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Congrès solidarités à l'épreuve des crises
Le 11-12 janvier 2011
Université d'Evry-Val d'Essonne
Session 7- Perspectives socioéconomiques de la crise
Crise systémique et lien social. Les retraités en République de
Moldavie
Dorina ROSCA
Doctorante, CEMI-EHESS
[email protected]
1
Introduction
À l’aube des années 1990, l’ancienne république soviétique de Moldavie est entrée dans une
nouvelle phase de développement. D’une part, elle a été entraînée dans un processus de
transformation systémique propre à tous les pays ex-communistes et, d’autre part, sa dynamique de
développement a été marquée par la construction d’un État1, qui a acquis son indépendance en
1991. Cette double tâche, que les différents gouvernements de Chisinau – capitale moldave – se
sont proposé d’accomplir au cours des deux dernières décennies, s’est traduite, de manière générale,
dans une dégradation progressive du niveau de vie de la population, en raison des effets directs des
réformes sur la redistribution des ressources. Dans ces conditions, la société moldave s’est vue très
vite bipolarisée.
Au sein du nouveau paysage social moldave, les retraités deviennent le segment de la population le
plus pauvre. Malgré les différentes réformes du régime moldave des retraites, en cette fin des
années 2010 le problème des retraités reste encore un des plus épineux. Par exemple, en 2008, selon
le Bureau National de la Statistique moldave, le montant de la retraite mensuelle moyenne ne
couvrait que 47,28 % du panier minimum de la consommation moldave. En même temps, une
personne retraitée en 2007 ne recevait que 27 % de son dernier salaire2.
1
Le terme d’État est employé ici dans le sens wébérien, en tant qu’arrangement institutionnel qui
revendique « le monopole de la violence physique légitime ». Selon Max Weber, un État est plus fort lorsque
ses instruments (institutionnels) sont plus complexes et efficaces. Pour une définition de l’État, voir Weber
M., Économie et Société, t. 1, Paris, Plon, 1995, p. 97.
2
Antonov V. et alii, Monitor social (Moniteur social), n°2, janvier – février, 2010, Chisinau, IDISViitorul, disponible en ligne sur http://www.viitorul.org/.
2
L’ancien système de retraites de l’Union Soviétique, mis en œuvre en 1964, a été repris quasi
intégralement par le nouvel État moldave. L’absence de réforme structurelle, tout au long des
années 1990, doublée par des transformations multidimensionnelles du marché de travail moldave 3,
la migration de la population active au profit d’autres pays 4 et le vieillissement de la population,
alimentaient un large débat sociopolitique et conférèrent de nouvelles formes à l’action sociale.
Dans ces conditions, la société moldave adopta des solutions pour mettre en place une solidarité
intergénérationnelle basée sur un renforcement du lien social. L’architecture de ce dernier ne se
réduit pas à la seule somme des contacts personnels d’un individu, telle qu’elle est décrite par les
sociologues des réseaux5. Elle dépasse ce cadre, les interactions individuelles s’inscrivant dans des
structures plus vastes non autonomes de la configuration institutionnelle de la Moldavie. C’est
l’appartenance à ces structures sociales qui procure un important capital social, c'est-à-dire
« l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau
durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance ;
ou en d’autres termes, à l’appartenance à un groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas
seulement dotés de propriétés communes (…) mais sont aussi unis par des liaisons permanentes et
3
Par exemple, selon les données statistiques officielles, le taux d’activité s’effondre drastiquement
au cours des années 2000, en passant de 54,8 %, en 2000, à 34,4 %, en 2010.
4
On remarque une importance de plus en plus accrue des transferts d’argent des travailleurs
moldaves à l’étranger dans le revenu disponible des retraités, passant de 25 % en 2006 à 33 % en 2008.
5
Voir, entre autres, Burt R., The gender of social capital, Rationality and Society, 10, no 1, 1998, p. 5-46 ;
Lazéga E., Réseaux sociaux et structures relationnelles, Paris, PUF, 1998 ; Granovetter M. Sociologie économique,
Paris, Seuil, 2008.
3
utiles »6. Le capital social illustre ainsi l’interaction entre l’évolution du cadre institutionnel et les
pratiques sociales, en l’occurrence, l’interaction entre l’évolution du régime des retraites moldave et
les formes privées de solidarité intergénérationnelle. Le lien social ne prend pas nécessairement une
forme symétrique caractéristique de la réciprocité7 ; il a comme fondement une solidarité
intergénérationnelle.
Tout en s’inscrivant dans le cadre épistémologique, méthodologique et théorique particulier aux
approches institutionnalistes et évolutionnistes – relevant plus particulièrement de la Théorie de la
Régulation – cette contribution vise d’élucider les principales
formes de solidarité
6
Italique dans le texte original : Bourdieu P., Le capital social. Notes provisoires, Actes de la
recherche en sciences sociales, no 31, p. 2-3, ici p. 2. Il est à noter dans ce contexte qu’il existe une
abondante littérature autour de la problématique du capital social. Faute d’espace, il apparait difficile de la
discuter ici. Toutefois, quelques références s’imposent pour le lecteur curieux. Voir entre autres,
Granovetter M., Economic action and social structure: The problem of embeddedness, American Journal of
Sociology, vol. 3, n° 91, 1995, p. 481-510; Coleman, J., Social capital in the creation of human capital,
American Journal of Sociology, n°94, 1988, p. 95-120; Putnam R., Bowling alone:The Collapse And Revival Of
American Community, New York, Simon & Schuster, 2000; Fine B., Social Capital versus Social Theory:
Political Economy and Social Science at the Turn of the Millennium, London, Routledge, 2001; Van der Gaag
M., Snijders T., The Resource Generator: Social capital quantification with concrete items, Social Networks,
n° 27, 2005, p. 1-27; Ponthieux, S., Le capital social, Paris, La Découverte, 2006.
7
Les anthropologues, tels Bronislaw Malinovski et Marcel Mauss, donnent un sens économique au
mot « réciprocité », pour désigner les prestations économiques et symboliques dans des sociétés primitives.
Pour B. Malinovski, la réciprocité et la redistribution régissent toute activité économique : Malinovski B., Les
Argonautes du Pacifique occidental, Gallimard, Paris, 1989. Pour M. Mauss, qui étudie les échanges à travers
le don – « fait social total », qui représente un système de prestations totales et qui repose sur
l’obligation de donner, de recevoir et de rendre –, la réciprocité et la redistribution représentent le
fondement de la régulation sociale : Mauss M., Essai sur le don. Formes et raisons de l’échange dans les
sociétés archaïques, Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 2003. Selon Karl Polanyi, dans le système
économique archaïque, les mobiles économiques trouvent leur origine dans la vie sociale. La production et
la distribution sont ainsi assurées par deux principes comportementaux : la réciprocité et la redistribution :
Polanyi K., La grande transformation, Paris, Gallimard, 1983.
4
intergénérationnelle privée qui tendent à se renforcer au sein d’un système socio-économique en
crise et donc à ce substituer à une solidarité intergénérationnelle publique échouée.
Un système économique est un « ensemble articulé mais non-finalisé d’institutions économiques,
peuplé d’individus et d’organisations »8. On entend par institutions économiques, des règles sociales
formelles9 qui représentent des « compromis issus des conflits sociaux »10. Selon la théorie de la
régulation, les formes institutionnelles déterminent le régime d’accumulation, qui est « un schéma
régulier de croissance »11. Elles déterminent aussi le mode de régulation de l’économie, c'est-à-dire
les procédures et les comportements sociaux propres à un régime d’accumulation12. Cela ne veut pas
dire qu’il s’agit d’un modèle statique d’analyse sociale. La dynamique sociale est induite par les
8
Chavance B., Organisations, institutions, système : types et niveaux de règles, Revue d'économie
industrielle, vol. 97, n° 1, 2001, p. 85 – 102, ici p. 95.
9
Je reprends ici la notion de « règle » définie par Bernard Chavance, en tant qu’une « prescription
ou une proscription durables pour l’action sociale dans des circonstances déterminées, accompagnées de
sanctions et de récompenses (réelles ou symboliques) » : Chavance B., op. cit., p. 95.
10
Amable B., Les cinq capitalismes. Diversité des systèmes économiques et sociaux dans la
mondialisation, Paris, Seuil, 2005, p. 19.
11
Chavance B., L’économie institutionnelle, Paris, La Découverte, 2007, p. 83
12
Boyer R., Saillard Y., Théorie de la régulation. L’état des savoirs, Paris, La Découverte, 1995, p. 68.
5
crises qui peuvent être petites et grandes, les dernières étant en mesure d’entraîner des changements
institutionnels13.
Inscrivant mon propos dans ce cadre théorique, le but est de monter, à travers l’exemple des
retraités, que les nouvelles formes de solidarité constituent une réponse à la crise systémique
traversée par l’État moldave depuis deux décennies et qui l'empêche de remplir certaines fonctions
qu’il entend assumer. De manière plus générale, et à partir de l’hypothèse selon laquelle les
nouvelles formes de solidarité privée viennent substituer la solidarité publique au sein de la société
moldave, le défit de cette contribution est de montrer que lien social représente un générateur
puissant de mécanismes qui confère un nouveau dynamisme à la Moldavie.
Construit autour de trois sections, le présent article vise à déceler, dans un premier temps, la
configuration institutionnelle du régime des retraites héritée de l’Union Soviétique. La deuxième
section traitera de la réforme structurelle des retraites, réalisée à la fin des années 1990. La
troisième section tâchera d’illustrer l’importance des différentes formes de solidarité
intergénérationnelle privée que génèrent les structures sociales et qui se substituent à la solidarité
intergénérationnelle publique dans le régime des retraites de la Moldavie post-soviétique.
I. L’évolution institutionnelle du régime des retraites de la Moldavie des années 1990
I.1 Les retraites en URSS
Traditionnellement, il existe deux approches de gestion du système des retraites qui se différencient
par le mode de financement des retraites. La première relève des retraites par répartition, c'est-à-dire
leur financement par des cotisations, par des impôts, ou par les deux à la fois. Ce modèle est fondé
13
Chavance B., L’économie…, op.cit., p. 87. Pour une taxinomie des crises, voir Boyer R., La théorie
de la régulation : une analyse critique, Paris, La Découverte, 1986.
6
sur une solidarité intergénérationnelle : les retraites sont financées par les actifs d’aujourd’hui tout
en espérant que les générations futures feront la même chose. La deuxième approche est celle par
capitalisation14. Au sein de ce modèle, des placements individuels15 sont faits sur des comptes
d’épargne-retraites privés ou dans un fonds public de réserve pour les retraités16. Ce dernier modèle
ne relève pas de la solidarité intergénérationnelle mais il consiste dans une anticipation personnelle
de la retraite. Dans la pratique, les deux approches peuvent être rencontrées de manière séparée ou
en cohabitation, selon le pays.
La Moldavie a hérité le système de retraites de l’Union Soviétique. La loi de l’URSS de 15 juillet
1964 « Concernant les retraites et les indemnisations des entreprises collectives », prévoyait un
modèle des retraites basé sur le principe de la répartition. Les retraites étaient financées à l’aide des
transferts de la part des entreprises, d’une part et des transferts du budget centralisé de l’URSS,
d’autre part. Un « Fonds centralisé d’assurances sociales » couvrait ainsi l’intégralité d'assurances
sociales de l’État.
14
Cette approche fut vivement critiquée et jugée vulnérable aux fluctuations monétaires. Voir, entre
autres, Chrétien B. et Roy P., Retraite et gestion de patrimoine, Paris, Maxima, 1999 ; Legros F. et Guérin J.-L.,
Les retraites, Paris, Le Cavalier Bleu, 2003.
15
Les placements peuvent être collectifs et faits notamment par une entreprise.
16
Matos C., Rodet-Kroichvili N., Transformation des marchés du travail dans les PECO. Quel impact
des réformes des régimes de retraites ?, Koleva P., Rodet-Kroichvili N., Vercueil J. (dir.), Nouvelles Europes :
Trajectoires et enjeux économiques, Belfort, Université de technologie de Belfort-Montbéliard, 2006, p. 177212, ici p. 179.
7
Le calcul du montant d’une pension dépendait de plusieurs facteurs : 50 % du salaire moyen des 12
derniers mois de travail17 ; à cela s’ajoutait 20 % de ce salaire pour les femmes avec des enfants et
ayant travaillé pendent 20 années consécutives dans la même entreprise ; également, 20 % du
salaire moyen étaient ajoutés pour les travailleurs n’ayant pas connu d’interruption au cours de 25
ans de travail ; 10 % du salaire moyen s’ajoutaient au montant de la retraite pour les hommes ayant
travaillé 35 ans et plus, et pour les femmes ayant travaillé 30 ans et plus. De même, de 10 à 15 % du
salaire moyen étaient ajoutés au montant de la pension des retraités ayant à leur charge des
personnes en incapacité de travailler. En conséquence, la pension variait entre 65 et 75 % du salaire
moyen reçu dans les 12 mois précédant le départ à la retraite.
Il est à noter aussi qu’il n’existe pas, en Union Soviétique, un mécanisme d’indexation des
pensions ; l’inflation étant considérée un phénomène particulier aux économies de type capitaliste et
non pas à celles de type socialiste18. Étant donnée la réduction des écarts salariaux en fonction de
qualification vers la fin des années 197019, cela a entrainé aussi une égalisation des montants des
retraites, ce qui correspondait à l’idéologie égalitaire de la société, prônée par le pouvoir soviétique.
17
Le taux de 50 % du salaire moyen n’était pas fixe. Il pouvait varier en fonction du montant du
salaire moyen. Ainsi, lorsqu’une personne eut un salaire plus grand que 100 roubles, le taux de 50 % était
appliqué ; si le salaire moyen se situait entre 80 et 100 %, le taux était de 55 % ; pour un niveau du salaire
situé entre 60 et 80 roubles il était de 75 % ; et pour moins de 50 roubles de salaire moyen, il était de 85 %.
Toutefois, il est à noter que le montant de la retraite fut plafonné, ne pouvant pas être moindre que 50
roubles et plus grand que 120 roubles. À ce dernier plafond supérieur, échappaient seulement les personnes
dont les conditions de travail étaient jugées pénibles ou difficiles ; le montant de leur retraite pouvant aller
jusqu’à 160 roubles.
18
Pour une analyse de l’inflation en URSS, voir Nove A., Les tensions inflationnistes en URSS : causes
et conséquences, Politique étrangère, vol. 48, n° 1, 1983, p. 125-132.
19
8
I.2 Le régime des retraites des années 1990 : un lourd héritage du passé
Le parlement moldave, alors le Soviet Suprême adopte en 1990 une nouvelle loi des retraites. Les
« nouvelles » règles restent, en effet, celles que l’on retrouve dans le système des retraites
soviétiques : les conditions de droit à la retraite en fonction de l’âge d’une personne ainsi qu’en
fonction du nombre d’années travaillées restèrent inchangées20. Le montant de la retraite dépendrait
toujours des facteurs tels que l’âge et l’ancienneté de travail ainsi que du montant du salaire moyen
des 12 derniers mois de travail. En reproduisant à la lettre le système soviétique des retraites, un
« Fonds Social » indépendant du Budget d’État fut créé. Le financement de ce Fonds se fait de la
même manière que dans le modèle soviétique, par des transferts obligatoires des entreprises et
d’autres organisations21 ainsi que des transferts du Budget d’État dans le Fonds Social.
Mais, dans sa nouvelle configuration institutionnelle post-soviétique, ce modèle s’avéra lourd pour
la société et l’économie moldave, et cela pour plusieurs motifs.
Premièrement, donnant un droit à la retraite, à 55 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes
l'âge légal fit que, à l’exception des années 1999 et 2000, tout au long de la période post-soviétique
la part de personnes ayant droit à la retraite dépasse 15 % du total de la population (voir le
Diagramme 1, ci-dessous).
Sapir J., Travail et travailleurs en URSS, Paris, La Découverte, 1986, p. 75.
20
L’âge de départ à la retraite est établi à 55 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes.
L’ancienneté du travail s’élève à 30 ans pour les femmes et à 35 ans pour les hommes.
21
Le taux des transferts obligatoires fixé par le gouvernement variait d’une entreprise à l’autre, en
fonction des facteurs tels que la pénibilité du travail, les conditions nocives du travail, etc.
9
Source : Calculs à partir de STATISTICA
Note : À partir de 1997, les données concernant la Transnistrie ne sont pas incluses dans les calculs.
Les multiples transformations du marché de travail vont laisser leur empreinte sur le régime des
retraites retenu au début des années 1990. Ces premières se caractérisèrent notamment par une
chute du taux d’occupation et une augmentation rapide du chômage. Les différentes estimations de
rythme réel de la hausse du taux du chômage se situent aux alentours d'un point par an, atteignant
son maximum de 11,1 %, en 199922. En même temps, la proportion entre retraités pour 100
personnes salariées passe de 50 retraités en 1993 à 57 personnes 199723. En réalité, l’activité
économique baisse dans des rythmes accélérés et elle est accompagnée d’une hausse de l’activité
informelle, dépassant en 2004, 60 % de l’activité économique moldave24.
22
Le taux du chômage moldave devra être considéré avec modération, du fait des différentes
méthodes de calcul et d’estimations qui ont divisé les analystes moldaves. Tout au long des années 1990, le
taux du chômage officiel fut chiffré à un niveau plus bas que 2%. Ce chiffre était obtenu par un calcul
incluant seulement les personnes inscrites à l’Office de la Force de Travail (équivalent du Pôle Emploi
français) en tant que chômeurs. Les calculs selon la méthodologie Bureau International du Travail (à partir
de 1998), donnait un taux du chômage d’au moins quatre fois supérieur à celui officiel, selon l’année.
Certaines estimations sont allées plus loin et obtenaient des chiffres qui témoignaient d’un taux du
chômage de dix fois plus grand que celui officiel. Par exemple, en 1996, lorsque le taux officiel du chômage
est chiffré à 1,5%, l’Institut d’Economie de l’Académie des Sciences de Moldavie l’estime à 15-17%.
23
Gutu I., Republica Moldova : economia in tranzitie (La République de Moldavie: l’économie en
transition), Chisinau, Litera, 1998, p. 361.
24
IDIS, Monitorul economic : analize si prognoze trimestrale (Le moniteur économique: analyses et
prévisions trimestrielles), Chisinau, n°4, IDIS Viitorul, 2005, p. 59.
10
Suivant les recommandations du Bureau International du Travail, le parlement moldave décida
d’augmenter progressivement à partir de 1993 l’âge de départ à la retraite. En effet, chaque deux
ans devait augmenter de 6 mois ce plafond jusqu’à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les
hommes25. Ironie de l’Histoire ! Alors que les gouvernants de Chisinau s’apprêtaient à mettre en
œuvre ces règles, l’espérance de vie chez les hommes et chez les femmes était en chute libre. Elle
passe de 65,47 en 1989 à 61,84 en 1995 chez les premiers et de 72,25 en 1989 à 69,66 en 1995 chez
les secondes26.
Ensuite, les difficultés économiques qui surgissent à l’aube des années 1990 et l’hyperinflation de
1993 et 199427 remettent sérieusement en cause la configuration institutionnelle du régime moldave
des retraites. En effet, aucun ajustement du montant de la retraite aux évolutions des indices des
prix à la consommation n’est prévu. Dès lors, dans les nouvelles configurations de l’économie
moldave, des reconsidérations des modalités de calcul de la retraite s’imposèrent de toute urgence.
La méthode retenue fut celle de compensations nominatives. Mais, cette mesure s’avéra purement
formelle, car elle n'eut aucun impact, ni quantitativement, ni qualitativement, sur le montant de la
25
Il est à noter que cette mesure ne sera mise en œuvre qu’à partir de 1999, lorsqu’une nouvelle loi
sur les retraites entre en vigueur. Voir infra.
26
PNUD, National Human Development Report - Republic of Moldova, Chisinau, 1995, p. 44 sq., en ligne sur
http://www.undp.md.
27
Le taux de l’inflation atteint en 1993, plus de 2000 %. En 1994, le premier diminue jusqu'à
104,6 %. Depuis cette date, le taux annuel de l’inflation fluctue entre 10 et 15 %. Voir pour plus de détails
les rapports de la Banque Nationale de Moldavie, en particulier, BNM, Raport anual (Rapport annuel),
1999, en ligne sur www.bnm.org.
11
retraite. Ainsi, les compensations nominatives variaient entre 8 et 13 MDL28. Pour caricaturer cette
modification, il est à noter que le pouvoir d’achat de 8 MDL correspondait à 2 kg de viande de
volaille, ou à 18 kg de pommes de terre, en 199429. C’est seulement en novembre 1995 que
l’indexation des retraites est décidée. Ainsi, au début de 1996 le montant d’une retraite, après
indexation, connaît une augmentation de 20 %30. Toutefois, le décalage entre la croissance de la
retraite moyenne et la croissance des prix de consommation reste écrasant. Lorsque le montant de la
retraite moyenne fut multiplié par 582 et le montant du salaire moyen par 543 au cours des années
1991-1995, les prix à la consommation furent multipliés par 160631.
II. Nouveau siècle, nouvelles « exigences ». La réforme structurelle du régime des retraites
28
MDL ou le Leu, monnaie nationale de la République de Moldavie, adoptée le 29 novembre 1993.
29
Mes calculs à partir des données fournies par le Bureau National de la Statistique de Moldavie,
désormais BNS.
30
La population percevra cette indexation comme une réelle augmentation de leur retraite. N’étant
pas familiarisés avec ce type de mécanisme, jusqu’à aujourd’hui les retraités moldaves ne font pas la
différence entre indexation qui signifie ajustement des montants de la pension à l’inflation, et augmentation
de leurs pensions, entrainant de fait une augmentation du pouvoir d’achat. Ainsi, le mécanisme de
l’indexation constituera un véritable instrument électoral pour les élites politiques moldaves.
31
Voir, PNUD, National Human Development Report: State Building and Integration of Society,
Chisinau, 1996, p. 36, en ligne sur http://www.undp.md.
12
La dépression économique moldave des années 199032 doublée de la crise financière de 1998
imposa la nécessité de réformer le régime des retraites retenu au début des transformations postsocialistes. Ainsi, en 1998 une nouvelle loi sur les retraites et les assurances sociales d’État fut
adoptée et elle entra en vigueur au 1er janvier 1999.
Selon cette dernière, l’âge de départ à la retraite augmente à partir de 2003 à 57 ans pour les
femmes et à 62 ans pour les hommes. Une première nouveauté de cette réforme consiste à combiner
les cotisations définies et les prestations définies33. Une autre nouveauté fut l’introduction d’une
pension minimale. Également, en conformité avec les recommandations de la Banque Mondiale 34 la
nouvelle réforme est suivie de l’adoption, deux mois plus tard, d’une loi sur les fonds de pension
non étatiques. Ainsi, on passa vers un système mixe de retraites, combinant les retraites par
répartition et les retraites par capitalisation.
Quel fut l’impacte de cette réforme structurelle sur la situation des retraités ?
Le passage à un modèle combinant les cotisations définies et les prestations définies n’eut pas les
effets attendus. Cette importation institutionnelle, régie par la Banque Mondiale, n’a pas tenu
32
Voir le graphique Évolution du PIB moldave…, ici même, Annexe.
33
En général, il existe deux types de fonds de pension. Le premier, à cotisations définies consiste à relier la
pension au montant des cotisations versées par un individu et/ou par l’employeur. Le deuxième à prestations définies
consiste à fixer le montant de la pension en fonction du dernier revenu de l’individu. Pour plus de détails, voir Barea
M., Carenzi A., Cesana G., La protection sociale en Europe : les principaux facteurs d’une crise, Rapport CEFASS,
2005, disponible en ligne sur http://www.uam.es, p. 60 sq.
Ainsi, à partir du 1er janvier 1999, le calcul du montant de la retraite s’appuyait sur ces deux principes. En effet,
le principe des prestations définies s’appliquait à la période précédant l’année 1999 et le principe des cotisations
définies à celle d’après le 1er janvier 1999.
34
Pour une analyse de la position de la Banque Mondiale vis-à-vis du régime moldave des retraites
par répartition, voir Mabbett D., Social Insurance in the Transition to a Market Economy. Theoretical Issues
with Application to Moldova, Policy Reasearch Working Paper, Washington D. C., Banque Mondiale, 1996.
13
compte de certains phénomènes socio-économiques profondément ancrés dans la société moldave.
D’abord, le clivage public-privé en matière d’emploi aurait compromis ce nouveau mécanisme de
financement des retraites. Ainsi, lorsque l’emploi total chute chaque année depuis 1990, atteignant
60 % en 2007 par rapport au niveau de 1990, celui du secteur public connait le déclin le plus
important (voir Diagramme 2). Or, une des particularités en matière des salaires dans le secteur
privé s’avère être la présence du phénomène des « revenus en enveloppe » c'est-à-dire, des salaires
non déclarés35. Ainsi, le payement des cotisations dans le Fonds public des retraites est fait
essentiellement par les salariés du secteur public. Mais, les salaires dans le secteur public restent
largement en dessous des salaires dans le secteur privé. Malheureusement, les donnés statistiques
officielles ne fournissent aucune information sur les inégalités salariales entre le secteur privé et le
secteur public. Toutefois, certains calculs ont pu montrer que le niveau du salaire dans le secteur
privé est de 30 à 40% plus élevé que dans le secteur public36.
Source : pour les années 1993, 1994 et 1995, données tirées de PNUD, National Human Development Report : Social
cohesion, Chisinau, 1997, en ligne sur http://www.undp.md ; pour les années 1996-2007 données tirées de ILOLABORSTA.
Comme il a été dit, la réforme du régime des retraites de 1998 introduit le principe de la pension
minimale. Cette dernière représente une somme fixée par le gouvernement en dessous de laquelle le
35
En 2005, pour chaque unité supplémentaire du revenu officiel, il revient deux unités du revenu
non enregistrées qui sont destinées à la consommation : IDIS, op. cit., p.58. On peut expliquer ces chiffres
par l’importance des transferts des émigrés moldaves, d’une part, et par les pratiques des « salaires en
enveloppe », d’autre part.
36
Voir IDIS, Monitorul Economic : analize si prognoze trimestriale (Le moniteur économique : analyses et
prévisions trimestriels), Chisinau, n°14, IDIS Viitorul, 2008, p. 11.
14
montant réel de la pension ne peut pas descendre. Mais au vu des certains chiffres statistiques une
conclusion s’impose vite : la pension minimale n’est qu’une règle (à nouveau, importée) qui n’a
rien à voir avec les réalités moldaves. Ainsi, en 2003 par exemple, lorsque le panier minimum de la
consommation fut estimé à 1369 MDL, la pension minimale fut fixée à 135 MDL, soit dix fois
moins importantes que le premier37.
Le passage à un régime mixte par répartition et par capitalisation s’est produit seulement en théorie.
À la fin de l’année 2003, aucun fonds non étatique n’existait encore en République de Moldavie38 et
le financement des pensions demeurait principalement du régime public de retraites par répartition.
Cet échec des fonds non étatique s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, les salaires modestes
compromettent l’épargne, en général, et les versements dans ces fonds, en particulier. Ensuite, la
confiance de la population dans les institutions financières est à son plus bas niveau, du fait des
mauvaises expériences vécues au début des années 199039.
Source : STATISTICA
37
Ceci est aussi valable pour le salaire minimum moldave.
38
Prepelita S., Caile de perfectionare a sistemului de pensii : in baza materialeleor Republicii
Moldova (Les voies de perfectionnement du système de retraites : le cas de la République de Moldavie),
Thèse de doctorat de sciences économiques, Chisinau, Université d’État de Moldavie, 2004, p. 67.
39
Il s’agit notamment du débâcle des caisses d’épargne de 1992 dû à la dévalorisation du rouble
Pour plus de détails à ce sujet, voir Gutu I., op.cit.
15
Étant donnés ces résultats de la réforme du régime moldave des retraites, qui s’est voulue
structurelle, le niveau de vie des retraités reste toutefois très médiocre. Cette réforme n’a pas eu
d'incidence positive sur le montant des pensions réelles qui sont restées, jusqu’à aujourd’hui,
largement en dessous du revenu minimum d'existence. Comme indiqué sur le Diagramme 2, l’écart
entre la retraite moyenne et le revenu minimum d’existence a connu une diminution dans la
première moitié des années 2000, atteignant son niveau le plus bas en 2005 lorsque la retraite
moyenne représente 50 % du RME. Toutefois, à partir de cette date la tendance de la première
moitié des années 2000 s’inverse.
En résultat, la réforme structurelle du régime des retraites n’apporta presque pas d’amélioration de
la situation des retraités moldaves. Comment expliquer ce manque de résultat ? On ne pourra
donner dans la présente contribution une réponse complète à une question si complexe et qui mérite
un traitement approfondi. Toutefois, une remarque s’y impose : cette réforme institutionnelle fut
faite de manière autonome, sans tenir compte de la configuration institutionnelle des autres
domaines connexes, et notamment de la situation dans le domaine du travail, mais aussi de
l’émergence des nouveaux comportements sociaux comme la migration de la population au profit
des autres pays qui a alourdi le bilan démographique de la république.
Comme le notait Bruno Amable, les institutions sont complémentaires, c'est-à-dire que « la présence
de l’une augmente l’efficacité d’une autre » 40. De la même manière, on pourrait dire que l’absence
de l’une aurait des incidences néfastes sur le fonctionnement d’une autre. Dans le cas précis du
régime des retraites moldaves, la réforme structurelle de 1998, faite en conformité avec les
prescriptions des organisations internationales telles que le Fonds Monétaire International et la
Banque Mondiale, s’avéra en rupture totale avec les réalités économiques qui caractérisaient le
système économique moldave de la période post-socialiste.
40
Amable B., op. cit., p. 13.
16
Le jeune État moldave, tiraillé entre l'héritage du passé et la nouvelle doxa économique prônée par
le consensus de Washington41, se voit vite fragilisée sa légitimité du fait de l’absence des relais
institutionnels qui lui sont propres. Dans ces conditions, la société moldave « abandonnera » ce
cadre officiel pour trouver un appui dans un cadre informel basé sur le lien social.
III. Les rapports sociaux : le capital social des retraités
Dans cette section nous appuierons notre propos sur des données tirées des mass-médias moldaves
ainsi que d’une enquête par entretiens semi-directifs réalisée au cours de l’été et de l’automne de
2007, dans le cadre de nos recherches doctorales, portant sur l’importance du capital social dans la
conversion socioprofessionnelle post-socialiste moldave42.
Une première analyse de ces données laisse entendre que les structures sociales auxquelles les
retraités moldaves appartiennent sont des générateurs importants de ressources qui seront à la base
41
Expression tirée de l’économiste John Williamson, et qui concerne les programmes d’ajustement
structurel des années 1980, réduits à un paquet de dix propositions de politiques publiques - menés par des
institutions internationales, telles que la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International, dont le siège
demeure à Washington – dans les pays de l’Amérique Latine ravagés alors par des problèmes
d’hyperinflation et de dette publique insoutenable. Ultérieurement, ce paquet de réformes fut repris par
certains pays en transition post-socialiste. Voir Williamson J., What Washington Means by Policy Reform,
Williamson J., (ed.), Latin America Adjustment: How Much has Happened?, Washington, Institute for
International Economics, 1990, p. 5-20.
42
L’enquête en discussion fut réalisée auprès de 20 personnes, âgées de plus de 45 ans en 2007.
Parmi les interviewés, 7 personnes seulement avaient atteint l’âge de départ à la retraite. Toutefois, la
particularité du sujet de recherche, en l’occurrence la problématique du capital social, nous a permis de
tirer des informations utiles pour la présente contribution, d'autres 13 entretiens restants. Ces informations
portent notamment sur les questions liées à l’entraide, aux normes sociales particulières au milieu urbain et
au milieu rural moldaves, aux liens de parenté et de voisinage, etc.
17
d’une solidarité intergénérationnelle privée et qui vient se substituer à une solidarité
intergénérationnelle publique échouée.
III.1 Des pensions, de « petites pensions » : la voix des médias moldaves
La nouvelle réforme du régime des retraites établit des règles particulières de calcul de la pension
des fonctionnaires publics, c'est-à-dire d'anciens employés de l’administration de l’État ou de
l'administration locale. Selon la presse moldave, en 2001, lorsque la pension moyenne pour limite
d’âge s’élève à 87 MDL, celle d’un ancien fonctionnaire dans le gouvernement moldave s’élève à
1364 MDL, à savoir près de 16 fois le montant de la première. En 2009, la retraite moyenne s’élève
à 800 MDL, en revanche, elle est de 3000 MDL pour les anciens fonctionnaires locaux et de plus de
7000 MDL pour les anciens députés, membres du gouvernement, etc.
Les statistiques officielles moldaves ne fournissent aucune information à ce sujet. Toutefois,
périodiquement la presse publie des données relevant de ces pensions, mais surtout des affaires de
corruption, des décisions secrètes d’attribution de ces pensions à des membres de la famille et à des
amis des hauts dignitaires d’État.
Dans un article de presse datant du 9 février 2004, on pouvait lire que :
« La pension de ces catégories de citoyens (c'est-à-dire, des fonctionnaires publics) est
incomparablement plus grande que celle d’une personne mortelle43. (…) Le seul fait d’avoir
été député leur assure un confort à la retraite. Les activités des simples employés du secteur
public, comme ceux du domaine des transports, de la santé, de l’éducation, etc. n’ont pas été
moins importantes que l'activité des fonctionnaires publics. (…) Toutefois, ces dernières
catégories de travailleurs vont avoir une retraite insipide. Cela se produira, bien évidemment,
si la loi ne change pas »44.
43
Métaphore qui désigne le clivage existant entre des personnes privilégiées et celles dépourvues
des privilèges ou encore, le clivage dominant-dominés
44
18
La loi ne fut pas modifiée et jusqu’à aujourd’hui elle alimente de la polémique dans la société
moldave. Mieux encore, aux discussions autour de ces règles vient s’ajouter des scandales générés
par certaines pratiques officieuses des officiels moldaves. En mai 2010, on apprenait ainsi qu’il
existe des décisions secrètes du gouvernement moldave qui fixait aux mères et aux belles-mères de
certains officiels une pension s’élevant à 7000 MDL, c'est-à-dire près de 9 fois plus grande que la
retraite moyenne45.
À l’opposé de ces histoires, les médias dévoilent celles des retraités, qu’elles appellent « mortels ».
Le contraste s’avère violent, car dans ces histoires l’accent est mis sur une lutte quotidienne que ces
personnes mènent, afin de survivre. L’entretien suivant réalisé par le poste de radio Free Europe
avec un retraité de 80 ans qui habite la ville de Hancesti (région du sud de la Moldavie), en
témoigne :
« FE : Quelle est le montant de votre pension ?
R : La mienne ? Euh… 600 MDL.
RFE : Et comment vous en sortez-vous avec cette somme ?
R : C’est dur. Nous ne mangeons pas beaucoup pour pouvoir vivre un mois entier avec cet
argent. (…)
RFE : Et qu’achetez-vous ? De la viande, du lait, du fromage ?
R : De la viande ?! De la viande à ces prix-là ?! À 80 MDL le kilogramme ?! »
Les règles (discriminatoires) régissant le régime moldave des retraites doublées par les actes de
corruption qui sont relevés de temps en temps creusent des inégalités au sein des retraités moldaves.
Ungureanu L., Pensie, pensioara, spune-mi cat de mica esti… (Pension, petite pension, dis-moi de
combien es-tu petite…), Le Portail Internet Moldova Azi, le 9 février 2004, en ligne sur
http://www.old.azi.md.
45
Rata M., Cea mai mare pensie din Republica Moldova este de 36 mii lei (La plus haute pension de
Moldavie est de 336 000MDL), Jurnal de Chisinau, 21 mai 2010.
19
Cela laissera son empreinte également sur la confiance accordée par la population, en général, aux
hommes politiques qui ne font que « dire des mensonges », comme le dira la même personne
interviewée par le poste de radio cité ci-dessus.
III.2 La solidarité intergénérationnelle à l’échelle de la parenté
Face à ces défis qui viennent d’être mentionnés, les retraités cherchent des appuis ailleurs. Certains
continuent de travailler sur le marché du travail, d’autres, et notamment les villageois, travaillent
dans leur propre foyer inscrit dans un régime d’économie domestique 46. Les liens familiaux gagnent
une place importante dans ces conditions. De plus en plus de personnes âgées sont à la charge
directe de leurs enfants.
Lors d’un entretien avec une femme retraitée, de 64 ans, et ancienne institutrice, on apprend que
celle-là et son mari, retraité lui aussi, ont quitté la ville qu’ils habitèrent pendant 37 ans, pour
rejoindre celle de Balti – deuxième grande ville moldave – où aujourd’hui demeurent leur fille âgée
de 42 ans et leur fils âgé de 39 ans. Ce changement a bouleversé positivement leur vie, explique
notre interviewée. Le montant de la retraite ne leur permettait pas de faire les « moindres
économies ». Or, l’arrivée dans la nouvelle ville de Balti impliquait d’abord l’achat d’un
appartement. L’argent qu’ils avaient obtenu pour leur maison de Falesti – petite ville située au
centre-ouest de la Moldavie – ne suffisait pas pour l’achat d’une nouvelle maison à Balti, car
comme le dit notre interviewée, les prix des appartements dans les grandes villes sont doubles, voir
triples par rapport à ceux pratiqués dans les petites villes. La différence fut payée par leurs enfants
46
Faute d’espace, la problématique du travail des retraités ne sera pas traitée, dans cette
contribution. Toutefois, il est important de noter que ce phénomène gagne de plus en plus de terrain, en
Moldavie. En dehors des montants des pensions qui obligent les retraités de rester sur le marché du travail,
d’autres facteurs tout aussi importants, qui amplifient ce phénomène, sont le refus des postes précaires par
les jeunes moldaves, et l’émigration de la population.
20
qui eux avaient fait des économies dans ce but précis. Aujourd’hui, dit-elle, les enfants sont leur
appui principal :
« Ils nous aident beaucoup ! Avec nos pensions nous achetons à peine la nourriture. Et si l'on
veut se payer autre chose, à commencer par les charges ou encore par les médicaments, sans
même songer à un appareil électroménager, il nous est impossible. (…) On a eu de la chance !
Sans eux (leurs enfants) nous serions perdus », déplore notre interviewée.
Les exemples des retraités à la charge de leurs enfants se sont multipliés au cours de ces dernières
années de la transition post-socialiste moldave. Dans une mesure de plus en plus importante, la
retraite des moldaves est directement influencée par la réussite socio-économique de leurs enfants.
Dans ces conditions, l’appartenance des parents primaires, en l’occurrence des enfants, à un certain
milieu social qui procure d’importantes ressources socio-économiques, représente une condition
sine quoi non pour un renforcement de la solidarité intergénérationnelle privée à l’échelle de la
parenté.
Dans ces conditions une question surgie. Qu’est-ce que la « réussite » socio-économique des
parents primaires ? En courant le risque de répondre très sommairement à cette question, les
observations des différents phénomènes socio-économiques des années 2000 laissent entendre que,
de manière générale, la « réussite » chez les moldaves est associée à la possibilité d’émigrer.
L’émigration devient (peut-être) la principale stratégie des acteurs sociaux, qui se développe sur le
fond de la crise endémique dans laquelle demeure le système économique moldave, depuis l’aube
des années 1990.
Le phénomène d’émigration sera à l’origine d’une reprise économique post-2000. Les différents
rapports de la Banque Mondiale témoignent d’une importance accrue des transferts des émigrants
moldaves pour l’économie du pays47, en général, et pour une reprise de la consommation, en
47
Les transferts d’argent représentent plus de 30 % du PIB moldave, à partir de 2006.
21
particulier. Le taux de l’émigration passe de 3,8 % en 2000 à 21,5 % en 2010 et les principales
destinations seront la Russie, l’Ukraine, l’Italie, la Roumanie, les États-Unis, l’Israël, l’Espagne,
l’Allemagne, le Kazakhstan et la Grèce. Par conséquent, les transferts d’argent des travailleurs
moldaves à l’étranger évolueront, au cours de la même période, de 53 millions USD à 1046 millions
USD en 2008 pour connaitre une chute de près de la moitié en 2009 par rapport à l’année
précédente48.
Les transferts d’argent d’un parent primaire émigré sont très importants et d’un « réel secours »,
comme le remarque un autre interviewé, de 68 ans et à la retraite depuis 5 ans au moment de
l’enquête, habitant un village situé au sud de la Moldavie. Son fils est parti travailler en Ukraine. Il
s’est marié et est resté vivre là-bas. Mais c’est lui qui paye les factures du gaz, du téléphone et de
l’électricité de ces parents.
« Il nous envoie systématiquement de l’argent. Moi je ne lui demande rien, mais mon fils il
sait que nous ne pouvons pas tirer au bout avec notre pension, alors il nous aide. La dernière
fois quand il est venu nous voir, il a observé que la maison nécessite des travaux. (…) Moi je
lui ai dit que je n’ai pas des forces (c’est-à-dire, de l’argent) pour l’entretenir et alors il m’a
donné de l’argent pour faire ces travaux car nous n’avons rien fait (des travaux) depuis deux
dizaines, voire plus d’années ».
Le poids des transferts d’argent dans le montant de la retraite moyenne mensuelle s’élèvera ainsi à
23 % dans le milieu urbain, et à 33 % dans le milieu rural (Tableau 1, ci-dessous).
Tableau 1 : Pension et transferts d’argent, moyenne mensuelle en MDL
2006
2007
2
48
Banque Mondiale, Migration and Remittences Factbook 2011, Washington D.C., Banque Mondiale,
2010.
22
Pensions
Rural
Urbain
249,0
298,1
Transferts d’argent
de l’étranger
67,1
71,3
Pensions
312,3
389,3
Transferts d’argent
de l’étranger
77,3
99,2
0
0
8
Pensions
379,8
496,2
Transferts d’argent
de l’étranger
125,9
126,4
Source : STATISTICA
Les données du Tableau 1 sont fournies par les statistiques officielles moldaves. Or, ces dernières
n’incluent que les transferts faits par des moyens formels tels que les systèmes de transfert Western
Union ou les transferts bancaires. Ces données n’incluent pas les transferts d’argent faits par des
biais informels comme les réseaux de contacts personnels, membres de la famille ou amis. Certaines
estimations montrent que les transferts formels ne représentent que 30 à 40 % du total des transferts
vers la Moldavie49. C’est ainsi que la donne change, car pour nombre de ménages les transferts
d’argent d’un parent primaire émigré représenteront la principale source de revenus.
III.3 Les relations de voisinage
À la solidarité privée à l’échelle de la parenté vient s’ajouter celle basée sur les relations de
voisinage. La nature de l’aide change dans ce dernier cas. L’aide d’un voisin consiste le plus
souvent dans la prestation des services tels que, faire les courses, apporter de l’eau du puits
(notamment dans les villages moldaves, où il n’y a pas de l’eau courante), etc.
Les relations de voisinage procurent des ressources tout aussi « précieuses », comme le dit cette
femme de 72 ans que j’ai rencontrée dans un marché agricole de la ville de Chisinau. Elle habite
dans un village situé à 30 kilomètres de la capitale et elle s’y rend très souvent pour vendre des
produits agricoles. Cela lui permet de « gagner un peu d’argent pour payer ces factures ». Le jour où
49
Banque Mondiale, Migration and Remittences…, op.cit.
23
je lui ai parlé, elle vendait des tomates qu’elle cultive pendant l’été. Pendant l’hiver la femme
cultive et vend des fleurs.
« De cette façon je réussis à gagner un peu plus d’argent. Parfois les fleurs ne se vendent pas,
alors je vends des produits laitiers, car j’ai encore une vache. Ainsi, je complète le déficit
d’argent. Je me débrouille d’une certaine manière. Autrement je ne vois pas comment faire.
(…) La pension ne me suffit pas du tout ! Je paye le gaz et l’électricité avec ma pension et
puis c’est fini… ! »
J’ai voulu savoir si elle avait de l’aide dans ses travaux agricoles. Pour élever une vache, cultiver
des tomates, des fleurs, et faire d’autres travaux domestiques propres à la vie villageoise, il faut
travailler avec acharnement. La réponse fut :
« Mais bien sûr ! Sans aide je serais perdue. (…) Une fois je suis tombée malade. Mais la
vache et les tomates ne savent pas ce qu’est la maladie de leur maître. Ce qu’elles savent c’est
qu’il faut les soigner. Et donc, ce fut ma voisine, une personne à qui je souhaite tout le
bonheur et toute la santé du monde, qui donnait à manger et à boire à la vache, c’est elle qui
irriguait les tomates (…). Avant d’aller faire des courses pour sa famille, elle venait et me
demandait si j’avais besoin de quelque chose, du pain, du sucre, et ainsi de suite. (…) Je n’ai
pas de voiture, mais comme mes voisins viennent chaque jour à Chisinau, car eux aussi ils
vendent ici au marché, il m’amène avec leur voiture ».
L’entraide des voisins, notamment dans le milieu rural, est devenue un mode de vie des villageois
moldaves de tous les âges. Dans cet univers socioculturel, les normes sociales, la religion, sont des
liants importants qui facilitent l’action des personnes. Ainsi, l’entraide des voisins ne se réduit pas à
la recherche d’un quelconque profit matériel. Être en bonnes relations avec ses voisins, signifie être
une personne « bien », une personne qui inspire de la confiance et qui est « digne du respect » de
toute la communauté villageoise. Et ce profit symbolique, pour reprendre les termes de Pierre
Bourdieu, n’est pas recherché de manière rationnelle ; il est implicite aux normes et aux valeurs
sociales qui y règnent.
24
Une institutrice de 45 ans du village de Cucoara du département de Cahul, situé au sud de la
république, m’explique :
« Ma voisine, une dame âgée de 76 ans, vit toute seule. Ses enfants (elle en a quatre) sont
partis dans le monde (c'est-à-dire, émigrés) et viennent très rarement la voir. (…) Ils lui
envoient souvent de l’argent. Ainsi, elle a de l’argent, mais elle ne peut pas aller s’acheter ce
dont elle a besoin, surtout, pendant l’hiver quand il y a de la neige ou quand il faut aller au
marché dans la ville. (…) J’envoie souvent mon fils (âgé de 16 ans) voir si elle a besoin de
quelque chose. (…) Je le fais, parce que c’est normal de le faire. Elle n’a aucun secours et
c’est inhumain de la laisser sans aide. (…) Si nous ne le faisons pas ici entre nous, alors
personne ne le fera. (…) L’État… on n’attend plus rien de lui ».
Ainsi, en dehors de l’échelle de la parenté, la solidarité intergénérationnelle privée se voit
également un attribut des valeurs et normes sociales moldaves. Ce type de rapport, historiquement
construit, s’est vu renforcé au cours de la transition post-soviétique moldave. Les différentes
pratiques d’entraide et dans le cas précis de la solidarité intergénérationnelle sont en évolution
constante et elles méritent certainement une étude plus approfondie.
Conclusion
Les observations récurrentes, tirées des exemples que nous venons de mobiliser dans le présent
article nous permettent de dégager quelques conclusions qui pourraient constituer, en égale mesure,
des pistes pour des recherches futures.
Le régime moldave des retraites, censé renforcer la solidarité intergénérationnelle publique, s’est
montré « défaillant ». Les nouvelles règles introduites et régies en conformité avec les prescriptions
de la théorie économique standard, dont les principaux promoteurs en République de Moldavie sont
le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, n’ont apporté aucune amélioration de la
situation des retraités moldaves. Ces derniers demeurent, dix ans après la réforme structurelle du
régime des retraites, la part de la population la plus pauvre de Moldavie.
25
Dans ces conditions, la solidarité intergénérationnelle privée vient se substituer à la solidarité
intergénérationnelle publique. La première exprime l’action sociale qui résulte des conflits
institutionnels propres au système économique moldave. Les formes de la solidarité
intergénérationnelle privée varient en fonction des structures sociales dans lesquelles sont inscrits
les retraités. Elles s’expriment, le plus souvent, à l’échelle de la parenté et à celle du lieu (grâce
notamment aux relations de voisinage). Ces formes de solidarités privées ne sont pas autonomes,
bien au contraire, elles demeurent complémentaires du fait des différents types de ressources
qu’elles procurent.
Comme il a été dit au fil de ces pages, le lien social est lui aussi source d’inégalités sociales. Il peut
ainsi représenter une source de conflit social et normaliser ces conflits, à la fois. Dans l’actuelle
configuration institutionnelle moldave, le lien social joue plutôt un rôle normalisateur face à des
institutions formelles dont la légitimité s’est vue minée par des contradictions, qui leurs sont
endogènes.
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28
Annexe : Données clés sur la République de Moldavie
Carte de la République de Moldavie
Superficie : 33700 km² (proche de la taille de la Belgique)
Jalons historiques
L’actuel territoire de la République de Moldavie correspond grosso modo à celui de ladite région de Bessarabie. Cette dernière ne
représentait que la moitié de la Principauté médiévale de Moldavie (fondée en 1359). La Bessarabie fut annexée à l’Empire russe en
1812, récupérée par la Grande Roumanie en 1918 et gardée par celle-ci jusqu’en 1940, lorsqu’elle fut reprise par l’Union Soviétique.
Entre 1941 et 1944, la Bessarabie devient à nouveau roumaine. Le 28 juin 1944, pour faire suite à l’ultimatum soviétique adressé à la
Roumanie, la région est reprise par l’URSS et elle subit des modifications territoriales et administratives pour devenir désormais la
République Soviétique Socialiste Moldave, jusqu’en 1991. Le 2 septembre 1990, la Transnistrie – territoire situé dans la partie est de
la Moldavie – fait sécession. Le 27 août 1991, la Moldavie déclare sa souveraineté et son indépendance vis-à-vis de l’Union
Soviétique, pour la première fois dans son histoire.
Population au 1er janvier 201051
51
Sans la population de la Transnistrie
29
Total : 3,6 millions d’habitants
Dont :
Population rurale : 2,1 millions, soit 58,3 % du total
Femmes : 1,9 million, soit 52,8 % du total
Tableau 1 : Mouvement naturel de la population, personnes
Nouveau-nés
Décédés
Accroissement naturel
1980
79 580
40 472
39 108
1990
77 085
42 427
34 658
2000
36 939
41 224
-4 285
2009
40 803
42 139
-1 336
Source : STATISTICA
Économie, 2009
52
PIB par habitant : 16 831 MDL , soit environ 1000 euros
Évolution du PIB moldave (en MDL constants) entre 1990 et 2008, 1990 = 100 %Source : GLOBAL INSIGHT
Partenaires commerciaux : la Russie, l’Ukraine, la Roumanie
Exportations totales : 1288 millions USD
Importations totales : 3278 millions USD
52
Le Leu moldave – monnaie nationale de la République de Moldavie, adoptée en novembre 1993.
30
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