va encore renforcer cette situation.
Le 8 Mai 1945, suite aux accords de
Yalta, l’Europe est coupée en deux. Il y a
une Europe de l’Est sous la coupe de
l’URSS et une Europe de l’Ouest où
l’incidence des Etats Unis n’est pas
négligeable. Il est amusant de constater
que cette Europe de l’Ouest recouvre à
peu près notre ancien Occident. Les
successives déchirures ont du mal à se
cicatriser.
Nous pouvons donc conclure que l’Europe, ce n’est pas l’occident. Ce
n’est pas non plus l’Empire Romain méditerranéen, qu’il soit d’Orient ou
d’Occident ni même l’Empire romain d’avant la partition.
En fait, une petite partie de l’Europe est un morceau de l’ancien
Empire romain. Une partie de l’Europe est constituée de l’occident tel que
précédemment décrit et une partie de l’Europe contient des régions qui
n’ont jamais été ni romaines ni occidentales (la Finlande, les pays baltes, la
Pologne, la Bulgarie etc.).
Il faut noter qu’à l’heure actuelle, les grandes vagues d’immigration
sont attirées par l’Occident (France, Angleterre, Allemagne, Italie,
Espagne) et pas par l’Europe dans son ensemble. On peut même dire que
l’attirance va vers l’occident dans son sens large. Les Etats Unis et le
Canada sont aussi concernés.
Maintenant que nous avons bien différencié l’Occident de l’Europe,
nous allons pouvoir parler de la communauté européenne.
Mais ça, ce sera pour le prochain chapitre…
Si vous êtes sages.
L’Europe
L’union européenne
Printemps quarante cinq. La guerre est
terminée. Mussolini et Hitler sont morts. Le
Japon a été atomisé. Tout est magnifique et
l’on va pouvoir de nouveau respirer le parfum
des fleurs.
Erreur ! Si cela avait été aussi simple
que ça, cela se saurait.
Je vais tenter de
vous expliquer des
choses assez confuses, inattendues et parfois
paradoxales.
Très rapidement, on est entré dans la
« guerre froide ». L’allié soviétique de la veille est
devenu l’ennemi avec le couteau entre les dents.
L’OTAN (organisation du traité de
l’Atlantique nord) a vu le jour le 4 avril 1949, suite
à des négociations des cinq pays européens
signataires du traité de Bruxelles (Belgique,
France, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni)
avec les États-Unis, le Canada et cinq autres pays d’Europe occidentale
invités à participer (Danemark, Italie, Islande, Norvège et Portugal).
L'Alliance avait pour vocation initiale d'assurer la sécurité de l'Occident au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en prévenant d'éventuels
soubresauts d'impérialisme allemand et en luttant contre les ambitions de
conquête de l'Union Soviétique appuyée par ses satellites (militairement
organisé dans le cadre du Pacte de Varsovie). Du moins, c’est ce qu’on
disait. Personnellement, j’ai des doutes et
je suis surpris. En effet, les éventuels
soubresauts de l’impérialisme allemand,
je suis suspicieux. L’Allemagne était
exsangue. Les bombardements de terreur
l’avaient écrasée. De plus elle était
partagée
entre
quatre
puissances
d’occupation et désarmée. En revanche,
les ambitions de conquête de l’URSS
pouvaient sembler plus crédibles ; à ce
détail près que l’URSS aussi avait payé le prix fort dans la deuxième guerre
mondiale. Le plus surprenant, c’est que parler de l’agressivité du pacte de
Varsovie en 1949, c’est une absurdité. Ce pacte ne sera en effet signé que
cinq ans plus tard en 1954. Si on ajoute qu’il était entendu que le
commandement militaire de l’OTAN était strictement dévolu aux
Américains, on peut se demander de qui la volonté impérialiste
d’expansionnisme était la plus forte.
Quoi qu’il en soit, L’OTAN a été une première tentative d’union, non
pas européenne mais, occidentale. L’argument qui dit que des états
regroupés dans une seule alliance militaro politique ont moins de chance de
se battre que des nations séparées et concurrentes reste persuasif.
Deux ans plus tard, la volonté
réelle de lutter contre l’URSS s’est
encore plus dévoilée. Les forces
occidentales ont imaginé une autre
coalition
anti
soviétique.
La
communauté européenne de défense (la
CED). Cette fois-ci, on ne s’embarrasse
même plus de figures de style pour
évoquer le fantasme d’un quelconque
revanchardisme allemand. Au contraire, Les Américains envisagent
purement et simplement une remilitarisation de l’Allemagne qui serait
partie prenante de la coalition. Cette manœuvre
permettant aux Etats Unis d’avoir les mains libres en
Europe pour se préoccuper plus facilement de la guerre
en Corée.
Cela n’a pas abouti. Et cela n’a pas abouti pour
deux raisons. La première, c’est qu’on avait tellement
agité le spectre de l’Allemagne belliqueuse et revancharde
que pour les gens, voir cette Allemagne remilitarisée a
provoqué un véritable mouvement de panique et d’horreur. La deuxième,
c’est que, nombre de Français, avaient suivi avec passion l’avancée des
Soviétiques. Beaucoup de gens, absolument pas communistes, ont
longtemps pensé que les russes les délivreraient des nazis. En 1943, après le
bataille de Koursk, il devenait évident que ces Soviétiques partis des rives
de la Volga ne s’arrêteraient plus et
iraient comme ça jusqu’à Brest et
Perpignan, voire jusqu’à Gibraltar. En
revanche, nombre de personnes avaient
les plus grands doutes quant à
l’ouverture d’un deuxième front par les
Américains.
Quand
ces
derniers
débarquent en juin quarante quatre, les
Russes sont déjà à Varsovie.
A propos des doutes que nombre de français nourrissaient au sujet
des Américains, je vais vous raconter une
anecdote familiale qui n’apporte pas grand-chose
à l’exposé mais que je trouve plutôt
symptomatique et qui m’amuse. J’avais une
Grand’mère, absolument pas communiste et pas
davantage prosoviétique. C’était une femme
« forte en gueule ». Elle s’appelait Yvonne. Il n’y
a pas spécifiquement de Sainte Yvonne. De nos
jours, on honore les Yvonne le 18 Mai mais dans
ce temps là, c’était le 6 Juin. Ma Grand’mère,
donc, pour bien marquer la confiance qu’elle
accordait aux Américains et à leur hypothétique
débarquement, avait coutume de dire : Les
Américains, ils vont débarquer… Ouais, tu parles… Le jour de la saint trou
du cul ! Le six Juin 44, mon Grand-père ayant
appris les évènements de Normandie, dans
l’après midi, téléphone à sa Femme et lui dit :
Dis, Yvonne, tu sais quel jour on est
aujourd’hui ? Elle, toute rosissante d’émotion
à l’idée que son mari y ait pensé lui répond :
Oui, c’est ma fête. Alors, le Grand-père,
péremptoire lui lance : Non ! Aujourd’hui,
c’est la saint trou du cul. Et il raccroche. Tout
les ans, jusqu’à la mort de ma Grand’mère en
1960, nous avons fêté avec solennité la saint
trou du cul.
Bref, tout cela pour vous dire que la CED ne s’est pas faite.
Dans les mêmes moments on imagina la CECA.
La Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) était
une organisation internationale composée de six nations unifiant l'Europe
de l'Ouest durant la Guerre froide et créant les bases d'une démocratie
européenne et le développement de l’actuelle Union européenne. La CECA
était la première organisation basée sur des principes supranationaux.
La proposition de sa création,
annoncée par Robert Schuman (lors de
son discours du 9 mai 1950, devenu
journée de l'Europe), alors ministre des
affaires étrangères français, était un
moyen d'empêcher une nouvelle guerre
entre la France et l'Allemagne. Il
déclara que son but était de rendre la
guerre "non seulement impensable mais
aussi matériellement impossible". Pour
cela, la première communauté supranationale d'Europe a vu le jour par la
signature du Traité de Paris (1951) par la France, la RFA, l'Italie et les pays
du Benelux (la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas). La CECA créerait
un marché unique du charbon et de l'acier entre ces États.
Les bases d’une démocratie européenne… Tu parles ! Cela avait
surtout pour mission de permettre aux magnats du charbon et de l’acier de
ne plus payer de taxes de douane et ainsi d’échapper aux règlementations
dans les divers pays concernés. Les capitaux et les produits de l’industrie
lourde pouvaient circuler librement, oui, mais pas les citoyens. Il est à
considérer que les partis les plus nationalistes du moment (gaullistes et
communistes) s’y opposèrent farouchement. Mais la chose a été faite quand
même.
Par la suite, il y a eu le traité de
Rome (1957). Il s’est d’abord appelé
« traité
instituant
la
communauté
économique européenne ». C’est assez
révélateur. Même si on proclamait une
union plus étroite entre les peuples, il
s’agissait bien, surtout, d’un traité
facilitant les activités économiques
(industrielles et bancaires). Il a d’abord
institué le marché commun. J’ai un peu
l’impression que cela rendait plus service aux grandes entreprises à visée
internationale qu’au petit patron du coin. Quoi qu’il en soit, c’était mieux
que rien.
Je voudrais à ce moment vous signaler deux ou trois choses qui
peuvent sembler paradoxales.
Le Général De Gaulle, qui avait lutté contre l’OTAN, dès son retour
au pouvoir en 1957, contrairement à sa
vision très nationale a très fortement œuvré
avec son homologue allemand Konrad
Adenauer pour mettre en place ce marché
commun. En fait, son désir était surtout
d’échapper à l’impérialisme économique
américain. Se rendant compte que la France
seule en était strictement incapable, il a
accepté de s’unir avec d’autres puissances
européennes, l’Allemagne, l’Italie et les pays du Benelux. De Gaulle n’a pas
agit par un européanisme convaincu, mais pour contrecarrer la main mise
américaine sur la France en se disant qu’une fois cette union établie, il
serait plus facile à l’économie française de tirer son épingle du jeu.
Une autre chose est étonnante. Les communistes qui depuis un siècle
criaient « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » ont été violemment
opposés à cette union européenne. Ils voyaient dans cette organisation la
création d’un bloc occidental anti soviétique, anticommuniste et anti
Europe orientale. Ils n’avaient pas complètement tord. Mais justement, le
moment aurait été bien choisi pour imaginer un vaste front européen pour
lutter de façon concertée contre leur ennemi capitaliste. Le grand cri du
moment était : Il ne faut pas faire l’Europe des capitaux mais celle des
peuples. Donc, c’était le moment de dire : Vous la voulez l’Europe unie, et
bien nous aussi et vous allez voir qui y arrivera le plus facilement. Mais
non. En croyant lutter contre le capitalisme, ils ont lutté contre le
rapprochement des peuples. Si on ajoute que les deux
plus grands partis communistes de l’Europe
occidentale du moment (français et italien) n’étaient
même pas d’accord entre eux quand à l’allégeance
envers l’URSS, on comprendra qu’une union de ce
type était difficile. En définitive, les partis
communistes occidentaux ont mis en œuvre une
position individualiste, frileuse et conservatrice.
Une situation analogue était remarquable pour
les grandes centrales syndicales. Pourtant, à patronat
européen unis, il eût été pertinent d’opposer des syndicats européens unis !
Bah non. Il faut reconnaître qu’à l’intérieur de chaque pays, on constatait
des désunions entre centrales syndicales souvent opposées et parfois
vindicatives. Alors, vous pensez ! Si en plus il avait fallu coopérer avec les
voisins… Il est à constater que sur le plan syndical, la situation reste la
même plus de cinquante ans après.
Un petit mot sur les partis socialistes
occidentaux. Il est remarquable qu’ils se sont
tous engouffrés dans l’union européenne avec
une jubilation non dissimulée. Ah bah voila
des partis de gauche qui ont compris où était
l’intérêt des peuples ! Tu parles ! Comme à
leur accoutumé, les socialistes se sont
appliqué à bien géré le bon fonctionnement
des grandes banques et des sociétés
multinationales en tentant d’unifier les
avantages sociaux en les alignant sur les plus
bas. Si les partis socialistes étaient socialistes, on l’aurait remarqué.
En France, le parti qui sous diverses appellations se veut centriste,
après avoir été passionnément pro américain s’est converti à un pro
européanisme non moins passionné. Il me semble que pour ce parti, dont le
porte étendard était Monsieur Giscard d’Estaing, le but était de créer une
Europe technocratique dans laquelle les revendications populaires
pourraient être noyées dans un ensemble plus vaste, plus flou, plus éloigné
des peuples et sans vrai contrôle démocratique. Nous voudrions bien vous
donner satisfaction, mais ce n’est pas nous… C’est l’Europe. Les consignes
européennes… Les décisions de Bruxelles… Nous en reparlerons dans le
prochain chapitre à propos d’une tentative de constitution.
L’Europe de cette façon, bloc occidental
s’opposant au bloc oriental (on se croirait au
moyen âge), inféodé aux états unis, non
démocratique et complètement extérieur aux
populations,
a
ainsi
clopiné
jusqu’à
l’écroulement du monde oriental avec la date
mythique du 9 novembre 1989, date de la chute
du mur de Berlin.
A partir de cette date, le sens de l’union
européenne va complètement changer. C’est ce
que nous verrons dans le prochain chapitre.
L’Europe
L’union européenne
Au point où nous en sommes et,
avant d’aller plus loin, il serait temps
de remettre de l’ordre dans ce que
nous avons dit.
Il y a eu d’abord, en 1951, la
CECA (communauté européenne du
charbon et de l’acier). Bon, c’est
clair, cela consistait à permettre aux
propriétaires de l’industrie lourde
occidentale
d’augmenter
leurs
bénéfices, éventuellement en aggravant la pression sur leurs salariés
respectifs. Elle était crée pour une durée de cinquante ans. En conséquence,
elle n’existe plus depuis le 22 juillet 2002.
Comme cela fonctionnait bien,
on a étendu le principe à l’ensemble
des grosses entreprises occidentales.
En 1957, on invente la CEE
(communauté
économique
européenne). Votre pertinence a bien
remarqué que dans l’appellation, il
n’est question ni d’humain, ni de
social, ni de culturel. Il n’est question
que de gros sous.
En 1960, le Royaume unis, le Danemark, la Norvège et l’Irlande font
acte de candidature pour entrer dans la communauté. Mais, le Général de
Gaulle oppose son droit de veto. Il y a à cela deux raisons. D’abord, il voit
l’entrée de la Grande Bretagne comme un cheval de Troie de l’impérialisme
américain. Il n’a peut-être pas complètement
tord. Comme on sait que, précédemment, il s’était
déjà opposé à l’OTAN pour échapper à la
suprématie américaine, on comprend qu’il
réitère. Personnellement, je pense qu’il devait
garder aussi un souvenir aigre de la façon un peu
hautaine avec laquelle il avait été considéré lors
de son séjour forcé à Londres entre 1940 et 1944.
Du coup, il ne devait pas lui déplaire de rendre un
peu la monnaie de leur pièce aux Britanniques en
leur renvoyant un peu leur mépris. Une petite
vengeance, quoi. Du coup, les quatre états ne
furent pas admis. Ils présentèrent une nouvelle
demande dix ans plus tard (sauf la Norvège). Les Norvégiens ayant, entre
temps décidé par référendum de ne pas adhérer ne se présentèrent plus. Il
est à noter que la Norvège ne fait toujours pas partie de l’union européenne.
Cette fois, Georges Pompidou ayant remplacé le Général de Gaulle, le veto
fut levé et de cinq on passa à huit.
Je vous passe les détails sur le temps de négociation, toujours est-il
que la Grèce entre dans l’union en 1981 et l’Espagne et le Portugal en 1986.
L’année suivante, en 1987 la Turquie présente sa demande d’adhésion.
Curieusement, vingt quatre ans plus tard, ce n’est toujours pas acquis. On
en reparlera.
Avant d’arriver à la démolition du mur de Berlin, il faut encore que
je vous donne quelques informations sur le fonctionnement de La CEE.
La CEE est dirigée par un conseil de l’Europe que l’on appelle
parfois le conseil des ministres. En fait, ce sont les ministres des états
membres qui sont ipso facto ministres européens. Pour un problème
financier, on réunit (théoriquement) les divers ministres des finances. Il se
trouve que dans les divers états membres, on peut être ministre sans être
élu (En France Georges Pompidou ou Monsieur Dominique de Villepin ont
été ministres sans être élus). On les appelle les conseillers. Nous avons,
d’autre part un parlement. En 1957, le traité de Rome statuait que le
parlement devait être élu au suffrage direct des citoyens. Il était demandé
aux conseillers de régler les modalités de ce scrutin. En attendant, les
députés furent nommés par les divers gouvernements. Soixante dix huit au
total. Il va de soi que les gouvernements de l’époque étant tous, malgré une
opposition parfois conséquente, conservateurs ne nommèrent que des
députés conservateurs. Et hop ! Plus d’opposition progressiste ! Il était,
comme nous le disions, demandé aux
conseillers de régler les modalités de ce
scrutin. Hélas ! Allez savoir pourquoi, le
conseil de l’Europe, alléguant qu’il n’avait
pas le temps de s’en occuper, reporta à plus
tard ce point de détail. Oh, juste un peu plus
tard… Oui. Un peu plus tard. Vingt deux ans.
On ne vota pour le parlement européen pour
la première fois qu’en 1979. Alors, vous vous
dites : Bon ça y est. L’affaire est résolue ; n’en
parlons plus. Grands naïfs que vous êtes. Le
parlement européen n’a pratiquement aucun pouvoir. Il ne peut pas
élaborer de proposition de loi. Seul le conseil est habilité à émettre des
projets de loi. Dans de très nombreux cas,
le parlement n’a qu’un rôle consultatif et
sur le plan financier n’a pas de pouvoir
décisionnel quand à l’utilisation des fonds
qui reste l’apanage du conseil. Le
parlement ne peut qu’en organiser la
collecte mais ne peut pas les utiliser. En
résumer, les parlementaires européen
sont là pour ramasser des sous, mais pas
pour décider comment on va les utiliser. Impressionnant de démocratie,
tout ça, hein !
Nous sommes le 9 novembre 1989. Le
mur tombe. Boum !
Si, boum ! Parce que ça fait du bruit et
ça change tout.
Jusque là, L’Europe, c'est-à-dire
l’Occident avait deux missions. Premièrement,
celle qui était officielle qui consistait à
organiser un système économique capitaliste
et libéral sans entraves ne tenant que le moins
possible compte des acquis sociaux des différents états. D’anciens pays de
l’Est entrant dans la communauté avec des niveaux de vie plus bas, cela va
être un plaisir de peser plus lourdement sur les acquis sociaux de l’ex
Occident. Deuxièmement, celle plus masquée d’être un rempart face à une
Europe orientale belliqueuse. Et voila qu’il n’y a plus d’Europe orientale.
Bah zut alors ! Qu’est-ce qu’on va devenir ?
Cela implique que le rôle militaire va rudement changer de sens. Cela
implique que s’il n’y a plus d’Europe orientale, il ne peut plus y avoir, non
plus, d’Europe occidentale. Cela implique que l’Europe occidentale risque
de devenir une véritable Europe. Mais cela implique aussi que l’Europe a
une partie occidentale qui fait partie d’un Occident toujours existant. Du
coup, certains pays feront des efforts désespérés pour tenter d’entrer dans
cet Occident (la Pologne, par exemple).
Avec tout cela, on s’achemine
gentiment vers le traité de Maastricht
entré en vigueur le 1er Novembre 1993. Oh,
lui, il a fait couler beaucoup d’encre et de
salive. C’est curieux, du reste et, d’un côté,
il est parfaitement logique, dans la suite
des choses et parfaitement justifiable et de
l’autre, parfaitement exécrable. Je
m’explique.
Premièrement, il est dans la parfaite
logique des choses. En effet, on ne peut pas à la fois augmenter la cohérence
d’un groupe et maintenir ses divergences et ses singularités autonomes. Il
faut choisir. Avec l’intention de resserrer les liens de la communauté, le
traité de Maastricht organise le transfert de certaines compétences
individuelles des états nationaux vers la communauté. Ceci, en soit, est
parfaitement intelligent et je dirais même louable. Plus de cohésion, cela
veut, nécessairement, dire plus de décisions prises au niveau central. C’est
en cela que je prétends que c’est parfaitement justifiable.
Mais,
deuxièmement, dans le
même
temps,
c’est
parfaitement exécrable
parce que cette décision
est prise par le Conseil
de l’Europe sans prendre
l’avis
du
parlement
européen
pourtant
démocratiquement élu en
1979. Une nouvelle fois,
c’est la partie la plus arbitraire et disons-le la plus totalitaire qui décide en
passant joyeusement par-dessus la tête des instances élues. Les technocrates
du Conseil européen se fichent éperdument des volontés populaires.
Le traité de Maastricht ratifie aussi un changement d’appellation. La
communauté économique européenne (CEE) s’appellera désormais
communauté européenne (CE).
De nouveaux états entrent dans la communauté en 1995 : l’Autriche,
la Finlande et la Suède.
Nous arrivons à 2004 : Nouveau traité de Rome.
Ce traité est plus connu sous son résultat de tentative de constitution
européenne avortée.
Vous pensez bien que je ne vais pas vous parler de l’Europe pendant
quelques dizaines de pages sans vous parler de cette histoire de constitution.
En effet, depuis le temps qu’elle existe cette Europe, il serait pertinent de lui
donner une constitution… Une Vraie ! C’était donc une bonne idée.
Une constitution, comment est-ce
que cela se fabrique ? On élit,
démocratiquement,
une
assemblée
constituante. Celle-ci débat en tenant
compte des aspirations des électeurs et,
quand c’est préparé, on soumet le résultat
à la population. Oui, hein, bien sûr ! Bah
non. Pas pour l’Europe. Pour l’Europe, il
y a un Monsieur, tout seul dans son coin,
qui s’appelle Monsieur Valéry Giscard
d’Estaing. Il a décidé depuis longtemps qu’à lui tout seul, il n’a pas besoin
de démocratie. Pour vous situer la personne, il se fait appeler Monsieur
Giscard d’Estaing. Mais en réalité, il ne
s’appelle que Monsieur Giscard. Sa famille
issue de bonne grosse bourgeoisie court,
depuis plusieurs générations, après un titre
nobiliaire. Pour ce faire, à plusieurs reprises,
ils ont acheté des châteaux espérant en
récupérer la particule. Ils ont aussi tenté
d’utiliser des homonymies parfaitement
abusives. En fait, ils ne sont que des
Monsieur Jourdain de Molière (Le bourgeois
gentilhomme) à ce détail près qu’eux, ne sont
pas drôles. Monsieur Valéry Giscard
d’Estaing, en bon descendant de sa famille,
joue à se faire croire (faute de le faire croire
aux autres) qu’il est un hobereau médiéval
tellement au dessus de la populace qu’il peut se permettre de se montrer
sous un jour protecteur en accordant de menues friandises au petit peuple
de ses serfs. Il affecte de s’habiller de façon populaire en portant des cols
roulés ; Il s’invite, pour bien montrer qu’il n’est pas prétentieux, à manger
chez des « pauvres » et se fait filmer lorsqu’il va jusqu’à s’encanailler en
prenant le métro. Il voudrait être aristocrate pour pouvoir montrer à quel
point il saurait être paternaliste.
Monsieur Giscard d’Estaing, qui a réussi
la performance, après un seul mandat de
président de la république, à tellement excéder
les électeurs, qu’il se fera remercier comme un
indésirable, présente donc toutes les qualités
nécessaires pour concocter une constitution
européenne
démocratique,
progressiste,
populaire et sociale. Pour ce faire, il constitue
un groupe d’amis qu’il présente comme des
techniciens de la chose et se fait désigner par le
conseil de l’Europe (pas le parlement, hein, des élus ! Ah, fi ! Des
représentants du peuple, quelle horreur !) comme commission réfléchissant
à des dispositions constitutionnelles. Vous
pensez bien que dans ces conditions, il ne
va pas choisir comme partenaires des gens
qui sont opposées à sa vision du monde.
Il ne faut pas confondre constitution
et règlement intérieur d’entreprise. Un
règlement intérieur, c’est un système de
fonctionnement édicté par le patron. Il est
le propriétaire et il décide seul de la façon
dont il souhaite que soit organisée son entreprise afin qu’elle ait le meilleur
rendement
possible.
A
l’opposé,
une
constitution est une organisation collectivement
élaborée pour que les citoyens profitent au
mieux dans une société juste et apte à répartir
les richesses produites entre tous les individus
concernés.
Monsieur Valéry Giscard (dit d’Estaing)
en technocrate convaincu, considérant que le
petit peuple n’est qu’un amas de petits frères
débiles et incompétents qu’il faut tenir par la
main comme des êtres inférieurs que le seigneur
féodal considère comme des serfs n’a pas élaboré une constitution mais un
règlement interne d’entreprise. Les aspirations populaires et les espérances
des hommes, cela n’a pas à être pris en compte.
Un petit détail
symptomatique :
Dans une première
mouture, il était
stipulé que l’Europe
était chrétienne. Et
allez donc ! Ceux qui
n’étaient
pas
chrétiens n’auraient
été que des Européens de second ordre. On n’est- pas allé jusqu’à proposer
de ré allumer les bûchers de la sainte inquisition, mais pas loin. Chose
amusante, Monsieur Chirac, alors président en
France a été de ceux qui se sont opposés
vigoureusement à cette affirmation. Cela n’a pas
été retenu.
Je me suis amusé à lire ce projet de
constitution. Enfin, amusé, c’est beaucoup dire.
C’était très technocratique et remarquablement
ennuyeux.
Et
puis,
comme
c’était
remarquablement trop long, je me suis arrêté à
quatre-vingt pages de la fin. C’était désolant. Je
pense que vous avez compris que j’ai voté « non ».
D’autres que moi ont aussi voté « non » ; oui, je sais, pour des raisons
diverses souvent contradictoires et souvent souverainistes. Toujours est-il
que ce projet à été rejeté dans plusieurs pays membres de la Communauté.
Ce qui m’aurait semblé bien, et
progressiste et social, et constructif et
conquérant, cela aurait été que les partis
qui se disent, se croient et se présentent
comme de grands partis populaires
relèvent le flambeau et proposent une
autre constitution : Une vraie, une
généreuse, une humaniste. Bah non. On
en est resté là.
De plus, le conseil de l’Europe, pour bien montrer son sens du respect
des décisions des citoyens européens a décidé (lors du traité de Lisbonne le
1er décembre 2009) de passer outre et, en gros, d’appliquer (partiellement)
les dispositions de cette fausse constitution rejetée par les peuples.
A partir du traité de Lisbonne, la communauté s’appellera désormais
union européenne.
De nouveaux états entrent dans l’union.
En 2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte,
Pologne, République Tchèque, Slovaquie et Slovénie.
En 2007 : Bulgarie et Roumanie.
L’élargissement de l’Europe, malgré ses vicissitudes, continue.
D’autres états, dont encore la Turquie, sont toujours candidats.
Personnellement, je vois avec un grand plaisir des peuples chercher à s’unir
dans une grande confraternité.
Mais, quand se décidera-t-on à bâtir
L’Europe des peuples
Et non des capitaux ?
L’Europe
Espoir d’avenir
Nous avons tenté de parcourir
l’évolution et l’expansion de l’Europe à
travers son histoire. Pour ma part, voir
que des états qui, à travers le temps,
avaient la sale manie de se battre on
envie de s’unir, me remplit de
jubilation. J’aimerais même que cette
fraternité humaine se poursuive.
Certains états ne sont toujours pas
membres de l’union. C’est regrettable. Oh, je ne veux pas les contraindre.
Si la Suisse et la Norvège préfèrent rester
administrativement extérieurs, ce n’est pas grave.
De
toutes
façons,
humainement
et
économiquement, cela ne change pas grandchose. En revanche, certains autres états on fait
acte de candidature et n’ont pas encore été
acceptés. Je trouve cela plus inquiétant. Pour les
repousser, on allègue la présence de pouvoirs non
démocratique. C’est possible. Je ne suis pas
certain que ce soit la seule vraie raison.
J’ai une impression. Ce n’est qu’une
impression, hein, mais c’est quand même une
impression. Il y a, à l’heure actuelle sept pays qui ont entamé un processus
d’adhésion à L’UE. Pour deux d’entre eux, on
imagine une date d’entrée possible. Ce sont la
Croatie et l’Islande. Bon. Tant mieux pour eux.
Mais il y en a cinq autres pour lesquels l’UE
n’envisage pas de date d’entrée. Curieux ! Ça. Ce
sont : l’Albanie, la Macédoine, le Monténégro, la
Serbie et la Turquie. Et pour ce qui est de la
Turquie, il y a rudement longtemps. Alors, je me
suis posé la question suivante : Y aurait-il un
point commun à ces états ? J’ai constaté une
chose étonnante. Bon, je vous la livre comme ça.
Vous en faites ce que vous voulez. Ces pays on
une plus ou moins large partie de leur population
musulmane. Bien sûr, vous vous récriez : Des musulmans, il y en a dans
toute l’Europe ! Oui, bien sûr, mais non.
Dans toute l’Europe, de nombreux
musulmans sont des immigrants de plus
ou moins fraiche date. Dans ces pays,
c’est différents. Nous constatons une
existence musulmane ancienne. Ce sont
des pays dans lesquels la tradition
religieuse est musulmane depuis le
moyen âge. Ce sont des pays musulmans
dans lesquels il peut y avoir un certains
nombre de chrétiens. Vous ne me croyez
pas ? Alors, je vous donne un peu de détail. En Albanie : Malgré la
tentative de rechristianisassions de Scanderbeg au milieu du moyen âge, il
n’y a pas de majorité religieuse mais l’Islam représente la plus forte
minorité (38%) devant les catholiques et les orthodoxes. En Macédoine,
l’argument officiel est le veto absolu des Grecs qui refusent la Macédoine
parce qu’elle porte le même nom qu’une province grecque. C’est absurde.
C’est comme si la France refusait la
présence de la Grande Bretagne parce
qu’en France il y a une province qui
s’appelle la Bretagne. En revanche, en
Macédoine,
les
musulmans
sont
nombreux et il y a, de plus, une forte
minorité albanaise musulmane. Au
Monténégro : Nous avons aussi de fortes
minorités musulmanes albanaises et
bosniaques (les Bosniaques, je vous en
reparlerai après). En Serbie il y a relativement peu de musulmans si ce
n’est une minorité bosniaque non négligeable. En revanche, la Serbie est
orthodoxe. Oui, bien sûr ! Mais la Bulgarie et la Roumanie aussi sont
orthodoxes et cela n’a rien empêché ! Euh, dire que cela n’a rien empêché,
c’est un peu abusif. Il a fallu du temps. Mais bon, ça s’est fait. Alors
pourquoi pas la Serbie ? La Serbie est orthodoxe, certes, mais largement
imprégnée de bogomilisme. Allons bon ! Qu’est-ce que c’est encore que ça ?
Le bogomilisme, c’est une déviance de l’orthodoxie (du nom du prêtre
bulgare Bogomile) très imprégnée de manichéisme persan. Pendant deux à
trois siècles, au moyen âge, l’église romaine a soutenu une répression féroce
contre le bogomilisme. Pour Rome, le bogomilisme est une hérésie. On
assimile souvent l’hérésie cathare du sud de la France au bogomilisme. De
plus, pour la Serbie, il y a le problème du Kossovo. Je vous expliquerai à
propos du Kossovo.
Il est amusant de constater que
la Slovénie catholique n’a pas eu trop
de mal à intégrer l’Europe et que la
Croatie non moins catholique voit sa
candidature examinée avec un œil
favorable alors que les autres états des
Balkans sont repoussés comme des
suppôts de l’antéchrist.
Votre perspicacité n’a pas été sans remarquer que je ne vous avais
pas parlé de la Bosnie et du Kossovo.
Attendez ! On y arrive !
Pour ceux-ci, il n’est même pas
prévu de date pour un dépôt de
candidature.
La Bosnie est constituée de trois
ethnies principales : Des Serbes orthodoxes, des Croates catholiques et puis
les autres (majoritaires) que l’on appelle les Musulmans (Avec une
majuscule comme si c’était une nationalité). Ces derniers se nomment, eux
même, les Bosniaques. Du coup, le mot
bosniaque devient ambigu. Il peut
désigner, selon les cas, soit les habitants
de la Bosnie ou les seuls musulmans.
On a vaguement tenté, à une époque,
d’introduire le nom de Bosnien pour
parler de l’ensemble des habitants de la
Bosnie mais cela n’a pas eu de suite. Il
s’en suit que la Bosnie est peuplée de
Bosniaques musulmans (ou de Musulmans bosniaques) et de deux autres
minorité chrétiennes différentes. Si l’on veut faire référence aux attaches
religieuses, la Bosnie serait donc, majoritairement, musulmane.
Pour ce qui est du Kossovo, c’est encore
plus drôle. Les Kosovars sont quasi
unanimement musulmans. Il y a chez eux deux
minorités : Des Albanais musulmans et une
petite frange au nord de Serbes Orthodoxes. Le
Kossovo est donc musulman à environ 90%. Il
s’en suit trois conséquences. Premièrement, on
ne peut pas envisager l’intégration d’un tel état dans l’union européenne.
Deuxièmement, pour l’ONU, il est difficile
d’admettre l’existence d’un état musulman au
cœur de l’Europe. Le Kossovo n’a pas pu réunir
une majorité d’inscrits à l’ONU pour y entrer. Il
faut reconnaître que certains états sont réticents
à avaliser une sécession du Kossovo par rapport à
la Serbie ce qui créerait un précédent les
conduisant à accepter chez eux la même
manipulation. Si l’Espagne admettait la sécession
du Kossovo, il lui deviendrait difficile de refuser
la même chose pour le Pays Basque et la
Catalogne. Si de nombreux états ont reconnu la
souveraineté du Kossovo, il n’en reste pas moins
officiellement une province de la Serbie. Et c’est là que, troisième
conséquence, La Serbie, augmentée du
Kossovo voit sa population musulmane
augmentée de façon très significative. Alors,
vous pensez, déjà qu’elle est marquée du
sceau de l’infamie hérétique avec son passé
bogomiliste. On ne veut pas d’elle.
Bon, Pour la Turquie, je ne vous fait
pas un dessin. Elle est candidate à l’entrée
dans l’Union européenne depuis quarante
huit ans. On veut bien de ses troupes dans
l’OTAN mais de là à la laisser entrer dans
l’Europe, il ne faut pas exagérer. Que l’histoire de la Turquie soit mêlée à
celle de l’Europe depuis presque un millénaire, que François Ier et Louis
XIV aient étés alliés du Sultan, c’est une chose ; mais, de là, pour certains
membres du conseil de l’Europe qui, dans un premier temps, lors de cette
tentative échouée de constitution, imaginaient d’y affirmer une tradition
chrétienne, voir entrer un état de près de quatre vingt millions de
musulmans, ce serait proprement blasphématoire ! Si encore ils acceptaient
de se convertir à la sainte Eglise catholique,
apostolique et romaine. Mais c’est qu’ils refusent,
ces malappris.
C’est drôle, hein. Niaisement, je croyais que
nous étions entrés dans une période où la sainte
inquisition n’était plus qu’un mauvais et lointain
souvenir. J’avais imaginé qu’aujourd’hui on
voyait s’épanouir et triompher la tolérance. Je suis
déçu.
Repousser des gens qui souhaitent être nos
amis, n’est-ce pas le plus sûr moyen de s’en faire
des adversaires ?
En 2000, les grands chantres de l’Europe on inventé une nouveauté
que je trouve intelligente. L’euro. Si, si ! L’euro. Tous les membres de la
communauté ne sont pas dans la zone euro
mais c’est déjà ça. Je ne sais pas si vous avez
remarqué, mais chaque fois que des humains
trouvent un moyen d’entente ou de
rapprochement, cela me remplit d’aise.
Rassurez-vous, hein, je ne me laisse pas
abuser. Il est entendu que l’Euro sert
davantage
aux
grandes
entreprises
multinationales qu’aux plombiers de la
creuse ou qu’aux éleveurs de rennes
finlandais. Cela a permis en outre une hausse
des prix fracassante ; mais c’est fait. Au lieu
de compter ses billes chacun dans un coin et des billes différentes en plus.
Nous parlons (ceux de la zone euro) de la même chose. Comme tout le
monde, j’ai eu un petit pincement au cœur quand le franc, après neuf cents
ans de bons et loyaux services, a été mis au rancard. Mais, nous sommes
grands ; nous sommes capables de dépasser les petites mesquineries
particularistes. Nous sommes européens, alors, vive l’Euro. Oui, vive l’euro
en espérant un jour voir disparaitre l’euro au profit du « mondio ».
Pendant que nous parlons de l’élargissement de cette possibilité de
confraternité humaine supra nationale, je voudrais vous parler d’une petite
chose que je trouve très intéressante. M Sarkozy, que les uns et les autres
gratifieront des qualités et des défauts qu’ils lui prêtent, nous suggère de
façon récurrente un espace économique méditerranéen. Vous avez
remarqué, hein ! Il ne parle pas d’espace populaire. Mais quand même la
CEE a commencé aussi comme ça. Moi, je suis pour. Du reste, son
intervention en Lybie… S’il n’y avait pas de pétrole, on peut se demander
si… Quoi qu’il en soit, s’apercevoir que de l’autre côté de la méditerranée il
y a aussi des gens avec lesquels nous avons des relations plusieurs fois
millénaires, ce n’est pas mal non plus. Où c’est un peu paradoxal, c’est que
cela voudrait dire que le monde méditerranéen n’intéresserait qu’une
partie de l’Union européenne. Bah oui ! Les rives méditerranéennes de la
Pologne ne sont pas très conséquentes. En fait, je serais partisan d’élargir la
notion de communauté à l’Afrique du Nord et au proche orient. Du coup, il
faudrait lui trouver un autre nom. Cela reviendrait à ressusciter le vieux
monde romain agrandi de l’Europe du Nord. J’aime assez cette vision. Elle
permettrait, entre autres, de gommer
les antinomies religieuses et, en
conséquence, il ne serait pas illogique
d’imaginer la chose allant jusqu’ aux
confins de l’ancien empire d’Alexandre
qui correspond, du reste, à la plus
grande expansion historique de la
Turquie. Dans l’aventure, la Russie
n’étant plus un monstre de population
et de surface par rapport au reste du
l’Union pourrait opérer un rapprochement. L’union n’aurait, dans un
premier temps plus d’autres limites que les régions peu peuplées formant
des barrières naturelles (le Sahara, l’Himalaya, les steppes de l’Asie
centrale).
Alors là, vous vous dites : Ça y est, il est devenu
fou. Non, même pas. Pour moi, le but ultime est une
réunion confraternelle de tous les peuples de la terre.
Je sais bien que pour les possesseurs de trusts
internationaux qui nous gouvernent, le but est de
former un bloc économique suffisamment puissant
pour pouvoir rivaliser avec d’autres groupes
économiques, les dépasser, les ruiner, les agenouiller
et les racheter à vil prix afin d’arriver, à terme à une situation de monopole.
Lors de la création de la CEE ; pour le Général de Gaulle, le but était de
faire face à l’industrie américaine. De nos jours, c’est toujours vrai, mais il
y a, de plus, la Chine et l’Inde. Ceci est le fonctionnement économique
capitaliste. Moi, je ne cherche pas à lutter contre d’autres hommes, mais à
coopérer avec eux. On nous agite souvent l’épouvantail de la mondialisation
et, des gens, avec des intentions pures, sortent dans la rue en criant : Non à
la mondialisation ! C’est absurde. La mondialisation des capitaux et des
puissances industrielles, elle est déjà faite. Tout le monde sait
qu’aujourd’hui, des entreprises chinoises ou japonaises possèdent des
usines en France et que dans le même temps, des entreprises françaises et
européennes ont fait bâtir des installations en
Chine et au Japon. S’élever contre la
mondialisation est, au sens propre du terme
(vouloir revenir à une situation passée et
révolue), une position réactionnaire. Vers
1960, nous avons crié « non à l’Europe des
capitaux » et
nous n’avons
rien
fait.
Résultat :
Nous avons eu
l’Europe des capitaux et pas celle des
peuples. Ne nous laissons pas gruger une
deuxième fois. Je ne dis pas que la chose est
facile mais, forts de notre expérience,
sachons expliquer à nos amis chinois, ou
autres, ce qui nous attend, eux et nous.
Ceci est d’autant plus important que la mondialisation ne peut être
qu’une étape ultime. Je vous explique. Deux cas de figures. Pour
contrecarrer
les
mouvements de
revendication
sociale,
les
entreprises ont
intérêt
à
disperser leurs
lieux de fabrication. Ainsi, une grève dans une usine deviendra négligeable
dans l’ensemble des usines. Si les salariés sont capables de se concerter, il
faut disperser de plus en plus loin, dans
des lieux de plus en plus différents.
Quand la dispersion est mondiale, on ne
peut plus aller plus loin. Deuxième
situation : Pour échapper à des
législations sociales trop favorables aux
salariés, on délocalise. Quand la
mondialisation est réalisée, si les salariés
ont su, eux aussi se mondialiser, où
voulez-vous que l’on délocalise ? Sur la
lune ?
La mondialisation est donc bien, comme je le disais, une situation
ultime et définitive.
L’Europe n’a pas fait l’Europe des peuples. C’est vrai. L’Europe
supranationale a été bâtie pour les entreprises multinationales par les
dirigeants de ces mêmes
entreprises. Il ne faut
pas attendre d’elles
qu’elles
inventent
l’union des populations à
laquelle,
elles
ont,
précisément l’intention
d’échapper.
Pourquoi
voulez vous attendre des
loups qu’ils organisent le
système de protection
des brebis ?
Alors, je dis : Vive l’Europe des peuples conscients. Vive la
mondialisation fraternelle de tous les humains et, reprenant une idée de
Marx et Engels en 1848 en en modifiant très peu la verbalisation, je suis fier
de m’écrier :
Travailleurs de tous les
pays,
Unissons-nous !
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