des canots échangèrent les conditions de la reddition, mais comme le vaisseau français ne
pouvait plus, à cause de ses avaries, faire le trajet jusqu’en Angleterre, comme prise de
guerre, et que la sécurité du vaisseau anglais ne permettait pas de transporter à son bord
quinze cent ennemis bien armés , - les troupes françaises reçurent la permission de se diriger
vers les côtes rapprochées de la France, après avoir prêté serment que jamais, officiers et
soldats, ne porteraient plus les armes contre l’Angleterre. Après un voyage de plusieurs
heures, le navire arrivait en vue des côtes de France, où il vint s’échouer presque sans voiles,
sans gouvernail, et les flancs entr’ouverts. Les hommes furent sauvés. Le Premier Consul
n’accepta pas la démission offerte par les officiers. La 41e demi-brigade fut envoyée à la
frontière ; elle vint à Luxembourg en 1802.
Elle avait fait le vœu de gagner, partout où elle porterait ses drapeaux, des prosélytes
à un Ordre auquel tant d’hommes devaient la vie et la France la conservation de tant de
braves soldats ; la 41e demi-brigade ne s’arrêta que six mois environs à Luxembourg, mais
elle initia beaucoup de Luxembourgeois, affilia le Fr
∴
Leistenschneider, vénérable reste de
la Parfaite Union, et, avant de quitter les murs de notre ville pour se diriger vers le Rhin, y
fonda un nouvel atelier. La [Loge]-mère s’appelait la Concorde, le nouvel Atelier prit le nom
d’Enfant-de-la-Concorde-Fortifiée. Cet atelier reçut ses lettres du Gr
∴
-Orient de France en
1803. Depuis cette époque, il a continué ses travaux sans interruption jusqu’à ce jour. » 1
La présente planche est présentée en présence des Frères prussiens de la respectable Loge
Blücher von Wahlstadt2 qui tiennent garnison dans la forteresse fédérale de la Confédération
germanique.3 Elle est un message politique, à peine voilé, du Grand-Duché de Luxembourg,
aux Hollandais, afin de clamer haut et fort son indépendance, acquise virtuellement en 1839,
mais de fait toujours enchaînée aux Pays-Bas par le biais de Guillaume Ier ; aux Belges, dont
le jeune pays forme une barrière militaire en cas de descente armée hollandaise, mais qui
détiennent les clés économiques du territoire qu’ils ont faillit gober ; face à la Prusse, qui a
néanmoins ouvert la porte au vaste marché d’Allemagne, mais qui occupe avec rigueur
militaire la capitale. En 1864, quoi de mieux donc que de clamer être sous le giron de la
France et chanter haut et fort cocorico en luxembourgeois, comme pour aboyer contre tout
intrus : « Mir wölle bleiwen wat mer sin ! ». (Nous voulons rester ce que nous sommes !). Sur
le plan maçonnique, cette planche déclame l’amour fraternel pour le Grand Orient de France
qui, au début du 19e siècle, a insufflé une nouvelle vie à la Franc-maçonnerie au Luxembourg.
La réalité sous le mythe :
Si les historiographes de la franc-maçonnerie luxembourgeoise ont jusqu`à maintenant pris le
récit du Frère Leistenschneider pour monnaie sonnante, il s’agit en fait d’un mythe. Selon
Paul Marie Couteaux4, « (…) un mythe n’est pas une légende, encore moins une fable, mais la
rencontre d’une réalité et d’un sens. » Plus haut, nous avons présenté le sens politique que ce
1. Bulletin de l’Ordre Maçonnique dans le Grand-Duché de Luxembourg ; 3e année, décembre 1864, n° 3,
Imprimerie du Frère Jullien ; pages 35-53.
2 En 1815, le démantèlement du premier Empire voit l’ancien Département des Forêts tomber dans l’escarcelle
du roi des Pays-Bas, tandis que la forteresse de Luxembourg sert dorénavant de bouclier à l’Allemagne. A cette
époque, des officiers d’infanterie prussiens rejoignent comme membres effectifs ou comme Frères visiteurs la
loge autochtone des Enfans de la Concorde fortifiée. En 1820, ces officiers créent, sous les auspices de la
Grosse-National-Mutterloge zu den Drei Weltkugeln (Aux Trois Globes) de Berlin, la Loge Blücher von
Wahlstadt, de Rite Ecossais Rectifié. En 1867, le Luxembourg est déclaré pays neutre et la forteresse est
condamnée à être démantelée. La loge prussienne quitte Luxembourg avec les troupes prussiennes en septembre
1867.
3 Art. 67 du Traité de Vienne (09.06.1815)
4 « La République et les symboles » ; journal Le Monde, vendredi 26 juillet 1996, page 12