De votre poste d’observatrice, comment les structures de l’économie sociale réagissentelles
face à la crise ?
A.N. : Je ne suis pas sur le terrain. C’est donc difficile pour moi de juger. Je crois que les
entreprises de l’économie sociale doivent faire face à la crise et beaucoup d’entreprises de
l’économie sociale sont des entreprises qui sont sur le marché et elles ont donc les mêmes
contraintes que les autres entreprises
Je crois par contre que, si elles ne le font pas, elles devraient justement saisir l’opportunité, si
l’on peut utiliser ce terme d’opportunité dans un tel contexte, cette opportunité qu’offre la
crise, de pouvoir mettre en avant une manière différente de faire de l’action économique en
s’appuyant sur d’autres valeurs, qui sont des valeurs qui n’ont rien à voir avec un capitalisme
effréné qui cherche seulement des gains illimités et dont on a vu les résultats.
Et bien évidemment il est important, et c’est la position aussi de l’OCDE en général sur la
manière de répondre à la crise économique et financière (une position qui ne se réfère pas
spécialement à l’économie sociale), de remettre l’éthique au centre de l’action économique
quel que soit le secteur.
Et je pense que l’économie sociale qui incarne ou devrait incarner certaines valeurs a, de ce
point de vue, un rôle exemplaire à jouer ou à retrouver.
Vous avez dit que, dans un contexte de crise, l’innovation sociale était la plus fertile et
que vous aviez identifié six exemples qui illustrent ce propos.
A.N. : Je faisais référence à l’innovation dans le domaine financier. Dans nos dernières
études, on a identifié six domaines qui, dans le financement de l’économie sociale,
apparaissent assez novateur
Il y a par exemple le capital risque philanthropique, il y a aussi l’idée, qui en est encore à ses
premiers balbutiements dans quelques pays, de bourses sociales. Il y a également ce rôle
revisité des investisseurs institutionnels qui devraient aller vers des outils financiers de type
différents comme le capital patient. Il s’agit d’investissements sur un moyen , long terme pour
lesquels les investisseurs n’attendent donc pas un retour financier rapide.
Par exemple, La Fiducie du Chantier de l’économie sociale au Canada (Québéc) offre des
prêts sans remboursement de capital avant 15 ans. Ce capital patient permet de soutenir les
opérations des entreprises et d’appuyer des investissements immobiliers pour le
développement de nouvelles activités.
O assiste aussi à l’apparition d’investisseurs individuels qui gèrent des portefeuilles assez
importants et qui orientent leurs investissements vers des entreprises de l’économie sociale.
’idée que je veux souligner, c’est qu’il y a une marge énorme pour la créativité dans le
domaine de l’innovation financière.
Mais on peut aussi observer la fertilité de l’innovation sociale dans de nombreux domaines
comme la culture, le tourisme, les services à la personne, dans les relations entre acteurs ou
entre territoires. Elle est le résultat d’efforts communs sur la base d’une vision commune, et
de toutes façons en essayant de recomposer des intérêts qui peuvent être des intérêts
divergents mais en gardant à l’esprit l’intérêt général. C’est une terre encore largement
inexplorée et pour laquelle il y a besoin de créativité. Mais l’innovation sociale n’est pas le
monopole de l’économie sociale. Certains prétendent que l’innovation sociale est la
révolution du futur. Je ne sais pas si on peut aller jusque là mais c’est à tout le moins une piste
très prometteuse pour l’avenir.
Propos recueillis par Alain Goguey
Site Internet : www.nord-social.info