Le tiers-payant généralisé n'apporte pas de réponse à ces deux causes
essentielles. Au contraire, associé à d’autres aspects de la loi, il va accentuer le
manque d’attractivité de la médecine libérale de proximité et contribuer ainsi à
réduire l’accès aux soins.
La gratuité des soins n'est d'ailleurs pas forcément un gage de leur qualité
puisqu’une enquête récente a montré que plus de 50 % des malades atteints
d'affections chroniques (insuffisance cardiaque, diabète, hypertension artérielle)
ne prenaient pas leur traitement, pourtant délivré en tiers-payant intégral par les
pharmacies.
Effets néfastes du tiers-payant généralisé
On peut les prévoir à partir des situations où le tiers-payant est déjà
actuellement légalement obligatoire :
banalisation de l'acte médical qui devient un produit de consommation
courante avec toutes ses conséquences (absences non justifiées ou retards
aux rendez-vous, exigences particulières…) et dégradation de la sérénité
des rapports de confiance réciproque médecin – patient ;
augmentation de la demande d'actes médicaux, avec le surcoût qui en
résulte (estimé à 1,5 à 2 milliards € par Nicolas BAVEREZ dans «Le
Point » du 6 novembre dernier). La Sécurité Sociale peut-elle vraiment se
le permettre ? L'Académie de Médecine, tirant la leçon d'expériences
passées, prône au contraire la généralisation du ticket modérateur pour
faire prendre conscience du coût des soins, les personnes vivant sous le
seuil de pauvreté en étant exemptées.
Le gaspillage des médicaments facilité par leur apparente gratuité est
régulièrement dénoncé. Veut-on aboutir à la même situation pour les actes
médicaux ?
gestion administrative chronophage pour le médecin aux dépens du temps
médical. Le coût de la gestion du tiers-payant pour un cabinet médical a
été estimé, par les centres de santé qui le pratiquent intégralement, à
3,50 € par acte. Ce coût n'a pas été prévu par la loi.
Pour le patient, le tiers-payant généralisé donne une fausse impression de
gratuité. Le surcoût sur les dépenses de santé qu'il impliquera se traduira
forcément par une majoration des cotisations à sa mutuelle.
La nécessité de cette mesure, qui repose sur un postulat erroné, n'a pas été
clairement établie.
Les médecins libéraux acceptent bien sûr le tiers-payant social qu'ils appliquent
déjà, mais ils refusent unanimement cette généralisation qu'on veut leur
imposer.
Comment peut-on faire appliquer une réforme qui est rejetée par la
totalité de ceux qui seraient chargés de la mettre en œuvre ?
Dr Vincent GUILLOT.
11 décembre 2014.