ECO n°1 7 décembre 2004 Le Club de Kyoto s´émancipe L'assemblée plénière de ce premier jour de négociations a offert aux délégués des informations claires, des appels à l'action et à l'engagement politique, ainsi que de sinistres perspectives sur les projets de l'administration Bush. M. le Ministre Garcia, dans son discours, a été très clair : les changements climatiques sont là. Les argentins s'en inquiètent. “Nous devons faire plus” at-il affirmé. Les impacts qu'a évoqués le Ministre - l'augmentation du nombre de tempêtes, la fonte des glaciers et les très inquiétants effets sur la santé humaine - nous montrent que “les changements climatiques sont déjà présents”. M. le Ministre a appelé de ses vœux les pays développés à s'orienter vers une nouveau système économique mondial centré sur de la question du climat, et qui prend en compte ses effets. Eco pense que ce responsable est sur la bonne voie ! Un message clair a été émis par de nombreuses délégations, du Japon à Tuvalu en passant par la Tanzanie (au nom des PMA) : Les impacts du changement climatique sont bien pires et arrivent bien plus vite que ce que nous avions craint. C'est pourquoi ces délégations ont prié l'administration Bush de revoir sa position et de ratifier dès maintenant le protocole de Kyoto. Le Nigeria a ainsi gentiment invité les Etats-Unis à “reconsidérer leur position et à rejoindre le club de Kyoto”. “La lutte pour la survie” a déjà commencé, a souligné la délégation tanzanienne. Et la voix des pays africains et des petits Etats Insulaires, rappelant l'urgence d'aller plus loin dans l'action et de mettre rapidement l'accent sur l'adaptation, ne doit pas passer inaperçue. L'existence même de certains de ces pays ne tient plus qu'à un fil, et les délégations doivent comprendre que leur action est déterminante pour l'avenir de millions de personnes sur la planète. L'UE semble être sur la bonne voie, en réaffirmant le besoin de maintenir l'élévation de la température en dessous de 2°C par rapport au niveau préindustriel. Cela permettra d'éviter des impacts plus importants, et de reconnaître que ceux qui sont déjà présents exigent une focalisation sur l'adaptation. Cependant leurs propositions sur ce thème restent flouent. Malheureusement, cette réalité, ne rencontre pas d'écho chez Harlan Watson et l'administration Bush. Plutôt que d'œuvrer à aider ces pays à affronter ces défis, les Etats-Unis veulent réduire à néant toute discussion à Buenos Aires sur trois importants débats pour le futur : la réunion des petits Etats insulaires à l'île Maurice, la réunion de Kobe sur l'adaptation aux catastrophes naturelles et la 14e réunion de la Commission du développement durable (CSD) portant sur l'énergie. Pourquoi cela est-il devenu si important pour les Etats-Unis de freiner toutes les discussions sur le changement climatique ? L'Administration Bush serait-elle en train de supprimer de ces discussions la question du changement climatique (en remplaçant le mot par vulnérabilité climatique) ? Comment le pays le plus puissant du monde, si fier de son système démocratique et du soutien qu'il apporte à des pays à travers le monde - hum hum - peut-il se permettre de pervertir toute discussion ? Eco demande instamment aux délégués de bien mesurer le sens des interventions états-uniennes d'aujourd'hui. S'ils font autant pour le climat qu'ils le prétendent, alors pourquoi ne le mettent-ils pas en avant dans les autres négociations ? Peut-être craignent-ils que si l'on établit un lien entre le changement climatique et les catastrophes dans une conférence officielle, la mise en cause de leur responsabilité devienne plus probable. Qui sait ? Ce que nous savons, c'est que ce type de position est immoral. Est-ce que les Etats-Unis seront prêts à payer pour le déplacement des populations des petits Etats insulaire quand le temps sera venu, ou seront-ils trop occupés à saper toute discussion possible ? Heureusement que certains pays ne les laissent pas se tirer d'affaire, et suivent de près M. Watson. Continuez ! Le Club de Kyoto, composé de pays d'Afrique, d'Amérique, d'Asie, des petits Etats insulaires, des Européens et d'autres est en train d'insuffler un peu de vie dans ces réunions. En attendant mieux. Ne tuons pas l'adaptation dans l´œuf ! Enfin ! L´adaptation est explicitement à l´ordre du jour de la COP. Il n’aura fallu pas moins de 7 COP pour y arriver ! La voix de ceux qui subissent de plein fouet les impacts du changement climatique se fait clairement entendre, malgré les dissensions au sein du groupe des G77 & Chine. Dans leurs déclarations à la séance d´ouverture hier, les PMA et le Groupe africain ont réitéré leur besoin, non pas d'un processus (encore un), mais d'actions concrètes en matière d´adaptation. Ils ont exprimé leur préoccupation quant à la lenteur de la mise en œuvre du financement des PANA par les agences d´exécution. En dehors de la Mauritanie, aucun pays francophone n´a encore préparé son PANA ! Les promesses de financement des programmes d´adaptation (UE notamment) ne doivent pas être conditionnées à un quelconque engagement des pays non-Annexe I à des réductions d'émissions pour la deuxième période d'engagement. En même temps, au sein du G77 & Chine, on doit cesser de lier l'adaptation aux mesures de réponse, quoi qu'en pensent les Saoudiens. Les pays Annexe I ont suffisamment occupé l'attention des COP (depuis COP3) pour trouver des solutions économiques à l'atténuation. Il est grand temps que les pays les plus atteints par les impacts des changements climatiques bénéficient à leur tour de l'attention des futures COP pour que des solutions soient trouvées à leurs problèmes d'adaptation, qui sont parfois des questions de survie. COP10 offre une chance à la Communauté internationale de mettre en œuvre le principe des responsabilités différenciées. Le G77 & Chine et les pays de l'annexe I doivent tout faire pour ne pas tuer l’adaptation dans l'œuf ! Diego a chopé un rhume carabiné Dimanche, Diego a débarqué enthousiaste à Buenos Aires, pensant profiter du généreux soleil argentin. Après une bonne nuit de sommeil, décidé à voir comment sera sauvé le climat, il enfile son bermuda, une chemisette et part en direction de La Rural, où se tient la COP 10. Il est d'abord étonné par l'agitation des lieux : les délégués se pressent aux réunions, les ONG aiguisent leurs arguments et les “business men” sont à l'affût de quelques bonnes affaires… Après une journée dans le Centre, Diego rentre fébrile à l'hôtel, pensant que toute cette activité lui a porté un coup sur la tête. Le lendemain, avec 40 de fièvre et un mal de gorge, il en déduit rapidement que son état ne vient pas de l'effervescence intellectuelle des participants, mais de la climatisation qui tournait à fond à la COP. Un rhume tout simplement ! Diego, resté au lit pour la journée, a largement eu le temps de méditer sur la capacité de la communauté internationale à sauver le climat, incapable de s'appliquer ce qu'elle veut imposer au commun des mortels : l'usage modéré de la climatisation par exemple ! Fossile du jour Premier prix : Etats-Unis (Cf. article “Le Club de Kyoto s’émancipe” au recto) Deuxième prix : Arabie Saoudite pour avoir l’audace d’utiliser un terme aussi barbare que “mesure de réponse” Remerciements Le Réseau Action Climat-France remercie le MEDD, la principauté de Monaco et ceux qui ont participé à ce numéro : Raphaëlle Gauthier, Philippe Quirion, Benoït Faraco, Emmanuel Martinez, Diane Vandaele, Faouzi Senhaji et l’équipe de ECO anglais. ECO français est disponible sur : www.rac-f.org