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Le contrarier Édition N°702
Édition du Mardi 30 juin 2015
« Sortie de la Grèce de l’euro : quels
gains, quels risques ? »
Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
L’euro est-il responsable de tous nos malheurs ? Non. Est-il l’un des responsables de nos difficultés
économiques ? Sans conteste oui. Pourquoi ? Parce que plaquer une monnaie homogène sur des
économies hétérogènes était une absurdité dès le départ, une absurdité économique parfaitement
connue et dénoncée avec constance par des observateurs remplis de simple bon sens dont je fais
partie.
Faire l’euro, et donc la monnaie unique, n’est possible, lorsqu’il y a hétérogénéité économique, que si
et seulement si cela s’accompagne d’une union de transfert. Il faut, pour faire simple, que les riches
payent pour les pauvres. C’est ce qui se passe en France entre les régions, c’est ce qu’il se passe en
Allemagne entre l’Est et l’Ouest ou en Italie entre le Nord et le Sud. Il fallait donc une union de
transfert. Pour qu’il y ait une union de transfert, il fallait une Europe fédérale, avec un trésor européen,
un fisc européen, des impôts européens.
On peut évidemment être opposé à ce projet de grand « saut fédéral », et à titre personnel j’y suis
profondément opposé car pour le moment, l’Europe montre des signes inquiétants d’autoritarisme et
un non-respect systématique des démocraties nationales. Enfin, je pense qu’il ne peut pas y avoir de
représentation et de démocratie européenne, l’Europe, entité désincarnée et ne correspondant à
aucune réalité historique ou territoriale autre que fantasmée, ne peut que devenir un pouvoir
oppressant.
Mais revenons à nos moutons. L’euro donc n’est pas viable en l’état : que l’on soit pour ou contre la
monnaie unique, pour ou contre l’Europe fédérale, pour ou contre l’Europe tout court, n’est pas le
problème, techniquement l’euro n’est pas viable. Cela fait 7 ans que l’on cache la misère sous le tapis
et la poussière aussi. Le temps des comptes est désormais venu.
Alors quel serait le coût d’une sortie de l’euro par la Grèce
?
C’est une question à laquelle il est globalement impossible de répondre tant les variables
économiques et politiques sont nombreuses.
L’avantage de l’euro c’est qu’il a permis à la Grèce de s’endetter… mais maintenant que la Grèce est
en défaut, la question du recours aux marchés ne se pose même plus….
L’inconvénient de l’euro c’est qu’il a étouffé la compétitivité grecque… mais il a baissé le coût des
importations et notamment de l’énergie.
L’avantage d’une sortie de l’euro c’est que la Grèce pourrait retrouver très rapidement, grâce à une
dévaluation compétitive, de la croissance comme ce fut le cas après la crise de 2007 de l’Islande, un
exemple assez remarquable et très peu cité.
L’inconvénient d’une telle dévaluation liée à l’introduction d’une nouvelle monnaie grecque dont
personne ne voudrait serait évidemment une forte inflation importée. Tout ce qui serait importé
coûterait très cher, qu’il s’agisse du pétrole, ou encore des médicaments par exemple.
Côté financier, les banques grecques pourraient ne pas supporter le choc d’une sortie de l’euro et
d’un défaut de paiement grec, dans ce cas les CDS (crédit défaut swap) pourraient être activés. Il
s’agit de paris sur le défaut éventuel de la Grèce… Ce serait la boîte de Pandore et personne ne sait
ce qu’il y a dedans.
Côté politique, quelle politique mènerait Tsipras, une austérité plus douce mais une grande rigueur
budgétaire ou un immense laisser-aller ?
Quelle serait l’attitude de l’Europe ? Nous serions « coopératifs » avec la Grèce, ou lui mettrions-nous
des bâtons dans les roues ?
Juridiquement, rien n’oblige la Grèce à sortir de l’euro, ni de l’Europe, mais l’Europe et ses partenaires
ne mettraient-ils pas la Grèce dehors ? La Grèce aurait-elle des droits de douanes à payer ?
Remettrions-nous des frontières ? L’Europe peut pourrir la vie de la Grèce à des fins de vengeance
(ce qu’elle a démontré qu’elle était largement capable de faire vue les souffrances inutiles imposées
au peuple grec). Si l’Europe entrave la croissance grecque, alors la reprise grecque sera entravée.
La reprise économique ne peut pas seulement se fonder sur le retour à une monnaie nationale, et
cela est valable pour tous les pays qui seraient éventuellement concernés par une sortie de la
monnaie unique. Comme je l’écrivais au début de cet article, tous nos maux ne sont pas liés à l’euro
mais à un ensemble de facteurs économiques dont l’euro fait partie. Délocalisation, informatisation,
robotisation, concurrence faussée entre les pays à bas coût et l’Occident de façon générale,
globalisation, mondialisation, raréfaction des ressources, augmentation des prix de l’énergie qui n’est
plus abondante et peu coûteuse, ou encore crise écologique et environnementale, déflation
démographique ou vieillissement de la population, les causes de la crise sont multiples et n’agir que
sur le facteur monétaire nous donnera certes un répit, mais un répit de bien courte durée comme le
montrent les exemples britannique, suisse ou encore japonais et américain. Tous ces pays disposent
de leur propre monnaie nationale. Tous ces pays souffrent économiquement et la reprise ou la
croissance économique y sont loin d’être époustouflantes.
Alors combien va coûter à la Grèce la sortie de l’euro ?
Personne ne le sait, personne ne peut sérieusement affirmer quoi que ce soit.
La seule conviction que je souhaite partager avec vous c’est que notre situation économique est
complexe et que quel que soit le chemin choisi, il sera difficile et douloureux. Il n’y a plus aucune
solution facile pour changer notre modèle économique.
En revanche, avec un projet et une vision politique, tout redeviendrait possible car la fin d’un monde
ne signifie pas la fin du monde mais l’invention et la mise en place d’un nouveau monde, et les
naissances, comme toutes les naissances, doivent être porteuses d’espérance et de joie !
L’avenir sera ce que nous en ferons.
Il est déjà trop tard, préparez-vous.
Charles SANNAT
(pour m’écrire [email protected])
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend
inévitables les révolutions violentes » (JFK)
Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit
reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par
la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site.
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« L’Assemblée nationale est toujours otage de Thomas THÉVENOUD qui est toujours député.
Pensons à elle. Ne l’oublions pas. »
(Pour protester pacifiquement et avec humour, n’hésitez pas à reprendre cette formule en bas
de tous vos mails, de vos articles ou de vos publications, il n’y a aucun droit d’auteur !!)
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À propos de l'auteur
Charles Sannat est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques.
Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du
Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé
d'affaires. Il est actuellement le directeur des études économiques d'AuCOFFRE.com et rédacteur du Contrarien Matin,
'Décryptage quotidien, sans concession, humoristique et sarcastique de l'actualité économique'.
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