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Marie Euphrasie Pelletier
Un guide pour les artisans de réconciliation
Un guide ? Avez-vous fait l’expérience de suivre un guide ? Je crois savoir que Marie Claude
Rousseau a été votre guide pour visiter le château, ou les tapisseries de Jean Lurçat, il y a
quelques jours. Il existe aussi des guides de montagne….
Quelles sont les caractéristiques d’un guide ?
- il sait où il va
- il connaît le chemin…car il l’a appris dans un livre et aussi qu’il a fait le parcours
- il est sûr, rassurant, apaisant, patient
- il aime ce qu’il fait, les personnes qu’il accompagne…personnes qu’il ne connaît
pas au départ et qui se révèleront pendant la traversée
Essayons maintenant de regarder Marie Euphrasie comme guide vers la réconciliation.
Un guide expérimenté : il sait de quoi il parle car il a déjà fait le chemin
Il existe en nous de l’agressivité, de la colère, de la révolte parfois et le refus de l’autre.
Pouvons-nous toutes nous reconnaître dans l’expérience de ‘demeurer dans notre colère ou
notre amertume’ et ‘ne pas vouloir nous réconcilier’.
Cette expérience, Sainte Marie Euphrasie l’a vécue.
Nous la voyons blessée par l’attitude de son Conseil dénonçant à Mgr Paysant le
dossier de Clermont : «
Mon cœur est blessé pour l’éternité ! Nos Sœurs pendant
mon séjour à Paris livrèrent les lettres de Clermont à l’évêché, il y avait encore du
remède… Dieu seul sait les larmes de cœur que j’ai versées ! Depuis ce moment je
vis seule avec Dieu seul.
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»
Nous l’avons vue humiliée par Mgr Angebault devant toute la communauté.
‘Pendant le discours de Monseigneur, je m’étais trouvée assise en face de la
Servante de Dieu et je n’avais pu me lasser d’admirer le calme qu’elle
conservait pendant tout le discours de l’évêque qui dura une demi heure… Je
l’ai entendue dire : Mes Enfants, nous ne sommes que ce que nous sommes
aux yeux de Dieu. Qu’importe ce que d’autres disent de nous… Et la
souffrance nous rend plus semblable à Jésus.’
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On m’a dit que la Servante de Dieu avait été humiliée publiquement par Mgr
Angebault et que la chose avait été si loin que la Servante de Dieu n’avait pu
retenir ses larmes.’
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Nous pourrions relever des expressions d’impatience, de colère même.
Le 18 Janvier 1839 à Marie Jean de la Croix :
‘Malheureuse St Arsène, esprit diabolique, langue de serpent, que le
Chapitre et nous souhaitons bannir de parmi nous. vous seule). Elle
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Lettre 696 de Marie Euphrasie à Marie Jean de la Croix. 3 Janvier 1841.
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Témoignage de Sr marie Marine Verger au Procès Ordinaire, Témoin 3
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Témoignage de Sr Marie Pierre Merckelbach au Procès Ordinaire, Témoin 31
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a perdu Amiens ; la pauvre Ste Angèle a été obligée de partir par suite
de ses horribles calomnies.’
Mais, le 27 Février 1839 à la même Marie Jean de la Croix :
Ah ! que ce que vous me dites de St Arsène me soulage !’
Le 18 Février 1838, à Marie Philippe Mercier qui réclame avec insistance
une Sœur de plus pour sa communauté, Marie Euphrasie écrit :
J’aurais cru que vous pourriez attendre au mois de Mars sans tant de
bruit… Quoi qu’il en soit, je ne changerai pas d’avis.
Mais, trois jours plus tard, elle ajoute un mot à la lettre d’une secrétaire
Je finis cette lettre, ma chère fille, parce que je vous aime trop pour
vous voir dans la peine… Adieu, ma fille chérie, on m’appelle.
Les étapes du chemin
Un pas important sur le chemin de la réconciliation : reconnaître ses torts
Les dépositions du Procès de béatification contiennent de courts récits
témoignages qui ont l’accent de la vérité.
Un soir après le dernier Office, Marie Euphrasie demanda à une Sœur de
l’accompagner à St Nicolas, visite tout à fait inhabituelle à cette heure tardive. Marie
Euphrasie voulait faire une démarche de pardon auprès d’une Sœur malade envers qui
elle jugeait avoir été trop brusque dans la journée.
Une autre fois, il s’agit d’une Sœur à qui Marie Euphrasie avait refusé
l’autorisation de communier le lendemain. A l’époque, toutes les Sœurs communiaient le
dimanche et certains jours de fête définis dans le Coutumier. Les autres jours, celles qui
avaient l’accord de l’aumônier et celui de la supérieure pouvaient communier et elles le
signifiaient en portant leur manteau de chœur. Un matin, juste avant la messe, dans la
chapelle, Marie Euphrasie se déplaça vers la Sœur en question et lui posa son propre
manteau de chœur sur les épaules. Elle reconnaissait ainsi, devant toute la
communauté, avoir été trop sévère ou injuste envers sa Sœur.
Troisième exemple : Une jeune Sœur avait laissé les jeunes aller dans le verger
de l’abbaye St Nicolas pour y manger des fruits. Indignation et colère de la Sœur
jardinière qui va se plaindre à Marie Euphrasie. Celle-ci convoque la Sœur et lui
reproche cette permission accordée aux adolescentes. La Sœur s’explique : elle trouve
que les jeunes ne sont pas assez nourries et qu’en toute justice elle a cru bon
d’autoriser ce ‘pillage’ du verger. La conversation se prolonge sur les conditions de vie
des jeunes à St Nicolas. Un compromis sera trouvé : la première rangée d’arbres
fruitiers leur sera réservée ; en échange les jeunes et la Sœur éducatrice s’engagent à
respecter le reste du verger. Mais devant toute la communauté l’incident avait
faire du bruit Marie Euphrasie a reconnu avoir mal jugé de la situation et avoir
injustement accusé la Sœur éducatrice, elle lui a demandé pardon publiquement.
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Cette demande de pardon en communauté a se vivre à plusieurs reprises et de telle
façon que de nombreuses Sœurs en témoignent, sans toujours préciser les
circonstances des faits.
Dans ses Lettres, Marie Euphrasie reconnaît aussi avoir tort ou s’être trompée
Le 3 Octobre 1837, Monsieur Chalandon vicaire général et supérieur de la Maison de
Metz envoie une lettre sévère à Marie Euphrasie, lui reprochant pêle-mêle différents
aspects de son ‘gouvernement’. Marie Euphrasie lui répond par retour du courrier
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.
Vous avez bien jugé de ma faiblesse en pensant que votre lettre me serait
infiniment pénible…
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Marie Euphrasie réfute certaines accusations inexactes, elle s’explique sur d’autres
points et termine ainsi :
Je confesse aussi que pour les œuvres, je suis trop vive et ardente ; le zèle que j’ai pour le salut
des âmes abandonnées m’empêche de voir les obstacles, je ne vois que le bien, puis ensuite
quand les croix arrivent, je manque d’humilité, de courage. J’y suis trop sensible, je vous avoue
bien tout cela.
Cette demande de pardon en communauté a se vivre à plusieurs reprises et de telle
façon que de nombreuses Sœurs en témoignent, sans toujours préciser les
circonstances des faits.
Un deuxième pas : chaque fois que c’est possible, parler clairement à la
personne concernée et taire tout ce qui pourrait aggraver.
L’expression est de Sr Marine Verger dans sa déposition au Procès de
béatification. Dans ces témoignages, il y a unanimité sur l’affirmation que Marie
Euphrasie était discrète, - certaines disent ‘muette’- sur les injures, les paroles
blessantes, les accusations.
Citons trois exemples dans la correspondance.
Le 28 juillet 1840, Marie Euphrasie écrit à Marie du Divin Cœur Lionet
Moi aussi je vous aime et j’espère que Dieu vous fait connaître la vérité. Je ne
comprends rien à tout ce que suppose Marie du Sacré Cœur pour votre voyage, etc…
Je n’ai pas dit un mot de tout cela !… Ma chère fille, je ne parle à aucune que pour
les rendre heureuses ; pour mes peines je les garde dans un secret profond.
Du reste toutes nos Sœurs me paraissent extrêmement bonnes et
soumises. Je laisse à Dieu de juger de leur droiture. Pourvu qu’elles
l’aiment, tout en elles me convient.
Reprenons la lettre déjà citée du 18 Février 1838. Marie Euphrasie répond à la
Supérieure de Sens qui lui réclame avec véhémence une Sœur :
Votre lettre d’aujourd’hui m’étonne étrangement. Pour celle que m’avait
adressée Marie de la Visitation
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, je l’avais promptement brûlée ne voulant en
parler qu’à Dieu seul… Je me rappellerai longtemps que j’étais si mal le jour
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Lettre de Marie Euphrasie du 8 Octobre 1837
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Dans une lettre confidentielle, une secrétaire de Marie Euphrasie informait la Supérieure de Metz des
reproches exprimés par M.Chalandon. Vers la fin de la lettre, il est dit : Nos cœurs sont brisés, Notre Mère n’a
pu souper et nous nous sommes enfermées, pendant la récréation, pour vous écrire. Marie Euphrasie a ajouté de
sa main :’Soyez en paix, ma chère et fidèle fille. Hélas, je sais que vous êtes innocentes …Dieu soit béni !’
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Sœur assistante écrivant au nom de la Supérieure
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que je l’ai reçue, que je me levais secrètement pour que les infirmières ne me
vissent pas et me traînais sur une chaise pour la brûler.
Dans cet autre exemple, Marie Euphrasie exprime à Marie Joseph Regaudiat
ce qui l’a peinée. Elle situe l’attitude blessante dans un contexte plus large, excuse
la motivation de sa Sœur et promet le secret. L’affaire restera entre les deux
correspondantes.
Si vous avez la moindre difficulté, écrivez-nous de suite après celle-ci reçue. Non, bien
sûr, ma fille, tout ce que vous m’écrivez directement ne me fâche pas. Votre
caractère ne s’arrange pas avec celui de Ste Céleste, à qui le diriez-vous si ce n’est
à nous ? Mais j’ai été profondément sensible à d’autres lettres qu’on m’a fait
passer et qui n’étaient pas à mon adresse… Mais pourquoi vous affliger mon Enfant ?
Ce n’est pas votre cœur qui les a dictées, peut-être est-ce l’excès de la peine,
car ce cœur si bon pouvait-il oublier sa Maison Mère ? Puis dame, n’ai-je pas vos
autres lettres écrites depuis trois ans, ne sont-ce pas celles-ci que je dois
croire ? Soyez tranquille, le secret sera gardé.
A Sœur Marie Joseph Regaudiat le 9 janvier 1841
La relation pourra reprendre, plus libre et sereine… Car l’acte répréhensible ou
dommageable qu’elle a pu commettre n’est pas le tout d’une personne. Et la mission
sera remplie par une communauté de personnes qui ont engagé leur liberté et toutes
leurs facultés dans ce service.
Troisième pas sur le chemin : « Un amour tendre de charité », une écoute patiente qui
permet à l’autre de se décharger de son fardeau.
Lors de ses entretiens aux novices, Marie Euphrasie évoque la confidence d’une jeune
femme qui avait été reçue dans la maison :
-
Ma Mère, je veux vous faire un aveu, mais vous allez frémir…J’ai étouffé mon enfant
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…………………………………………….
Et Marie Euphrasie de conclure :
Croyez-vous qu’un tel aveu eût été possible si cette malheureuse était mal soignée, mal
nourrie, toujours rabrouée ? Non, car la misère, les mauvais traitements, les coups,
les injustices, les peines cachées dont on ne peut parler construisent peu à peu
un mur entre la personne et le bien. Et qui peut percer ce mur sinon un amour
tendre de charité ? C’est votre rôle, mes bien chères filles, préparer par vos soins la
voie à la conversion.
Enfin, se décider à pardonner
Se décider à pardonner c’est lâcher prise à son bon droit, à sa justification, à son
argumentation… Qui peut susciter ce mouvement de cœur ? Comment cela peut-il se
faire
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? Ce sont les mots de la Vierge Marie au jour de l’Annonciation et ce sont parfois les
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Il était courant à l’époque pour une femme de prendre dans son lit un enfant nouveau né pour le protéger du
froid. Malheureusement il arrivait qu’elle étouffe, accidentellement, l’enfant. Mais c’était aussi un moyen facile
de supprimer un jeune enfant et de simuler un accident.
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Voir Evangile de Luc 1,34
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nôtres lorsque nous sommes ‘pris’, ligotés, aveuglés, prisonniers dans la violence
blessure/riposte/vengeance… Le pardon est aussi un don reçu, une grâce à accueillir.
Revenons à Marie Euphrasie
Dieu m’a fait la grâce de me convaincre que l’entêtement n’est pas force de
caractère mais plutôt faiblesse, parce que l’Esprit de Dieu n’en est pas la base…
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Que la grâce est forte dans une âme
!
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Après avoir constaté les limites de telle ou telle Sœur :
Nos cœurs s’unissent aux vôtres pour adorer le saint Enfant Jésus et lui demander les grâces
de force, de lumière et de paix. Il faut pardonner à l’une et à l’autre et les aimer.
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L’arrivée
Ecoutons la déposition de Marie Pierre Merckelbach lors du Procès de
béatification:
‘Combien de familles elle a réconciliées dans ses entretiens au parloir, combien de
parents elle a sauvés du déshonneur en s’ingéniant à trouver une solution pour
chaque situation… Elle était connue pour cela et l’on venait parfois de loin’.
et celle de Marine Verger :
Durant mon noviciat il m’arriva d’éprouver une réelle antipathie à l’égard d’une autre
novice. Malgré mes efforts et mes prières, ce sentiment grandit en moi au point
d’envahir mes oraisons et m’enlever toute joie… Finalement je me rendis auprès de
notre Mère… Elle me fit asseoir, me questionna longuement avec bonté puis elle me
posa deux questions : M’avez-vous dit tout ce que vous aviez sur le cœur ? Tout cela,
voulez-vous me le donner ? Alors cela m’appartient, ne vous en préoccupez plus,
retournez au noviciat et vivez heureuse avec votre Dieu.
De fait, continue la Sœur, mon sentiment d’antipathie s’atténua et disparut bientôt.
Par la suite je me suis retrouvée avec cette Sœur dans la même fondation et nous
avons vécu en bonne entente.
l’unité en communauté
Si vous n’avez pas de charité entre vous, même si vous convertissez des âmes, cela ne sert à
rien.
Instruction au noviciat du 10 Août 1840
La paix, la charité, l’union et le salut avant tout, ce sont nos buts.
Lettre à Marie Jean de la Croix David le 28 Avril 1836
il n’y a pas d’union, il n’y a pas de prospérité. Dieu ne veut pas multiplier les mauvais
exemples.
Entretiens Chapitre 39
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Lettre 213 du 22 Février 1835 à Marie Louis Royné
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Lettre 243 du 21 Mai 1835 à Marie Stanislas Bédouet
11
Lettre 605 du 29 décembre 1839 à Marie Stanislas Bédouet
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