91
*Lagunes côtières
Extrait du Manuel d’interprétation
des habitats de l’Union européenne
Version EUR 15 - 1999
PAL. CLASS. : 21
Étendues d’eau salée côtières, peu profondes, de salinité
et de volume d’eau variables, séparées de la mer par une
barrière de sable, de galets ou plus rarement par une barrière
rocheuse. La salinité peut varier, allant de l’eau saumâ-
tre à l’hypersalinité selon la pluviosité, l’évaporation et
les apports d’eau marine fraîche lors des tempêtes, d’un
envahissement temporaire par la mer en hiver ou à cause
des marées. Avec ou sans une végétation des Ruppietea
maritimae, Potametea, Zosteretea ou Charetea (corine 91 :
23.21 ou 23.22).
« Flads » et « gloes », considérés comme une variété balti-
que de lagune, sont des petites masses d’eau, en général peu
profondes, plus ou moins délimitées, encore connectées à la
mer ou qui ont été très récemment isolées par l’émergence
des terres. Ils sont caractérisés par des roselières bien déve-
loppées, une végétation submergée luxuriante et différents
stades morphologiques et botaniques liés au processus par
lequel la mer devient terre.
Les bassins et étangs de salines peuvent être également con-
sidérés comme des lagunes, dans la mesure où ils sont le
résultat de la transformation d’une ancienne lagune naturelle
ou d’un ancien marais salé et caractérisés par un impact
mineur de l’activité d’exploitation. « Flads » et « gloes »
seulement en Finlande et en Suède.
Végétales :
Callitriche spp., Chara canescens, C. baltica, C. conni-
vens, Eleocharis parvula, Lamprothamnion papulosum,
Potamogeton pectinatus, Ranunculus baudotii, Ruppia
maritima, Tolypella n. nidifica. Dans les « flads » et
« gloes », aussi Chara ssp. (Chara tomentosa), Lemna
trisulca, Najas marina, Phragmites australis, Potamogeton
ssp., Stratiotes aloides, Typha spp.
Animales :
Cnidaria - Edwardsia ivelli ; polychètes - Armandia cirrho-
sa ; Bryozoa - Victorella pavida ; Rotifera - Brachionus sp. ;
mollusques - Abra sp., Murex sp. ; crustacés - Artemia sp. ;
poissons - Cyprinus sp., Mullus barbatus ; reptiles - Testudo
sp. ; amphibiens - Hyla sp.
Correspondances :
Classification allemande : « 0906 Strandsee », « 240601
Brackwassersee im Ostseeküstenbereich ».
Groupement de marais salés, faisant partie du complexe.
Caractères généraux
Au-delà de sa définition, aussi précise soit-elle, ce terme de
« lagunes » recouvre des situations très diverses, liées à la varia-
bilité des apports d’eau salée et d’eau douce, tant sur les litto-
raux des mers à marées qu’en Méditerranée. Certaines lagunes
sont naturelles et occupent des dépressions littorales alimentées
périodiquement par la mer. Les autres sont d’anciens marais
aménagés par l’homme depuis fort longtemps (marais salants,
réservoirs à poissons euryhalins, bassins d’aquaculture...).
Dans tous les cas, ce type de milieu n’abrite qu’un faible nom-
bre d’espèces, fortement dominantes, tant numériquement que
pondéralement. Elles sont capables de supporter de brutales
variations des conditions environnementales parmi lesquelles la
salinité n’est qu’un exemple. Les intrusions brutales d’eau salée
et les assèchements estivaux créent des perturbations périodi-
ques provoquant parfois la disparition des peuplements. Dans ce
cas, la recolonisation sera toujours très rapide.
Face à l’hétérogénéité des conditions physiques, il existe
une grande variabilité des ensembles faunistiques, mal-
gré leur faible richesse spécifique. Ils sont toujours très
abondants quantitativement et largement utilisés par les
maillons supérieurs de l’écosystème. Pour les poissons,
les lagunes constituent des aires de nourrissage, avec
colonisation saisonnière d’alevins et de juvéniles, en dehors des
populations résidentes. Pour les oiseaux, ce sont des sites excep-
tionnels en tant qu’étapes migratoires ou zones de nidification.
Comme toutes les zones humides, les lagunes sont soumises à
une forte pression anthropique, agricole, touristique, urbaine...
Elles sont gérées en tant que telles, tout en gardant leur fonc-
tionnement lagunaire.
Parallèlement, les lagunes autrefois aménagées et entretenues
(digues, écoulements, écluses, dragages...) souffrent d’un aban-
don progressif des travaux d’entretien avec modification des
dessertes hydrauliques. Selon les types de gestion et leur degré
CODE CORINE 21
1150*
Eaux marines et milieux à marées
* Habitat prioritaire
92
Eaux marines et milieux à marées
d’intervention, on assiste à des scénarios différents de succes-
sions écologiques, avec, le plus souvent, développement de
plantes du schorre ou de végétation palustre. La fonctionnalité
de ces lagunes dépend donc de l’état d’entretien des dessertes
hydrauliques, voire de leur maintien.
Les lagunes sont naturellement des milieux menacés d’eutrophi-
sation tant en Méditerranée qu’en mer à marées et elles souffrent
de plus en plus de crises dystrophiques. Celles-ci sont souvent
caractérisées par un développement anarchique de macrophytes
et/ou de microphytes. Les fréquentes crises d’anoxie peuvent
entraîner la mortalité du benthos et des jeunes poissons, sachant
qu’ils constituent la base de l’alimentation de différents préda-
teurs tels que les oiseaux.
Beaucoup des sites lagunaires sont aménagés en claires (engrais-
sement et verdissement des huîtres) ou en bassins d’aquacul-
ture (mollusques, crustacés Penéidés, poissons...). D’autres sont
devenus des réserves ornithologiques. Pour l’ensemble de ces
activités, aux enjeux parfois contradictoires, on recherchera une
meilleure complémentarité, au cas par cas.
L’aménagement des lagunes en lieux de mariculture provoque
l’importation d’espèces exotiques parfois envahissantes et la
disparition d’espèces autochtones est alors souvent à craindre.
Déclinaison en habitats élémentaires
Quelle que soit la diversité des situations que recouvre ce terme
de lagunes, il est possible de se limiter à deux habitats élémen-
taires en tenant compte des informations présentées ci-avant :
- Lagunes en mer à marées (façade atlantique)
- Lagunes méditerranéennes
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93
*Lagunes en mer à marées (façade atlantique)
Caractères diagnostiques de l’habitat
Caractéristiques stationnelles
Ces étendues côtières d’eau salée correspondent le long des
côtes basses à des zones humides ou des marais côtiers (elles
sont illustrées figure 2, page 42). Les échanges avec la mer se
font soit par un étroit chenal que remonte la marée, soit, lorsque
la lagune est fermée, par percolation sous un cordon de galets.
Parfois, l’apport d’eau de mer ne se produit qu’aux grandes
marées de vives-eaux et lors des tempêtes hivernales. Les
apports d’eau douce sont très variables temporellement.
Dans tous les cas, l’eau doit, par moments, passer par des pha-
ses d’hypersalinité (de son évaporation), condition nécessaire
pour que l’on ne soit pas seulement en présence d’un marais
saumâtre.
Variabilité
Dans le cas des lagunes naturelles, la variabilité est liée aux
possibilités d’échange avec le milieu marin et à l’importance
du couvert phanérogamique. Le plus souvent, les lagunes ont
été aménagées par l’homme et la variabilité porte sur l’état
d’entretien des voies de communications avec la mer et sur les
activités humaines qui y sont menées (usages à des fins agrico-
les ou aquacoles, gestion en faveur des oiseaux).
Espèces « indicatrices » du type d’habitat
Polychètes : Hediste diversicolor, Ficopomatus enigmaticus,
Polydora ligni.
Mollusques bivalves : Abra ovata var. subrostrata,
Cerastoderma glaucum ; gastéropodes : Hydrobia ventrosa,
Potamopyrgus jenkinsi.
Crustacés : Sphaeroma hookeri, Idotea chelipes, Corophium
insidiosum, C. multisetosum, Gammarus insensibile,
G. chevreuxi, Microdeutopus gryllotalpa, Palaemonetes
varians et dans le plancton, Artemia salina, espèce exclusive
de ce milieu.
Hydraires : Cordylophora caspia, Odessia maerotica.
Insectes : Sigara selecta, larves de Chironomus salinarius,
d’Halocladius varians.
Ces espèces se répartissent selon les gradients de salinité (des
eaux oligohalines à hyperhalines). D’autre part, la plupart
sont des espèces détritivores phytophiles (crustacés isopodes
et amphipodes), leur abondance est donc fonction des débris
végétaux (phanérogames et algues macrophytes).
Confusions possibles avec d’autres habitats
Lorsque les eaux sont seulement dessalées, le marais est occupé
par la communauté à Macoma balthica, caractéristique des
estuaires (UE : 1130).
Correspondances biocénotiques
Typologie ZNIEFF-Mer (1994) : II.2.1
Typologie EUNIS (1999) : A2.6
Typologie Marine Biotopes (1996) : Saline lagoons
Habitats associés ou en contact
Végétations annuelles pionnières à Salicornia (UE : 1310).
Prés à Spartina (Spartinion) (UE : 1320).
Prés salés atlantiques (Glauco-Puccinellietalia) (UE : 1330).
Répartition géographique
En Manche, il existe des lagunes naturelles non aménagées.
Il en est de même dans le sud de la Bretagne : mer Blanche
à Mousterlin, marais de Trévignon...
Sur le littoral atlantique, l’essentiel des lagunes a été aménagé :
marais de Séné, de Mesquer, de Guérande, marais Breton-
Vendéen, Fier d’Ar, marais des Olonnes, de l’île d’Oléron, de
la Seudre, parties très amont du bassin d’Arcachon (liste non
exhaustive).
Valeur écologique et biologique
Les populations d’invertébrés de cet habitat sont très abon-
dantes, étant donné la quantité de matière organique disponible.
Ces peuplements paucispécifiques sont caractérisés par leur
forte résilience après des événements dystrophiques comme
peut en subir ce milieu extrême.
CODE CORINE 21
1150*
*Lagunes côtières
* Habitat prioritaire
9494
*Lagunes côtières
Ces peuplements d’invertébrés constituent la base alimentaire
de nombreux poissons euryhalins effectuant tout ou partie de
leur cycle biologique dans les lagunes : l’Anguille (Anguilla
anguilla), le Bar (Dicentrarchus spp.), la Daurade royale
(Sparus aurata), le Flet (Platichthys flesus), les Muges (Mugil
cephalus, Chelon labrosus, Liza aurita, Liza ramada).
De nombreuses petites espèces de poissons sont égale-
ment présentes : le Joël (Atherina boyeri), l’Épinoche
(Gasterosteus aculeatus), la Gambusie (Gambusina affi-
nis), la Perche soleil (Lepomis gibbosus), les Gobies
(Pomatoschistus spp.), le Syngnathe de rivière (Synthagnus
abaster)...
Les oiseaux sont exceptionnellement bien représentés. Résidents
ou de passage, ils utilisent cet habitat comme aire de nourris-
sage, lieu de ponte ou de repos. Parmi ceux-ci figurent des
Ardeidés, des Anatidés, des Laridés, des Rallidés, mais aussi
des Cormorans, des Grèbes, de nombreux limicoles...
Tendances évolutives
et menaces potentielles
Depuis très longtemps, ces zones ont subi l’action de l’hom-
me : urbanisation, développement d’activités touristiques.
Leur assèchement a aussi permis de gagner des surfaces
agricoles (pour la culture ou l’élevage). La fragmentation de
l’habitat constitue une menace réelle.
Les lagunes ont fait l’objet d’aménagements traditionnels liés
aux propriétés spécifiques de ce type de milieu : extraction
de sel, élevage en bassins aquacoles de poissons, d’huîtres, de
crevettes... Si certaines de ces activités sont anciennes ou en
renouvellement (saliculture), cet habitat souffre le plus souvent
aujourd’hui de leur déprise. Celle-ci s’accompagne en effet d’un
abandon progressif des pratiques qui autorisaient le bon renou-
vellement des eaux salées.
Ces milieux, bien que naturellement eutrophes, souffrent
aujourd’hui de crises dystrophiques de plus en plus fréquentes.
Certains sites subissent des traitements de démoustication, étant
donné que la présence des moustiques est liée au mode de ges-
tion hydraulique.
Potentialités intrinsèques de production
Elles sont importantes et liées à une forte production primaire,
qu’elle soit phytoplanctonique, microphytobenthique ou phané-
rogamique. Cette production phytoplanctonique rend le milieu
naturellement riche en coquillages, d’où son utilisation fréquen-
te à des fins aquacoles (verdissement des huîtres par exemple).
Plus globalement, cet habitat est utilisé pour la production de
sel, de plantes halophiles et d’animaux marins en mode semi-
extensif ou extensif. Par ailleurs, il fait de plus en plus l’objet
d’activités cynégétiques, récréatives, pédagogiques... Certains
marais sont devenus des réserves ornithologiques. Ces nouvelles
vocations nécessitent de mettre en œuvre des modes de gestion
appropriés.
Cadre de gestion
Modes de gestion recommandés
La préservation de cet habitat est intimement liée à son fonc-
tionnement hydrologique. Elle suppose l’entretien des voies de
pénétration de l’eau salée et une qualité satisfaisante des eaux
douces qui y transitent. À ce titre, le maintien ou le développe-
ment des activités traditionnelles de production (semi-extensive
ou extensive) de sel, de plantes halophiles et d’animaux marins
peuvent être très favorables à l’habitat. Partageant les mêmes
besoins au niveau hydrologique, elles s’accompagnent en effet
de pratiques assurant un bon renouvellement des eaux salées.
Pour les autres activités, des compromis seront à rechercher sur
les sites, au cas par cas.
La plus grande prudence est de mise lorsque l’on souhaite amé-
nager ces zones humides. Toute transformation de l’habitat par
remblaiement est à proscrire.
Inventaires, expérimentations,
axes de recherche à développer
L’inventaire de la faune de certaines lagunes naturelles est
encore à effectuer.
Le fonctionnement hydraulique reste souvent mal connu et méri-
terait d’être étudié.
Bibliographie
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CASTEL J. et LASSERRE P., 1979.
LABOURG P.-J., CLUS C. et LASSERRE G., 1985.
MAHÉO R., 1980.
MANAUD F. et al., 1992.
ROBERT J.-M., 1973.
TRIPLET P., 1983.
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