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Aussi préférons-nous nous limiter aux édifices dont
nous pouvons restituer,
au
moins dans leurs grandes
lignes, l'ordonnance architecturale, et qui intéressent plus
particulièrement la relation entre le bâti el
le
pouvoir:
Notre-Dame-la-Major. la cathédrale ;Saint-Laurent,
l'église de
la
Prévôté;
la
chapelle Saint-Jean. de l'ordre
militaire des
Hospitaliers:
Notre-Dame des Accoules,
dépendance de l'abbaye Saint-Sauveur dont l'aspect nous
est toutefois bien moins
connu:
enfin. face à
la
ville, l'ab-
baye de Saint-Victor. epouvant traiter les complexes
monumentaux cathédraux et monastiques dans leur
ensemble. nou nous concentrerons sur l'architecture de
leurs églises, en tenant compte de l'état très inégal de
la
recherche'
.
Les églises majeures s'affirmaient dans la topographie
urbaine par leur emplacement exposé, par l'emprise du
complexe monumental auquel elles appartenaient el par
leurs dimensions dominant le bâti environnant par la
masse de leurs nefs 3 : la cathédrale surplombant le litto-
rai:
l'église de
la
commanderie hospitalière de Saint-Jean
et
la
paroissiale Saint-Laurent, l'entrée du
port;
"église
des Accoules,
la
rive nord du Lacydon ;et Saint-Victor,
particulièrement visible, la rive sud de celui-ci.
J. Les églises
de
Marseille
du
XI'
au
XIII'
s.
La cathédrale médiévale hérite de ses antécédents son
emplacement particulier, en conservant
jusqu'au
XIV'
s.
le baptistère de l'Antiquité
tardive"
La reconstruction
romane de l'église, àproximité de laquelle se situent ou
se situeront les bâtiments du quartier cathédral, dont la
Prévôté, accentuera encore la proximité du littoral, une
situation qui
ne
semble pas sans rapport avec la manière
dont les autres édifices religieux majeurs se présentent,
eux aussi, du côté de la mer et du port.
II
en va ainsi pour
la paroissiale de la Prévôté, Saint-Laurent, dont la
construction, peut-être pas antérieure
au
début du XIII' s.,
s'inspire, entre autres, du parti architecturaJ de la nefde
la
cathédrale, déjà terminée ou en cours d'achèvement. La
chapelle de la commanderie Saint-Jean,
si
elle reste en
retrait sur l'aile principale du complexe monumental en
bordure de l'entrée du port, en impose non moins par son
volume qui marque l'importance du lieu de culte dans cet
Andreas
HARTMA
N-VIRNICH
er
alii
établissement àvocation militaire. De l'autre côté du port,
l'abbaye suburbaine de Saint-Victor. tributaire comme la
cathédrale de l'emplacement
d'un
site antique, mais sans
continuité d'occupation altestée avec certitude, fait l'objet
de plusieurs reconstructions, pour la plupart difficiles à
restituer, dont chacune met en relief le prestige du monas-
tère en empruntant
au
vocabulaire architectural caracté-
ristique des édifices majeurs de
la
région.
Ce n'est pas le lieu ici de proposer une véritable étude
monumentale de ces édifices. Aussi nous limiterons-nous
aux particularités remarquables qui leur confèrent une
place àpart dans l'architecture romane régionale et qui
posent la question des intentions qu'elles pouvaient tra-
duire aux yeux des commanditaires.
2.
La
cathédrale
Notre·Dame·la·Major
:
l'église
romane
En dépit de l'apport des investigations archéologiques
récentes, l'histoire monumentale de
la
cathédrale médié-
vale avant sa reconstruction romane reste pour ainsi dire
inconnue. Des fragments de chancels àentrelacs et une
bordure de table d'autel (Benoit 1932, 158-159; Roustan
1905, pl. 23) 5supposent, pour le moins, l'existence
d'aménagements liturgiques du haut Moyen Âge àl'inté-
rieur de l'édifice, ou
d'un
des édifices de l'Antiquité tar-
dive.
Si
les sources attestent
un
rétablissement du tempo-
rel du siège épiscopal àpartir du dernier tiers du X,
s.
(GCNN,
nO
70 et suiv.),
la
façon donl
le
cadre monumen-
tal de la cathédrale aévolué au cours du XI'
s.
est incer-
taine. La signification du célèbre passage de l'obiit de
l'évêque Pons Il (1073) qui reœdificavit al1tiquam sedem
(GCNN,
nO
131, col. 62) reste en effet obscure. La consé-
cration de l'abbatiale de Saint-Victor en 1040, événement
dont le caractère exceptionnel est attesté par la présence
d'un
grand nombre d'ecclésiastiques, religieux el laïcs de
haut rang (GCNN,
nO
104 col. 54-58), suppose certes
l'existence
d'un
chantier important
sur
l'autre
rive du
Lacydon au second tiers du
XI'
s., époque àlaquelle
débute, dans d'autres villes épiscopales de
la
région, la
reconstruction du groupe cathédral, comme àCavaillon •
et àAix 7 : un renouvellement qui pouvait toutefois se
limiter àla transformation du bâti
d'origine
paléo-
2Voir aussi Hartmann-Vimich 1997.
3Àcet égard. certains dessins réalistes du xvncs. apportent un témoignage
précieux:
une vue de Marseille réalisée entre 1623 et 1636 (attribuée
àCornelis Vroom. Vienne. Osterreichische Nationalbibliothek, Allas Blaeu van der Hem. Publié
dans:
Ramière de Fonanier 1978,
nO
9) fait res-
sortir ainsi la masse de J'église des Accoules qui. dans un dessin du milieu du
XVIIe
5..
d'une
exceptionnelle acuité (auribué àIsraël Silvestre.
Marseille. Musée Cantini. Publié
dans:
Ramière de Fortanier 1978.
nO
14). domine l'enchevêtrement des toitures par sa nef centrale et son che-
vet
(?) carré (cr. illfra,
p.
287).
4Clerc 1927-1929. tome Il. 468-472. cité dans Barral iAller. Drocourt 1974,
nO
3:
Février 1954,424. Le maintien du baptistère antique s'inscrit
dans
le
contexte des efforts réalisés depuis le
XI~
s.
dans d'autres diocèses. dont Aix et Riez, pour restaurer les baptistères paléochrétiens.
5
Un
autre fragment de chancel àentrelacs aété trouvé en 1993 aux abords de l'édifice (Fournier
1993);
deux autres en 1995 dans le sondage de
l'abside de l'édifice roman (Souiron 1995b. 76).
6Cf. notice de
R.
Guild dans le dossier Cavaillon, Inventaire général, PACA,
Aix-en~Provence,
1989;
Thirion 1991,387.
7C'est pour le moins le cas du baptistère, entièrement reconstruit vers 1060-1080; cf. Guild 1987.63-65.