aussi dans le domaine des sucreries, en dirigeant une des plus grandes concessions
sucrières du pays, la concession de Kom Ombo située en Haute-Égypte. Cette
entreprise, comme la plupart des entreprises sucrières, présente une collaboration
entre agents locaux et banquiers parisiens
. Un autre domaine d’épanouissement des
communautés étrangères est le petit commerce : la maison Papazian fournit un bel
exemple : créée par des Arméniens originaires d’Alexandrette, cet établissement est
tenu par des commerçants - horlogers du Caire, installés en 1903 et toujours en
activité
. À Port-Saïd, les commerces grecs et italiens colonisent des rues entières
;
le plus connu d’entre eux, le Simon Arzt, est créé à la fin du XIXe siècle par des juifs
autrichiens installés en Égypte. Grand magasin situé directement sur la jetée du canal
de Suez, il constitue un énorme de dépôt des marchandises venues d’Orient et
d’Occident. À Alexandrie, les Grecs dominent le commerce des spiritueux et les
industries de cigarettes, quant les Italiens se distinguent dans les métiers du bâtiment
et de l’artisanat
.
Cette bourgeoisie locale s’impose comme un élément indispensable à la structure
économique du pays. Bien intégrés, installés depuis des générations en Égypte, les
membres de ces communautés sont pourtant qualifiés d’intrus par le mouvement
national qui les accuse de profiter des richesses de l’Égypte en parasite
. Ils sont
considérés comme étrangers car beaucoup relèvent d’une protection européenne.
Dans les années vingt, alors que la loi définit la nationalité égyptienne, très peu font
le choix de la demander et préfèrent conserver une protection étrangère dans le cadre
des capitulations
. Or, ce système représente pour les notables égyptiens un régime
de privilèges injuste et préjudiciable à leur propre développement.
C. L’affirmation des acteurs économiques égyptiens
Au début du XXe siècle, les notables et entrepreneurs égyptiens s’affirment comme
une force économique et sociale autochtone par opposition aux minorités étrangères
et au patronat européen. Ce groupe acquiert une dimension éminemment politique,
dans un moment de cristallisation du mouvement national. Toutefois, ces élites
forment un groupe hétérogène. Au XIXe siècle, les grands propriétaires terriens
Ces sociétés constituent un domaine prisé des capitaux français mais elles conversent leur
propre logique et une direction locale. Samir Saul, La France et l’Égypte, op.cit, p. 375.
“Maison Papazian”, Revue Economic and Business History Research Centre, n°1, October
2005, pp. 10-12.
Sylvia Modelski, Port-Said Revisited, Washington, Faros, 2000, pp. 145-146.
Sur Alexandrie, se référer à l’ouvrage de Robert Ilbert Alexandrie, 1830-1960. Histoire
d’une communauté citadine, Le Caire, IFAO, 1996. Sur la communauté grecque en Égypte, cf.
Alexander, Kitroeff, The Greeks in Egypt. Ethnicity and Class, London, Ithaca Press, 1989.
Sur les Italiens, Mercédès Volait, « La communauté italienne et ses édiles », in Alexandrie
entre deux mondes, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, Edisud, 4e
trimestre 1987, pp. 137-156.
Les discours du nationaliste de Mustafa Kamil s’en prennent virulemment au Syro-
Libanais. Henry Laurens, L’Orient arabe, Arabisme et islamisme de 1798 à 1945, Paris,
Armand Colin, 2000, pp. 103-105.
La nationalité égyptienne est définie en 1926, complétée par la loi de 1929 : 70 % des Syro-
Libanais font le choix de cette nationalité contre seulement 17 % des Grecs d’Égypte. Frédéric
Abécassis et Anne Le Gall Kazazian, « L’identité au miroir du droit. Le statut des personnes
en Égypte (fin XIXe siècle-début du XXe siècle) », in À propos de la nationalité : questions sur
l’identité nationale, Égypte/Monde arabe, n°11, 1992, pp. 11-38.