Une violente répression d`instincts puissants exercée de l`extérieur n

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" Une violente répression d’instincts puissants exercée de l’extérieur n’apporte jamais pour résultat l’extinction
ou la domination de ceux-ci, mais occasionne un refoulement qui installe la propension à entrer ultérieurement
dans la névrose. La psychanalyse a souvent eu l’occasion d’apprendre à quel point la sévérité indubitablement
sans discernement de l’éducation participe à la production de la maladie nerveuse, ou au prix de quel préjudice
de la capacité d’agir et de la capacité de jouir, la normalité exigée est acquise. Elle peut aussi enseigner quelle
précieuse contribution à la formation du caractère fournissent ces instincts asociaux et pervers de l’enfant, s’ils
ne sont pas soumis au refoulement, mais sont écartés par le processus dénommé sublimation de leurs buts
primitifs vers des buts plus précieux. Nos meilleures vertus sont nées comme formations réactionnelles et
sublimations sur l’humus de nos plus mauvaises dispositions. L’éducation devrait se garder soigneusement de
combler ces sources de forces fécondes et se borner à favoriser les processus par lesquels ces énergies sont
conduites vers le bon chemin." FREUD.
Dans un texte consacré à l’éducation, Freud a pour objectif de récuser la méthode répressive couramment
utilisée afin de civiliser le petit d’homme. Le problème soulevé porte sur la méthode et non la fin ou la
nécessité de l’éducation : que faire en effet des pulsions asociales de l’homme ? Les réprimer ou les sublimer ?
Agir de manière ferme voire violente à leur encontre afin de les museler voire de les supprimer ou bien se
contenter de les diriger vers des buts valorisés socialement, des buts reconnus comme culturels ? La thèse de
Freud penche en faveur de la seconde méthode.
S’appuyant sur deux acquis de la psychanalyse, Freud s’attache ici à justifier sa thèse en insistant sur l’échec de
la première méthode. Le moyen utilisé n’est pas adéquat à la fin projetée. La sublimation, seconde voie qui
conduit à l’humanisation de l’homme, est présentée sous son meilleur jour : elle apparaît comme un moyen
adéquat à la fin visée et constitue un principe explicatif de nos meilleures vertus.
Freud dresse le bilan négatif de la méthode répressive utilisée pour éduquer : " Une violente répression
d’instincts puissants exercés de l’extérieur n’apporte jamais pour résultat l’extinction ou la domination de
ceux-ci ". La méthode la plus couramment utilisée pour éduquer dans notre civilisation européenne est en effet
la répression. L’éducateur, le parent, le maître s’opposent de front aux instincts qui sont ici compris
dynamiquement comme des forces actives qui n’offriraient d’autre voie à l’éducateur que l’opposition d’une
force plus grande encore. Punitions, fessées sont opposées traditionnellement à ces forces innées. La violence
de l’éducation s’oppose à la violence de la nature. L’homme n’est en effet pas " cet être débonnaire " qui
aime son prochain. Il est au contraire animé à l’égard de l’autre d’intentions que la société civilisée condamne.
Ces instincts puissants le portent à tuer, piller, violer….
Les lois de l’Etat condamnent et répriment ces actes spontanés. Mais éduquer au sens d’amener un individu à
intérioriser quelques règles de conduites est nécessaire : cela évite de placer un gendarme derrière chacun,
chose impossible techniquement et qui conduirait à une régression à l’infini, le gendarme étant homme lui
aussi. Chacun a par ailleurs un intérêt personnel et vital à l’éducation : si l’homme est un loup pour l’homme,
chacun doit être protégé de son semblable. Lorsqu’on a reconnu la nécessité d’éduquer, reste le problème des
moyens car " les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels " (Malaise dans la
civilisation). L’homme ne se rend pas à la raison. La méthode " classique " est ici récusée, non pas parce que
Freud recule devant toute violence frontale, par principe, au nom de valeurs morales mais bien parce que
celle-ci est inefficace. Les effets espérés de la répression ne sont pas au rendez-vous, ne s’observent pas. Il
n’est pas ici de place pour des considérations morales : il s’agit d’être efficace simplement. L’argument de
l’inefficacité, de l’échec est opposé aux tenants de la répression.
L’éducation qui ne conduirait pas à un travail sur soi, à une transformation intérieure est vouée à l’échec : elle
n’atteint jamais son but car les instincts n’ont pas disparus et le face à face (violence de l’éducateur contre
violence des instincts) est voué à se poursuivre indéfiniment.
Supprimer les instincts est impossible, ce serait supprimer la vie même. Quant à les dominer, cela suppose une
bataille continuelle, un combat sans fin : il faudrait continuellement opposer une force à une autre pour lui
faire contrepoids.
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Quel est donc le résultat réellement obtenu, contraire à celui espéré ? " Une violente répression d’instincts
[…] occasionne un refoulement qui installe la propension à entrer ultérieurement dans la névrose. "
Freud convoque déjà ici la psychanalyse en utilisant les concepts qu’il a lui-même forgés. Définissons-les. Le
refoulement est un mécanisme de défense inconscient du moi contre la souffrance qui consiste à repousser
dans l’inconscient des représentations (images, souvenirs) lié à une pulsion ou instinct, lorsque cette dernière
entraîne du déplaisir (souffrance) par rapport à d’autres exigences, sociales, morales par exemple. Le
refoulement est une sorte d’oubli qui ôte de la conscience un des éléments du conflit psychique à l’origine de
la souffrance.
L’individu est en effet déchiré entre ses pulsions sexuelle ou agressive qui cherche leur satisfaction et les
interdits que la civilisation ou que la réalité physique tout simplement leur oppose.
L’intériorisation de ses interdits, engendrée par l’éducation a pour effet d’importer au cœur de l’individu lui-
même le conflit. Comment sortir alors du conflit et de la souffrance qu’il engendre ? En boutant hors de la
conscience l’un des deux termes du conflit. Supprimer le conflit en supprimant de la conscience un des deux
termes en présence est l’opération du refoulement. Cependant, le refoulement lui-même " installe la
propension à entrer ultérieurement dans la névrose. " Le refoulé, produit du refoulement ne disparaît pas du
seul fait qu’il n’est plus conscient. Ce qui est oublié n’a pas pour autant disparu et pourrait de manière
déguisée revenir hanter la conscience sous la forme d’un symptôme.
Telle scène traumatique (expression du conflit) s’exprimera alors sous la forme d’un symptôme corporel. Le
corps rejoue la scène traumatique dans une " langue " que le sujet ne comprend pas. Le symptôme est le retour
du refoulé déguisé, refoulé mis à la porte de la conscience mais qui revient par la fenêtre troubler l’individu.
Celui-ci sombre alors dans la névrose, maladie psychique mais qui affecte aussi le corps (cf. les symptômes
corporels tels les paralysies, contractures des membres, vomissements…)
La névrose comme toute maladie est invalidante socialement : le malade ne peut plus mener une vie sociale et
affective normale. Si l’on considère que le but de l’éducation est d’empêcher l’expression d’instincts
asociaux, qui perturbent, menacent la vie du groupe et donc des individus qui le composent, la méthode
répressive va à l’encontre non seulement des instincts qu’elle souhaite annihiler mais encore de la société et
de la civilisation elles-mêmes. En effet, le névrosé souffre en tant qu’individu mais il est aussi inutile à la
société elle-même, incapable d’" aimer et [de] travailler ", actes par lesquels Freud définit la normalité. Le
malade est incapable de s’intégrer socialement : l’éducation répressive participe donc de la production de la
maladie nerveuse, but qu’elle n’avait certainement pas visé !
L’argument de l’inadéquation du moyen à la fin et de l’échec de l’éducation répressive est présenté comme un
acquis, un enseignement de la psychanalyse dont Freud est le père : " La psychanalyse a souvent eu l’occasion
d’apprendre à quel point la sévérité indubitablement sans discernement de l’éducation participe à la
production de la maladie nerveuse…… " Freud s’appuie ici sur le matériel expérimental fourni par ses
malades lors de la cure psychanalytique. Freud s’est instruit au contact des faits et de leur éclairage et
explication psychanalytiques.
Qu’est donc la psychanalyse ? Pas seulement une méthode de traitement des désordres névrotiques ; auquel
cas elle ne concernerait que les malades et n’aurait rien à nous dire au sujet de l’éducation, qui concerne
chacun. Freud la définit comme un procédé d’investigation de processus mentaux à peu près inaccessibles
autrement et comme une série de conceptions psychologiques qui forment finalement une nouvelle discipline
scientifique.
Grâce à l’association libre d’idées, Freud a accès à des données insoupçonnées des pères fouettards, au destin
des pulsions ou instincts par exemple (cf. son premier argument/enseignement) ou encore au mécanisme
inconscient du refoulement. Ces enseignements de la psychanalyse sont présentés comme étant sûrs, la
psychanalyse étant elle-même comprise comme une science.
Mais la maladie invalidante comprise psychanalytiquement n’est pas la seule réalité qui plaide en faveur
d’une autre méthode éducative. La psychanalyse nous apprend aussi " au prix de quel préjudice de la capacité
d’agir et de jouir la normalité est exigée ". Freud semble ici répondre par avance à une objection : on pourrait
en effet lui opposer que cette méthode répressive n’a finalement pas que du mauvais, qu’elle a donné par le
passé des résultats acceptables, que la civilisation européenne elle-même en est le produit étant donné qu’elle
a été systématiquement mise en œuvre.
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On a toujours repris les enfants, punis les méchants…Freud reconnaît lui-même que " la normalité exigée est
acquise ". Les tenants de cette éducation pourraient donc eux aussi s’autoriser des faits et des résultats
obtenus ! Faits contre faits et enseignement de l’histoire contre enseignement d’une toute nouvelle science : à
ce compte-là, Freud risquerait bien d’être mis en difficulté. Un nouvel enseignement et un nouvel argument
donc sont opposés. Si l’on fait les comptes, si l’on tente d’évaluer les bénéfices d’une telle éducation, on peut
la considérer comme peu "rentable" et s’écrier " quel gâchis ! ".
La capacité d’agir est diminuée : les instincts sont en effet des forces fécondes, qui poussent à l’action, qui
tendent vers un but. Réprimées, ces forces sont détournées, comme rentrées, voire retournées contre soi (cf. la
pulsion agressive ne trouble plus le prochain mais se retourne contre l’individu lui-même qui se mutile, se
bride et se brime).
L’individu devient timide, paralysé, arrêté dans ses élans ; l’impulsion à l’action est toujours là, donnée par
l’instinct, mais elle ne s’actualise pas, ne conduit à aucune œuvre. La société, la civilisation répressives sont
elles-mêmes victimes de cette diminution de la capacité d’agir de leurs membres. Finalement, ni l’individu,
malheureux, ni la civilisation n’y trouvent leur compte. Dans l’intérêt social bien compris, il est préférable de
renoncer à ce type d’éducation. Une société n’a pas intérêt à se couper de ces forces vives que sont les
instincts. Quel bénéfice pourrait-elle escompter d’individus amputés ou malades ? Un bénéfice moins grand
que celui qu’elle retirerait d’une autre méthode : favoriser la sublimation.
Après avoir mis en coupe réglée l’éducation répressive, Freud fait ressortir tout l’intérêt de la psychanalyse :
on peut aussi se fonder sur elle pour construire, apporter des solutions et pas seulement critiquer, réfuter. En
effet " la psychanalyse peut aussi enseigner quelle précieuse contribution à la formation du caractère
fournissent ces instincts asociaux et pervers de l’enfant…. " L’homme n’est pas un animal sociable : la
pulsion de mort, pulsion agressive qui l’anime tend en effet à dissoudre le lien social, à détruire toute forme
complexe d’organisation.
C’est pourquoi l’éducation est nécessaire, aux yeux mêmes de ceux qui sont déjà intégrés socialement. Mais
quelle éducation ? Freud répond implicitement que l’éducation doit se proposer d’intégrer socialement et de
former le caractère. Qu’est-ce que le caractère ? Est-ce la personnalité ? Ou plutôt ici l’ensemble des
caractéristiques d’un individu qui a cessé de faire l’enfant, de n’être qu’un enfant, qui ne vit donc plus
seulement selon le principe de plaisir qui régit les pulsions, mais aussi le principe de réalité qui régit le monde
physique et humain. Avoir du caractère consiste justement à être en mesure d’affronter la réalité, de lui
imprimer sa marque, de lui résister mais aussi et surtout de résister à ses propres impulsions.
Contre l’individu paralysé, timoré qu’enfante l’éducation répressive, Freud insiste ici sur la force que
représentent les instincts avec lesquels il faut compter, force qui doit être exploitée et non diminuée. Mais
rappelons-nous que ces instincts sont " asociaux et pervers " : il ne saurait être question de les laisser
s’exprimer brutalement.
encore, Freud ne récuse pas la nécessité de l’éducation mais propose une autre méthode afin de civiliser.
Les instincts ne peuvent disparaître ou être soumis, dominés mais ne peuvent pas non plus être laissés à leur
spontanéité ; la solution consistera donc à les " écart[er] par le processus dénommé sublimation de leurs buts
primitifs vers des buts plus précieux ".
Prenons le cas de la pulsion sexuelle. De ce point de vue, l’enfant est " un pervers polymorphe. " Sa sexualité
est primitivement auto-érotique. On ne laissera pas la pulsion sexuelle de l’enfant se satisfaire par cet objet
qu’il est pour lui-même mais on ne brisera pas pour autant cette force féconde. La pulsion sexuelle ne vise pas
du tout originairement dit Freud, dans La vie sexuelle, la reproduction.
La tâche de l’éducation sera de limiter ce stade de l’auto-érotisme car sa prolongation rendrait la pulsion
sexuelle impossible à contrôler ultérieurement. Il s’agit en fait de canaliser la pulsion vers le sexe opposé... et
la reproduction. La pulsion agressive peut être également sublimée : l’agressivité de l’enfant à l’égard de
l’autre enfant peut être d’un secours précieux lorsqu’il s’agit d’apprendre et de progresser, d’être le meilleur
en maths ou à la course à pieds. Mais qu’est-ce au juste que la sublimation ?
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Elle est d’abord la solution freudienne apportée au problème de l’éducation : la méthode adéquate, la moins
coûteuse pour l’individu et la société. Au lieu de s’épuiser à combattre de front les pulsions, la société peut en
faire un usage fécond : nos "trésors de civilisation" en sont les fruits. L’individu lui-même n’est pas privé de
satisfaction ou de jouissance puisqu’il satisfait grâce à elle ses pulsions mais de telle manière que cette
satisfaction n’est pas obtenue au détriment de la paix sociale et des plus hautes valeurs de l’humanité. On
pourrait dire que tous y trouvent donc leur compte et le meilleur compte. La sublimation consiste plus
précisément à détourner les pulsions de vie ou de mort vers des objets valorisés, reconnus socialement.
Quelle est sa condition de possibilité ? Le fait même que la pulsion n’ait pas d’objet " attitré " naturellement.
En effet, le but de la pulsion ou de l’instinct est la suppression de la tension générée par une excitation
corporelle. La tension psychique pulsionnelle est trop forte et est vécue comme déplaisir ou souffrance. Il
s’agit donc de ramener la quantité excitation psychique a un niveau supportable, normal. Ce qui est fait
lorsque la pulsion atteint son but (supprimer la tension, ce qui procure satisfaction ou plaisir) et trouve son
objet : ce par quoi le but est atteint. Cet objet est donc relativement indéterminé.
A l’éducation de donner à la pulsion son objet, d’orienter la pulsion vers un objet. Non seulement, les
individus ne seront plus frustrés et agressifs pour cause de frustration mais ils seront vertueux. L’éducation
vise aussi à la vertu et la sublimation, comme moyen d’éduquer, y conduit. Les exigences morales élevées de
l’adolescent en matière de justice sont comprises par Freud comme un effet de la sublimation de la pulsion
sexuelle lors de la période de latence, période pendant laquelle la libido semble endormie, qui précède le stade
génital où la libido, pulsion sexuelle, se fixe alors, pour le plus grand nombre sur le sexe opposé.
L’origine de la vertu proposée par Freud est étonnante : « Nos meilleures vertus sont nées comme formations
réactionnelles et sublimations sur l’humus de nos plus mauvaises dispositions ". Freud se garde bien ici de
moraliser et même on peut dire qu’il désacralise la vertu. Il parle en scientifique, se gardant de tout jugement
de valeur. Il choisit néanmoins son camp : celui de la culture ou de la civilisation qui selon lui " désigne la
totalité des œuvres et des organisations dont l’institution nous éloigne de l’état animal de nos ancêtres et qui
servent deux fins : la protection de l’homme contre la nature et la réglementation des relations des hommes
entre eux " (Malaise dans la civilisation)
La nature n’est ni bonne ni mauvaise en soi mais il ne saurait être question de sacrifier le meilleur à notre
spontanéité pulsionnelle aveugle. Les comptes sont en effet vite faits : qui renoncerait aux arts, aux sciences,
aux techniques…, aux agréments qu’ils procurent, aux intérêts qu’ils ont, pour satisfaire des pulsions aux buts
primitifs au deux sens du terme (ce qui nous conduirait à notre propre perte) et qui peuvent néanmoins l’être
si elles sont sublimées ? Les pulsions seront donc satisfaites mais en prime, nous disposerons des trésors de
civilisation qui n’auraient pas vu le jour sans la sublimation.
La conséquence peut désormais être tirée : " l’éducation devrait se garder soigneusement de combler ces
sources fécondes et se borner à favoriser les processus par lesquels ces énergies sont conduites vers le bon
chemin. " La pulsion est là encore comprise de manière dynamique, énergétique. Freud développe une
conception quasi mécanique (la mécanique étant une partie de la physique qui étudie les lois du mouvement)
du psychisme : il dégage les " lois " du mouvement des forces psychiques en présence.
L’éducation doit " se borner à " ; conformément à l’étymologie, il s’agit de conduire, de diriger, de guider et
non de réprimer, de briser sans pour autant renoncer au progrès moral et aux avancées culturelles. Freud,
s’appuyant sur la psychanalyse, sans faire d’angélisme mais sans jouer non plus les pères fouettards, ne
renonce pas ici à éduquer : il propose simplement une nouvelle méthode qui s’inscrit dans le fil de ses
découvertes scientifiques. Ce faisant, il réconcilie les exigences de l’individu et les exigences sociales et
culturelles.
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Cependant, la solution freudienne repose sur des acquis, des enseignements de la psychanalyse comme
science. Or, la psychanalyse ne semble pas s’élever au niveau des exigences de la science. Elle ne remplit pas
le cahier des charges établi par Popper. Si la réfutabilité ou la falsifiabilité caractérise la démarche
scientifique, force est de constater que la psychanalyse est irréfutable. Toute objection y est interprétée
comme un effet de la résistance, force inconsciente et mécanisme de défense contre la souffrance qui interdit
aux désirs inconscients l’accès à la conscience en l’absence de toute transformation destinée à les travestir.
La psychanalyse n’a ainsi pas d’extériorité ! Comment pourrait-elle sans contradiction s’appuyer sur des faits
puisqu’elle les récuse comme autre et n’a jamais affaire en définitive qu’à des interprétations. Le refoulement
lui-même est considéré comme prouvé par l’existence de la résistance que nous manifestons (paraît-il) à
prendre conscience du refoulé. Mais est-ce bien la "résistance" au sens Freud l’entend qui se manifeste ?
Ainsi, la solution apportée par Freud ne vaut que ce que vaut ce sur quoi elle prend appui et qui paraît bien
fragile quoique cohérent.
On pourrait aussi, plus radicalement peut-être, reprocher à Freud sa timidité. Pourquoi en effet adapter, ne
serait-ce que par le biais de la sublimation l’individu à la société, aux exigences sociales ? Pourquoi s’adapter
à une société que Marcuse par exemple trouve injuste et qui a précisément provoqué la névrose ?
Marcuse met en avant le fait que la société capitaliste exige de l’individu du travail à outrance, travail qui est
l’effet d’une sublimation, fruit des forces utilisées mais qui dépasse largement le nécessaire à la satisfaction
des besoins vitaux et sociaux. Ce sur-travail exigé servirait en fait l’intérêt égoïste des classes dominantes. (cf.
la plus-value) Ainsi, non seulement la répression mais la sublimation à tout crin ne seraient pas exigées par la
civilisation mais par l’égoïsme de quelques-uns. La solution au problème posé par les pulsions asociales ne
serait donc plus (seulement) pédagogique mais politique et philosophique. La sublimation profite-t-elle bien à
tous ?
En effet, les fins de la sublimation doivent être questionnées et fondées. Les valeurs de la civilisation
européenne doivent être évaluées par une raison critique qui suppose une distance. Si la sublimation consiste à
déplacer les pulsions vers des fins et objets plus élevés, ces derniers doivent faire l’objet d’une interrogation
philosophique et politique large, englobante qui permette de les évaluer sans préjugé. Quelles sont les fins que
l’on peut légitimement proposer aux pulsions sans renoncer à l’intérêt commun ?
Le problème posé était le suivant : que faire de nos instincts : les réprimer ou les sublimer ? Comment
concilier l’intérêt des individus et les exigences sociales ? Se fondant sur ces travaux, la meilleure solution
selon Freud est de les sublimer mais l’on peut se demander : jusqu’à quel point et comment le faire sans
interdire, sans réprimer quelque peu ? D’autre part, il faut rappeler que cette solution ne vaut que si les thèses
psychanalytiques sont certaines, ce qui ne semble pas le cas. (Voir la critique radicale menée par Sartre)
La solution au problème de l’éducation devra, quoiqu’il en soit, passer par une réflexion philosophique et
politique de grande ampleur, débordant la psychanalyse elle-même, pour interroger les vertus auxquelles la
sublimation est censée donner naissance. On peut se rappeler à cette occasion, avec Spinoza, que la vertu peut
être fausse et n’être en réalité qu’un vice déguisé. La haine des assassins est socialement moins dangereuse
que la haine des magistrats mais elle ne rend pas l’homme meilleur ni plus heureux, la haine étant toujours
une passion, triste qui plus est !
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