
L'enquête à laquelle nous faisons ici référence indique également que, par-delà les indicateurs
traditionnels de la pauvreté (socioéconomiques et quantitatifs), indicateurs qui nous révèlent ici
une grande pauvreté, au plan social, cette population vit plus que d'autres l'insécurité et la
stigmatisation. Ces deux caractéristiques issues d'une série d'entretiens individuels ou de groupes
ont montré :
1) que l'insécurité se manifeste dans ce cas précis par le passé d'expropriations d'un
certain nombre des familles vivant dans ce secteur (Poirier, 1986) et par les aléas du logement
social de gestion publique où s'expriment certaines formes de contrôle de la part de l'Office
municipal d'habitation (OMH) de même qu'une vie quotidienne limitée par la peur de sortir le
soir, les conflits entre locataires du même bâtiment générés par la promiscuité, etc.
2) que la stigmatisation se manifeste par des formes d'isolement et de honte issus de
l'image globale que leur renvoie la société : «Ah! Vous demeurez sur la rue Front!»,
«Évidemment, quand on est sur le B.S.!», «Vous vivez dans un HLM, vous payez peu...».
La situation de ce secteur enclavé de l'Île de Hull est celle d'une grande pauvreté où l’on
rencontre un processus cumulatif de problèmes et une faible intégration sociale, notamment au
plan du travail et du logement, deux vecteurs de l'intégration sociale d'une population.
L'économie locale (le petit commerce) défaillante, quasi inexistante, laisse place à une économie
informelle où se côtoient le meilleur (l'entraide pour la garde des enfants, par exemple) et le pire
(la prostitution, la consommation de drogues diverses chez les jeunes, etc.). Le degré de
développement des infrastructures assurant les services de base est également déficient : accès
difficile au transport public, centre d'achat et marché d'alimentation éloignés du coeur du secteur,
ni de garderies à proximité, ni de pharmacie à proximité, pas de quincaillerie ou de boulangerie
dans les environs immédiats, etc. Finalement, le tissu social est déchiré entraînant un faible
sentiment d'appartenance au quartier et une absence de fierté ce qui se traduit par de la petite
délinquance, du vandalisme, de la négligence dans l'entretien de l'habitat...