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IMAGERIE PAR LES RAYONS X ET
RADIOPROTECTION
A. RAMÉE*, C. PHILIPPE*, P. BOURGUET**
* Hôpital Sud - Rennes
** CRLCC - Rennes
Imagerie par les rayons X et radioprotection
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1. LES RADIATIONS IONISANTES
Les bases physiques de l'effet des rayonnements sont supposées connues.
Ce cours ne considère parmi les radiations ionisantes que les rayonnements électro-magnétiques (X et
gamma) et même très particulièrement les rayons X diagnostiques. Les rayonnements de sources scellées
ou non scellées de radioéléments à usage médical ou non médical posent d'autres problèmes.
Les effets des radiations ionisantes sont décrits par niveaux successifs de l'échelle atomique, à la cellule, au
tissu pour terminer à la population.
1.1. Mécanismes physico-chimiques
Le rayonnement X interagit avec la matière ; il excite ou ionise les molécules qu'il rencontre ; crée des
radicaux libres. Ce transfert d'énergie conduit à des réactions chimiques diverses. La plus fréquente, par la
fréquence même des molécules d'eau dans les tissus est un effet oxydant, l'effet oxygène :
H2O + photon - OH + H+
OH + OH - H2 02 "eau oxygénée", oxydant puissant.
Les effets sont directs lorsque la modification moléculaire concerne la molécule touchée par le
rayonnement lui-même ou indirects lorsqu'ils sont secondaires à une action chimique exercée par une
molécule excitée ou active. L'action indirecte par création de radicaux libres actifs est prédominante et très
importante (effet oxygène par exemple : les lésions de radiothérapie sont plus importantes sur un tissu bien
oxygéné qu'en tissu ischémique).
Deux types de lésions chimiques moléculaires peuvent être créées :
- lésions spécifiques de l'ADN : les chromosomes, faits d'ADN, sont porteurs de l'information qui
régit le développement de la cellule et de l'organisme ;
- lésions de molécules banales, eau, graisse ou protéines banales : la perte fonc-tionnelle de quelques
molécules n'a guère d'importance puisque leur nombre est élevé ; seul un grand nombre de lésions
aura des conséquences.
1.2. Effets biochimiques sur l'ADN
L'Acide Désoxyribo Nucléique est formé de constituants en nombre limité, les nucléotides,
- 1 groupement phosphorylé,
- 1 sucre désoxyribose,
- 1 base parmi les quatre possibles (Adénine, cytosine, Guanine, Thymine).
rangés parallèlement pour former une sorte d'échelle dont les montants sont faits par sucre et groupement
phosphorylé pendant que les barreaux sont faits de la jonction de A et T ou de C et G. Cette échelle
représente microscopiquement le chromosome par un double enroulement (double hélice).
Le code génétique est assuré par la succession des triplets de trois fois deux bases (AT CG AT ou AT CG
CG etc). Une molécule de protéine de 300 acides aminés est codée par la succession de 300 triplets. Un tel
ensemble de triplets (plusieurs milliers parfois) constitue un gène. Une cellule humaine possède 50 000
gènes. A côté de séquences de gènes codants, il existe des gènes de régulation, répresseurs ou opérateurs.
Le message génétique est transmis à la cellule par les ARN messagers.
Deux fois 23 chromosomes chez l'homme.
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1.2.1. Effets radiochimiques
Les radiations ionisantes peuvent :
- modifier les bases, nature ou ordre (modification ou mutation ponctuelle) non visible au microscope
;
- rompre un brin ou les deux brins du chromosome ;
- créer un pont (cross-link) par fusion entre deux ruptures entre brins d'ADN.
Ces ruptures ou ponts de chromosomes aboutissent à des aberrations chromosomiques, délétion,
translocation, inversion, anomalies qui sont visibles par l'étude du caryotype. Les lésions peuvent aussi
toucher les ARN ou d'autres molécules fonctionnellement importantes (mitochondries).
1.2.2. Réparations
Les chromosomes sont constamment soumis à des agressions physiques (chaleur) ou chimiques de sorte
que des mécanismes de réparation sont indispensables et assurés par des enzymes spécialisées.
1.2.3. Conséquences des lésions dues à l'irradiation
Mutation c'est-à-dire modification du patrimoine héréditaire : modification du patrimoine héréditaire
transmis ou des facteurs de cancérogénèse.
Mort cellulaire très rapide pour des doses élevées.
Incapacité à se diviser, donc mort retardée et reconnue après quelques semaines ou mois.
1.3. Action sur les cellules
1.3.1. Relation dose/effet
Les cellules soumises à l'irradiation souffrent par modification soit de leur composante spécifique (synthèse
de molécules protéiques) soit du métabolisme banal (eau, graisse ou lipides de la paroi cellulaire).
Cela se traduit par un ralentissement d'une culture de cellules, la mortalité cellulaire.
La mortalité d'une culture cellulaire (de bactéries) irradiée est fonction de la dose (relation exponentielle) :
- 30 Gy laissent survivre une moitié de la population cellulaire,
- 30 Gy supplémentaires tuent à nouveau une moitié de la population.
n fois 30 Gy laisse survivre (1/2) n cellules.
Pour les cellules d'organismes supérieurs, la dose efficace est beaucoup plus faible de l'ordre de 1 à 3 Gy.
1.3.2. Irradiation fractionnée (cellules de mammifères)
Si deux séances d'irradiation sont séparées de quelques heures, tout se passe comme si la culture avait
oublié la première irradiation.
Des doses cumulées données par doses moyennes obtiennent un effet très inférieur à la me dose totale
fournie en une seule fois.
1.3.3. Débit de dose faible
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Une irradiation prolongée continue ou répétée à faible dose (moins de 0,5 Gy/heure) sur une culture ne
produit que des effets difficilement mesurables ; or les irradiations rencontrées dans la vie courante sont
souvent de ce type, irradiation professionnelle ou médicale d'où les divergences sur leurs risques réels.
1.4. Effets tissulaires
Un tissu ne se conduit pas comme un ensemble simple de cellules : la lésion tissulaire n'est visible que
lorsqu'un nombre élevé de cellules est détruit ; cet effet n'est visible qu'après un délai et une dose-seuil. Des
cellules peuvent avoir perdu toute capacité de reproduction et garder leur valeur fonctionnelle ; donc l'effet
dépend aussi de la durée de vie spontanée de la cellule.
Les cellules peuvent être distinguées en trois catégories en fonction des irradiations :
- cellules souches, très sensibles ;
- cellules en voie de maturation, peu sensibles ;
- cellules matures insensibles et gardant leur fonctionnalité.
1.4.1. Tissu hématopoïétique
- Les cellules souches irradiées ne fournissent plus de cellules différenciées ; celles-ci disparaissent
après un certain délai.
- Les cellules différenciées (hématies) persistent jusqu'à leur mort naturelle et donc restent en
circulation jusqu une centaine de jours ; n'étant pas renouvelées par suite de l'irradiation des
cellules souches, leur nombre diminue progressivement ; ainsi s'explique la reconnaissance
successive de la lymphopénie puis de l'anémie lors d'irradiations importantes.
La radiosensibilité des cellules moyennement différenciées est inversement proportionnelle à la
différenciation.
Les muqueuses et l'épiderme ont le même type de réaction, mais le rythme de renouvellement des cellules
est différent.
1.4.2. Le foie
Les cellules hépatiques se multiplient peu ; elles meurent donc tardivement avec un délai commun à toutes,
laissant un tissu détruit.
Dans les organes formés de tissu différent (tissu spécifique, nerveux, hépatique) et contenant des structures
différentes (vaisseaux), les effets des radiations dépendent du rythme d'irradiation, des doses, du type de
réaction de chaque composante. Les effets se conduisent comme avec un seuil.
1.5. Action sur les organes et les individus
De nombreuses sources permettent de connaître les effets des radiations ; leur valeur est très inégale.
1.5.1. Expérimentation
- Culture bactérienne ou cellulaire : outre la vitesse de croissance d'une culture ou la mortalité
cellulaire, on peut suivre les caractéristiques métaboliques ou les mutations.
- Irradiation d'élevage de souris : la taille réduite des animaux, leur rapidité de reproduction,
l'existence de races pures donc bien connues génétiquement permet de suivre l'évolution de lignées
sur des périodes prolongées, ce qui correspond à plusieurs dizaines de générations (certaines études
équivalent à trois millénaires pour l'homme). Ces études permettent de quantifier l'apparition des
mutations spontanées ou consécutives à des agressions environnementales. Si les effets de doses
élevées, en une fois sont relativement faciles à reconnaître, les doses faibles doivent être étudiées sur
des populations importantes ; plus la dose est faible, plus la population d'étude est importante,
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plusieurs centaines de milliers d'animaux pour des doses de quelques dizaines de rad (0,5 à 0,2 Gy).
Si l'on veut étudier les effets d'une dose moitié la population doit être multipliée par quatre. On
conçoit que les effets de doses très faibles soient inaccessibles à l'étude car elles mettraient en jeu des
millions de souris suivies pendant des nérations. Notons que des populations d'animaux ont été
soumises à l'irradiation de 1 Gy par génération sans que l'on constate de modification de la fertilité
ou du comportement ou de pathologie.
On a ainsi étudié la fréquence des mutations, des cancers, la durée moyenne de vie, le poids de populations
témoins ou après irradiation chronique selon des modalités variées (irradiations d'un sexe ou de femelles
gravides, doses uniques ou fractionnées).
L'analyse de populations animales ou végétales dans des zones l'irradiation naturelle est élevée (Kerala
sur la côte sud ouest des Indes, Brésil) permettait, par comparaison avec les populations de zones de
référence la recherche des effets de doses chroniques. On a ainsi cru remarquer que le nombre de cancers
spontané est moindre lorsque la population est soumise à une irradiation naturelle importante !
1.5.2. Accidents d'irradiation de population
L'industrie nucléaire et la recherche militaire ou civile ont créé des conditions d'accident ; comme pour
l'aviation, les accidents sont répertoriés, analysés et exploités ; aucune industrie n'a été autant surveillée,
même si certaines conditions ont conduit à dissimuler quelques données.
- 1 mars 1954 : lors de l'explosion d'une bombe atomique USA dans le Pacifique, 100 habitants des
îles Marshall et 23 pêcheurs japonais reçoivent 70 à 380 rad ; les pêcheurs seront suivis ainsi que
leur descendance.
- 1983, Mexique : la source d'une bombe de radiothérapie au cobalt est récupérée par des ferrailleurs
et sert à fabriquer du fer à béton : 5 personnes ont reçu 100 à 500 rad et 300 des doses moindres.
- 1986, Tchernobyl : 22 personnes ont reçu plus de 8 Gy, 203 plus de 1 Gy et un nombre important
de militaires ont reçu des doses concertées donc restant dans les limites autorisées par la
radioprotection et dans des conditions exceptionnelles lors des opérations de sauvetage.
M. Bertin, D. Hubert, J. Lallemand.
Bull cancer/radioth 1994 ; 81: 275-283
- Irradiés aigus :
3 disparus ou morts immédiates,
28 décès imputables à l'irradiation,
238 irradiés à 1 Gy ou plus dont 50 à plus de 4 Gy en irradiation externe,
16 ne travaillaient plus et 59 avaient un taux d'invalidité.
Certaines données laissent septique sur ce nombre, la construction du sarcophage a placé des
individus à des débits de 250 mGY/min et le nombre d'irradiés pourrait avoir été plus important.
- Cancer de thyroïde de l'enfant
Évolution en Bielorussie (tableau 1)
86
87
88
89
90
91
92
93
2
4
5
6
29
57
66
79
Tableau 1
- Délai d'apparition rapide.
- Frappe particulièrement chez les enfants irradiés in utero (8), avant 2 ans (54) sur 251
; les autres ont été dépistés avant 12 ans.
- Par comparaison, IGR a traité 106 cancers de thyroïde avant 17 ans sur 2200 cancers
de thyroïde à tous âges.
- Probablement 20 000 enfants ont reçu au moins 1 Gy sur la thyroïde et quelques
milliers plus de 5 Gy.
- Cancer de la thyroide de l'adulte
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