Marsei/l~.
Trames
el
paysages urbains
de
G)plis
au
Roi
Reni. Actes du colloque
de
Marsei/l~
1999.
AiX-en-Provence.
2001.
Éludes
M3Ssalièles
7,
279-292.
L'architecture religieuse
médiévale àMarseille
ANDREAS
HARTMAN
-VIRNICH
avec la collaboration
de
MARC
BOUtRON,
GABRIELLE
DÉMIANS
D'ARCHIMBAUD,
MICHEL
Flxar,
FRANÇOISE
PAO
E.
CÉLINE
SALVETAT
Les édifices religielu panicipelll pleinemem àl'animation du paysage urbain. Les exemples les mieux consen1és ou les mieLu
documelllés (Notre-Dame-la-MajOl; Sailll-Lallrent. Saim-Jean, Notre-Dame des Accoules, Saint-Victor) témoignelll
de
programmes
architecwrauxd'envergure, SOLn'elllnovateurs. àla mesure des prételllions de leurs commarzdiraires. L'histoire
de
ce
bâti illustre éga-
lement les
en
je
lU
du
pouvoir au Moyen Âge.
Religiolls edifices
arefully
im'olved
in
the animation
of
the urballlandscape.
The
best preserved
ordocwllemed
examples (Notre-
Dame-la-Major. Sailll-Laurelll, Saillt-Jeall, Notre-Dame-des-Accollles, Sailll-Victor)
bear
witness to large-scale, often inllovarive,
arclzitectectltral
pmjects
inkeeping with tlteir sponsor's claims. Tite history
of
titis building equally illustrates
t!Je
power
srakes
in
the
Middle Ages.
Dans
un
colloque
dédié
aux
Trames
eT
paysages
urbains,
le regard
sur
l'architecture
religieuse doit tenter
avant tout de
cerner
la manière
dont
le
monument
s'ins-
crit
dans
la
topographie
de
la ville
et
de
ses
abords
et
dont
il
affirme la présence
de
son propriétaire. L'état
de
nos
connaissances
nous
oblige
à
traiter
ce
thème
de
manière
sélective. En
dehors
des
monuments
majeurs,
l'aspect
de la plupart
des
églises médiévales
de
Marseille
n'est
connu
que
par
les plans, vues
et
cartes
des
XVI',
XVII'
et
XVIII'
s., certes
nombreux
mais
souvent
trop
schématiques
et
contradictoires
pour
nous en
donner
une
idée fiable. Postérieurs àla
destruction
des églises extra-
muros en 1523-1524 (Bouiron 1995a,
42),
ils ne peuvent
renseigner
qu'imparfaitement
sur
la
topographie
reli-
gieuse
des
faubourgs
médiévaux.
Trop
emblématique,
l'image
du clocher, le
type
de
représentation le plus
cou-
rant
dans
les
sources
iconographiques,
marque
certes
la
présence
monumentale
des
églises
dans
et
autour
de
la
ville, mais elle ne suffit
pas
àdéfinir
une
réalité,
d'autant
que
les
clochers
et
tours
des
monuments
les
mieux
connus sont
de
date
tardive:
il en va ainsi
pour
les
clo-
chers disparus de la
Major
et
de
l'église
Saint-Laurent,
comme
pour
celui de
l'église
des
Accoules,
sans
parier
du monastère fortifié de Saint-Victor. ous ne savons pas
si,
ou
dans
quelle
mesure, les sites religieux
des
XI',
XII'
et
XIII'
s.
s'affirmaient
par
la
présence
de
tours, à
l'ex-
ception
notable
de
l'abbaye
de
Saint-Victor,
dont
la tour
d'Isarn
était toutefois
sensiblement
moins élevée. Àplus
forte raison, il est difficile, voire impossible
d'évaluer
la
réalité
architecturale
à
laquelle
se
rattachent
les repré-
sentations
des
églises
et
de
leur
contexte
monumental
dans
ces
mêmes
documents
:
ainsi,
la
célèbre
vue
d'Ercole
igra
(Ramière
de
Fortanier 1978,
nO
6)
1,
dont
la
précision
-
certes
appréciable
-
reste
toute
relative,
répète-t-elle plusieurs fois un
même
schéma:
celui
d'une
église
àtrois nefs,
ou
nef
centrale
bordée
de
chapelles
plus
basses
réunies
sous
un
même
toit,
terminée
par
une
abside
et
flanquée
d'un
clocher
haut
de
plusieurs étages,
associée
à
une
clôture
rectangulaire
et
à
une
cour
de
même
forme
bordée
de
deux
ailes de
bâtiments
perpen-
diculaires.
D'autres
édifices
se
distinguent
par
des traits
individuels
vérifiables:
la
Major
par
son
clocher-mur
courbe,
Saint-Laurent
et les
Accoules
par
leurs clochers
disposés
au
sud-ouest
de
la nef,
et
avant tout
l'abbaye
de
Saint-Victor.
La
commanderie
Saint-Jean,
au contraire,
n'est
figurée
que
par
la
seule
tour
du Roi
René:
com-
ment
donc
faire la part
du
schéma
et
de
la réalité
pour
le
cas
des
édifices
disparus?
Dessinée
probablement
en
1591. Archivo
di
Stato
di
Torino,
JB
1-5, Architettura militare,
1.
3,
Francia.
ro
19
VO-202°. Cf. Bianchi, Durbec,
Raymon
1965-1966.
166;
Démians d'Archimbaud 1971. 88
ct
nO
1 ; publié
dans
Dainville 1969.
280
Aussi préférons-nous nous limiter aux édifices dont
nous pouvons restituer,
au
moins dans leurs grandes
lignes, l'ordonnance architecturale, et qui intéressent plus
particulièrement la relation entre le bâti el
le
pouvoir:
Notre-Dame-la-Major. la cathédrale ;Saint-Laurent,
l'église de
la
Prévôté;
la
chapelle Saint-Jean. de l'ordre
militaire des
Hospitaliers:
Notre-Dame des Accoules,
dépendance de l'abbaye Saint-Sauveur dont l'aspect nous
est toutefois bien moins
connu:
enfin. face à
la
ville, l'ab-
baye de Saint-Victor. epouvant traiter les complexes
monumentaux cathédraux et monastiques dans leur
ensemble. nou nous concentrerons sur l'architecture de
leurs églises, en tenant compte de l'état très inégal de
la
recherche'
.
Les églises majeures s'affirmaient dans la topographie
urbaine par leur emplacement exposé, par l'emprise du
complexe monumental auquel elles appartenaient el par
leurs dimensions dominant le bâti environnant par la
masse de leurs nefs 3 : la cathédrale surplombant le litto-
rai:
l'église de
la
commanderie hospitalière de Saint-Jean
et
la
paroissiale Saint-Laurent, l'entrée du
port;
"église
des Accoules,
la
rive nord du Lacydon ;et Saint-Victor,
particulièrement visible, la rive sud de celui-ci.
J. Les églises
de
Marseille
du
XI'
au
XIII'
s.
La cathédrale médiévale hérite de ses antécédents son
emplacement particulier, en conservant
jusqu'au
XIV'
s.
le baptistère de l'Antiquité
tardive"
La reconstruction
romane de l'église, àproximité de laquelle se situent ou
se situeront les bâtiments du quartier cathédral, dont la
Prévôté, accentuera encore la proximité du littoral, une
situation qui
ne
semble pas sans rapport avec la manière
dont les autres édifices religieux majeurs se présentent,
eux aussi, du côté de la mer et du port.
II
en va ainsi pour
la paroissiale de la Prévôté, Saint-Laurent, dont la
construction, peut-être pas antérieure
au
début du XIII' s.,
s'inspire, entre autres, du parti architecturaJ de la nefde
la
cathédrale, déjà terminée ou en cours d'achèvement. La
chapelle de la commanderie Saint-Jean,
si
elle reste en
retrait sur l'aile principale du complexe monumental en
bordure de l'entrée du port, en impose non moins par son
volume qui marque l'importance du lieu de culte dans cet
Andreas
HARTMA
N-VIRNICH
er
alii
établissement àvocation militaire. De l'autre côté du port,
l'abbaye suburbaine de Saint-Victor. tributaire comme la
cathédrale de l'emplacement
d'un
site antique, mais sans
continuité d'occupation altestée avec certitude, fait l'objet
de plusieurs reconstructions, pour la plupart difficiles à
restituer, dont chacune met en relief le prestige du monas-
tère en empruntant
au
vocabulaire architectural caracté-
ristique des édifices majeurs de
la
région.
Ce n'est pas le lieu ici de proposer une véritable étude
monumentale de ces édifices. Aussi nous limiterons-nous
aux particularités remarquables qui leur confèrent une
place àpart dans l'architecture romane régionale et qui
posent la question des intentions qu'elles pouvaient tra-
duire aux yeux des commanditaires.
2.
La
cathédrale
Notre·Dame·la·Major
:
l'église
romane
En dépit de l'apport des investigations archéologiques
récentes, l'histoire monumentale de
la
cathédrale médié-
vale avant sa reconstruction romane reste pour ainsi dire
inconnue. Des fragments de chancels àentrelacs et une
bordure de table d'autel (Benoit 1932, 158-159; Roustan
1905, pl. 23) 5supposent, pour le moins, l'existence
d'aménagements liturgiques du haut Moyen Âge àl'inté-
rieur de l'édifice, ou
d'un
des édifices de l'Antiquité tar-
dive.
Si
les sources attestent
un
rétablissement du tempo-
rel du siège épiscopal àpartir du dernier tiers du X,
s.
(GCNN,
nO
70 et suiv.),
la
façon donl
le
cadre monumen-
tal de la cathédrale aévolué au cours du XI'
s.
est incer-
taine. La signification du célèbre passage de l'obiit de
l'évêque Pons Il (1073) qui reœdificavit al1tiquam sedem
(GCNN,
nO
131, col. 62) reste en effet obscure. La consé-
cration de l'abbatiale de Saint-Victor en 1040, événement
dont le caractère exceptionnel est attesté par la présence
d'un
grand nombre d'ecclésiastiques, religieux el laïcs de
haut rang (GCNN,
nO
104 col. 54-58), suppose certes
l'existence
d'un
chantier important
sur
l'autre
rive du
Lacydon au second tiers du
XI'
s., époque àlaquelle
débute, dans d'autres villes épiscopales de
la
région, la
reconstruction du groupe cathédral, comme àCavaillon
et àAix 7 : un renouvellement qui pouvait toutefois se
limiter àla transformation du bâti
d'origine
paléo-
2Voir aussi Hartmann-Vimich 1997.
3Àcet égard. certains dessins réalistes du xvncs. apportent un témoignage
précieux:
une vue de Marseille réalisée entre 1623 et 1636 (attribuée
àCornelis Vroom. Vienne. Osterreichische Nationalbibliothek, Allas Blaeu van der Hem. Publié
dans:
Ramière de Fonanier 1978,
nO
9) fait res-
sortir ainsi la masse de J'église des Accoules qui. dans un dessin du milieu du
XVIIe
5..
d'une
exceptionnelle acuité (auribué àIsraël Silvestre.
Marseille. Musée Cantini. Publié
dans:
Ramière de Fortanier 1978.
nO
14). domine l'enchevêtrement des toitures par sa nef centrale et son che-
vet
(?) carré (cr. illfra,
p.
287).
4Clerc 1927-1929. tome Il. 468-472. cité dans Barral iAller. Drocourt 1974,
nO
3:
Février 1954,424. Le maintien du baptistère antique s'inscrit
dans
le
contexte des efforts réalisés depuis le
XI~
s.
dans d'autres diocèses. dont Aix et Riez, pour restaurer les baptistères paléochrétiens.
5
Un
autre fragment de chancel àentrelacs aété trouvé en 1993 aux abords de l'édifice (Fournier
1993);
deux autres en 1995 dans le sondage de
l'abside de l'édifice roman (Souiron 1995b. 76).
6Cf. notice de
R.
Guild dans le dossier Cavaillon, Inventaire général, PACA,
Aix-en~Provence,
1989;
Thirion 1991,387.
7C'est pour le moins le cas du baptistère, entièrement reconstruit vers 1060-1080; cf. Guild 1987.63-65.
..
';
,1
L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE MÉDIÉVALE ÀMARSEILLE
chrélienne,
comme
àDigne (Démians
d'Archimbaud
1989 ;NOIre-Dame du Bourg, une vie de cathédrale 1990,
19;
Démians d'Archimbaud 1997, 160 sq).
Si
les lermes
de
)'obiit
suggèrent
non
seulement
la
«réédification»
du
temporel,
mais
aussi
celle
de
l'édifice
de
1'«
ancien
siège»
épiscopal, comme l'admettent sans hésiter
F.
Benoit (1932,
159) 8et, après lui, J.-M. Rouquette (1974, 409), rien n'at-
lesle l'étendue de ces Iravaux. Aussi est-il possible que
ceux-ci se soient bornés àune simple remise en élat de
l'édifice ou des édifices paléochrétien(s), accompagnée de
modifications et d'ajouts. Peut-être en allait-il ainsi pour le
polygone absidal intérieur en appareil mixte au-dessous de
la voûte plus tardive, vestige possible
d'un
premier état du
XI' s., comparable àJ'abside installée vers la même époque
dans
le
chevet
du
VI'
s.
de Notre-Dame du Bourg à
Digne?
Ruffi (1696,
li,
5) signale en effet
qu'«
en
l'an
1050,
l'évêque Pons Il du nom
fit
rebâtir la voûte
du
chœur qui
étoit
entièrement
en
ruine
»,
une
information loutefois
non
référencée qui ne peut servir àconforter cette hypothèse
'.
On ne peut donc écarter d'office une autre attribution du
polygone àune première phase,
encore
hésitante,
de
la
mise en œuvre de l'église actuelle, àpartir de la
fin
du XI'
ou du début du XII'
s.
(Hartmann-Virnich 1992 (2000),
574-575, 583-584, et fig. 2,
fig.
5).
La mise en
œuvre
de
l'église
romane
dut
se
pour-
suivre
jusqu'à
la
seconde
moitié du
X\I'
s.,
d'après
la
typologie
de
l'appareil et
de
la modénature
de
la dernière
travée de la nef, plus tardive que les parties orientales.
Si
la nef romane devait sans doute atteindre la limite occi-
dentale
de
l'édifice
antique
dans
l'alignement
de
la
façade du baptistère voisin, la réalisation effective
de
ses
cinq travées
10
reste
incertaine:
en
ce
cas, les deux pre-
mières travées auraient disparu très tôt, peut-être dès le
milieu du
XI\'
s.
",
pour faire place àla prévôté. La des-
truction de celle-ci avec les deux travées suivantes
de
la
nef, en 1852-1853, nous prive de tout indice de la chro-
nologie
d'un
chantier de premier ordre qui inspira mani-
festement la construction
de
l'église Saint-Laurent, vers
le début du XJJJ'
s.
Les fouilles de
F.
Paone "ont mis en évidence la rela-
tion étroite entre
l'emprise
au sol
de
la cathédrale romane
et celle des vestiges, certes très fragmentaires, du premier
groupe cathédral. Les murs et lambeaux
de
mosaïques de
pavement reconnus en fouille attestent la
permanence
d'alignements hérités de l'Antiquité tardive à
l'emplace-
281
Fig.
1.
Plan
des
parties romanes de
la
Major
(A.
Hartmann-Virnich).
Fig.
2.
La
Major:
vue de l'abside
(A.
Hartmann·Virnich).
ment
de
la
cathédrale
médiévale,
dont
la largeur hors
œuvre était identique, selon le plan du
XIX'
s.
(Roustan
1905, pl. 3) (fig.
1)
",
au module
de
celle du baptistère
paléochrétien voisin, données qui ont sans doute influencé
certains choix qui confèrent à
l'ordonnance
de l'église
romane
un
caractère particulier.
L'envergure inhabituelle du plan
de
l'église, notam-
ment celle des espaces axiaux (abside, travée de chœur,
croisée et
nef
principale), pourrait en effet être tributaire
8
D"après
de
Rufli (voir
note
9).
9Voir
dans
ce
sens: 8ouiron 1995b. 70-83. L'on
peut
envisager la possibilité que
les
libages
de
la
fondation de l'abside identifiés
en
fouille pro-
viennent d'une abside préromane.
10
Affirmée
par
F.
Benoit
(1932.160).
F.
Roustan
(1905)
ne
mentionne pourtant aucun vestige
de
ces
travées qui aurait
été
repéré
lors
des
fouilles
àl'emplacement
de
la nouvelle Major.
Il
Selon
une
hypothèse
de
M.
Bouiron.
12
Cf. ['étude de
F.
Paone
et
M.
Bouiron supra,
p.
225-234.
13
La longueur
des
cinq travées hypothétiques
de
la
nef romane, depuis
sa
façade alignée
sur
le mur occidental
du
baptistère jusqu'au mur orien-
tai
du
groupe cathédral antique, pourrait avoir
été
égale
au
double
de
ce
même module.
282
Fig.
3.
La
Major:
croisée
et
nef,
vers l'ouest
(A.
Hartmann-Virnich).
Fig.
4.
La
Major:
croisée
et
nef,
vers le nord
(A.
Hartmann-Virnich).
Andreas
HARTMANN-VIRNICH
et alii
des antécédents paléochrétiens dont l'organisation nous
échappe toutefois. Elle a, en tout cas, donné lieu àdes
solutions architecturales inhabituelles ou
insolites:
la
vaste abside (fig. 2) àenveloppe polygonale intérieure
-dont
l'antériorité
partielle à
l'édifice
du
second
âge
roman, non impossible, reste à
élucider;
la travée de
chœur
dotée
de
passages latéraux larges
et
élevées;
le
plan barlong
de
la croisée, qui imposa le recours àun
nombre exceptionnel
d'arcs
en encorbellement superpo-
sés
pour
établir le
tambour
carré
de
la
coupole
sur
trompes, empruntée au répertoire classique de l'architec-
ture régionale (fig. 3) ;le transept non saillant dans l'ali-
gnement des murs gouttereaux
de
la
nef;
l'épaulement
de
la voûte en berceau de la vaste
nef
centrale (fig. 4)
par
les
berceaux latéraux des collatéraux spacieux qui remplacent
les bas-côtés exigus voûtés en demi-berceau
de
la majorité
des nefs apparentées, l'équilibre des trois voûtes interdi-
sant ainsi la surélévation de la
nef
centrale et son éclairage
indépendant. Les nefs
de
la cathédrale
de
Vaison et de la
priorale Saint-Honorat des Alyscamps, près d'Arles, illus-
trent l'influence du réemploi
d'une
vaste enveloppe plus
ancienne
14
sur l'ordonnance de l'édifice voûté du second
âge roman, caractérisée par des solutions comparables.
Quelles
qu'aient
été les raisons
pour
avoir adopté cette
ordonnance
originale,
l'ampleur
de
l'espace
interne
de
l'église, la hauteur
de
son voûtement, la longueur
de
la
nef, ainsi que certains détails insolites
15
manifestent la
volonté de placer la cathédrale marseillaise parmi les plus
grands monuments religieux
de
la région.
La
nef
possé-
dait, ou devait recevoir, les cinq travées qui caractérisent
plusieurs grands édifices
romans
provençaux,
dont
les
cathédrales
d'Arles
et
d'Aix
1.,
l'abbatiale
de Cruas
",
et
les priorales
de
Saint-Honorat des Alyscamps, de Donzère
14
D'après les sondages récents,
le
premier état des
murs
gouuereaux de la nef «découverte» des Alyscamps, déjà modifiés une première fois à
une époque romane antérieure à
la
reconstruction
du
XIIe s., pourrait remonter àl'Antiquité tardive (cf. Hartmann-Virnich, Heijmans
1994;
1995). L'enveloppe de
la
nef
du
XIe s. de Vaison, conservée lors de la réédification complète des structures internes avec "introduction
du
voû-
tement, hérite l'écart exceptionnel entre ses
murs
gouuereaux d'un édifice antique conservé en fondation (voir récemment: les rapports de
fouilles dactylographiés, déposés
au
SRA-PACA, de
C.
Michel d'Annoville, Vaison-La-Romaine. Sauvetages urgents 16 août -
30
décembre
1993. La cathédraLe Notre-Dame de Nazareth. Étude des sondages
du
chanoine
1.
Sautel, et de
F.
Guyonnet, Vaison-la-Romaine. Cathédrale
Notre-Dame-de-Nazareth, décembre 1995-janvier 1996.).
15
tnsoiiles sonl,
par
exemple, les demi-coupoles sur trompes des travées de chœur latérales -
dont
l'originalité
est toutefois incertaine -et les puis-
santes nervures sur consoles
du
cul-de-four absidal.
16
La nef septentrionale Sainte·Marie·du-Siège,
du
début
du
XIIe s., comportait cinq travées, division reprise
par
les travées homologues de
la
nef
méridionale Saint-Maximin, plus lardjve (vers
1165
selon
R.
Guild),
qui
distingue toutefois une travée de chœur orientale précédée d'une
tra-
vée à
coupole
(Guild
1987,88-108).
17
ÀCruas,
la
travée occidentale, non prévue àl'origine,
fut
mise en place avec
la
travée contiguë lors d'une ultime campagne de construclion, à
la
fin
du
XIIe s., en remplacement d'un massif occidental hérité des édifices antérieurs, mis en évidence
par
les fouilles de
J.
Tardieu (Tardieu,
Hartmann-
Vimich
1992, 100-102, 108-1 10).
3. L'église Saint-Laurent"
À
la
différence de la cathédrale, les origines de l'église
Saint-Laurent restent obscures. Mentionnée déjà en 1153
dans une bulle pontificale parmi les possessions de l'évê-
ché de Marseille
",
l'église
ne
réapparaît dans les textes
qu'au
début du XIII' s., bien après l'émancipation du cha-
pitre,
qu'un
arbitrage de 1158 avait encore soumis àl'au-
torité épiscopale
",
mais qui avait acquis son autonomie
en
1163"
:
il
n'est toutefois pas àexclure que le projet
L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE MÉDIÉVALE ÀMARSEILLE
Fig.
5. État de
la
Major au
début
du
XVIII'
s.
Michel Serre,
La
peste
de 1720 àla Tourette (détail). Montpellier, musée Atger.
et de
Savasse:
un
nombre maximal 18, qui
n'eût
été
dépassé
qu'à
l'abbatiale Notre-Dame de Montmajour, res-
tée inachevée
".
Une ordonnance semblable fut adoplée
par
la
suite àl'église de la Prévôté, Saint-Laurent, et,
peut-être, àcelle construite par l'abbaye Saint-Sauveur
aux Accoules, édifice disparu à
la
Révolution.
L'aspect eXlérieur de la cathédrale àl'époque de sa
création est difficile àimaginer, notamment
la
hauteur ori-
ginelle de ses différentes parties par rapport aux inégalités
du sol contemporain.
11
est toutefois certain que l'impor-
tante masse architecturale dominait surtout àl'ouest et au
sud. àen juger par
la
situation topographique antérieure à
283
la construclion de la nouvelle Major
et
au
réaménagement du litloral (fig. 5)
20
Si
l'église en impose par ses dimensions,
son décor -pour autant qu'il soit possible d'en
parler -reste sobre :les colonnes en réemploi
de l'arcature absidale, les symboles du
Tétramorphe des trompes de
la
coupole et, pour
les aménagements liturgiques,
un
devant d'autel
en marbre sont les principaux éléments sculptés
repérables. L'emplacement et l'aspect du ou des
portails romans sont apparemment inconnus. La
construction
d'un
portail
au
sud de
la
seconde
travée orientale
au
début du XV, s.
",
portail
remplacé au XVII'
s.
par
un
frontispice
baroque, palliait-elle l'absence ou la disparition
d'un
portail latéral roman plus
sobre?
Dans sa relation avec l'emprise
au
sol de
la
basilique paléochrétienne et avec le baptistère
antique préservé, la cathédrale romane s'ins-
crivait visiblement, peut-être ostentatoirement,
dans une tradition:
un
signe fort qui répondait
àcelui de
la
continuité qui était l'objectif prin-
cipal de
la
construction de l'abbatiale romane
de Saint-Victor, face à
la
ville, àl'aplomb des
monuments de
la
nécropole antique.
18
Comme pour
la
Major de Marseille, nous ne
complons
ni
la
travée de chœur,
ni
le
LranSepL
19
L'ébauche
du
mur
goullereau
nord
aété
laissée
en
attente
au-delà
de
son
pilier
occidental
actuel,
avec
l'amorce d'une sixième
travée
àpartir
du
lransepl. les deux travées orientales seules ayant été effectivement construites. C'est donc àton que J.-M. Rauquene
(]974.
364) n'en comple
que
cinq. L'élude de
É.
Magneni resle silencieuse à
ce
sujet
(1976. 198.200).
20
Une des premières photographies de Marseille. datée des années 1840 (publiée dans Bonillo
el
al. 1998. 10). illustre mieux que les nombreuses
représentations de l'ancien front
du
littoral les proportions réelles de l'ancienne Major
par
rapport àson environnement.
La
qualité médiocre de
l'image ne pennet toutefois de distinguer l'édifice que dans ses grandes lignes.
21
Portail élevé avant 1416
par
l'évêque Paul de Sade (Roustan 1905. 46. d'après Michel de Nostre-Dame (Nostradamus). Chronique
de
Provence.
V~
partie.
p.
561)
et
dont
la«
pierre de jaspe
»fut
offerte
au
cardinal de
Richelieu«
qui J'avait
demandée»
(Ruffi
1696.11,5).
Il
fUI
remplacé
en 1634. S'agirait-il de restes de
ces
matériaux qui ont été retrouvés en réemploi dans des réaménagements àl'intérieur des vestiges de
la
cha-
pelle des Pénitents moderne lors des fouilles
du
tunnel de
la
Vieille-Major, en automnelhiver
2000
?
22 Nous remercions
C.
Salvetat de nous avoir communiqué les résultats de ses recherches bibliographiques
et
archivistiques.
23 Sauvegarde pontificale d'Anastase
IV,
3
ka!.
de janvier
1153:
ADBdR. 5 G 91, Livre
Vert
de l'évêché de Marseille.
ra
114
vO.
Le
texte n'est cité
que partiellement dans
la
GCNN,
154. L'identification de l"église semble claire, dans
la
mesure elle est nommée après Sainte·Marie des
Accoules
et
Saint·Martin d'Arenc, qui dépendait
elle
aussi
du
chapitre.
24 Livre
Vert,
actc
du
28 janvier 1158. Cf. Belsunce 1747-1751,
1.481-483
;cité partiellement dans GCNN,
nO
1092.
25 Accord (composiJio) entre l'évêque et le chapitre,
du
25
mai
1163. Livre
Vert
(cf. note 24), FIl
ct
Livre Jaune de l'évêché de Marseille
(ADBdR.
VI
G438),
t'"
1- 1
y"
(GCNN,
n"
162).
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