On a toujours repris les enfants, punis les méchants…Freud reconnaît lui-même que " la normalité exigée est 
acquise ".  Les  tenants  de  cette  éducation  pourraient  donc  eux  aussi  s’autoriser  des  faits  et  des  résultats 
obtenus ! Faits contre faits et enseignement de l’histoire contre enseignement d’une toute nouvelle science : à 
ce compte-là, Freud risquerait bien d’être mis en difficulté. Un nouvel enseignement et un nouvel argument 
donc sont opposés. Si l’on fait les comptes, si l’on tente d’évaluer les bénéfices d’une telle éducation, on peut 
la considérer comme peu "rentable" et s’écrier " quel gâchis ! ".  
 
La capacité d’agir est diminuée : les instincts sont en effet des forces fécondes, qui poussent à l’action, qui 
tendent vers un but. Réprimées, ces forces sont détournées, comme rentrées, voire retournées contre soi (cf. la 
pulsion agressive ne trouble plus le prochain mais se  retourne  contre l’individu lui-même qui se mutile, se 
bride et se brime).  
 
L’individu devient timide, paralysé, arrêté dans ses élans ; l’impulsion à l’action est toujours là, donnée par 
l’instinct, mais elle ne s’actualise pas, ne conduit à aucune œuvre. La société, la civilisation répressives sont 
elles-mêmes victimes de cette diminution de la capacité d’agir de leurs membres. Finalement, ni l’individu, 
malheureux, ni la civilisation n’y trouvent leur compte. Dans l’intérêt social bien compris, il est préférable de 
renoncer  à  ce  type  d’éducation.  Une  société  n’a  pas  intérêt  à  se  couper  de  ces  forces  vives  que  sont  les 
instincts. Quel bénéfice pourrait-elle escompter d’individus amputés ou malades ? Un bénéfice moins grand 
que celui qu’elle retirerait d’une autre méthode : favoriser la sublimation.  
Après avoir mis en coupe réglée l’éducation répressive, Freud fait ressortir tout l’intérêt de la psychanalyse : 
on peut aussi se fonder sur elle pour construire, apporter des solutions et pas seulement critiquer, réfuter. En 
effet  "  la  psychanalyse  peut  aussi  enseigner  quelle  précieuse  contribution  à  la  formation  du  caractère 
fournissent  ces  instincts  asociaux  et  pervers  de  l’enfant…. "  L’homme  n’est  pas  un  animal  sociable  :  la 
pulsion de mort, pulsion agressive qui l’anime tend en effet à dissoudre le lien social, à détruire toute forme 
complexe d’organisation.  
C’est pourquoi l’éducation est nécessaire, aux yeux mêmes de ceux qui sont déjà intégrés socialement. Mais 
quelle éducation ? Freud répond implicitement que l’éducation doit se proposer d’intégrer socialement et de 
former  le  caractère.  Qu’est-ce  que  le  caractère  ?  Est-ce  la  personnalité  ?  Ou  plutôt  ici  l’ensemble  des 
caractéristiques  d’un  individu  qui  a  cessé  de  faire  l’enfant,  de  n’être  qu’un  enfant,  qui  ne  vit  donc  plus 
seulement selon le principe de plaisir qui régit les pulsions, mais aussi le principe de réalité qui régit le monde 
physique  et  humain.  Avoir  du  caractère  consiste  justement  à  être  en  mesure  d’affronter  la  réalité,  de  lui 
imprimer sa marque, de lui résister mais aussi et surtout de résister à ses propres impulsions.  
Contre  l’individu  paralysé,  timoré  qu’enfante  l’éducation  répressive,  Freud  insiste  ici  sur  la  force  que 
représentent les instincts avec lesquels il faut compter, force qui doit être exploitée et non diminuée. Mais 
rappelons-nous  que  ces  instincts  sont  "  asociaux  et  pervers  "  :  il  ne  saurait  être  question  de  les  laisser 
s’exprimer brutalement.  
Là encore, Freud ne récuse pas la nécessité de l’éducation mais propose une autre méthode afin de civiliser. 
Les instincts ne peuvent disparaître ou être soumis, dominés mais ne peuvent pas non plus être laissés à leur 
spontanéité ; la solution consistera donc à les " écart[er] par le processus dénommé sublimation de leurs buts 
primitifs vers des buts plus précieux ".  
Prenons le cas de la pulsion sexuelle. De ce point de vue, l’enfant est " un pervers polymorphe. " Sa sexualité 
est primitivement auto-érotique. On ne laissera pas la pulsion sexuelle de l’enfant se satisfaire par cet objet 
qu’il est pour lui-même mais on ne brisera pas pour autant cette force féconde. La pulsion sexuelle ne vise pas 
du tout originairement dit Freud, dans La vie sexuelle, la reproduction.  
La  tâche  de  l’éducation  sera  de  limiter  ce  stade  de  l’auto-érotisme car sa prolongation rendrait la pulsion 
sexuelle impossible à contrôler ultérieurement. Il s’agit en fait de canaliser la pulsion vers le sexe opposé... et 
la  reproduction.  La  pulsion  agressive  peut  être  également  sublimée  :  l’agressivité  de  l’enfant  à  l’égard  de 
l’autre enfant peut être d’un secours précieux lorsqu’il s’agit d’apprendre et de progresser, d’être le meilleur 
en maths ou à la course à pieds. Mais qu’est-ce au juste que la sublimation ?